L’art qui les contient tous
our contourner les lois d’exception sur les lieux non essentiels, certains commerces concernés, s’estimant injustement frappées par l’oukase sanitaire, ont changé la raison sociale de leur entreprise. Ainsi, telle galerie de peinture s’est transformée en librairie d’art, proposant les catalogues des expositions qui n’ont pas pu se tenir, des monographies d’artistes clochardisés et, pour remonter le moral des lecteurs, des romans initiatiques du Telle maroquinerie de luxe, spécialisée dans les sacs à main de princesse, s’est convertie aux guides de villes inaccessibles, albums de photos de paysages invérifiables, et romans initiatiques du genre Tel restaurant de poissons couvre ses tables de livres de recettes infaisables, de biographies de grands chefs ayant réussi à maigrir et, pour occuper les enfants, de sur la fabrication du boudin en Auvergne. A ce rythme, tous les damnés du Covid se retrouveront bientôt à vendre des livres. Voilà certes la preuve que la littérature est bien l’art qui les contient tous, je l’ai toujours dit, mais je n’ai jamais demandé qu’on en fasse la démonstration. Ce monde d’après a quelque chose de janséniste, ce qui ne me déplaît pas, à condition que ça ne dure pas trop longtemps. Déjà, là, ça va, j’avais raison, on a compris, passons à autre chose. Place Saint-Germain-des-Prés, en face de l’hôtel de la Société d’encouragement pour l’industrie nationale, il y a une église. Sont passées par là nombre de funérailles d’écrivains, d’éditeurs, pour les libraires je ne sais pas, mais c’est dans cette église que la cérémonie fut donnée en mémoire de Claude Delatorre, mon attachée de presse. Il y a quelques semaines à peine, c’était au tour de mon éditeur, Jean-Claude Fasquelle. A ce profond chagrin quelque chose fut bon: entendre Bernard-Henri Lévy oraisonner sans fâcher personne, juste pour raconter une histoire.
Vous lisez un aperçu, inscrivez-vous pour lire la suite.
Démarrez vos 30 jours gratuits