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Le château maléfique
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Livre électronique201 pages2 heures

Le château maléfique

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À propos de ce livre électronique

Deux jeunes, à peine des hommes en devenir, s’aventurent dans une forêt maudite située à l’orée de leur village.

De très jeunes garçons y disparaissent d’une génération à l’autre. La survie de tous dépendra-t-elle de Firmin et Clovis?

D’un commun accord et avec la témérité de leur jeunesse, ils décident de découvrir la source du mal.

Une magie très noire et puissante se dressera sur leur route.

Qui vaincra ?
Leur détermination suffira-t-elle face aux forces obscures ?
LangueFrançais
Date de sortie30 avr. 2019
ISBN9782898035395
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    Aperçu du livre

    Le château maléfique - Louise Poulin

    Poulin

    LES CAVALIERS NOIRS

    Il était une fois, vers l’an 1300, un village plus pauvre que le plus pauvre des villages situé en bordure d’une dense forêt qui semblait inhabitée, n’était-ce les esprits maléfiques qui y rôdaient. On y trouvait un château immense, dont on pouvait apercevoir les tours géantes et les tourelles qui caressaient les nuages noirs et ondoyaient au-dessus des arbres.

    Le village était situé en ce pays appelé « France », où se serait réfugié Merlin l’enchanteur, à présent enterré sous de grosses dalles de pierre dans la forêt de Brocéliande. La magie était partout dans ces bois où les fées et les druides avaient élu domicile.

    Mais ce village ne se trouvait pas à Brocéliande, cette étendue verte, vivante, lumineuse et magnifique. L’endroit, qui bordait la forêt de Châteaumort, était sans énergie porteuse de beauté et de vie. Un maître mauvais, disait-on, y régnait sur tout. De son château, dont les tours apparaissaient au-dessus de la canopée, il dominait la nature moribonde et les gens qui habitaient à proximité.

    Les villageois se transmettaient de père en fils la certitude d’être frappés par un sort étrange, car, malgré tous leurs efforts, ils n’arrivaient tout simplement pas à sortir leur bourgade de sa condition extrême de misère et de malheur…

    Le hameau comptait tout au plus une vingtaine de maisonnettes construites tout près les unes des autres pour qu’on puisse mieux se protéger. Elles étaient décrépites. Les toits de chaume n’étaient pas étanches et, malgré les fondations de pierre solides, les murs endommagés par le temps et le manque d’entretien laissaient s’infiltrer vent et pluie. C’était de véritables mansardes. À l’intérieur des habitations, on voyait des herbes diverses qu’on avait suspendues au plafond pour les faire sécher. Pour tout mobilier, il y avait des tables et des bancs de bois à peine dégrossi ainsi que quelques lits que se partageait la famille, des tonneaux pour l’eau de même qu’un gros chaudron de fer forgé qui pendait à la crémaillère. C’étaient les principales richesses. À chacune des portes, il y avait une cloche que les pères fixaient au cadre lorsqu’ils se retiraient pour dormir. C’était une alarme contre les chevaliers noirs, et l’on entendait son glas si la porte s’ouvrait au beau milieu de la nuit. Bien qu’elle ait été installée systématiquement depuis des générations, elle n’avait jamais au grand jamais empêché que ne disparaissent les petits de sexe masculin en santé.

    Derrière les demeures, un enclos protégeait les animaux appartenant à la communauté : des porcs trop maigres, deux poules et un coq ainsi que quelques vaches laitières.

    Les enfants traînaient leurs savates sans âge dans la poussière. Les hommes tentaient en vain de faire pousser en quantité raisonnable de quoi nourrir le village. Ils récoltaient tout au plus quelques boisseaux de céréales de mauvaise qualité, des légumes rachitiques (oignons, navets minuscules), de l’ortie et du cresson, des épices et quelques concombres. Les femmes gardaient en vie leur progéniture, malgré toutes les difficultés. À tout moment des batailles éclataient, et l’on voyait deux groupes de jeunes s’affronter pour tout et pour rien. Comme si la pauvreté ne suffisait pas, ces bagarres laissaient toujours des estropiés et parfois des morts. Même lors des quelques divertissements qui s’organisaient, ces combats étaient courants, habituels même ; c’était dans les mœurs.

    À Châteaumort, impossible d’abattre le gibier. Rien ne semblait vivre dans les bois, et ceux qui s’y étaient aventurés n’étaient jamais rentrés, avalés par l’immense forêt où aucun rayon de soleil ne pénétrait. Il arrivait que des hommes qui avaient été épargnés et avaient grandis s’absentent plusieurs jours afin de chasser dans les forêts avoisinantes, là où la malédiction n’était pas parvenue.

    Personne ne souriait sauf les bambins, encore inconscients de la misère, et les adolescents, qui tentaient d’avoir quelques sursauts d’espoir. Certains habitants étaient allés s’installer dans d’autres villages et n’étaient jamais revenus à Châteaumort. Même les naissances n’apportaient pas le bonheur dans les chaumières : si on avait une fille, c’était une bouche de plus à nourrir ; si un garçon voyait le jour, c’était un tourment de chaque instant.

    Il y avait des endroits remplis de bonheur où des enfants riaient, jouaient, allaient à la pêche et partaient chasser, où les adultes travaillaient sans crainte dans les champs. Il y avait de grandes fêtes, on se réunissait. On fonderait un jour de nouvelles familles. Tout était décoré pour ces occasions, des guirlandes de fleurs et des lanternes étaient accrochées aux branches les plus basses. Parfois, les jeunes les plus téméraires grimpaient au faîte des arbres et y installaient des tresses de paille savamment assemblées. Il y avait des naissances, et les deux sexes étaient bienvenus. Personne ne tremblait de frayeur.

    Quant à leur village, il portait le nom prédestiné de Châteaumort. Juste cela faisait frissonner. C’était le bourg situé tout près de l’endroit maudit porteur de malheurs. Comment vivre sans peur avec une étiquette comme celle-là ? Était-ce tous ces évènements qui remontaient à si loin et dont personne ne pouvait faire le compte réel qui étaient responsables de ce nom ? Y avait-il déjà eu une vie normale dans ce village ? N’aurait-on pas pu le désigner par un nom inspirant comme « Soleil Levant » ou encore « Préfleuri » ? On rêvait parfois de le rebaptiser, mais c’était impossible. Les habitants craignaient tellement cette appellation de Châteaumort qu’ils hésitaient toujours à la prononcer. S’ils y étaient contraints, ils le faisaient du bout des lèvres et si rapidement qu’il était difficile d’en comprendre les dernières syllabes, le « r » devenant muet (« Châteaumo… »).

    L’unique rue du village, remplie presque en permanence de boue et pleine de crevasses, était régulièrement traversée par une petite armée de chevaliers au visage invisible, couvert d’un masque sombre. Ils étaient étranges avec leurs corps raides comme une planche, galopant sans s’arrêter, sans même ralentir. Ils renversaient tout sur leur passage : les objets, les adultes et les enfants qui menaçaient d’être piétinés par leurs chevaux. Ces bêtes étaient noires des pieds à la tête, tout comme l’était l’armure de ces cavaliers maudits ainsi que leurs capes, qui flottaient au vent. Chevaux et maîtres paraissaient sans âme ; rien ne semblait les habiter. Quand ces cavaliers fonçaient en direction de la forêt, tous les habitants se terraient comme ils le pouvaient, terrorisés et impuissants à se défendre contre cette force malfaisante.

    Puis les cavaliers disparaissaient sous le couvert des arbres. Les unes derrière les autres, leurs silhouettes s’évanouissaient dans un bruit infernal. De nombreuses minutes passaient avant que les villageois sortent de leur cachette. Alors ils tendaient l’oreille pour s’assurer de ne plus rien entendre de la vibration des chevaux lancés à toute allure. Ils devaient chaque fois évacuer toute la peur, afin de pouvoir reprendre les gestes qu’ils avaient à accomplir tous les jours. Ils pleuraient les absents encore et encore, mangeaient du bout des lèvres une nourriture sans saveur. Ils cultivaient leur petit coin de terrain, cueillaient quelques herbes ou fruits offerts par la nature, puis embrassaient leurs enfants, surtout les garçons, car ils ne savaient jamais combien d’années ceux-ci resteraient auprès d’eux.

    Dans le village, une vieille dame était renommée pour ses dons. On disait qu’elle manipulait l’énergie des esprits de ceux qui étaient morts depuis déjà très longtemps et que ces âmes errantes pouvaient apporter un peu de protection aux villageois. Toutes les mères y emmenaient leurs nouveau-nés de sexe masculin. La vieille dame effectuait mille incantations et rituels qui duraient de nombreuses heures, cela dans l’unique but de rendre le garçonnet invisible aux yeux des cavaliers noirs. Comme certains enfants mâles semblaient épargnés, on espérait que la magie fonctionnerait. Pas une seule mère ne se soustrayait à cette visite éprouvante. En sortant de la cabane de la magicienne, ainsi nommée par tous les habitants de Châteaumort, les mères enfonçaient leurs doigts croisés au fond des poches de leur robe brune usée et sans attrait. Elles les tenaient ainsi de si longues heures que, à la fin de la journée, ils étaient totalement ankylosés. La dame leur offrait également un talisman, qu’elles portaient sur elles 24 heures sur 24. C’était un minuscule sac de jute solidement noué, où s’entassaient de menus objets qu’il était interdit de regarder sous peine de briser le charme protecteur qui y était attribué. Les mères ne dormaient que d’un œil, la main crispée sur le précieux cadeau.

    En dépit de tout cela…

    À la faveur de la nuit, des bambins disparaissaient. Les familles vivaient dans une peur constante. Malgré la grande vigilance des mères et le fait qu’elles gardaient leurs poupons tout près d’elles, rien n’empêchait les petits de se volatiliser comme par enchantement. Comme c’était toujours les jeunes mâles les plus vigoureux qui étaient enlevés, il était courant de nourrir les garçons un peu moins que les filles afin qu’ils soient malingres, chétifs et sans trop d’énergie et que, ainsi, ils soient oubliés au passage des monstres tant détestés.

    Des pleurs et des cris montaient du village. Les chevaliers passaient et repassaient, semant le désarroi sur leur passage. Le temps s’écoulait, n’apportant aucune solution à ces pauvres gens.

    AN 1320

    Vers l’an 1320, deux jeunes hommes âgés de 16 et 17 ans, miraculeusement épargnés par le mauvais sort visant les enfants mâles en parfaite santé, essayaient de redonner espoir aux villageois. Ils travaillaient sans relâche avec leurs petits moyens, les encourageaient et arrivaient à l’occasion à les faire sourire, car ils étaient dotés d’une bonne humeur quasiment inaltérable, tout en étant de nature curieuse et sans peur. Ils étaient très différents de tous les autres. Leur tempérament joyeux surprenait. Bien que dans le village de Châteaumort tout fût gris et sans beauté, les deux comparses dégageaient quelque chose de magique. À leur passage, la terre semblait moins pauvre, moins sèche et moins terne. Lorsqu’ils passaient, les arbres étaient un peu plus verts. On pouvait voir des rayons de soleil bienfaiteurs filtrer à travers les nuages. Les enfants s’agglutinaient et traversaient le village en leur compagnie. Dans ces moments-là, ils riaient tous et se dandinaient comme le font tous les jeunes du monde. Même les garçons, qui étaient élevés par leurs parents dans l’angoisse constante du sort qui leur était peut-être réservé, profitaient de la présence de Clovis et de Firmin. On se plaisait à penser que si ces deux jeunes avaient miraculeusement échappé aux cavaliers, il y avait peut-être un espoir pour leur petite communauté.

    Ils étaient plus beaux, plus forts que quiconque au village. Tous les villageois les avaient vus grandir. Chaque adulte sans exception s’était donné pour mission de les protéger, de les couver et de les nourrir. On les voyait comme d’éventuels sauveurs.

    Clovis avait 16 ans, et Firmin était son aîné de quelques mois. Ces noms reçus à la naissance étaient très ordinaires, dépourvus de connotation évoquant la force ou la magie. Ce n’était pas comme celui de Châteaumort, qui, lui, rappelait tous les malheurs possibles. Bien qu’issus de parents distincts, ces garçons, déjà imposants par leur taille et leur puissance physique, avaient des ressemblances : cheveux châtains et raides touchant leurs épaules, comme c’était la mode à cette époque ; nez étroits et légèrement aquilins ; joues rondes et teint bien basané par de longues journées passées dans les champs. Ils étaient beaux, et de nombreuses jeunes filles recherchaient leur faveur.

    Depuis un moment, Clovis et Firmin avaient le projet de violer l’interdiction de s’approcher de la forêt. C’était comme un appel qui les poussait vers cette quête de l’endroit maudit, cette source des malheurs qui s’étaient abattus sur le village depuis la nuit des temps. Tranquillement, ils se préparaient en vue de cette expédition risquée. Ils songeaient qu’ils n’en reviendraient peut-être pas, mais il fallait bien qu’un jour quelqu’un tente d’en savoir plus. Il fallait trouver une solution pour annuler le mauvais sort qu’on leur avait jeté. Ils auraient préféré laisser cette tâche dangereuse à d’autres, car tous les deux étaient en âge d’être amoureux. Firmin chérissait tendrement Alénior, fille de la boiteuse, qui était svelte et possédait une longue chevelure couleur de blé ainsi que de magnifiques yeux verts brillants d’intelligence. Le cœur de Clovis battait pour Genièvre, la marchande de légumes. Genièvre avait les cheveux et les yeux d’un brun très sombre, et des cils fournis qui attiraient le regard de tous. Elles étaient toutes deux jolies, remplies d’entrain et de désir de vivre. Comme tous les adultes du village qui avaient échappé à la malédiction, Firmin et Clovis souhaitaient fonder une famille. Avec les doux visages de leurs dulcinées en tête et pleins de l’espoir fou de revenir vers elles sains et saufs au terme de cette difficile mission, ils firent les préparatifs.

    Cachés dans une vieille cabane depuis longtemps abandonnée de tous, ils amassaient ce qui pourrait leur être utile : un arc, deux couteaux, un manche de hache, une grande corde, une faucille. Il y avait également des objets tranchants trouvés au hasard de leurs déplacements, des sacs de toile où mettre ce qu’ils devaient emporter, des chandelles pour s’éclairer dans la forêt ainsi que de menues babioles. Ils entreposaient aussi des vêtements qu’ils porteraient en couches superposées afin de n’avoir pas trop froid sous l’ombre glacée des arbres immenses qui composaient cette forêt maudite.

    Au fond de leur cœur, il y avait cet appel qui se faisait de plus en plus pressant. Leur village se mourait. Des centaines d’années de malheurs allaient avoir raison d’eux. Les signes du désespoir étaient visibles partout : dans les regards fuyants, les visages sans expression et le manque d’intérêt pour tout plaisir.

    Clovis et Firmin ne pouvaient accepter cette fatalité. Ils aimaient leurs frères et sœurs, leurs mères qui travaillaient sans relâche, et leurs pères qui ne savaient plus comment se battre.

    Les villageois étaient des survivants. Autour d’eux, des ombres du monde obscur circulaient et se déplaçaient furtivement. L’atmosphère était lourde, la menace, omniprésente. On sentait de la magie noire à l’orée du bois et même dans les chaumières.

    Heureusement, ni Clovis ni Firmin n’avaient le don de voyance, mais ils auraient tremblé de connaître l’essence réelle de l’ennemi qu’ils se préparaient à affronter. Ils préféraient se persuader que ces cavaliers étaient humains et qu’ils pourraient venir à bout de leur cuirasse, aussi solide soit-elle. Ces chevaliers masqués qui traversaient leur village cachaient un mystère. En le découvrant, pourraient-ils redonner vie aux leurs ?

    Les garçons s’isolaient donc chaque fois qu’ils le pouvaient pour mettre au point les différents détails de leur projet. Ils se réconfortaient l’un l’autre, et ces rencontres créaient un lien puissant entre eux. Il ne fallait rien laisser au hasard. Les deux amis simulaient des affrontements, s’entraînaient afin de devenir plus résistants, de renforcer les muscles de leurs bras et de leurs jambes, et d’augmenter leur souffle à la course, ou bien ils restaient sans boire ni manger pendant des heures. Certaines nuits, ils se rejoignaient et demeuraient dans le noir sans dormir, ni parler, ni faire de feu afin de contrôler leur peur.

    Des jours, des semaines,

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