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Princesse Cyel et le retour d'Orion
Princesse Cyel et le retour d'Orion
Princesse Cyel et le retour d'Orion
Livre électronique348 pages5 heures

Princesse Cyel et le retour d'Orion

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À propos de ce livre électronique

Bienvenue, jeune mercenaire avide d’aventure, à la ville portuaire d’Hoï ! Cet illustre continent des terres impériales, où te largue le navire du vieux Bouros, a une quête on ne peut plus périlleuse pour toi. Allez, pose pied sur les quais ! La Princesse Cyel a été enlevée, vois-tu, et cela menace la paix du royaume que
se partagent les hommes et les Elfs. Cyel étant promise à un petit gaillard ailé du nom de Sférin, sa disparition pourrait signifier la chute de l’Empire.

Lorsqu’un légionnaire revient en ville avec une mystérieuse blessure, il n’y a plus de doute quant à l’identité des ravisseurs. Les forces de l’Ordre de la Main Pourpre, qui agissent sous la tutelle d’Orion, sont derrière cette sale besogne. Tu devras déjouer les plans du mage noir avant qu’il ne soit trop tard…

Un dernier conseil avant que tu y ailles, héros: fais-toi quelques amis en chemin ! Sagitta est un peu grincheux, mais il est fort, et Farkot est plutôt sage, même s’il ne parle pas beaucoup!
LangueFrançais
Date de sortie21 juin 2019
ISBN9782898032127
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    Aperçu du livre

    Princesse Cyel et le retour d'Orion - Jérémie Provencher

    Bergerac

    1

    La scène se déroule à bord d’un navire marchand, près des côtes du royaume de l’Empire…

    Les cris des matelots qui s’affairent sur le pont te réveillent subitement : la terre du Continent impérial est en vue. Tu es un jeune mercenaire, originaire des îles de Velours, engagé par le marchand Bouros pour escorter son navire jusqu’à la ville portuaire d’Hoï. Cette entreprise touche à sa fin. Le bateau oscille légèrement alors que tu attaches ton épée à ta ceinture. Tu prends également soin de glisser ton poignard porte-bonheur dans tes bottes de cuir avant de sortir de la cale du navire. Tu portes des vêtements simples et quelques articles composent le reste de ton équipement : tunique grise en lin, culotte noire de mercenaire et petit sac de voyage contenant une gourde, une boussole, une carte des Terres impériales, une corde de 25 mètres et des vivres pour 2 jours. Pour l’instant, tu es en parfaite santé.

    En arrivant sur le pont du vaisseau, tu te remplis les poumons de grandes bouffées d’air salin et tu notes que les brumes du matin flottent toujours à l’horizon. Malgré ce panorama, l’homme de vigie, perché dans son baril tout en haut du mât, pointe son bras vers une ligne plus foncée qui se dessine à l’horizon, au nord-est : ce sont les quais de la ville d’Hoï, où votre bateau jettera bientôt l’ancre. Tu vas voir Bouros, ton patron. Le riche marchand est occupé à compter des caisses d’épices et à estimer ses profits. Il relève la tête en te voyant approcher.

    — Voilà justement la personne que je cherchais ! s’exclame-t-il.

    Alors qu’il te parle, le vent souffle et tu as l’impression que la moustache touffue de Bouros tremble autant que les voiles tendues de son navire. Son visage prend soudainement une expression amusée.

    — Tu viens pour ta paie, j’imagine.

    Il te remet une bourse contenant 50 pièces d’argent, comme il te l’avait promis avant de quitter les îles de Velours.

    — Entre toi et moi, nous avons été chanceux de vaincre les pirates en haute mer ; un homme sage sait qu’il faut s’entourer de bonnes lames, ajoute-t-il en te tapotant l’épaule paternellement.

    Bouros t’explique ensuite qu’il n’aura plus besoin de tes services une fois rendu sur les Terres impériales : il compte vendre ses biens au marché local où des gardes pourront le protéger. Un sentiment de liberté et d’indépendance bien connu des mercenaires s’empare de toi ; l’appel de l’aventure t’envahit à l’idée d’explorer un nouveau continent. Tu serres la main de Bouros et tu aides les marins avec le cordage afin que les amarres soient prêtes pour votre arrivée. Le navire accoste sans problème, les haleurs étant bien habitués à exécuter cette manœuvre. Tu franchis rapidement la passerelle qui te sépare de la terre ferme.

    Malgré le fait que les quais de la ville soient bondés de matelots, ton allure menaçante te permet de te frayer un chemin à travers la foule du port. Au passage, quelques membres d’équipage et certains voyageurs te regardent même d’un œil hostile et effrayé. Étant mercenaire, tu es habitué à ce type d’accueil et ta détermination fait en sorte que la méfiance des étrangers ne te gêne pas.

    Par chance, alors que tu te rends au marché de la ville, tu remarques que la langue commune domine. Cependant, tu entends des bribes d’un accent plus articulé et hautain : il s’agit du flimbre, la langue de l’Empire. Elle t’est inconnue, mais tu constates vite que les gardes en armures scintillantes qui parlent ce dialecte sont des soldats impériaux.

    Tu évites les activités et la foule bourdonnante du marché ; tu préfères économiser l’argent que tu viens de recevoir.

    Poursuivant ton chemin vers les limites de la ville, tu distingues rapidement le sentier qui mène au château. Tu es persuadé qu’une quête digne de ce nom t’y attend. Pour ce faire, il te faudra gagner la confiance de gens haut placés et te faire des alliés pour espérer partir à nouveau à l’aventure. Tu longes les imposantes palissades en pierres du château lorsque soudainement, tu aperçois un cavalier arrivant à toute vitesse à la porte du nord, où deux gardes lui barrent aussitôt la route. Le cavalier n’a pas le choix de tirer sur les rênes de sa monture et de s’arrêter devant les deux légionnaires. Tu n’as pas besoin d’un grand sens de l’observation pour noter que le cavalier penche légèrement sur sa selle et qu’il tient ses côtes d’une main : il est blessé. Tu continues de marcher tranquillement vers les gardes jusqu’à ce que tu sois en mesure d’entendre leur conversation.

    — Averon, ma parole, que vous est-il arrivé ? déclare un des gardes, surpris.

    — Dans… Dans le Bois-aux-Centaures, réplique le mystérieux cavalier d’une voix faible, presque éteinte. Nous avons été attaqués !

    — Vous et la troupe qui a été envoyée vers les marais ce matin, vous voulez dire ? Où sont passés les autres ? demande le deuxième garde en bombant le torse, indigné.

    — Ils… Ils y sont restés ! avoue le cavalier.

    — Nous avons été piégés par des créatures maléfiques, des êtres corrompus ! Aïe ! fait-il en tressaillant et en retirant la main de son flanc, découvrant une plaie violette.

    Tu n’as jamais rien vu de tel et, à voir les visages abasourdis des deux gardes, eux non plus.

    — Passez-moi la bride, Averon ; je vous amène à l’infirmerie, dit le premier légionnaire en brossant le cheval de sa main gantée.

    — Oui, bonne idée, réplique le deuxième. Moi, j’irai faire votre rapport à la comtesse et au capitaine !

    Si tu décides d’intervenir dans la conversation pour obtenir plus de renseignements sur l’expédition du mystérieux cavalier, rends-toi au 8.

    Si tu choisis plutôt de suivre les traces de la monture vers le Bois-aux-Centaures pour découvrir ce qui s’est passé, poursuis ta lecture !

    2

    Tu reprends la route en suivant sans peine les traces qu’a laissées le cheval du malheureux Averon. Le chemin de terre battue que tu suis te mène à la lisière de la forêt, après deux heures de marche. C’est alors que tu t’aperçois que d’autres traces s’ajoutent à celles laissées par les sabots. Il semble que plus d’un cheval soit passé par ici. Tu vois également plusieurs empreintes de bottes de chaque côté des pistes laissées par les montures, et elles semblent se diriger vers le nord-ouest : tu comprends que c’est par ici que l’expédition a gagné la forêt.

    Quelques minutes de marche plus tard, la forêt devient plus dense et le feuillage est si épais par moments que tu n’es plus certain s’il fait jour ou nuit. Tu t’enfonces encore plus à fond jusqu’à ce que les traces de l’expédition s’estompent : certaines empreintes bifurquent, changent de direction ou disparaissent complètement. En te dirigeant vers l’endroit le plus lumineux, tu découvres une clairière où se tient un arbre colossal. Tu t’agrippes à un arbuste et t’accroupis ; ton instinct te dit de redoubler de prudence. En scrutant plus longuement la clairière, quelque chose de scintillant attire ton attention. Tu vois deux corps de gardes impériaux allongés au pied de l’arbre. Mis à part un vent léger qui agite les feuillages, tout est silencieux.

    Ne remarquant pas d’ennemis, tu décides d’avancer prudemment. Avec le bruit étouffé d’une lame qui frotte sur du cuir, tu tires ton épée de son fourreau et tu t’engages dans la clairière. Tu regardes partout autour de toi, cherchant un mouvement à l’orée de la forêt ; tu es conscient d’être à découvert et cela ne te plaît pas. Ce n’est qu’en approchant de l’arbre solitaire que tu te rends compte que sa taille est gigantesque. Tu t’accroupis sous son ombre, près des corps des gardes. Tu jettes un dernier coup d’œil derrière toi avant de les fouiller.

    Alors que tu essaies de dénouer le nœud d’une bourse attachée à la ceinture d’un des soldats, tu entends un craquement de branche. Tu lâches aussitôt les ficelles et te relèves en chancelant ; un second craquement plus sourd se fait entendre, puis encore un autre. Tu recules d’un pas et distingues soudainement trois silhouettes : l’une d’elles est camouflée dans le feuillage du grand arbre et les deux autres se retrouvent de chaque côté de son tronc. Ce sont des créatures humanoïdes, dont une seule est plus grande que toi. Le feuillage filtre les derniers rayons du soleil et ceux-ci éclairent faiblement le corps des créatures. Elles sont noueuses et recouvertes d’épines ; on dirait des arbrisseaux recouverts de ronces. De nouveaux craquements de bois accompagnent chacun de leurs pas. Avant que le combat qui te semble inévitable commence, tu remarques les fentes bouillantes qui remplacent leurs yeux qui luisent de la même teinte violette que la blessure d’Averon.

    La créature à gauche du tronc étire un bras vers toi pour commencer la bataille, mais tu réussis à dévier son coup de fouet avec ton arme. Par contre, le second ennemi, caché à l’ombre, parvient à te frapper au torse. Au même moment, tu fonces sur l’adversaire dont tu as bloqué l’attaque et, prenant ton épée à deux mains, tu lui taillades le bras et le flanc. Malgré qu’un liquide mauve coule de sa blessure, elle ne fait que tituber, avant de retrouver son équilibre. De la vapeur sort également de sa plaie, comme si elle était brûlante. La dernière créature, quant à elle, est restée collée au tronc de l’arbre. Alors que les deux autres sont vertes, celle-ci est plutôt brune et un peu plus large que ses semblables, et son armure d’écorce te semble plus épaisse. Elle flaire l’humus des bois un instant avant d’étendre les deux mains dans ta direction. Des aiguilles sont éjectées de ses paumes ouvertes et viennent se loger dans ton armure de cuir. Tu grognes en sentant que certaines ont piqué ta peau.

    À ton tour, tu ripostes avec deux coups d’épée : tu terrasses la créature blessée d’un élan du revers et tu te déplaces dans la zone ombragée pour te coller au tronc de l’arbre géant. Ainsi, tu es hors du champ de vision de l’ennemi qui joue les tireurs d’élite. Tu en profites pour plonger ta lame dans la dernière créature verte. Le même liquide corrompu et chaud gicle de l’entaille sur tes mains nues. Il semble se tordre de douleur et, bien qu’il ait la gueule ouverte, il n’y a que des grincements qui en sortent, comme si de nombreuses branches frêles cédaient. Tu entends un crépitement, puis un sifflement dans l’air : la créature brune a eu le temps de se repositionner et tire une nouvelle salve d’épines vers toi. Cette fois, en te penchant, tu lui offres ton épaule, une cible plus petite. L’autre adversaire que tu as transpercé de ton épée porte maintenant sa main crochue à sa blessure, essayant de retenir le liquide maléfique qui en coule. Soudainement, il avance et s’élance vers toi pour te frapper avec son autre bras. Les lianes jaillissent et tu fais un pas de côté, parant son coup avec le plat de ton épée. Comme tu sais qu’il a baissé sa garde, tu saisis l’occasion de faire un pas en avant et de lui trancher l’appendice ; tu sens des épines te frôler doucement le visage alors que son membre tombe au sol.

    Maintenant, il ne reste que la créature à carapace qui ne paraît pas gênée par la défaite de ses camarades. Tout à coup, elle saute et s’agrippe au tronc du grand arbre. Elle s’éloigne de toi d’environ trois mètres vers le haut. Très rapidement, elle projette sa main crochue dans ta direction et une autre série d’épines vole vers toi. Cette fois, tu es prêt et tu esquives facilement son attaque. Par contre, comme la créature est très haute dans l’arbre, elle est hors de ta portée, car tu n’as pas d’arme de jet. Tu décides de te déplacer autour du tronc afin qu’il te serve de couverture.

    Tu gardes ton attention sur l’adversaire qui se déplace le long de l’arbre avec ses griffes pour te suivre. Il cherche vraisemblablement un bon angle de tir, mais il est moins agile que les autres, vu sa forme imposante. Sans prévenir, un son familier fend l’air. Alors que tu t’attends à essuyer une nouvelle vague d’aiguilles, tu n’aperçois pas de ronces qui émanent de l’ennemi. Cela te semble incroyable, mais une secousse ébranle la créature qui tombe au sol à plat ventre sur une grosse racine. Elle a trois flèches plantées dans le dos et ne bouge plus. Tu observes le feuillage touffu de l’arbre avec l’espoir d’y trouver une poignée d’archers perchés sur une branche. Tu ne vois rien, mais de légers bourdonnements persistent, comme si des abeilles invisibles tournaient autour de ta tête.

    L’instant suivant, tu te retrouves face à face avec un être féerique : on dirait un petit elfe doté d’ailes qui vole devant toi. Il est habillé d’une simple tunique de feuilles, comme si son tailleur était un être sylvestre, et il tient un arc élégant entre ses mains. Deux créatures semblables viennent bientôt se placer de part et d’autre du premier. Avant que tu puisses agir, l’elfe qui est au centre te sourit et, avec deux doigts minuscules, fait un geste dont tu comprends qu’il s’agit d’une salutation.

    — Merci, étranger, de nous avoir prêté main-forte. Je suis Sférin, un habitant de cette forêt magique. J’imagine que tu as été envoyé ici pour voir quel sort le destin a réservé à tes amis, dit-il, perspicace.

    — Il en est de même pour nous ; nous sommes les protecteurs de ces lieux. La reine des fées nous a demandé de chasser les soldats impériaux du Bois-aux-Centaures, avoue-t-il ensuite.

    Entendant cela, tu te demandes s’ils ne sont pas responsables de la mort des légionnaires et de la disparition des membres de l’expédition. Tu changes rapidement d’idée en examinant les trous creux et violets sur les armures des gardes.

    — Je n’ai pas été envoyé ici, réponds-tu honnêtement.

    — Je suis un mercenaire. Merci à vous de m’avoir aidé à vaincre ces monstres ! Dites-moi, qu’est-ce que c’est ? fais-tu en donnant un petit coup de botte à un des légionnaires, pour indiquer ses blessures surnaturelles.

    — C’est un poison très puissant, explique Sférin en soutenant ton regard.

    Tu te racles le menton, songeur. Devinant ton insatisfaction, un des amis de Sférin le bouscule discrètement avec son coude.

    — Il s’est battu à nos côtés, concède-t-il. Il a le droit de savoir, Sférin. Ce dernier pousse un soupir et hausse les épaules.

    — Il…, il pourrait y avoir une malédiction derrière tout ça, continue-t-il à voix basse, comme s’il avait peur que la forêt entende.

    — Il y a une malédiction derrière tout ça ! affirme le troisième elfe.

    — Cette couleur est un signe de corruption et de possession ; c’est de la magie maléfique, poursuit-il sur un ton de la confidence. C’est sa marque à Lui !

    Ses amis le fusillent du regard lorsqu’il prononce le dernier mot. Sférin tente même de lui plaquer une main sur la bouche, mais l’autre se débat, et ils vont tous deux rouler par terre dans un tourbillon d’ailes et de feuilles.

    — La reine Korina n’a pas avancé de telles sottises ! crie Sférin en retenant au sol les poignets de son ami. Son tempérament se refroidit lorsqu’il voit que l’autre a cessé de lutter.

    — Elle nous l’aurait dit, si c’était le cas ; rien de ce qui arrive dans notre forêt ne peut lui échapper, dit-il avec confiance.

    — Mais nos grands-pères, il y a quelques centaines d’années, n’ont jamais pu confirmer sa mort… Nous n’avons pas de preuve, Sférin, et voilà que cette malédiction est de retour, réfute son ami.

    Tu écoutes avidement leur débat tout en fouillant les corps des gardes : tu trouves une bourse contenant 20 pièces d’or ainsi qu’un petit rubis taillé. Pour ce qui est de leurs armes et armures, il n’y a rien de récupérable : tout semble rongé et corrodé par le poison violet. Tu ramasses quand même une branche près des dépouilles des créatures arborescentes ; c’est un des seuls morceaux qui n’a pas carrément fondu après le combat. Elle est noire et parfaitement sèche, comme si elle avait été brûlée. Tu te dis que cette pièce pourrait éventuellement constituer une preuve et tu la ranges dans ton sac d’aventurier.

    Si tu décides de continuer ton chemin et de laisser les elfes se chamailler, rends-toi au 6.

    Si tu souhaites les convaincre de te guider dans le Bois-aux-Centaures, ou si tu souhaites obtenir plus d’information sur la malédiction, poursuis ta lecture ci-dessous.

    3

    — On dirait qu’un sorcier vous a causé bien des ennuis, dis-tu en te relevant.

    — Oui, c’est vrai, avoue Sférin. Voilà que tu n’es plus qu’un simple touriste dans cette forêt. Nous devons bouger, dit-il en se tournant vers ses camarades.

    — Vous dites être les protecteurs de ces lieux, avances-tu avant leur départ. Si votre forêt court d’autres dangers, il en va de même pour les villages voisins. Je vous aiderai volontiers.

    Sférin hésite un instant avant qu’un de ses amis lui lance un regard réprobateur.

    — D’accord, suivez-nous, mais, au moindre faux pas, nous engagerons les hostilités contre vous, mercenaire !

    Tu reprends la route avec les trois petits elfes volants : Sférin reste à tes côtés tandis que les deux autres jouent les éclaireurs dans les broussailles. Ils te mènent dans une zone particulièrement dense et sombre du Bois-aux-Centaures. Tu estimes que la soirée est assez avancée, car ton estomac commence à gargouiller, en réponse à ta longue marche et à l’affrontement de tout à l’heure. Le temps continue de passer et vous avancez sans problème : Sférin et ses amis savent ce qu’ils font. Par contre, tu commences à avoir l’impression de parcourir les mêmes sentiers ; tu reconnais même quelques arbres. Tu es persuadé d’avoir déjà vu celui- ci : il a l’écorce griffée, comme si un animal l’avait marqué en lui arrachant des morceaux. Tu es convaincu que vous tournez en rond.

    — Nous sommes déjà passés par ici, lances-tu à Sférin.

    — Certes, jeune humain. Le sanctuaire n’est pas facile d’accès. Si tu comprends notre passage secret, ne le dis pas aux autres !

    Il te fait un clin d’œil complice avant de s’envoler dans les feuillages pour consulter les éclaireurs.

    La forêt est maintenant presque noire. Le soleil doit commencer à se coucher et ses derniers rayons sanglants parviennent mal à pénétrer dans les bois. Tu remarques aussi qu’un brouillard s’est levé : un nuage blanc et humide enveloppe tes chevilles et les racines des arbres. Tu perçois les ricanements et les gloussements d’une voix qui semble appartenir à une fille. Regardant au-dessus de ta tête, tu vois qu’une branche tangue vigoureusement, comme si quelqu’un venait juste d’y sauter, mais tu ne vois personne. Tu distingues des étincelles bleues et dorées qui flottent au crépuscule, à la manière de celles produites par les flèches des elfes. Tu ressens tout à coup une grande fatigue. Sférin se dirige vers toi alors que le sommeil te submerge de plus en plus. De nouveaux rires coquins retentissent, l’air devant toi paraît instable et une lumière verte déchire tout à coup la noirceur. Cet éclat fait apparaître ce qui te semble être une version féminine de Sférin, mais tu t’affaisses d’un seul coup et tu t’endors dans un lit de brouillard.

    Tu te réveilles dans une cabane en bois ; il fait clair à l’extérieur. Tu as dormi sur un tas de feuilles sèches. Les parois de l’étroite hutte sont lisses et plusieurs fenêtres laissent passer la brise matinale. On a retiré ton armure de cuir. Tâtant les baumes qu’on a mis sur tes plaies, tu te rends compte qu’ils sont composés d’une pâte granuleuse de laquelle se dégage un parfum d’eucalyptus et de lavande. Tu te sens revigoré après cette nuit de repos. Tu es soulagé lorsque tu vois ton épée adossée contre le mur. En regardant par la plus large fenêtre, tu observes au loin une série de cabanes pareilles à la tienne. Des elfes des bois volent de toutes parts et s’affairent ; il y en a même un qui monte la garde devant ta hutte. Tu te dis que tu es probablement dans un de leurs villages. Tu sursautes quand la face de Sférin vient se coller à ton nez.

    — Bien dormi ? demande-t-il en souriant.

    — Oui, merci. Je…, où m’avez-vous emmené ? Je ne me rappelle pas très bien comment ça s’est terminé hier soir.

    — Tu as été touché durant le combat ; des traces du poison commençaient à te faire halluciner. J’ai alors ordonné à Tirna de te lancer un sort somnifère. Ne m’en veux pas ! De toute façon, les humains n’ont pas le droit de savoir comment se rendre à Pix-Ville.

    — Bienvenue au village ! s’écrie une voix de dame.

    Tu n’en crois pas tes yeux, mais l’air à côté de Sférin tremblote avant qu’un éclair vert ne t’éblouisse. Puis, la fée que tu as aperçue hier, Tirna, apparaît près de lui. Elle agrippe le cadre de la fenêtre avec ses mains délicates et tes deux hôtes se maintiennent en l’air avec de légers battements d’ailes.

    Contrairement aux elfes mâles qui, comme les humains, ont la peau beige, les fées ont une teinte émeraude et diaphane. Tirna te fixe avec ses grands yeux : tu jurerais y voir nager des constellations, comme si ton regard était plongé dans un lac nocturne. Le vent frais a coloré de rouge les joues de tes deux hôtes. Tu décides de remettre tes bottes et ta tunique de lin pour éviter de prendre froid. Aussitôt que tu te dégages de l’entrée de la hutte, Sférin et Tirna te suivent à l’intérieur.

    — Qu’avez-vous fait de mon armure ?

    — Je l’ai envoyée chez l’araignée pour qu’elle puisse la réparer avec quelques fils de toile, te répond Sférin.

    — Une araignée vous sert de tailleur ? dis-tu, surpris.

    — Ce sera maître-araignée, pour toi ! Arachneus n’a jamais supporté de torturer des innocents dans sa toile ; il s’est alors recyclé ici en tant que forgeron. Il connaît bien les centaures de la forêt, car il marchande souvent avec eux. Prends ton équipement et allons le voir, dit-il en pointant ton épée avec son menton. Je t’expliquerai notre mission pour aujourd’hui, si tu es toujours partant pour nous prêter main-forte.

    Tu sors de la hutte et utilises une échelle pour rejoindre le sol : tu as dormi à au moins 10 mètres dans les airs. Les cabanes du village sont toutes supportées par de longues poutres en bois, comme si elles étaient sur pilotis. En te dirigeant vers le commerce d’Arachneus, tu remarques que les elfes de Pix-Ville, tout en volant par-ci par-là et veillant à leur besogne, te saluent amicalement lorsque tu les croises. L’un d’eux atterrit devant Sférin sans prévenir ; il est tout couvert de broussailles et porte un large sac de toile sur son dos.

    — Merlio ! s’écrie Sférin. La chasse a été bonne ?

    — La forêt donne ses fruits généreusement, répond-il. Les oracles sont satisfaits de nous et l’arbruge peut croître en paix. Puis il se tourne vers toi en ajoutant : merci pour ce que vous avez fait, héros, cela était très courageux. Les humains ont l’habitude de nous laisser gérer nos propres problèmes.

    Un large sourire s’affiche sur le visage de Merlio alors qu’il fait glisser la courroie de sac par-dessus son épaule ; il commence à y fouiller avec toutes les précautions du monde. Des odeurs de sucre et d’épices t’envahissent les narines.

    — Votre ventre a gargouillé toute la nuit ! monsieur le héros, ricane Tirna.

    Merlio t’offre des myrtilles, une galette de sarrasin et un petit carré de miel. Tu t’empresses de les saisir, car tu as très faim.

    — Mille merchis, fais-tu en mâchant une poignée de baies.

    — J’ai besoin des provisions pour notre pèlerinage d’aujourd’hui. Nous devons partir bientôt, dit Sférin en scrutant le fond du sac, curieux.

    — C’est déjà préparé, chef !

    Merlio tend ensuite trois paquets à Sférin : ils sont emballés dans un papier de cire et ficelés avec des cordes. Un simple coup d’œil et tu comprends que ce sont des boîtes à goûter. Les deux amis se serrent le bras avant que Merlio ne disparaisse dans un torrent d’ailes.

    — Alors Sférin, commences-tu. Nous allons pique-niquer ?

    — Ce sera un peu moins gai que cela, j’en ai bien peur, dit l’elfe en haussant les sourcils et se grattant la nuque un moment. L’arbre que nous avons protégé hier est en fait un arbruge en devenir. Comme tu t’en doutes, ce n’est pas le seul arbruge du Bois-aux-Centaures. Nous devons partir en patrouille et nous assurer que les autres ne sont pas attaqués par la malédiction ou…

    — Ou une de ces créatures possédées, ajoutes-tu.

    — Entre autres, acquiesce Sférin. Il pousse un long soupir.

    — Hé, garde ton optimisme ! lui reproche Tirna en remuant les bras. Nous avons encore bien des alliés dans cette forêt, tu sais.

    Vous arrivez maintenant à la boutique d’Arachneus. Sférin et Tirna sautent pratiquement sur le comptoir verni du magasin ; à croire que les elfes n’ont aucune manière !

    — Arachneus, Arachneus ! appellent-ils à l’unisson.

    Derrière le comptoir, les ombres se mettent à danser jusqu’à ce que se détache le profil d’une araignée géante.

    Elle est noire et velue, avec des yeux rouges ressemblant aux braises d’un feu de foyer. Arachneus avance en étalant ses huit pattes partout ; il va même jusqu’à se suspendre à un des piliers qui maintiennent son kiosque debout. Il dépose ton armure de cuir aux pieds des elfes. Celle-ci est rafistolée et tu es émerveillé par le travail de chirurgien effectué par l’araignée. Avec ton index, tu longes la soie blanche qui décore à présent ton armure ; les fils sont doux et réfléchissent la lumière du soleil.

    — Alors, c’est lui… La voix d’Arachneus te paraît profonde et poussiéreuse, comme celle d’une personne qui n’aurait pas parlé depuis longtemps.

    — Oui ! Il nous a aidés à sauver

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