Découvrez des millions d'e-books, de livres audio et bien plus encore avec un essai gratuit

Seulement $11.99/mois après la période d'essai. Annulez à tout moment.

Les nouvelles voix de l'Europe: Analyse des consultations citoyennes
Les nouvelles voix de l'Europe: Analyse des consultations citoyennes
Les nouvelles voix de l'Europe: Analyse des consultations citoyennes
Livre électronique557 pages5 heures

Les nouvelles voix de l'Europe: Analyse des consultations citoyennes

Évaluation : 0 sur 5 étoiles

()

Lire l'aperçu

À propos de ce livre électronique

Comment l’Union européenne peut-elle parvenir à mieux informer et communiquer avec ses citoyens ? Quelles sont les initiatives participatives et délibératives qu’elle a promues à ces fins ? Peuvent-elles contribuer à atténuer sa crise de légitimité chronique ? Devraient-elles être institutionnalisées à l’intérieur du processus décisionnel européen? Et si oui, comment procéder ? Autant de questions auxquelles cet ouvrage apporte des réponses concrètes, grâce à ses analyses – réalisées par des experts reconnus dans le domaine de la démocratie délibérative – des principales expériences participatives promues par l’Union européenne. En comparant les différentes tentatives d’accroître l’engagement des citoyens et en évaluant leur impact, cet ouvrage propose une contribution importante et originale sur le potentiel des innovations visant à renforcer la légitimité démocratique de l’Union européenne. « L’Europe est à la croisée des chemins : soit elle développe la participation des citoyens en vue d’accroître sa légitimité politique, soit son existence sera menacée. Ce livre nous aide à mieux comprendre comment la première voie pourrait être crédible. » Yves Sintomer, Université Paris 8, France « Ce livre apporte une contribution opportune et originale sur l’efficacité des expériences délibératives au niveau européen. » Lucy Hatton, Journal of Common Market Studies, 2014
LangueFrançais
Date de sortie23 mai 2014
ISBN9782879742656
Les nouvelles voix de l'Europe: Analyse des consultations citoyennes

En savoir plus sur Philippe Poirier

Auteurs associés

Lié à Les nouvelles voix de l'Europe

Livres électroniques liés

Sciences sociales pour vous

Voir plus

Articles associés

Catégories liées

Avis sur Les nouvelles voix de l'Europe

Évaluation : 0 sur 5 étoiles
0 évaluation

0 notation0 avis

Qu'avez-vous pensé ?

Appuyer pour évaluer

L'avis doit comporter au moins 10 mots

    Aperçu du livre

    Les nouvelles voix de l'Europe - Philippe Poirier

    couverturepagetitre

    Des reproductions peuvent être autorisées par luxorr (Luxembourg Organisation for Reproduction Rights) www.luxorr.lu

    Pour toute information sur notre fonds et les nouveautés dans votre domaine de spécialisation, consultez notre site web : www.promoculture-larcier.com

    © DBIT s.a. département Promoculture-Larcier 2014

    Membre du Groupe Larcier

    7, rue des 3 Cantons

    L-8399 Windhof

    Tous droits réservés pour tous pays.

    Il est interdit, sauf accord préalable et écrit de l’éditeur, de reproduire (notamment par photocopie) partiellement ou totalement le présent ouvrage, de le stocker dans une banque de données ou de le communiquer au public, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit.

    Traductions de Vince Arnaudiès

    ISSN 2309-0073

    EAN : 978-2-87974-265-6

    Cette version numérique de l’ouvrage a été réalisée par Nord Compo pour le Groupe Larcier. Nous vous remercions de respecter la propriété littéraire et artistique. Le « photoco-pillage » menace l’avenir du livre.

    Sommaire

    Biographie des auteurs

    Préface, par Viviane Reding

    Préface, par Philippe Poirier

    Remerciements

    Introduction (Raphaël Kies and Patrizia Nanz)

    PARTIE 1

    Cadre contextuel et théorique

    CHAPITRE 1

    La nouvelle politique de communication de l’Europe et l’introduction des processus délibératifs citoyens (Mundo Yang)

    CHAPITRE 2

    La gouvernance européenne et le défi délibératif (Dawid Friedrich)

    PARTIE 2

    Étude de cas

    CHAPITRE 1

    La Consultation des citoyens européens : Une vaste consultation sur un sujet vague (Raphaël Kies, Monique Leyenaar, Kees Niemöller)

    CHAPITRE 2

    Vers une sphère publique européenne : le projet EuroPolis (Pierangelo Isernia, James Fishkin, Jürg Steiner, Danilo Di Mauro)

    CHAPITRE 3

    Parler dans le vent ? Discussion autour de la qualité de la délibération dans le projet Ideal-EU (Julien Talpin, Laurence Monnoyer-Smith)

    CHAPITRE 4

    Associer inclusion et impact sur la décision ? La consultation en ligne de la Commission Européenne sur l’Initiative Citoyenne (Romain Badouard)

    CHAPITRE 5

    La qualité délibérative de l’Agora des citoyens (Léa Roger)

    PARTIE 3

    Analyses comparatives

    CHAPITRE 1

    Concevoir les innovations démocratiques au niveau européen : Les leçons tirées des expériences (Graham Smith)

    CHAPITRE 2

    Une comparaison des modèles délibératifs et de leur impact politique dans l’UE et dans le monde (John Gastil)

    Biographie des auteurs

    Romain Badouard est titulaire d’un Ph.D. de l’Université de Technologie de Compiègne (France). Ses recherches traitent de l’implémentation des outils de « e-governement » à l’intérieur des institutions européennes, et s’intéressent plus particulièrement à la manière dont ceux-ci engendrent de nouveaux modes d’interaction entre institutions et citoyens. Il est également membre du programme de recherche Vox Internet, qui est financé par l’Agence Nationale de recherche en France, spécialisé dans les dimensions techniques et politiques de la gouvernance Internet.

    James Fishkin est un professeur du Departement de Communication de l’université de Stanford. Fishkin est un universitaire largement cité pour son travail sur la démocratie délibérative. Avec Robert Luskin, il a été le pionnier d’un modèle de délibération dénommé Deliberative Poll (consultation délibérative). Il est l’auteur de The Voice of the People : Public Opinion and Democracy (Yale University Press, 1995), Debating Deliberative Democracy (with Peter Laslett) (Blackwell Publishing Limited, 2003).

    Dawid Friedrich est professeur adjoint en Relations Internationales auprès du Centre d’études de la démocratie de l’université Leuphana à Lüneburg, Allemagne. Ses thèmes de recherche couvrent la démocratie européenne et mondiale, la relation entre législation et politique et les questions de droits personnels post-nationaux et de citoyenneté. C’est l’auteur de Regulated Deliberative Participation. The Presence and Future of an Organised Civil Society in the European Union et Transnational Civil Society and the European Union, in Bailey, David and Wunderlich, Uwe (eds.) The European Union and Global Governance – A Handbook (2008).

    John Gastil est un professeur du Département de Communication de l’université de Washington, où il est spécialisé dans la délibération politique et la décision de groupe. C’est l’auteur de Political Communication and Deliberation, The Deliberative Democracy Handbook, Democracy in Small Groups et d’autres livres et publications universitaires.

    Pierangelo Isernia est professeur adjoint en Relations Internationales et de Méthodologie de recherche à l’université de Sienne. Il a récemment publié La democrazia in un ambiente ostile : un quasi-esperimento deliberativo sul caso della TAV e del diritto di voto a Torino, Stato e Mercato. 3, 2008 (avec Luigi Bobbio, Irena Fiket, Anna Manca and Noemi Podestà) et Attachment to the Nation and International Relations : Probing the dimensions of identity and their relationship to war and peace, Political Psychology, n. 4 2009 (avec Richard Herrmann and Paolo Segatti).

    Raphaël Kies est titulaire d’un Ph.D. de l’European University Institute et actuellement chercheur à l’Université de Luxembourg. Ses principaux thèmes de recherche sont : la démocratie délibérative, la e-democracy, le comportement électoral, et l’intégration européennes. Il a récemment publié les deux ouvrages : Promises and Limits of Web deliberation (Palgrave, 2010) et Luxembourg : the inclusive challenge in a local state, dans J. Loughlin, F. Hendriks and A. Lidstrom (eds.), The Oxford Handbook of Local and Regional Democracy in Europe (Oxford University Press, 2010) (avec Patrick Dumont et Philippe Poirier).

    Monique Leyenaar est Professeure de politique comparative à l’université de Radboud, Nijmegen aux Pays-bas. Ses principaux thèmes de recherche sont : la participation des citoyens, la réforme démocratique et électorale et genre & politique (égalité hommes-femmes en politique). Elle a récemment publié les deux ouvrages : Challenges to Women’s Political Representation in Europe. Signs : Journal of Women in Culture and Society, 34 (1), 2008, 1-7 ; Citizen Jury, dans N. Kersting (Ed.), Moderne politischer Partizipation. Eine Einführung, Wiesbaden : VS Verlag für Sozialwissenschaften 2008, 209-221.

    Danilo di Mauro est un chercheur postdoctoral boursier en sciences politiques et relations internationales. Il a rejoint le CIRCaP en février 2009 après avoir obtenu son PhD en Sciences politiques à l’Institut italien de sciences humaines (SUM) à Florence. Ses thèmes essentiels de recherche comprennent les relations internationales, le Proche-Orient, la démocratie, la politique européenne, l’opinion publique, la politique européenne et la méthodologie.

    Laurence Monnoyer-Smith est à la tête des études des médias à l’Université de Compiègne où elle donne l’exposé d’introduction de l’étude des médias. Son travail se concentre sur l’utilisation de l’ICT en politique afin d’améliorer la participation politique. Elle a participé à plusieurs contrats franco/européens sur le vote électronique et la délibération électronique depuis 1999 et a publié beaucoup d’articles sur le sujet.

    Patrizia Nanz est professeure de théorie politique à l’université de Brême, Allemagne. Ses thèmes de recherche sont les théories démocratiques, la délibération politique et la participation publique. C’est l’auteur de Europolis. Constitutional Patriotism beyond the Nation State 2006 (Traduction de l’italien : Europolis. Un’idea controcorrente di integrazione politica, 2009) et de Handbuch Bürgerbeteiligung. Verfahren – Akteure, Chancen und Grenzen (avec Miriam Fritsche) 2010.

    Léa Roger est assistante de recherche et étudiante en PhD à l’université Helmut-Schmidt à Hambourg, Allemagne. Ses thèmes de recherche sont les théories de délibération, les études parlementaires et l’intégration européenne.

    Graham Smith est Professeur de politiques auprès du Centre for Citizenship, Globalization and Governance at the University of Southhampton, UK. Ses domaines de recherche sont la théorie et pratique démocratique, politique environnementale, économie sociale et le secteur tertiaire. C’est l’auteur de Democratic Innovations. Designing Institutions for Citizen Participation (Cambridge, 2009) et Deliberative Democracy and the Environment, (Routledge, 2003).

    Jürg Steiner est professeur émérite à l’Université de Berne, Suisse, ainsi qu’à la University of North Carolina at Chapel Hill, États-Unis. Ses dernières publications sont : Deliberative Politics in Action, (Cambridge University Press, 2004) et European Democracies, (7th edition, Longman Publishing, 2010).

    Julien Talpin est un chercheur postdoctoral boursier auprès du Centre de Recherches Sociologiques et Politiques de Paris (CRESPA/CNRS), France. Il a obtenu son Ph.D. à l’European University Institute, en traitant d’expériences de budgétisation participative européennes, et en aprofondissant plus spécialement la construction de la compétence civique et les procedés d’aprentissage résultant de la déliberation.

    Mundo Yang est politologue. Ses thèmes de recherche comprennent l’implication du citoyen, l’internet, les médias et la sphère publique. Il est actuellement en train de finaliser sa thèse de Ph.D. sur les cultures discursives dans les espaces de participation politique et travaille à l’Université de Brême. Auparavant il a travaillé au Centre de Recherches en Sciences Sociales de Berlin (WZB) et à l’Université de Siegen.

    Préface

    Les nouvelles voix de l’Europe :

    Analyse des consultations citoyennes

    Viviane REDING

    De Luxembourg à Sienne, de Brême à Southampton, partout dans l’UE des chercheurs ont réfléchi au rôle des citoyens dans le processus démocratique européen. La publication de cette étude arrive à point nommé, et ce, pour trois raisons :

    Premièrement : Les citoyens sont au coeur du projet européen.

    Comme nous le rappellent les textes fondateurs de l’union européenne, et en particulier la Charte des droits fondamentaux, le projet Européen a été pensé et mis en œuvre pour les citoyens de l’Europe :

    « Les peuples de l’Europe, en établissant entre eux une union sans cesse plus étroite, ont décidé de partager un avenir pacifique fondé sur des valeurs communes. »

    Dans une plus grande mesure, les citoyens sont au cœur du projet européen. La Commission Barroso a adopté son premier rapport sur la citoyenneté en 2010, en identifiant/déterminant des actions concrètes dont l’implémentation a été suivie de près.

    Il y a beaucoup d’exemples d’effets de la législation européenne sur la vie quotidienne des citoyens, telles que la protection des données personnelles. Alors que les européens passent de plus en plus de temps sur l’internet, le fait de protéger leurs données personnelles a un impact direct sur les citoyens et a un impact bénéfique sur leurs vies quotidiennes.

    Il y a beaucoup de manières par lesquelles le projet européen a influencé et amélioré la vie des citoyens, depuis les mesures pour stimuler l’économie et relancer la croissance à la compatibilté universelle des chargeurs de téléphones mobiles, et au financement de projets qui touchent à la citoyenneté.

    Deuxièmement : l’Europe est à l’écoute de ses citoyens et les invite à s’impliquer plus activement.

    Mettre les citoyens au cœur de l’Europe sous-entend : les écouter et les inviter à jouer un rôle plus important.

    Pour beaucoup, ce qui vient à l’esprit, ce sont les droits qui on été gravés depuis des décennies dans les traités européens. Tout d’abord, cela veut dire : le droit de vote aux élections européennes, le droit d’adresser une pétition et le droit de transmettre des dossiers à l’Ombudsman européen.

    Ensuite viennent les occasions de contribuer à la définition et l’application de la législation européenne au niveau européen. Bien que moins visible, l’impact de ces possibilités est tout autant réel.

    Les élections législatives nationales ne sont-elles pas une chance pour les peuples de choisr une majorité dont les ministres représentera leur pays au niveau du Conseil Européen ?

    À un moment où les législations nationales et européennes sont étroitement imbriquées, les occasions pour les citoyens de faire entendre leur voix au niveau national prennent une dimension européenne.

    Enfin, la première consultation ouverte à 500 millions de citoyens a été lancée en mai 2012, qui les invite à s’engager et à exprimer leurs opinions sur les droits des citoyens européens et à dire quelle Europe ils souhaitent voir en 2020.

    L’Europe est créative, elle se donne les moyens d’être vraiment à l’écoute des citoyens – elle les rencontre, débat avec eux et leur consacre une année européenne.

    Troisièmement : l’Europe a besoin d’une plus grande participation des citoyens, qui nous permette de grandir ensemble en nous renforçant.

    Pour répondre aux défis sociaux auxquels nous sommes confrontés, il nous faut plus de solidarité en Europe. Tout un chacun doit avoir le droit de travailler et de trouver sa place dans la société. À travers l’aspect social de notre stratégie Europe 2012, c’est dans ce but que nous travaillons assidument.

    Pour être sûrs que l’Europe représente ses citoyens, nous souhaitons une large contribution à la consultation de 2012, un haut niveau de participation, et une réponse enthousiaste à la question : quelle Europe voulez-vous en 2020 et au-delà ?

    Dernier point, mais non le moindre, alors qu’il s’agit de définir le projet européen pour le XXIe siècle, nous avons besoin d’une Europe consolidée par une vaste participation, une Europe visant à agir de concert pour le bien commun, une Europe stimulée par les idées et nourrie par la réflexion.

    Cet ouvrage collectif déclenchera le débat sur les questions en jeu, en nous permettant de grandir ensemble avec plus de force.

    Pour finir, je souhaiterais remercier les chercheurs qui ont contribué à cet ouvrage. En espérant que ce dernier pourra encourager les décideurs à adopter une approche participative qui implique les citoyens européens et insuffler aux lecteurs l’envie de s’impliquer plus dans l’Europe.

    Viviane Reding

    Vice-Présidente de la Commission Européenne

    Préface

    « La légitimité démocratique produit un mouvement d’adhésion des citoyens indissociable d’un sentiment de valorisation d’eux-mêmes. Elle conditionne l’efficacité de l’action publique et détermine en même temps la façon dont ils appréhendent la qualité démocratique du pays dans lequel ils vivent. Elle est à cet égard bien une « institution invisible » et un « indicateur sensible » des attentes politiques de la société et de la façon dont il y est répondu. Une définition plus large et plus exigeante de la légitimité participe pour cela structurellement d’un approfondissement des démocraties ». ¹

    En 2003, l’ancien Président de la République française, Valery Giscard d’Estaing, considérait lors de la clôture de la Convention sur l’avenir de l’Europe dont il dirigeait les travaux, que son résultat, le Traité établissant une Constitution pour l’Europe, fondait la démocratie de l’Union européenne. Ce moment « inaugural » au sens arendtien du terme ² succédait au Traité de Maastricht qui, pour la première fois en 1993, avait ajouté à des droits économiques hérités du Traité de Rome des droits politiques à exercer au niveau de l’Union européenne. L’ouverture du droit de vote actif et passif à tous les citoyens communautaires au niveau des élections municipales et européennes, prévus dans ledit traité, participait de la conviction de ses concepteurs que la citoyenneté de l’Union était désormais « partagée » et « assumée » par tous les Européens.

    Aujourd’hui, l’article 9 du Traité sur l’Union européenne stipule que « dans toutes ses activités, l’Union respecte le principe de l’égalité de ses citoyens, qui bénéficient d’une égale attention de ses institutions, organes et organismes. Est citoyen de l’Union toute personne ayant la nationalité d’un État membre. La citoyenneté de l’Union s’ajoute à la citoyenneté nationale et ne la remplace pas ». L’article 10 du même traité reconnait également que l’Union est fondée sur la démocratie représentative et que « tout citoyen a le droit de participer à la vie démocratique de l’Union. Les décisions sont prises aussi ouvertement et aussi près que possible des citoyens ». Dans une perspective stricto sensu juridique, il faudrait conclure que l’Union européenne est un régime politique démo-libéral au même titre que les vingt-huit États qui la composent en 2014.

    C’est évidemment une analyse erronée et hâtive de l’état de la démocratie de l’Union européenne et de l’exercice de sa citoyenneté au regard des taux de participation aux élections européennes, sans cesse déclinant depuis 1979 ³, date de la première désignation au suffrage universel direct du Parlement européen ; des multiples campagnes référendaires marquant l’échec de la ratification du Traité constitutionnel européen en 2005 ; de la puissance des mouvements politiques qui contestent à la fois le fonctionnement actuel de la démocratie au sein des États membres et au niveau de l’Union et la nature même de son projet politique. Autrement dit, la procédure consacrée par la Constitution d’un État membre de l’Union européenne et par les traités européens désormais ne suffit nullement à créer les conditions et la légitimité de la démocratie.

    Cet état d’indifférence, de délitement et de critique partagé désormais par une majorité des citoyens de l’Union européenne ⁴ ne saurait être limité au désenchantement vis-à-vis de certaines politiques publiques ou à la situation économique « périlleuse » dans laquelle aujourd’hui vivent de nombreux citoyens et sociétés en Europe. La question est d’une toute autre portée et d’une double nature : La démocratie telle qu’inscrite dans les régimes constitutionnels européens est-elle toujours le meilleur moyen pour associer les citoyens et légitimer la décision politique alors même que celle-ci n’est plus seulement redevable du système de gouvernement responsable devant un Parlement et qu’elle s’insère dans un système de gouvernance, à multiples niveaux, dont l’Union européenne est si représentative dans sa conception et dans son fonctionnement ?

    Aujourd’hui la démocratie en Europe revêt de multiples formes qui sont à la fois divergentes dans leurs conceptions et dans leurs modalités d’application, concurrentes dans la construction de la légitimité et complémentaires dans leurs utilisations au sein d’une majorité des systèmes politiques de l’Union. Ces démocraties sont au nombre de trois tant d’un point de vue conceptuel que pratique.

    Primo, il existe une distinction au niveau conceptuel à opérer entre la démocratie de procédure, la démocratie normative et la démocratie rédemptrice.

    – La démocratie de procédure vise à considérer que le cadre juridique libéral (séparation et équilibre des pouvoirs, élections, décentralisation administrative, rejet de la violence dans les rapports politiques, etc.) suffit à lui-même pour que les individus qui composent la société y adhèrent et y participent. Leur acceptation de la démocratie de procédure est d’autant plus forte qu’elle consacre la souveraineté et l’autonomie du sujet d’une part et la reconnaissance réciproque d’une égalité formelle entre chaque individu à poursuivre son propre dessein d’autre part. Les citoyens, indépendamment de leur état de nature et/ou social, munis des mêmes droits politiques, ont tous la liberté de participer et d’agir en politique. Le non exercice de sa citoyenneté est certes regrettable mais c’est aussi une libre faculté qui est laissé à chacun. L’État doit garantir la procédure, il n’a pas pour fonction de motiver les individus à agir politiquement et/ou à donner à ses politiques publiques une valeur normative ⁵.

    – La démocratie normative ou de valeurs conçoit que le cadre juridique libéral ne saurait être satisfaisant pour sa légitimité et sa pérennité. Les citoyens participent à la Politique car ils sont persuadés que leurs systèmes normatifs sont non seulement garantis par la procédure mais aussi que les décisions prises dans ce cadre les reflèteront. Il s’agit dans un premier temps d’admettre qu’une personne ne serait être une pure indétermination, a fortiori objet de sa seule volonté, mais inspirée dans ses actes aussi par une transcendance qu’elle soit d’origine cultuelle, culturelle, communautaire, relationnelle, etc. Dans un second temps, il s’agit de reconnaître que la personne confrontée à la pluralité des « vérités » dans la société rechercherait d’elle-même à établir un minimum d’accords sur les valeurs qu’elle entend partager avec d’autres et qu’elle possède déjà en partie. Dans un troisième temps, il s’agit d’affirmer que ce système de valeurs transmis et négocié conditionnent l’ensemble des actions en politique et aucune loi ou traité, ne saurait se soustraire à celui-ci, au risque sinon d’être illégitime bien qu’ils en respectent la procédure. L’État, la Constitution et les politiques publiques sont et doivent être porteuses de valeurs normatives pour tous les citoyens ⁶.

    – La démocratie rédemptrice conçoit que la légitimité de la décision politique ne saurait trouver sa source que dans la souveraineté populaire « pleine » et « absolue ». Les citoyens, quelle que soit leur condition, seraient ensemble dépositaires d’une plus grande efficience dans l’action et la décision politique que tout autre corps intermédiaire comme le seraient les parlements et les partis politiques. D’une autre manière, la légitimité en politique c’est lorsque l’on conserve au maximum la non-distinction entre le Peuple et la Loi qu’opère pourtant les ordres constitutionnels libéraux européens. Dans une telle conception, le Peuple est également investi d’une qualité morale exceptionnelle en soi en opposition aux « élites », ceux qui se distingueraient et qui « accapareraient » le pouvoir pour leurs propres intérêts. L’impérativité du mandat politique, la consultation citoyenne et la pratique référendaire quasi systématique que la démocratie rédemptrice porte aux nues seraient supérieurs à tout autre mode de décision et de légitimation en politique car les citoyens seraient « vertueux », égaux et vigiles ensemble de valeurs « véritables », prenant le plus souvent le visage de la Nation « une » et « indivisible » ⁷.

    Secundo, il existe une différenciation au niveau pratique à réaliser entre la démocratie représentative, la démocratie délibérative et la démocratie participative.

    – La démocratie représentative est constituée de trois éléments : l’élection, la délégation et la responsabilisation de l’acte en politique. L’élection doit être une compétition équitable et ouverte ; des garanties procédurales pour les électeurs et les partis politiques qui participent, doivent être données par l’État selon le principe de l’égalité de traitement, de neutralité et d’impartialité ; des règles claires doivent définir ce qu’est le collège électoral, quelles sont les règles d’inclusion et d’exclusion de la citoyenneté qui s’appliquent. La délégation, c’est admettre l’indépendance des représentants vis-à-vis des commettants et des groupes d’intérêts, l’autonomie de la production législative et de la Loi, la médiatisation et la conciliation des intérêts au sein d’un Parlement. La responsabilisation de l’acte, c’est accepter le contrôle sur l’action du gouvernement par des organismes tiers ; c’est élaborer un budget et un système fiscal suivant le principe de « rendre des comptes », c’est repartir les pouvoirs constitutionnels et agréer le contrôle de constitutionnalité, c’est admettre l’autorité d’exécution du Gouvernement et finalement garantir la lisibilité du processus décisionnel ⁸.

    – La démocratie délibérative est composée principalement de trois éléments : l’« invocation raisonnable », la publicisation, l’égalité et le respect de l’engagement de chacun des participants indépendamment de sa qualité. L’invocation raisonnable c’est l’idée que les délibérations s’effectuent sous une forme argumentée entre des partis qui acceptent de soumettre leurs raisons à un examen critique. La publicisation signifie d’une part que les délibérations sont inclusives et publiques et que toutes les personnes concernées par les décisions prises dans les délibérations sont susceptibles d’y prendre part. L’égalité et l’engagement signifient que les participants ne doivent être liés qu’aux conditions de communication et aux règles d’argumentation et qu’il importe de permettre une véritable égalité dans la prise de parole et dans la capacité à proposer des contributions originales ⁹.

    – La démocratie participative est emprunte d’abord d’un moralisme civique. La citoyenneté est un acte, une socialisation et une pédagogie. C’est aussi la volonté de ré-enchantement de la démocratie par la participation du plus grand nombre ou du moins de personnes qui sont généralement « exclues » par la règle juridique, par leur condition sociale et de leur propre volonté du processus électoral de la démocratie représentative. Dans cette perspective, il s’agit de mener à bien notamment des consultations quasi-permanentes, répétitives et impératives et d’organiser des multiples fora et autres jurys citoyens au nom de la transparence et de l’efficience en politique. La démocratie participative suppose que les citoyens acceptent de partager le risque en politique par la co-élaboration et la co-exécution partielle ou totale de la Constitution, des politiques publiques, du budget, etc. Construite au départ au niveau de la politique urbaine et du développement rural, elle s’est étendue à l’ensemble des institutions d’un État grâce aussi aux innovations technologiques sans précédent dans l’histoire des communications que sont l’internet et les réseaux sociaux qui lui sont liés ¹⁰.

    Aucunes des formes de la démocratie susmentionnées, conceptuelles ou pratiquent, n’existent de manière « parfaite » parmi les États européens et au niveau de l’Union européenne. Pourtant, celles et ceux qui sont investis de l’autorité en politique dans les dix dernières années, confrontés à la crise de légitimité et économique, soudaine et foudroyante, comme ce fut le cas pour l’Islande, ont maintenu, recouru et parfois instrumentalisé les différentes formes pratiques contemporaines de la démocratie. L’Union européenne plus que tout autre a été obligée pour trois raisons essentielles.

    – En premier lieu, la première victoire du « non » au Traité de Lisbonne en République d’Irlande (53,4 % pour le « non » avec un taux de participation s’élevant à 53,1 % et qui s’imposa dans 40 circonscriptions électorales sur 44) en 2008, succédant aux échecs français (54,7 % pour le « non » avec un taux de participation de 69,3 %) et néerlandais (61,4 % pour le « non » avec un taux de participation de 63,3 %), au taux d’abstention record en Espagne (57,7 %) et au score relativement élevé du « non » au Luxembourg par rapport aux forces politiques qui appuyaient cette démarche (43,5 % avec un taux de participation de 90,4 %) lors des référendums sur le Traité constitutionnel européen du printemps 2005, a montré l’ampleur du sentiment de défiance vis-à-vis de l’Union européenne de la part d’une partie croissante des citoyens et qui ne s’est nullement démentie depuis au regard de la dernière enquête eurobaromètre publiée à cette effet à l’automne 2013 ¹¹.

    – En second lieu, la coexistence de la méthode communautaire et de la méthode inter-gouvernementale au sein du régime politique de l’Union européenne, la faiblesse congénitale du Parlement européen et sa si « longue » conquête de pouvoirs jusqu’au Traité de Lisbonne le confirmant comme co-législateur mais sans initiative, la primauté des partis politiques nationaux sur les partis politiques européens dans l’acte d’incarnation de cultures politiques des Européens, de représentation et de médiation d’intérêts, de sélection du personnel politique européen, ont conduit à l’impossible réitération d’une démocratie représentative au niveau de l’Union européenne de même nature que celle animant jusqu’alors les systèmes politiques de ses États membres. Dès lors, il fallait envisager, à côté des élections européennes et des campagnes d’information menées au moment de l’exécution des politiques publiques de l’Union européenne, de nouveaux instruments pouvant asseoir une légitimité que les citoyens assument indirectement dans les urnes lors des élections législatives nationales conduisant à la formation de leurs gouvernements siégeant dans le Conseil européen et le Conseil (des ministres) et de manière « boudeuse » au moment de l’élection du Parlement européen.

    – En troisième lieu, le système même de la Gouvernance reposant sur le partage de la préparation, de la décision et de l’exécution en politique entre différents acteurs publics et parfois privés, dans des relations institutionnelles et économiques asymétriques, dont les coalitions, les effets de concurrence et de complémentarité se jouent souvent par objet spécifique de politique publique et ne relèvent pas toutes du cheminement classique de l’approbation prévu dans le cadre de la démocratie représentative, a contraint l’Union européenne, qui en est l’une des meilleures illustrations, à tester et à promouvoir des formes de démocratie qui jusqu’alors étaient réservées à la gouvernance municipale. À titre d’exemple, la Commission européenne a lancé le plan D (Démocratie, Dialogue et Débat) en octobre 2005 ¹² après l’échec du Traité constitutionnel européen qui directement ou indirectement mener à la conduite de multiples projets de démocratie « délibérative » et « participative » (European Citizens’ Consultations, Speak Up Europe, Tomorrow’s Europe, Our Message to Europe, Radio Web. Our Europe-Our debate-Our Contributions, etc.). Cette période de consultation et de délibération a débouché sur de nombreuses doléances ou souhaits fort divers d’interventionnisme politique européen dans des domaines paradoxalement peu abordés dans le feu Traité constitutionnel européen : la famille et la protection sociale, l’immigration et le rôle de l’Union européenne dans le monde, l’énergie et l’environnement, la Justice et les affaires intérieures, les questions éthiques et sociétales, l’introduction de référendum à l’échelle européenne pour la ratification des futurs traités, etc.) ¹³.

    Le foisonnement de ces projets et initiatives qui ne cessent de croître au niveau de l’Union européenne et des États membres depuis, méritaient d’être analysés dans une perspective de distanciation critique et scientifique. Le troisième ouvrage de la collection études parlementaires que je dirige, élaboré sous la conduite de Patrizia Nanz et de Raphaël Kies, nourries de contributions empiriques et théoriques sur les formes contemporaines de la démocratie délibérative et participative est une œuvre pionnière sans concessions sur la nature, la portée et l’efficience de ces formes démocratiques bien que nombre d’auteurs furent ou sont impliqués dans ces expériences.

    Le mérite de l’ouvrage, au-delà de l’accumulation de connaissances sur l’objet même, démarche essentielle en sciences sociales, est d’avoir imposé un cadre opératoire commun aux chercheurs qui ont contribué à celui-ci, composé de questions simples mais redoutables pour l’examen : 1) L’insistance sur la nécessité d’une démocratie participative au niveau européen par les institutions est-il un acte performatif de communication ou au contraire un réel projet politique visant à construire une légitimité démocratique autre que celle existante jusqu’alors au sein des systèmes politiques des États membres qui essentiellement était liée à la démocratie représentative ? 2) Les programmes de démocratie délibérative et participative financés par l’Union européenne, totalement ou partiellement, durant la dernière décennie, créent-ils vraiment les conditions de la légitimité démocratique tant recherchée par les autorités de l’Union européenne ? 3) Les nouveaux modes de participation des citoyens, initiés sous la férule de la Commission européenne, conduisent-ils à créer un espace public européen qui, pour de nombreux auteurs, semble être la condition sine qua non de l’existence d’une démocratie et une démocratisation de l’Union européenne depuis le Traité de Maastricht ¹⁴ ? Les enceintes participatives, indépendamment de leurs critères de compositions (nature de leurs financements, niveau d’inclusion des citoyens et d’interactivité, etc.), au-delà d’attirer l’attention sur tel ou tel objet de politique publique actuelle ou future, sont-ils des ferments de la connaissance et de la philia entre les Européens par leur caractère transnational ?

    Pour surmonter la crise du régime politique de l’Union européenne, qui est indéniable, nous devons raisonnablement envisager de nouvelles hypothèses de travail et de recherche au risque sinon d’irénisme. Ces hypothèses ne peuvent pas être limitées aux seuls éventuels dysfonctionnements administratifs, communicationnels et juridico-techniques de l’Union européenne. Comprendre l’état de la Gouvernance européenne c’est naturellement s’attacher à ses institutions, à ses acteurs et aux relations qu’elle développe mais c’est aussi s’interroger sur les transformations ontologiques de la Politique moderne et envisager de replacer l’Homme et un système de valeurs qui transcendent les particularismes au centre et à la source du processus décisionnel européen. La tâche est immense et les champs d’investigation sont nombreux, notamment à travers l’interrogation sur le fonctionnement de la démocratie. Cet ouvrage répond à sa façon à ces défis par l’exploration des voies de la démocratie délibérative et participative en Europe. Les initiateurs de ces consultations citoyennes et leurs analystes rencontrent les mêmes difficultés auxquelles étaient déjà confrontés les conventionnels réunis à Philadelphie en 1787 et au Jeu de Paume en 1789 au moment de l’invention moderne de la démocratie.

    Le Châtel, le 7 février 2014

    Philippe Poirier (Ph.D.),

    habilité à diriger des recherches, professeur associé de science politique

    Titulaire de la Chaire de recherche la Chambre des Députés du Luxembourg

    Directeur de la Collection études parlementaires

    1. Pierre Rosanvallon, La Légitimité démocratique, Paris, Éditions du Seuil, Points Essais, p. 21, 2008.

    2. Hannah Arendt, Essai sur la Révolution, Paris, Gallimard, 1985.

    3. Laurent de Boissieu, Europe politique, http://www.europe-politique.eu/elections-europeennes.htm, janvier 2014.

    4. Simon Hix, What’s Wrong with the Europe Union and How to Fix It, Cambridge,

    Vous aimez cet aperçu ?
    Page 1 sur 1