Marcolès autrefois. Une épicerie de village
Par Albert Cazal, Mathilde Cazal, Françoise Cazal et
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À propos de ce livre électronique
Dans le bourg médiéval auvergnat de Marcolès, pas très loin d'Aurillac, il y eut une épicerie qui, sous la houlette de la prêtresse des lieux, l'épicière Germaine Cazal, répondait à cette double vocation de commerce et de sociabilité... Les regards croisés de cinq de ses descendants, appartenant à deux générations successives, confèrent un relief étonnant à ces souvenirs pittoresques, dotés, parfois, d'une pointe d'humour et toujours de nostalgie. Les humbles Mémoires de l'épicière elle-même, rédigés en son vieil âge, viennent compléter cette collection de témoignages réunis autour d'un lieu devenu mythique, " le " magasin. Quelques photos illustrent ce modeste tableau anthropologique de la vie d'un bourg de la Châtaigneraie, pour une période allant de 1930 à 1969.
Albert Cazal
Né en 1924 au village de Marcolès (Cantal), Albert Cazal, ancien élève de l'École normale supérieure de Saint-Cloud, professeur agrégé d'espagnol avant de devenir inspecteur pédagogique régional de l'Éducation nationale, résida successivement dans le Gers et l'Allier. Photographe amateur exigeant et bénéficiant d'un équipement de qualité (Leica), il a accumulé sur la longue durée une photothèque très riche, dans laquelle on a pu puiser matière à six recueils d'une grande qualité esthétique. Plus de vingt ans après sa mort, survenue en 1998, sa fille Françoise Cazal, hispaniste, professeur émérite de l'Université Toulouse Jean Jaurès, édite ce dernier recueil de photographies, le sixième de la série « Ma vie en Leica ».
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Avis sur Marcolès autrefois. Une épicerie de village
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Aperçu du livre
Marcolès autrefois. Une épicerie de village - Albert Cazal
Couverture : « L'épicerie Cazal à Marcolès, dans les années 1950 »
Photos insérées : « Devant le magasin, Germaine, épicière, et Eugène Cazal, facteur », « L'intérieur du magasin » « Germaine et Eugène au jardin ». Clichés Albert Cazal, © Françoise Cazal
« Ils avaient su garder un grand esprit de famille. »
Germaine Cazal
Albert Cazal, fils de l'épicière Germaine, puis Françoise, Mathilde, Pierre et Yvonne, petits-enfants de celle-ci, offrent dans ces pages des témoignages originaux qui, à travers la sensibilité des diverses générations, font revivre cet univers très particulier qu'était « le » magasin, lieu d'échanges sociaux autant que commerciaux. Pour clore cet ouvrage d'écriture collaborative, un texte émouvant de l'épicière Germaine elle-même.
Avant-propos
La « mentalité d'épicier »
Lisant récemment un petit livre sur les religions chinoises, écrit par un distingué intellectuel parisien, je suis tombée en arrêt devant cette phrase : « La mentalité religieuse a engendré souvent le meilleur de l'esprit humain, et vaut quand même mieux que la mentalité d'épicier ».
Certes, nous savons tous que par « mentalité d'épicier », on entend généralement un esprit mesquin, obnubilé par son petit bénéfice, une intelligence à courte vue, qui ne s'élève pas au-dessus des menus détails matériels, une pensée inexistante, au ras du tiroir-caisse.
Mais si la réflexion de notre éminent sinologue exprime de façon aussi franche et naïve son dédain envers les épiciers (catégorie professionnelle de toute façon quasiment disparue), c'est… parce qu'il n'a pas connu notre grand-mère !
Celle chez qui justement cohabitait au plus haut degré la spiritualité religieuse avec l'exercice de sa profession d'épicière de village, celle qui s'est refusée pendant la guerre à faire du marché noir, celle qui a su être pour certaines de ses clientes dans la détresse une soutien psychologique jamais défaillant, montre clairement, dans ses « Mémoires » qui clôturent ce petit volume lui aussi mémoriel, qu'elle n'avait pas « la mentalité d'épicier ».
Ces pages de Germaine Cazal sont mises là comme point d'orgue à cinq textes qui décrivent chacun à leur manière ce qu'était l'épicerie (on disait « le magasin »), évocation polyphonique qui donne un saisissant relief à ce que furent ces petits commerces de proximité, garants d'un lien social jamais remplacé.
Françoise Cazal
Table des matières
Le cylindre et le cône
« Mon » magasin
« Le » magasin
Je me souviens
« Il y a quelqu'un ? »
Mémoires de Germaine
I
Le cylindre et le cône
Albert Cazal (1924-1998)
Montluçon, 1980
L'axe du souvenir pourrait être ce brasero qui, d'hiver en hiver, reparaissait au centre du magasin.
Un jour de novembre, on le descendait du grenier et on l'astiquait pour donner de l'éclat à ses broderies de laiton et même à sa tôle noire qui, à force de bons traitements, avait mué ses reflets métalliques en luisances de vieux cuir.
Une fois que le brasero était en service, il n'était plus nécessaire de le frotter jusqu'à la saison suivante, parce qu'il recevait chaque jour des centaines de caresses de la part des clients et de l'épicière elle-même qui essayaient de recueillir un peu de tiédeur en promenant leurs mains en premier lieu sur le rebord lisse, puis sur l'élégant chapeau chinois ajouré qui servait de couvercle, et enfin sur les flancs noirs au bas desquels on finissait bien par trouver une douce température, même quand tout le reste était refroidi.
Le timide combustible endormi sous la cendre était une braise menue, nommée, je crois, « brasil » ou « brasille », qui provenait de la boulangerie. Dans le village, la chaleur circulait ainsi par un réseau caché de capillaires, qui mettaient en communication le four brûlant, animé d'une pulsation quotidienne, et les doigts engourdis des habitants, aussi bien de ceux qui emmenaient un pain chaud dans la main, que de ceux qui passaient à l'épicerie et glanaient sur le cuivre les dernières miettes de calories résiduelles.
Le couvercle conique était surmonté d'une boule par laquelle on le saisissait avec le même geste que pour découvrir une soupière. Mais c'était pour recevoir une bouffée suffocante, de sorte qu'on se dépêchait de raviver le brasier d'un coup de pique-feu, avant de refermer le dispositif avec un éclat de cymbale.
Pendant les moments suivants, les disques ajourés qui ornaient le corps du cylindre laissaient apercevoir quelques lueurs clignotantes, tandis que l'odeur du charbon ardent se faisait plus énergique et envahissait la pièce.
Le brasero dégageait alors pour moi une magie vaguement orientale, fondée sur les images de l'art « cochinchinois » qui figuraient dans les collections du « Chocolat Pupier », ou sur la fascination qu'avait toujours exercé sur moi la « fumée des cassolettes » rencontrées dans plusieurs lectures romanesques.
Voici que l'espace s'organise autour de la brillante boule de métal jaune, qui me renvoie aux boules de verre surmontant les bocaux rangés sur les rayons, puis au contenu des bocaux : billes (appelées « boules »), semblables à des bonbons, et bonbons semblables à des billes.
Et me voici, moi, égrenant billes, boules et bonbons, comme un chapelet que je veux garder bien en main. Ohé, Rimbaud, tu me vois venir « avec mon chapelet aux pinces » ? Mon vieux, je ne suis pas un pêcheur d'or, mes perles ne sont que des petites nodosités ligneuses, rendues brillantes par l'usure, mais que je refuse de laisser aller à la débandade.
L'humilité du chapelet m'a d'ailleurs toujours paru trompeuse. Dans les mains des vieilles paysannes, ou les mains pâles des veuves, ou les menottes en pâte d'amande des communiantes hypocrites, ou les doigts boudinés des gros curés, le chapelet est un lasso qui sert à capturer le temps. Les humbles ont inventé le « computer mystique », cette calculatrice artisanale dont les occidentaux se moquent comme ils se moquent des bouliers utilisés dans les supermarchés soviétiques.
À l'aide de cet étrange moulin à prière qui permet de débiter sans complexe des formules aussi répétitives que le tic tac endormeur des horloges, les bonnes femmes, les « pauvrettes » de Villon, les Maria Chapdelaine asservissent le temps sous la forme de cette divinité à laquelle elles croient payer des grâces en une souveraine monnaie spirituelle.
Ces vieilles porteuses de chapelet des hameaux écartés venaient à l'épicerie les mêmes jours qu'à l'église, c'est-à-dire tous les dimanches, bien sûr, mais aussi aux fêtes de la mort : enterrements, neuvaines, anniversaires, et innombrables messes « à la mémoire de ». Comptez bien et vous constaterez que, si l'on part sur une base raisonnable de dix décès par an, elles venaient, au bas mot, deux fois par semaine, et cela sur un rythme complexe comportant un élément fixe imposé, la grand-messe dominicale, un second élément aléatoire apporté par les décès, néanmoins plus
