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Oratorio: Un monde qui arrive, un autre qui part...
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Livre électronique242 pages3 heures

Oratorio: Un monde qui arrive, un autre qui part...

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À propos de ce livre électronique

2061. Les virus se propagent toujours… et Montréal subit depuis plusieurs années un effondrement démographique et religieux qui refaçonne le visage de la ville. Les statistiques officielles le disent : l’islam est maintenant la religion majoritaire sur l’île de Montréal. Au Québec, un calme relatif règne. Mais pas dans le reste du monde. Pas en Europe ni au Moyen-Orient. De récentes nouvelles le confirment : le djihadisme frappe encore dangereusement. En Italie, on évoque même l’idée de déménager le Saint-Siège de l’Église catholique, de Rome à Kinshasa au Congo.

Alexandre Mbokani, Québécois d’origine congolaise, est démographe-statisticien à l’Institut de la Statistique du Québec à Montréal. Son histoire bien personnelle nous fait découvrir ses amis et ses collègues de travail telle une faune urbaine éduquée et cultivée. Celle-ci nous transporte progressivement au centre d’un complot djihadiste dans lequel l’Oratoire St-Joseph sert de cible. À cette menace réelle s’ajoute la présence d’une mystérieuse organisation ésotérique appelée Ordre Hermétique Rénovée de l’Aube Dorée. Dans tout ce maelström, Alexandre est inquiet.

Dans ce premier polar d’anticipation où ésotérisme et djihadisme s’entremêlent et s’entrechoquent, l’auteur dresse une fresque prémonitoire où la réalité dépasse la fiction…
LangueFrançais
Date de sortie21 oct. 2020
ISBN9782925014935
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    Aperçu du livre

    Oratorio - Pierre Brassard

    Montréal.

    Hiver 2061

    Le lecteur ou le spectateur de l’imitation d’un mythe doit être enlevé, arraché à sa personnalité habituelle, et doit, comme pour chaque rite sacrificiel, devenir un dieu le temps du rite, et revenir à soi seulement lorsque le rite est achevé, lorsque l’épiphanie tend à sa fin et que le rideau se baisse.

    Nous devons rappeler qu’à l’origine de toutes les manifestations artistiques étaient des rites, et que le but du rite (…) est de sacrifier l’homme déclinant pour en faire renaître un autre, plus parfait.

    Ananda K. Coomaraswamy

    Regardant son écran électronique d’un œil froid, Alexandre compilait les plus récentes métadonnées statistiques de la métropole comme il le faisait régulièrement à son bureau de l’Institut de la Statistique du Québec basé au centre-ville de Montréal. Son bureau, avec divers écrans tactiles tout autour de lui, laissait place aussi à une panoplie de documents papier sur l’espérance de vie et la pyramide des âges qui se retrouvait jusque sur le rebord de son petit drapeau congolais qui était situé à côté de son écran principal. Redressant la tête vers le vaste puits de lumière de son bureau, où les étoiles boréales d’hiver piquetaient le ciel de la sublime voûte bleutée, le démographe-statisticien revenait tout juste de faire son entraînement quotidien dans l’un des centres de conditionnement physique public mixte. Les choses étant ce qu’elles sont depuis plusieurs années, il n’y avait que quelques centres de ce genre sur l’île de Montréal, cinq pour être plus précis. Les autres étant non mixtes.

    Institut de la Statistique. Population selon la religion.

    Agglomération de l’île de Montréal, 2061 :

    Catholique : 10,25 %

    Anglicane : 0,02 %

    Orthodoxe chrétienne : 1,29 %

    Juive : 0,44 %

    Musulmane : 52 %

    Autres religions : 1 %

    Sans affiliation religieuse : 35 %

    — Que le monde change, exprima sans s’étonner Alexandre. La population de Montréal n’est décidément plus ce qu’elle était du temps de ma jeunesse.

    Juste à côté de lui se tenait debout sa supérieure hiérarchique qui lui lança abruptement la nouvelle du jour sans trop l’avertir.

    — As-tu regardé les infos ce matin, Alexandre ? Un autre attentat djihadiste, mais cette fois-ci à Turin, en Italie !

    — J’ai vu, Delphine. Je termine mon travail plus tôt aujourd’hui. J’ai une course importante à faire.

    En sortant du bureau central de l’Institut, Alexandre salua gentiment Tatiana, la jolie préposée à l’accueil de la tour, puis s’engouffra rapidement dans le métro pour aller voir un de ses amis dans le nord de la ville. C’était Christian, professeur de statistiques de l’Université de Montréal. Il se préparait justement pour un voyage à Turin, dans le secteur où avait eu lieu l’attentat.

    — Christian, il faut que je te parle ! Est-ce que tu es à la maison ? Rappelle-moi. C’est Alexandre.

    Le téléphone intelligent Génération 5 d’Alexandre n’émettait pas aussi bien que d’habitude cette journée-là. Les diverses interférences étaient monnaie courante. Le taux de fréquentation et le fort achalandage pouvaient régulièrement donner de l’urticaire aux utilisateurs à certaines heures de la journée.

    — Alexandre ! Oui, je t’attends chez moi. Je dois justement te parler. Ça ne va pas bien en Italie. Tout se bouscule maintenant. Mon congrès de statisticiens qui devait avoir lieu à Turin a été annulé. Comme tu le sais probablement par les nouvelles, la salle de congrès a été durement touchée par un attentat terroriste. Je ne sais pas ce que visaient les terroristes. C’est bizarre tout ça. J’espère que les autorités judiciaires italiennes vont faire une enquête sérieuse et approfondie. Les Italiens qui préparaient le congrès sont stupéfaits et d’autres sont en colère. Il faudra attendre demain pour en savoir plus. 

    Le soleil perdait de son intensité et s’apprêtait à s’éclipser. L’hiver laurentien sur l’île de Montréal touchait durement les corps en ce début d’année. Une épaisse brume enveloppait l’ancien Stade olympique de l’est de Montréal près de l’appartement d’Alexandre. Dehors, il faisait un froid glacial. Les quelques itinérants du quartier essayaient de se réchauffer à l’entrée d’une station de métro. La nuit polaire prenait graduellement sa place. Il faisait -35 degrés Celsius.

    Ce matin-là, Alexandre commença son travail à l’Institut plus tôt que prévu. Avant de démarrer la journée, il ouvrit son espace de nouvelles électroniques pour consulter rapidement les nouvelles du matin.

    — Bonjour. Bienvenue aux informations de Infos 514 de 9 h. Un attentat à la voiture piégée attribué à un groupe djihadiste inconnu ‒ les Soldats de la Joie Islamique ‒ a fait tard hier soir jusqu’à 120 morts et 130 blessés à Turin en Italie. La déflagration a endommagé une grande partie d’un centre universitaire de la ville et d’un temple qui s’y trouvait à proximité. Le temple à proximité appartiendrait à un groupe ésotérique du nom de l’Ordre du Temple d’Orient ou Ordo Templi Orientis (O.T.O). L’attentat a été ressenti dans un rayon de plusieurs kilomètres de la ville de Turin. Selon les autorités policières, on visait selon toute vraisemblance des symboles institutionnels et religieux. Les services de renseignements italiens tentent actuellement de valider certaines informations qui laissent croire à une piste djihadiste basée en Sardaigne.

    — Christian, j’espère que nous n’aurons pas à vivre cela à Montréal.

    — Je l’espère.

    — Aussitôt que j’ai d’autres infos, je te recontacte OK ?

    — D’accord.

    Après cette éprouvante journée, Alexandre marcha d’un pas déterminé vers l’Église de la communauté catholique congolaise où l’on officiait selon le rite zaïrois, rite africain reconnu depuis longtemps par les autorités du Saint-Siège. C’est dans cette petite église toujours remplie à pleine capacité qu’il trouvait du soutien moral et que de multiples palabres sur le Congo s’invitaient parfois à l’entrée, après les offices religieux.

    — Bonjour. Bonjour Firmin, bonjour Jonathan, bonjour Cyrille. Salut mes frères !

    — Rentre Alex, il fait très froid.

    — Nous sommes heureux de te voir. Tout va bien ?

    — Oui, mais la journée est pesante.

    — Nous avons quelque chose d’important à te dire. Une proposition pour toi. Nous aimerions vraiment t’inviter pour la remise de la dot de Norbert et de sa future épouse. Penses-tu venir ?

    — Vous savez les amis, il n’est pas certain que je me présente à l’événement. J’aimerais bien y être, mais je ne pourrai. Désolé les amis. Vraiment désolé.

    Jonathan, je profite de l’occasion pour te féliciter pour ton dévouement lors de l’activité de la Chambre de commerce de la communauté il y a deux semaines.

    — Oh ! Merci Alex. 

    — Dis donc Jonathan, tu demeures toujours près de l’Oratoire St-Joseph ?

    — Oui bien sûr. Toujours.

    — Et toujours à la maintenance de nuit à la Résidence des retraités à Westmount ?

    — Oui, toujours. Toujours.

    La résidence s’appelait le Royal Laurentia. Elle était située tout près du métro Atwater au centre-ville. Une somptueuse résidence de luxe de douze étages avec une architecture de style néo-Renaissance qui collait parfaitement aux différentes constructions des édifices environnants. Classé monument patrimonial par la ville de Montréal depuis plusieurs années, son emplacement était hautement stratégique. À quelques pas des grands restaurants anglophones, non loin du poste de police et des services de renseignements. Il faut dire que les locataires venaient de milieux diversifiés : retraitées des banques canadiennes, ex-bibliothécaires de la Cour suprême du Canada, ex-diplomates russes et turques, rentiers-investisseurs venants de l’Arabie Saoudite et du Koweït, ex-hauts fonctionnaires venant de Jérusalem et de Genève, ex-chercheurs richissimes de l’industrie pharmaceutique originaires de l’Inde et de Chine. Sans oublier quelques artistes mondains américains mondialement connus qui voulaient surtout se faire oublier en vivant confortablement sur le marchepied de l’Empire, à quelques minutes de marche du Mont-Royal. Il faut dire que tout ce beau monde cohabitait sans grande difficulté parce qu’il y avait une politique acceptée de la maison qui était acceptée par tous lors de la signature du contrat de location : chaque étage avait son personnel propre pour mener à bien les opérations courantes. Une politique particulière qui ne faisait absolument pas de mécontents, bien au contraire ; la sélection du personnel était choisie en fonction des « besoins » et des « valeurs » de chaque étage. Une stratification sociale comme il en existait un peu partout au Canada, aux États-Unis et plus généralement dans certains quartiers dorés du monde occidental.

    Des rumeurs folles couraient au sujet du Royal Laurentia. L’une d’elles, qui semblait assez sérieuse, concernait le vol d’un document de nature hautement confidentielle qui avait été dérobé dans un appartement du penthouse sans que l’on trouve le ou les coupables. Cela rendait les employés de la résidence immédiatement suspects auprès de la direction. Or, les jours s’écoulaient et on n’avait toujours rien trouvé de tangible. Même pas un minimum d’indices sur les caméras de sécurité, les registres d’enregistrements électroniques ou même des empreintes digitales ; même pas de preuves d’ADN. Rien. De plus, tous les employés avaient été rencontrés par la direction pour faire la lumière sur ce triste crime. Car c’en était un. D’ailleurs, il y avait déjà eu une plainte formelle déposée auprès des forces policières en ce sens. Jonathan trouvait la situation extrêmement embarrassante puisqu’au moment où le crime avait été rapporté, il était de service. Il savait qu’il était dans une position inconfortable. Mais il voulait comprendre et aider à résoudre cette énigme criminelle. À vrai dire, il avait ce désir, mais il ne pouvait rien faire de concret.

    La rumeur se propageait rapidement. Des journalistes s’apprêtaient à s’en emparer et à faire valider les informations par plusieurs sources crédibles. Il y avait des intérêts et des enjeux géostratégiques importants dans ces documents. Il ne fallait surtout pas que ces documents tombent dans de mauvaises mains, se disait constamment Jonathan. Peut-être que ces documents volés avaient quelque chose à voir avec le crime organisé, le terrorisme. Tout cela était vraiment intrigant.

    — Allo Alexandre ! J’ai de nouvelles informations au sujet de l’attentat de Turin. Ce n’était pas l’OTO ou l’Ordo Templi Orientis qui était visé avec l’édifice universitaire, mais une autre organisation ésotérique du nom d’Ordre Hermétique Rénové de l’Aube Dorée d’Italie. Tu sais, on dit que la Golden Dawn a des racines britanniques.

    — C’est quoi la Golden Dawn ?

    — Des journalistes italiens ont creusé ce sujet. On dit que ces groupes ésotériques se ressemblent, tout en se distinguant sur certains points.

    Christian tentait d’expliquer ce qu’il avait lu. Ces petites « chapelles ésotérisantes » étaient des « cellules » décentralisées très indépendantes les unes les autres. Le microcosme ésotérisant était certainement déroutant pour plusieurs et l’Italie avait une histoire particulière, pour ne pas dire singulière dans l’histoire de l’ésotéro-occultisme. La ville de Turin avait été marquée depuis longtemps par ce type de « spiritualités de marge ». Les terroristes ciblaient-ils uniquement cette mouvance ? On ne le savait pas pour le moment. Des journalistes italiens étaient sur un pied de guerre à décortiquer cette problématique avec diligence et professionnalisme.

    Alexandre ne connaissait pas bien le sujet, mais il avait soif d’en savoir plus sur ce mystérieux groupe.

    — Bonjour. Voici les informations d’Infos 514 de 8 h. L’attentat qui a coûté la vie la semaine dernière à 120 personnes à Turin en Italie a été revendiqué ce matin par un groupe armé djihadiste appelé les Soldats de la Joie Islamique (S.J.I.). Dans un communiqué diffusé sur les réseaux électroniques, le groupe appelle ses partisans à détruire toute trace de « beauté occidentale » partout sur la planète. Les appels à l’apaisement sont terminés, explique le communiqué, nous allons purifier ce monde moderne, en faire un enfer pour les mécréants et ceux qui les soutiennent.

    — Allo Alexandre, j’ai retrouvé le communiqué au complet sur les réseaux électroniques du groupe djihadiste. Je te l’envoie tout de suite…

    Dès qu’il reçut le message électronique, Alexandre lut et marmonna à voix basse ce qui semblait être en réalité un véritable manifeste politico-religieux.

    « Ô toi le Très Haut Tout Puissant Dieu Unique, nous servons ta volonté de toutes nos forces. Nous t’obéissons toujours d’une foi ardente. Nous éliminerons tous ceux qui mettent en péril tes principes infinis et indestructibles. Notre dévotion est sans fin. Nous partirons te rejoindre bientôt, car nous savons que nous attend une multitude de belles choses grâce à toi. Puisses-tu savourer nos actes héroïques. Nous ferons ce travail comme un rite sacré, avec dignité. Voici nos actions que nous t’offrons dans l’honneur et l’enthousiasme.

    Premièrement, nous allons détruire férocement toute trace de beauté occidentale. Surtout les plus offensantes. Celles qui poussent particulièrement à la débauche, la promiscuité, la luxure et la décadence. Ce qui signifie que l’art décadent et tout ce qui l’entoure en Occident devra être anéantis à long terme de la surface de la Terre : musiques, peintures, sculptures, architectures, musées, mais aussi ce qui entraîne vers la perdition morale : parfums, alcool, tabac, bijoux, jeux et loterie. Il faut en finir avec toutes ces perversions qui excitent à la débauche.

    Deuxièmement, nous allons rapidement faire en sorte de rendre la vie très difficile à toutes les minorités décadentes, particulièrement celles qui se disent spirituelles et que l’Occident protège par ses chartes et son État de droit. Nous laissons à nos partisans le soin de choisir eux-mêmes leurs cibles. Ceci est un doux privilège, car les Sans-Dieu et les polythéistes ne sont pas la seule et unique cible.

    Les appels à l’apaisement sont terminés. Nous ne gagnerons pas les âmes avec les tièdes. L’heure est aux impératifs supérieurs de primauté totale du surnaturel. Nous allons transformer ce monde moderne dans un acte de purification pour en faire un enfer pour les mécréants spirituels et ceux qui les soutiennent. Pour toi, Dieu Unique, nous allons croître, fortifier et faire grandir tes principes éternels ! Allah Akbar !

    À Nous la Victoire !

    Soldats de la Joie Islamique ! »

    — C’est complètement dingue. C’est quoi ce charabia ?

    Alexandre resta figé. Il ne savait pas quoi répondre après la lecture du communiqué sur les djihadistes. Une colère contenue ? Un moment d’insécurité ?

    — Alexandre, l’Italie est dans une situation intenable. Je suis aussi maniaque des statistiques que toi et je sais pertinemment qu’elles nous indiquent qu’en Italie l’indice de fécondité des femmes est le plus bas de tout l’Occident, et qu’une décroissance économique perdure depuis de nombreuses années. Ceci explique peut-être cela. L’Italie s’effondre et il faut croire que les djihadistes connaissent ce maillon faible de la société italienne. Veulent-ils en profiter pour déstabiliser le chef-lieu historique de l’Empire romain ? En tout cas, ils choisissent bien leur cible.

    — Je suis au courant Christian. Je sais même que le Vatican est sur le qui-vive. Ils ont peur d’un attentat eux aussi. C’était une possibilité, mais cela se précise davantage avec ce que tu m’apprends. Le Vatican est une cible idéale et parfaite. Le patrimoine artistique y est immense. Les planètes s’alignent pour un choc frontal. Des amis congolais m’informaient que ça chauffe à la curie romaine. On évoque même l’idée de déménager le Saint-Siège de Rome à Kinshasa au Congo. Des palabres qui n’en finissent plus… Je n’en sais pas plus pour le moment, mais ça chauffe. Les barrettes et les calottes surchauffent même ! 

    — Sans blague !

    Depuis plusieurs années, l’atmosphère sociale, culturelle, démographique, économique, était devenue de plus en plus irrespirable dans ce qui s’appelait naguère la « vieille Europe ». Les curseurs, presque tous les curseurs pointaient vers le bas. L’anomie sociale était devenue progressivement le grand paradigme de la modernité européenne. La crise du sens comme des naissances ne convergeait plus vers un minimum de hauteur. Le point de bascule de non-retour était arrivé. Le point de non-retour était atteint. Cette situation n’avait pas été divulguée par les grandes agences de publicité, trop contentes de gaver de lumière bleue et de maintenir sur leurs écrans les petits fonctionnaires des grandes villes qui passaient et virevoltaient d’un écran à un autre comme dans une maison de frivolité sans escale. Ce qui maintenait les fonctionnaires suffisamment en léthargie pour faire leur basse besogne. Cette logique sourde de la modernité occidentale – cette force précaire – avance et attention à la marche forcée ! 

    — Bienvenue aux informations d’Infos 514 de 9 h. Nous venons tout juste d’apprendre que deux fortes explosions viennent d’avoir lieu ce matin dans la ville de Lyon en France. Selon les premiers détails d’une dépêche d’agence de presse électronique, il y aurait plusieurs morts, dont des dignitaires du consulat d’Israël et de Roumanie qui participaient conjointement à une collecte de fonds pour un centre culturel sur le patrimoine Europe-Israël. Nous n’avons pas pour le moment plus de détails. Demeurez à l’écoute, nous aurons d’ici peu des correspondants sur place pour rendre compte de la situation.

    — Delphine ! Il faut que je parle à Delphine Coppé, mon supérieur immédiat à l’ISQ. Dis donc Omar, Delphine est-elle rentrée au travail aujourd’hui ? Je ne l’ai pas vue à son bureau ? Elle est toujours pimpante et prête à discuter de tout et de rien avec toute l’équipe.

    — Alexandre, elle est dans l’aire de repos près de l’ascenseur.

    Alexandre s’approcha d’elle doucement. Il s’aperçut avec tristesse que des larmes jaillissaient de ses yeux vitreux.

    — Que se passe-t-il, Delphine ! 

    — Je suis sous le choc. Mon frère Cédric a été tué lors de l’attentat de Lyon qui vient d’arriver en France. Mon père m’a appelée pour m’apprendre la triste nouvelle. Il travaillait au bureau administratif du centre culturel Europe-Israël à Lyon. Je suis sans mots. J’ai terriblement besoin de réconfort. Puis-je être serrée dans tes bras Alexandre ? C’est terriblement dur.

    — Viens, approche ! Je serai toujours là si tu as besoin de moi.

    — Oh ! Merci Alexandre.

    — Tu vas sûrement aller en France pour vivre ce difficile deuil en famille. Dès ton retour à Montréal, appelle-moi. OK ?

    — Ne te fais pas de soucis. Je compte prendre quelques semaines de vacances que j’ai accumulées. Je te redonne des nouvelles dès que possible.

    Les deux employés de l’ISQ répétaient, marmonnaient inlassablement ensemble des mots de réconfort l’un envers l’autre dans la pénombre de la salle de repos qui jouxtait une série de reproductions de petits tableaux de plusieurs artistes, canadiens, québécois, américains, européens dont le fameux tableau bien en vue du peintre espagnol Valdés Leal intitulé Allégorie de la Mort (1672).

    — Bienvenue aux informations d’Infos 514 de 9 h. L’explosion à Lyon qui a fait hier jusqu’à maintenant 61 morts et 154 blessés donc huit très graves a finalement été revendiquée. Selon les autorités françaises, il s’agit de l’organisation djihadiste appelée les Soldats de la Joie Islamique. Les auteurs du groupe disent qu’ils poursuivront leur lutte pour ‒ et je cite ‒ détruire toute trace de beauté occidentale. En plus d’avoir atteint durement le centre culturel Europe-Israël, le groupe les Soldats de la Joie Islamique ont aussi visé un temple ésotérique basé à Lyon appelé Ordre Hermétique Rénové de l’Aube Dorée.

    Comme tous les matins en semaine, juste avant d’aller travailler à l’Institut de la Statistique, Alexandre Mbokani se rendait faire son entraînement physique au Gym Élite

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