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Rapport Schuman sur l'Europe: L'État de l'Union 2018
Rapport Schuman sur l'Europe: L'État de l'Union 2018
Rapport Schuman sur l'Europe: L'État de l'Union 2018
Livre électronique570 pages5 heures

Rapport Schuman sur l'Europe: L'État de l'Union 2018

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À propos de ce livre électronique

Une revue complète des actualités de l'Union européenne à ne pas rater !

Les Européens sont confrontés à des défis majeurs. Entre le risque de contagion populiste et le Brexit sur le plan interne, les enjeux migratoires et la mise en cause de leurs valeurs ainsi que de leurs intérêts sur le plan externe, les Européens doivent trouver leur place dans un monde où seule l’Union fait la force. Ces défis mettent en jeu la capacité des Européens à être unis face aux chocs qu’ils affrontent. Dans un tel contexte, comment répondre à leurs attentes notamment en matière de sécurité et de protection économique et sociale ? Le Président français, Emmanuel Macron, a proposé dans son discours de la Sorbonne une nouvelle ambition politique européenne. Il veut faire de l’intégration européenne un instrument de souveraineté économique et géopolitique avec pour objectif de donner aux Européens toute leur liberté et un vrai sentiment de fierté. Incontestablement, la France est de retour en Europe.
L’intégration européenne a libéré les États et les peuples européens des rapports de force permanents entre eux ; elle doit maintenant les protéger des contraintes externes. La question est désormais de savoir comment. Une telle interrogation se trouve au cœur de la 12ème livraison du Rapport Schuman.

Plongez-vous dans la dernière édition de cet ouvrage de référence en matière d'affaires européennes.

EXTRAIT

Malgré les nombreux défis auxquels nous sommes actuellement confrontés, nous savons que notre destin se trouve dans une Europe unie, et nous ferons tout notre possible pour la défendre et la consolider. Après deux guerres mondiales, le but du projet européen était de sauver la civilisation européenne de son autodestruction et de la domination extérieure. Cette civilisation et cette identité ont quelque chose d’unique qui les distingue du reste de la planète. Je crois que « ce quelque chose » tient aux pluralités internes qui résident au cœur de son patrimoine partagé, fait de valeurs classiques, chrétiennes et humanistes. En d’autres termes, ce quelque chose est notre « union dans la diversité », comme l’exprime magnifi quement la devise de l’Union européenne.

À PROPOS DES AUTEURS

Le 12ème Rapport Schuman est un ouvrage collectif, réalisé sous la direction de Thierry Chopin, politologue français spécialiste de l'Union européenne, et Michel Foucher, diplomate, géographe et essayiste. Les plus hautes personnalités ainsi que les meilleurs experts ont choisi de s’y exprimer : Gérard Larcher, Président du Sénat, Nicole Gnesotto, Benoît Coeuré, Mathilde Lemoine, Jean-Claude Piris, Mikuláš Dzurinda, 5 députés européens, Joachim Bitterlich,...
LangueFrançais
ÉditeurMarie B
Date de sortie6 avr. 2018
ISBN9791093576312
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    Aperçu du livre

    Rapport Schuman sur l'Europe - Thierry Chopin

    Dzurinda

    1

    Quels enjeux politiques pour l’Union ?

    Un moment européen

    Jean-Dominique GIULIANI

    2018 marque le retour de l’Europe sur la scène internationale.

    Alors qu’elle a traversé une crise économique grave, qui a entraîné un vrai désamour des citoyens, elle semble pouvoir désormais mieux faire valoir ses atouts et relever les défis qui lui sont lancés. Un rebond politique pourrait lui permettre de revenir au tout premier plan.

    Une vraie dépression surmontée

    La crise des dettes publiques a triplement ébranlé l’Union européenne. Tranquillement installées à l’abri de l’euro, les politiques économiques et financières des États membres ont divergé jusqu’au rappel brutal que les « subprimes » ont envoyé à l’Europe. Les avancées réalisées dans la crise, conjuguées à l’action décisive de la Banque centrale européenne, l’ont sauvée du désastre. Une fois encore, l’Union a démontré sa solidité politique alors que sa gouvernance avait pêché par imprévoyance et inachèvement.

    Ce fut aussi l’occasion d’un franc désamour des opinions publiques. On leur avait expliqué que la construction communautaire les mettait à l’abri des mauvaises surprises. Elles ont découvert que la solidarité européenne avait des limites, celles-là mêmes qu’elle s’était données par sa timidité.

    Les élites européennes aussi ont montré leur impuissance. Après avoir renvoyé pendant des années sur les institutions communautaires la responsabilité de décisions d’intégration nécessaires mais difficiles à expliquer, elles n’ont pas relevé le gant et ont laissé l’Union servir de prétexte aux populismes rampants devenus expressifs et puissants, voire menaçants. Aux insatisfactions des citoyens¹ s’ajoutaient les ravages du doute et de la mauvaise conscience². Douter est un comportement à l’évidence très européen. Cette attitude n’est pas sans intérêt, puisqu’on est en permanence à la recherche de la perfection ou de l’amélioration des politiques. Mais la spirale du doute conduit à une sorte de repentance, dont est absente la fierté, condition incontournable de l’adhésion des citoyens.

    La force de la construction européenne, ce sont aussi ses traités, ses procédures, voire ses habitudes, qui obligent à prendre le temps de décider ensemble, avec ses partenaires. Cette lenteur tant décriée dans l’action et le manque d’agilité est aussi un avantage face aux tendances à la déconstruction ; elle préserve l’essentiel.

    Retrouvant un contexte international plus favorable, l’Union a rebondi et se trouve désormais sous les projecteurs.

    Un rebond plus rapide que prévu

    Le rebond européen se traduit d’abord par un désaveu de l’euroscepticisme dans les urnes. La poussée populiste, réelle partout sur le continent, apparaît cependant contenue dans sa dimension eurosceptique. Les partis de la droite modérée parviennent à la contenir, souvent en coalition comme Mark Rutte, réinvesti au poste de Premier ministre néerlandais le 9 octobre. L’élection d’Emmanuel Macron est celle qui a le plus retenu l’attention compte tenu de son engagement européen et de son face-à-face gagnant avec un Front national ouvertement anti-européen. Les élections allemandes du 24 septembre ont confirmé une majorité pro-européenne CDU-SPD, malgré la surprise de l’entrée au Bundestag de 92 députés AfD fortement eurosceptiques. Plus notable encore, lorsque les coalitions doivent intégrer ou compter avec des partis populistes, leur orientation pro-européenne fait immédiatement l’objet d’un rappel ostentatoire comme Sebastian Kurz en Autriche. Dans aucun État membre, à l’exception du Royaume-Uni en 2016, n’a triomphé un parti ou une coalition favorable à la sortie de l’Union ou à une remise en cause de ses traités.

    Dans le contexte mondial, l’Union européenne confirme ainsi une stabilité que ses propres acteurs semblent sous-estimer.

    Peu de semaines après son élection, le président français marque un véritable retour de la France sur la scène européenne en livrant publiquement à ses partenaires, ses analyses³ et ses propositions⁴ pour une relance de la construction européenne.

    S’appuyant sur la campagne électorale franchement pro-européenne qui avait conduit à son élection, il interpelle ouvertement une nouvelle génération de dirigeants arrivant aux affaires sur le continent. En Irlande, en Autriche, de jeunes trentenaires sont devenus Premiers ministres et viennent renforcer des quadragénaires désormais nombreux à la tête des États membres⁵.

    Sur le plan économique, la vigueur de la reprise a surpris. L’Europe est sortie de la crise et, au début 2018, aucun État membre à l’exception du Royaume-Uni, ne voit ses prévisions macro-économiques en baisse. Son PIB atteint 13 000 milliards € qui en fait la première zone de création de richesses mondiale en valeur absolue.

    La croissance économique est de retour. Sur la période 2014-2016, elle affiche pour les 27 une moyenne de 2 %, ce qui la place au même rang que les États-Unis et le Japon. Elle a largement profité de la politique des taux bas et des mesures d’injection de liquidités de la BCE.

    Avec une part de l’industrie de 23 % de son PIB et un secteur numérique en pleine expansion, elle accueille plus d’investissements étrangers que n’importe quel autre continent : 424 milliards € en 2016 contre 391 par exemple pour les États-Unis. L’Europe va mieux ; elle a retrouvé la confiance et demeure la première puissance commerciale. 9 millions d’emplois ont été créés depuis 2014 et le chômage recule partout. Ses dettes publiques sont inférieures de 25 % à celles des États-Unis et bien inférieures à celle du Japon (240 % du PIB). L’euro rivalise avec le dollar dans les échanges monétaires (36 % contre 39 % pour la monnaie américaine) et l’Union apparaît d’ores et déjà en tête pour la nouvelle économie avec 40 % des brevets mondiaux dans l’énergie propre, 5 millions de développeurs, 28 « Unicorns » (Start-ups ayant dépassé la valeur du milliard €) et 32 laboratoires de recherche en intelligence artificielle⁶.

    Ces succès globaux et collectifs ne sauraient occulter des situations nationales contrastées mais ils révèlent aussi la force du marché unique au sein duquel les échanges de biens et services atteignent 4 000 milliards €, participant ainsi à une réelle convergence, souvent sous-estimée. Incontestablement l’Europe est de retour et présente des perspectives positives pour les années à venir.

    Pour autant, et malgré un regain de confiance des citoyens qui se déclarent plus positifs envers l’Union européenne⁷, la construction communautaire n’est pas encore un objet de fierté et peu de membres des classes politiques nationales ne croient devoir s’approprier ses résultats publiquement. L’ampleur des défis à affronter et les angoisses qu’ils véhiculent sont proférées par le discours public, qui pour nourrir un populisme facile, qui par ignorance, qui par prudence. Ces défis sont pourtant ceux de toutes les démocraties occidentales et concernent le nouvel état du monde.

    De nouveaux défis

    Il existe un vrai consensus chez les observateurs pour considérer que l’Europe n’a pas d’autre choix que d’évoluer dans ses règles, son fonctionnement et ses politiques. D’ailleurs, c’est aussi en ayant progressé dans ses régulations qu’elle a surmonté la crise précédente. L’embellie économique mondiale lui donne l’occasion de s’atteler plus sereinement à combler ses imperfections et à affronter plus résolument des problématiques incontournables.

    Au titre des premières figurent à l’évidence les questions de gouvernance et d’abord celle de l’euro. Entre solidarités nécessaires et discipline indispensable entre les 19 membres de la zone euro, le débat est loin d’être clos. Si les pays en difficulté ont bénéficié in fine de la solidarité et donc de la garantie européenne, ce fut au prix d’un lourd tribut social, de violents affrontements politiques et de fractures dangereuses pour l’Union. La vigueur de l’économie allemande n’a pas favorisé une indispensable remise en cause de l’ordo-libéralisme. S’ouvre désormais, avec les nouvelles orientations de la politique française, les propositions avancées par Emmanuel Macron et les suites des dernières élections allemandes, une nouvelle séquence de dialogue sur la réforme de la gouvernance de l’euro. Des réflexions sont en cours⁸, notamment entre la France et l’Allemagne. Elles devront aboutir, malgré les obstacles politiques, si l’on veut éviter de nouvelles déconvenues dans l’avenir et garantir définitivement la pérennité de la monnaie unique. La situation politique allemande ne sera pas sans incidence sur l’effort qu’il faudra produire pour réussir.

    Mais l’approche des échéances budgétaires et politiques européennes posera de nouveau avec acuité certaines questions auxquelles il faudra cette fois-ci répondre. La négociation des perspectives financières 2021-2027 pourrait être l’occasion de profondes remises en cause et donc de vifs différends quant aux priorités communes, générateurs de fractures nouvelles entre l’Est et l’Ouest, les États membres agricoles et les autres, les plus développés et les économies en rattrapage, ceux qui s’affranchissent de l’État de droit et ses gardiens.

    Les élections européennes de mai/juin 2019 pourraient aussi donner lieu à quelques surprises dans un contexte européen en pleine recomposition. Franchira-t-elle les portes du Parlement européen poussée par une nouvelle génération de dirigeants qui veulent revigorer l’Union ? Et quelle sera la teneur de débats qui dépasseront vraisemblablement l’expérience peu convaincante des « Spitzenkandidaten », pour bouleverser la composition d’une assemblée qui cherche encore sa légitimité ?

    La gouvernance des institutions communes, déjà réformée par la volonté de Jean-Claude Juncker, devra encore évoluer.

    Changer de dépendances

    Le deuxième défi auquel l’Union doit faire face, certainement le premier par son importance, c’est la sécurité au sens le plus large. Sécurité intérieure menacée par le terrorisme, criminalité transfrontière, mais surtout sécurité extérieure mise en cause par un environnement géopolitique menaçant. La défense de l’Europe n’est pas assurée par ses soins. Elle doit donc résolument s’assumer et pour cela nombre d’États membres doivent accepter de changer de dépendances pour construire ensemble une nouvelle indépendance. À la lumière des timides mais réelles avancées dans ce domaine, on ne peut qu’être inquiet. Comme si l’idée même de construction communautaire était étrangère à la volonté de se défendre partout où les intérêts européens sont en jeu, c’est-à-dire, en fait, sur toute la planète. Les très modestes percées récentes traduisent un début de prise de conscience ; il n’est pour l’instant pas à la hauteur des risques et des menaces. L’Union doit être capable de projeter des forces de combat partout où ses intérêts sont menacés et si ce concept ne recueille pas l’unanimité des États membres, ils seraient bien inspirés de confier à ceux qui y sont prêts la tâche de le faire, comme le leur permet le traité⁹. Car si demain une grave rupture stratégique se produisait par surprise, ce serait bien cette réalité qui l’emporterait. La défense de l’Europe n’est pas seulement une affaire de crédits et de moyens, mais aussi une question de volonté politique. Et beaucoup de chemin reste à parcourir. L’Union doit se doter d’une force d’intervention qui ne soit pas sous le contrôle d’un comité ou d’un collège. Elle peut mutualiser ses moyens financiers pour renforcer ses capacités, mais seulement à des fins opérationnelles et pas pour en faire d’abord du commerce. Le Fonds européen de défense est une première avancée positive s’il ne sombre pas dans les procédures et se concentre sur les besoins opérationnels. Les Européens doivent apprendre à consacrer une part croissante de leurs capacités financières à se défendre et c’est, pour beaucoup d’entre eux, tellement nouveau qu’on peut douter de leur volonté. Ils doivent aussi apprendre l’indépendance dans la réflexion stratégique comme dans l’action et c’est, dans l’état actuel des choses, quasi-impossible. Espérons que ce n’est qu’une question de temps et que l’actualité internationale ne les interpelle pas trop brusquement. Une Europe qui se projette est une Europe qui se protège ; une Europe qui s’affirme sur la scène internationale, indépendante et forte de ses succès, c’est une Europe qui garantit son avenir, celui de son mode de vie, celui de ses convictions.

    Le troisième défi majeur est celui de l’immigration. L’Europe est devenue le premier continent d’immigration au monde. Sa richesse, son État de droit, ses valeurs, sa qualité de vie en font la destination naturelle de nombre de peuples. Bien sûr, ceux qui connaissent la guerre et qui fuient les combats, mais aussi ceux qui s’échappent de dictatures liberticides et, enfin, ceux qui souhaitent pour les leurs une vie meilleure désormais affichée et visible sur tout téléphone mobile.

    Jamais les humains n’ont été aussi mobiles. 245 millions d’habitants de la planète ne sont pas nés là où ils se trouvent. 65 millions de personnes sont « déplacées ». L’immigration est pour le continent européen, qui ne renouvelle pas sa propre population, une question majeure pour des décennies. Elle doit être régulée en fonction des capacités d’accueil et si les réfugiés ont droit à l’asile, les migrants doivent, dans le respect de nos valeurs, être conduits à ne pas vider leur propre pays de toutes ses forces. La vague de réfugiés déclenchée par les conflits syrien et afghan a profondément déstabilisé l’Europe ; la proximité d’une Afrique à la démographie vigoureuse doit faire l’objet d’une coopération étroite entre les nations qui exige une Union européenne plus soudée dans ses réponses. Beaucoup a été fait pour réguler la pression migratoire. Contre l’illégalité et les trafics, ensemble ou à quelques-uns, les États membres ont agi. Début 2018, de premiers résultats sont enregistrés qui sont loin d’être négligeables. Le corps européen de gardes-frontières et les accords négociés par la Commission européenne avec les États de transit des immigrants ont permis de diminuer les flux illégaux. L’action de la Grèce, de l’Italie, de l’Espagne a permis de maîtriser une partie de la pression en Méditerranée. Mais seules des coopérations plus étroites entre pays concernés, appuyés sur des règles concertées, voire harmonisées, permettraient réellement d’affirmer que l’immigration est sous contrôle. Un défi de long terme.

    Quelles méthodes ?

    Nombre de discussions continuent de fleurir sur la différenciation au sein de l’Union : Europe à plusieurs cercles, à géométrie variable, noyau dur, etc. Elles témoignent des fractures qui s’agrandissent entre Nord et Sud et entre Est et Ouest. Ces débats présentent pour l’Union un risque mortel. Ils dressent les peuples les uns contre les autres, accroissent les frustrations ou les ressentiments. Ils ne constituent rien de positif ni de concret et doivent être réfutés. « L’Union sans cesse plus étroite entre les peuples d’Europe¹⁰ » pourrait s’en trouver compromise en confondant les objectifs – la solidarité entre les peuples – avec les moyens – quel rôle pour les États membres ? – qui semblent bien être interpellés vigoureusement par la situation actuelle : l’Union n’est-elle pas malade de ses États ?

    D’ores et déjà l’Union est diverse et des coopérations plus fortes existent entre membres de la zone euro, de l’espace Schengen, de la politique de sécurité et de défense commune. Des coopérations renforcées existent (Brevet européen, droit de la famille, capacités militaires) qui permettent à ceux des États qui le souhaitent de mutualiser leurs efforts dans le strict cadre des traités. Il n’est nul besoin de nouvelle mise à jour des traités pour que ceux qui y sont prêts aillent plus loin. Et on doit à la vérité de mettre en évidence la malhonnêteté que représente la critique de l’élargissement qui « empêcherait d’aller plus vite ». Souvent, ceux qui la profèrent sont ceux-là même qui s’opposent à tout renforcement des actions communes.

    Fidélité à la leçon de Robert Schuman

    Dans le respect des engagements pris par la signature de 11 traités européens depuis 1951, les États membres peuvent coopérer davantage pour atteindre les objectifs qu’ils se sont fixés. C’est désormais par l’exemple qu’ils progresseront et pourront générer la relance d’un processus d’intégration qui ne saurait progresser par le haut. Car le niveau d’intégration atteint par l’Union est déjà considérable. À ce stade de partage des compétences étatiques, seuls des actes volontaires à deux, trois ou plusieurs pourront surmonter les difficultés de mettre en commun des attributs des souverainetés nationales. Ils trouveront dans les institutions communes, au moins à la Commission, une aide positive et volontaire. L’exemple vient d’en être donné par l’Allemagne et la France qui, en décidant de partager des moyens militaires et une base aérienne commune, ont déclenché une coopération structurée permanente¹¹ qui comprend désormais 25 États membres ! La méthode la plus efficace pour permettre aux États membres de relever les défis que posent à l’action publique la sécurité, l’immigration et la gouvernance, c’est d’être fidèles au message de Robert Schuman le 9 mai 1950 : « L’Europe ne se fera pas d’un coup ni dans une construction d’ensemble : elle se fera par des réalisations concrètes créant d’abord une solidarité de fait ». Si l’on mesure que cette phrase a été introduite par Robert Schuman lui-même dans le texte de la neuvième version de sa déclaration, en remplacement d’une phrase proposée par Jean Monnet qui indiquait d’emblée que la forme de l’Europe sera fédérale, on mesure la sagesse et le réalisme du Père fondateur de l’Europe. Y être fidèle, ce n’est en rien renier la méthode communautaire, c’est tout simplement – au vu des succès de ces 60 dernières années – relancer un mouvement d’intégration par la volonté de ceux qui croient qu’il offre au continent une chance réelle de peser et compter dans un monde en pleine mutation.


    1. Voir notamment Eurobaromètre n° 379 sur le futur de l’Europe, décembre 2011.

    2. Voir notamment « L’Europe est-elle coupable », par Pascal Bruckner dans la Revue Commentaire (numéros 159 et 160, Automne 2017, Automne-Hiver 2017-2018).

    3. Discours à la Pnyx (Athènes) le 8 septembre 2017.

    4. Discours à la Sorbonne (Paris) le 26 septembre 2017.

    5. Voir dans le présent ouvrage l’article de Pascale Joannin, page 207.

    6. Voir l’étude « Europe is back », European Political Strategy Centre, Commission européenne, janvier 2018.

    7. 75 % selon la dernière vague de l’Eurobaromètre (n° 467, décembre 2017).

    8. Voir les propositions de 14 économistes français et allemands ; 17 janvier 2018.

    9. Articles 42 § 5 et 44 § 1 du Traité sur l’Union européenne.

    10. Article 1er, § 2 du Traité sur l’Union européenne.

    11. Conformément aux articles 42 § 6 et 46 du Traité sur l’Union européenne.

    Les Parlements nationaux et le principe de subsidiarité

    Gérard LARCHER

    Le rôle des Parlements nationaux n’a été reconnu que tardivement par l’Union européenne. L’élection du Parlement européen au suffrage universel direct, à partir de 1979, a eu pour effet d’affaiblir les liens avec les Parlements nationaux, même si ceux-ci restaient compétents sur les décisions les plus importantes, telles que la révision des traités ou l’adhésion de nouveaux États membres.

    La question du « déficit démocratique » de l’Union européenne, illustrée notamment par l’augmentation du taux d’abstention aux élections européennes, paradoxalement corrélative au renforcement continu des prérogatives du Parlement européen, a toutefois mis en évidence l’intérêt de mieux associer les Parlements nationaux à la construction européenne.

    Si le Traité de Lisbonne reconnaît une place importante aux Parlements nationaux, notamment en tant que gardiens du principe de subsidiarité, leur rôle pourrait être encore renforcé, ce qui permettrait de rapprocher l’Union européenne des citoyens et de rendre son action à la fois plus légitime et plus efficace.

    La place des parlements nationaux et du principe de subsidiarité a été progressivement reconnue au sein de l’Union européenne

    La reconnaissance du rôle des parlements nationaux

    Depuis l’élection au suffrage universel direct du Parlement européen à partir de 1979, les Parlements nationaux avaient été ignorés par les traités européens. Après la déclaration annexée au Traité de Maastricht en 1992 et le protocole annexé au Traité d’Amsterdam en 1997, le Traité de Lisbonne, signé en 2007 et entré en vigueur en 2009, a marqué un tournant. Pour la première fois, un article spécifique des traités européens est consacré au rôle des Parlements nationaux au sein de l’Union européenne. L’article 12 du traité sur l’Union européenne énumère les moyens par lesquels « les Parlements nationaux contribuent activement au bon fonctionnement de l’Union ».

    Outre leur rôle particulier en matière de contrôle de la subsidiarité, les Parlements nationaux interviennent de trois manières différentes au niveau européen.

    Les Parlements nationaux disposent d’abord d’un pouvoir de décision sur les actes les plus importants, comme la révision des traités, le recours aux « clauses passerelles », permettant le passage de l’unanimité à la majorité qualifiée, ou encore l’adhésion d’un nouvel État membre.

    Le Traité de Lisbonne garantit aussi l’information des Parlements nationaux sur les activités de l’Union européenne. Cette information est essentielle car elle permet à chaque Parlement d’exercer un contrôle – plus ou moins étroit selon les États membres – sur son gouvernement en matière européenne, selon des règles propres.

    Le Traité de Lisbonne reconnaît aussi un rôle particulier aux Parlements nationaux en matière d’évaluation et de contrôle politique dans le cadre de l’espace de liberté, de sécurité et de justice. En particulier, il prévoit l’association des Parlements nationaux à l’évaluation d’Eurojust et au contrôle démocratique d’Europol.

    Enfin, l’utilité de la coopération interparlementaire pour le « bon fonctionnement de l’Union » est reconnue par le Traité de Lisbonne. Elle permet aux Parlements nationaux d’exercer un suivi collectif des principales politiques de l’Union. Elle contribue à l’échange d’informations et de bonnes pratiques entre les assemblées.

    Cette coopération parlementaire s’est considérablement diversifiée ces dernières années : conférence des présidents des Parlements de l’Union européenne, conférence des organes spécialisés dans les affaires communautaires (COSAC), conférence de l’article 13 du Traité sur la stabilité, la convergence et la gouvernance (TSCG), conférence interparlementaire en matière de politique étrangère et de défense, groupe d’examen parlementaire conjoint d’Europol, etc.

    L’introduction du principe de subsidiarité

    Inspiré du théologien protestant Johannes Althusius, le principe de subsidiarité régit l’exercice des compétences attribuées à l’Union européenne. Il signifie que, en dehors des compétences exclusives, l’Union européenne n’agit que si et dans la mesure où son action est plus efficace que celle conduite au niveau des États ou des régions. Ce principe vise donc à assurer une prise de décision la plus efficace et la plus proche possible du citoyen en vérifiant que l’action à entreprendre au niveau européen est justifiée par rapport aux possibilités qu’offre l’échelon national, régional ou local.

    Le principe de subsidiarité a été introduit dans le droit européen par le Traité de Maastricht en 1992 et consacré par le Traité de Lisbonne comme principe fondamental de l’Union européenne, aux côtés des principes d’attribution et de proportionnalité (article 5 TUE).

    Le Traité de Lisbonne a introduit, via le protocole n° 2, un dispositif permettant aux Parlements nationaux de veiller au respect de ce principe.

    Ce mécanisme comprend trois aspects :

    – toute chambre d’un Parlement national peut, dans un délai de huit semaines, adresser aux institutions de l’Union un « avis motivé » exposant les raisons pour lesquelles elle estime qu’un projet de la Commission ne respecte pas le principe de subsidiarité. Lorsqu’un tiers des Parlements nationaux a adressé un « avis motivé », la Commission doit réexaminer son projet¹ ;

    – si un projet d’acte législatif est contesté par la majorité des Parlements nationaux et si la Commission décide cependant de le maintenir, le processus législatif est suspendu, le Conseil et le Parlement européen doivent se prononcer sur la compatibilité de ce projet avec le principe de subsidiarité. Si le Conseil (à la majorité de 55 % de ses membres) ou le Parlement (à la majorité simple) donne une réponse négative, le projet est définitivement écarté ;

    – après l’adoption d’un texte, la Cour de justice de l’Union européenne peut être saisie d’un recours émanant d’un Parlement national (ou d’une chambre de celui-ci), afin que la Cour se prononce sur le respect de la subsidiarité.

    S’il représente un progrès, ce mécanisme connaît toutefois des limites.

    Les Parlements nationaux participent de manière assez variable. Le Sénat français est une des chambres les plus actives dans ce domaine, 34 textes ayant ainsi fait l’objet d’un avis motivé depuis l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne.

    Le délai de réponse de la Commission européenne aux avis motivés qui lui sont transmis oscille entre deux et quatre mois. Cela peut paraître assez long puisque les Parlements nationaux sont tenus d’émettre un avis dans les huit semaines qui suivent la publication d’une proposition législative.

    À ce jour, trois textes européens seulement ont permis aux Parlements nationaux d’atteindre le seuil du « carton jaune », aux termes duquel la Commission est tenue de réexaminer son projet. Il s’agit de la proposition de règlement sur le droit de grève des travailleurs détachés dit « Monti II » de 2012, de la proposition de création d’un parquet européen en 2013 et, enfin, de la proposition de révision de la directive sur le détachement des travailleurs. Or, dans ces trois cas, la Commission européenne n’a pas reconnu le bien fondé des arguments des Parlements nationaux sur la violation du principe de subsidiarité. Elle a certes retiré la proposition sur le droit de grève, mais elle a fait valoir que c’était uniquement pour des raisons d’opportunité politique.

    Ces exemples tendent à souligner un décalage entre les positions des Parlements nationaux et celles de la Commission européenne qui tend à éluder les arguments des Parlements nationaux sans leur apporter de réponses étayées.

    Il convient de relever à cet égard que cette difficulté à appréhender la subsidiarité de la part de la Commission européenne se retrouve dès l’exposé des motifs de la plupart des textes qu’elle présente, au sein duquel elle se contente souvent de justifier son intervention par l’approfondissement du marché intérieur.

    Le dialogue politique avec la Commission européenne

    Mis en place à l’initiative de José Manuel Barroso à la suite des référendums négatifs en France et aux Pays-Bas en 2005, le dialogue politique avec les Parlements nationaux ne se limite plus dorénavant aux questions de subsidiarité et de proportionnalité. Il s’agit d’un véritable dialogue politique qui permet à la Commission de connaître de manière précoce la position des Parlements nationaux sur ses initiatives et d’en débattre avec eux.

    Le Sénat prend une part très active à ce dialogue en adressant, chaque fois qu’il le juge utile, des avis politiques à la Commission européenne.

    La Commission européenne doit normalement répondre dans les trois mois aux observations des Parlements nationaux. L’examen des réponses adressées par la Commission européenne depuis 2012 souligne que ce délai est rarement respecté.

    Sur les 32 avis politiques adressés par le Sénat, seuls 17 ont fait l’objet d’une réponse dans un délai inférieur ou égal à trois mois. On constate cependant une amélioration depuis l’entrée en fonction de la Commission présidée par Jean-Claude Juncker.

    Pour un renforcement du rôle des Parlements nationaux et un meilleur respect du principe de subsidiarité

    À l’initiative du président Jean-Claude Juncker, une « Task force sur la subsidiarité et la proportionnalité » doit être mise en place. Placée sous la direction du vice-président de la Commission Frans Timmermans, elle devrait être composée de neuf membres (trois issus des Parlements nationaux, trois du Parlement européen et trois du Comité des Régions). Elle sera chargée de faire des recommandations avant le 15 juillet 2018 sur la manière de mieux appliquer les principes de subsidiarité et de proportionnalité.

    J’avais pris l’initiative, dès le lendemain du résultat du referendum britannique du 23 juin 2016, de formuler des propositions pour renforcer, à traités constants, le rôle des Parlements nationaux au sein de l’Union européenne. Celles-ci ont reçu un accueil très favorable de la part des autres présidents des Parlements de l’Union européenne, lors d’une réunion à Bratislava, le 7 octobre 2016.

    Le renforcement du rôle des Parlements nationaux permettrait en effet de rendre l’Union européenne plus proche des citoyens et son action plus légitime et plus efficace. Ce renforcement pourrait s’exercer de trois manières.

    Les Parlements nationaux, garants d’une subsidiarité effective

    Le contrôle de subsidiarité est un principe ancré au cœur de l’activité européenne des Parlements nationaux. La procédure reste cependant perfectible afin de renforcer la qualité de ce contrôle.

    Pour être plus efficace, l’Union européenne devrait, en effet, se concentrer sur les tâches qu’elle seule peut remplir, au lieu de multiplier les micro-interventions dans la vie des États membres. Il n’est pas indispensable que l’Union règlemente les cages des rats de laboratoire, le fonctionnement des zoos ou encore la TVA applicable aux centres équestres ou aux salons de coiffure. Il est indispensable en revanche qu’elle ramène dans des limites raisonnables la concurrence fiscale entre États membres ou qu’elle obtienne la réciprocité lorsqu’elle ouvre les marchés publics européens à des pays tiers. L’Europe doit cesser d’en faire trop dans les domaines où on ne l’attend pas, et doit en faire davantage dans les domaines où le besoin d’Europe est bien là. Je pense en particulier à des domaines comme la sécurité intérieure et extérieure, l’énergie et le numérique ou encore à la convergence fiscale et sociale.

    La Commission européenne devrait, au préalable, mieux justifier le recours à une proposition législative et ne saurait limiter ainsi la justification de son intervention à l’approfondissement du marché

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