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Ras le bol
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Livre électronique277 pages3 heures

Ras le bol

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À propos de ce livre électronique

Le premier roman signé par cet auteur perspicace raconte, en un mélange bien dosé d’humour, de franche lucidité et de sarcasme, la phase finale de lalente mais sûre dérive de Georges, un homme étouffé par sa cravate, asphyxié par les contraintes aberrantes de la société dans laquelle il évolue. Pour quiconque s’est efforcé un jour ou l’autre de prendre un peu de recul sur le mode de vie contemporain, difficile de ne pas reconnaître les contraintes professionnelles dans lesquelles Georges est coincé, car elles ressemblent étrangement aux nôtres… Malaisé aussi de ne pas relever les attentes démesurées de son entourage en ce qui a trait à sa réussite sociale, auxquelles plus d’un Georges a été confronté. Difficile enfin, pour nombre de lecteurs, de ne pas s’identifier à ces petits travers de la vie de banlieue rêvée, dont chacun souhaiterait se dissocier au grand jour, maintenant qu’elle est largement rattachée aux balades du chien le dimanche, aux barbecues, de même qu’à l’entretien quasi sacré des pelouses et des plates-bandes. Mais ne dit-on pas que l’«on rit mal des autres, quand on ne sait pas d’abord rire de soi-même»? [Léautaud]Georges parviendra-t-il, en si peu qu’une semaine, à reconquérir ne serait ce qu’une once de liberté, d’énergie créatrice? C’est qu’il y a, pour ce faire, des années d’automatismes, de programmation à défaire. D’autant plus qu’il a une femme, Georges, et de nombreux autres opposants…
LangueFrançais
Date de sortie22 janv. 2014
ISBN9782894556900
Ras le bol
Auteur

François Godue

François Godue a fait son doctorat en médecine à l’université de Sherbrooke. Il a pratiqué quelque temps dans le milieu hospitalier, puis dans le milieu immobilier, pour revenir graduellement aux activités liées à la santé. Ses expériences à titre de directeur médical dans différentes grandes compagnies lui ont inspiré, au fil des ans, de profondes et savoureuses réflexions sur le marché du travail tel qu’on le connaît et sur le mode de vie actuel.

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    Aperçu du livre

    Ras le bol - François Godue

    Mallory-Olivier.

    Lundi

    1

    Comme d’habitude les jours de semaine à cette heure-ci, assis dans ma voiture, j’attends. Coincé dans les semi-obscurités de cet espace clos et souterrain, j’observe devant moi le mur du garage.

    Cette surface froide, sans couleur ni relief, me ramène à l’homme terne, plat, fade que je suis devenu, être sur-adapté et conforme, créature bassement sociale, bêtement familiale.

    Sur cette cloison de gypse commence à m’apparaître toute l’absurdité de mon existence. Avec l’oppressant pressentiment d’avoir jusqu’ici vécu à côté de ma vie, en parodie de moi-même, pauvre amalgame de ce que je ne suis pas.

    Je sonde du regard les pénombres qui m’enserrent. Me voilà de nouveau en gestation, étouffant chaque jour un peu plus dans un utérus exsangue qui ne me contient plus. Mais j’ai beau me faire attentif à cet autre monde juste là, par-delà la matrice, en épier les lumières et les sons qui filtrent, déformés à travers la paroi, je n’en perçois pas grand-chose et il me fait toujours peur.

    Mal où je suis, je reste pourtant plein d’appréhension face à cet ailleurs dont j’ai parfois la prescience, mais qui me demeure jusqu’à présent obstinément étranger.

    Il y a quelques mois s’est amorcé chez moi une longue dérive : dérive des idées, de l’humeur, du comportement aussi. Et aujourd’hui je ne sais plus ; je ne vois plus ni où ni comment conduire ma pauvre barque au gouvernail brisé, au compas déréglé. Aux courants impérieux, je n’arrive plus à m’opposer. Mon ancre souvent chasse sur le fond, parfois même ne croche plus. Le naufrage devient alors mon unique perspective ; la peur, ma seule compagne. La peur viscérale de ne rien pouvoir y changer.

    Je tourne la clé dans le contact. La douce vibration du moteur se fait sentir, presque une berceuse, un appel à l’abandon. Enfin tranquille. Le seul moment vrai de la journée. Je me rappelle cette victime d’intoxication au monoxyde de carbone qu’on m’avait amenée du temps où j’étais aux urgences. Le teint cireux, les lèvres bleues.

    Inspirer… puis expirer doucement. Inspirer profondément pour expirer lentement. Faire pénétrer l’air dans mes poumons, bien abaisser mes diaphragmes, retenir ma respiration un moment puis laisser aller…

    Encore ces maudites crampes, ces coliques qui m’oppressent depuis des mois.

    J’actionne la télécommande du mécanisme d’ouverture de la porte de garage, je mets la marche arrière et m’accouche à la vive et déjà chaude lumière de cette jeune matinée de printemps. Dans ma précipitation maladroite, je heurte de plein fouet la poubelle laissée au chemin un peu plus tôt. D’un œil las, je suis dans mon rétroviseur le double périlleux renversé qu’elle décrit dans les airs en se vidant de son contenu dans la rue.

    2

    Sept mois, sept très longs mois qu’il s’en est allé.

    — L’homme n’a plus d’autre dimension qu’économique.

    Il avait marqué une pause, pensif.

    — Pour le reste, on se torche avec.

    Je le revois comme si c’était maintenant. Comme s’il se tenait toujours devant moi, debout près de la haie de cèdres, en grimaçant méchamment.

    — J’en avais assez, plus qu’assez. J’ai tout plaqué. J’ai laissé mon poste.

    Interrompu pendant la taille de mes rosiers, j’étais resté là, pantois, le sécateur toujours à la main. Il travaillait chez un géant des télécoms, le voisin Forest ; très haut placé dans les ressources humaines. Gros salaire, excellentes conditions, bon programme de retraite ; vu son âge, son ancienneté, il n’avait vraiment pas intérêt à quitter son emploi.

    — On tenait notre réunion stratégique trimestrielle. Depuis longtemps on y discutait toujours les mêmes choses : réductions d’effectifs, licenciements, diminution des frais d’exploitation, rationalisation, performance, compétitivité, productivité, rentabilité. Cette fois j’ai pas su résister. Je me suis levé et je les ai tous engueulés.

    Il avait eu une moue dégoûtée.

    — Je leur ai dit que j’en avais assez de presser les gens comme des citrons pour balancer ensuite leurs carcasses vides sous prétexte de restructuration. Que j’étais écœuré d’utiliser puis de jeter des humains comme on le ferait avec du papier cul. Que j’étais épuisé d’engager puis de congédier massivement au seul gré des cycles économiques et des besoins ponctuels de la compagnie.

    Il m’avait dévisagé.

    — Le lendemain on m’a demandé ma démission pour cause d’incompatibilité avec la philosophie de l’entreprise !

    Un immense sourire que je ne lui connaissais pas.

    — Parce que ça philosophe, une entreprise ?

    Il avait ri franchement ; je l’avais vu rajeunir de vingt ans.

    — Incroyable, aujourd’hui je me sens tellement mieux. J’avais vraiment pas idée à quel point je pouvais en avoir assez de ce genre de vie, de mon travail, de l’industrie. Assez de notre intégrisme économique et des ayatollahs de la finance.

    Du grand art tout de même comme suicide. Pourtant je me suis tenu coi, en bonne part étranger à son bonheur.

    — Non seulement l’activité de produire est-elle maintenant plus importante que la chose produite, que la ressource humaine qui s’y emploie, que l’environnement où elle s’opère, aujourd’hui c’est l’activité de produire qui justifie la chose produite, justifie la ressource humaine, justifie l’environnement. L’homme est rendu totalement périphérique dans son propre univers, esclave de sa créature. Il y a pourtant des foutues limites au-delà desquelles plus rien n’a de sens !

    Il avait commencé à s’énerver, mon voisin. Il était maintenant tout cramoisi, tout fumant d’indignation sous sa chevelure de neige dont on aurait dit qu’elle allait lui fondre au visage s’il ne se calmait pas bientôt.

    — Tiens, je te fais une confidence : avant d’étudier l’administration et d’intégrer le milieu des affaires, j’ai été en religion pendant cinq longues années. Séminariste ! Eh oui ! Cinq ans ! Eh bien, l’ascétisme et l’intégrisme en entreprise sont pires encore que tout ce que j’aurai pu connaître dans les ordres ! Intégrisme pour intégrisme, l’homme n’est pas plus libre, moins sadique ou masochiste. Ascétisme pour ascétisme, son âme est toujours sous tutelle et aussi sèche.

    Longue pause pendant laquelle il avait cherché ses idées dans un tas de feuilles mortes. Moi, je n’avais toujours rien à dire.

    — Alors on quitte. On a eu une offre pour la maison ; on a vendu. C’est ce que j’étais venu t’apprendre.

    Encore aujourd’hui, je n’ai toujours pas encaissé le coup. Ce n’est pas possible. De ma voiture garée dans la rue, j’observe la maison qu’il habitait jusqu’en octobre. Ce n’est toujours pas possible. Mon « pote » le voisin Forest, mon unique « pote » dans le secteur. Le seul avec qui il était possible de parler d’autre chose que de thermopompe et d’impôts fonciers. Le seul dépassant d’une tête nos banlieusardes palissades végétales. Le dernier humain dans ce quartier de dégénérés de l’existence. Quitter son emploi, passe toujours, mais pas mon voisinage…

    Sous le choc, j’en avais échappé le sécateur que j’avais toujours à la main. L’instrument avait fendu l’air, plongé vers mon pied droit, et c’était de justesse que j’en avais préservé mes métatarses.

    Cependant, en chutant, la lame avait châtré en son vol une coccinelle nubile qui, malencontreusement, pauvre victime innocente, passait par là. On avait distingué d’abord le bruit sourd du sécateur contre la pelouse puis, en tendant bien l’oreille, celui plus discret, feutré et double des testicules du coléoptère qui roulaient au sol. On avait ensuite deviné le frais gazouillis mezzo-soprano de ce nouvel eunuque de l’infiniment petit qui gagnait en altitude et se dirigeait tout droit vers la stratosphère, tout surpris qu’il était encore de s’être vu aussi inopinément délesté de ses charges intimes.

    — Écoute Georges…

    Sitôt mon nom prononcé, il s’était tu, recueilli. Mon nom prononcé comme pour établir un lien, un lien particulier malgré la clôture, cette clôture qui démarquait la frontière de nos domaines respectifs. Un lien personnel, d’un humain à un autre, par-delà cette limite que dicte la propriété privée, la paranoïa que suppose l’acte de possession et d’appropriation. Un lien presque intime au-delà de ce qui nous séparait, au-dessus de ce que nous avions érigé entre nous.

    — Écoute-moi bien. J’ai toujours cru nécessaire de repousser mes limites, d’aller sans cesse plus loin, de relever constamment de nouveaux défis.

    Une seconde, la tristesse avait masqué ses traits.

    — Mais voilà, l’homme qui toujours se dépasse finit par se laisser complètement derrière.

    Le temps d’avaler sa salive, il m’avait fixé bien droit dans les yeux.

    — Et aujourd’hui seulement je me rends compte, à cinquante ans passé, que c’est finalement ce à quoi je me serai employé toute ma vie, me laisser derrière. Presque toute mon existence n’aura été que l’instrument d’une longue fuite.

    Je me rappelle mon mutisme.

    — Je ne veux pas t’ennuyer avec mes histoires. Je te connais juste assez pour croire qu’il y a peut-être là quelque chose pour toi.

    Il avait fermé un instant les paupières comme s’il cherchait dans sa tête les extrémités d’un fil, la manière de rétablir une continuité. L’air frais de cet avant-midi d’automne était lourd des parfums de vivaces décimées et de gazon coupé.

    — Comme la plupart des gens, très jeune j’ai cru indispensable de faire ma place dans le monde. Pour cela j’ai gravi les échelons, j’ai grimpé à des échelles. J’en aurai emprunté plusieurs au gré des modes, au fil des époques. J’en avais besoin pour me voir grand, ou à tout le moins me sentir quelqu’un. J’ai trimé dur, je suis monté assez haut.

    Il avait secoué plusieurs fois la tête.

    — Mais ça, ça n’a aucune importance. Car toutes ces échelles, je le vois bien aujourd’hui, ne mènent nulle part. De s’y élever nourrit l’illusion mais ne grandit pas d’un seul pouce. En fait, c’est précisément le contraire qui se produit : plus on y monte, plus on se regarde de haut.

    Son beau regard tout plein de ciel bleu.

    — Tu me comprends, Georges ? Le niveau auquel tu parviens, l’ardeur et l’intensité de l’investissement n’y changent rien. Rien de rien. Non. Le grand malheur, c’est d’abord de croire avoir besoin d’une échelle. D’y rester ensuite cramponné si longtemps qu’on finit par perdre tout contact avec le sol, avec l’essentiel abandonné derrière pour mieux monter.

    Il avait poussé un soupir.

    — L’échelle devient alors la seule et unique dimension de notre univers. Et ses barreaux, bientôt, se confondent à ceux d’une prison.

    Les lourds voiles du silence interposés entre nous.

    — Ma femme et moi, on désire retourner à terre, reprendre contact avec le sol.

    Le souvenir de son visage, comme un baume.

    — Adieu, voisin.

    Sept mois déjà. Sept très longs mois. Un souvenir qui m’habite à chaque instant comme si c’était maintenant, une éternité passée au présent.

    3

    « Selon la recette de nos grands-mères. » C’est ce qui est écrit en grosses lettres sur la boîte de conserve vide que je tiens à la main. « Selon la recette de nos grands-mères. » Bon, ingrédients : eau, brocoli, farine de blé enrichie. Jusque-là ça va, je sais de quoi on parle. C’est après que ça se gâte : lactosérum en poudre, saveur de fromage — tiens, c’est un ingrédient ça, la saveur de fromage ? —, chlorure de potassium, gomme de xanthane, glutamate monosodique et caséinate de calcium.

    Je ne savais pas que ma grand-mère avait un doctorat en chimie organique ! C’est plein de bons produits du jardin, ce truc…

    Assis sur l’asphalte au milieu de la rue, j’en suis à répertorier et à ramasser le contenu de ma poubelle dispersé sur la chaussée quand le nouveau voisin, celui qui a rendu possible il y a quelques mois l’évasion de voisin Forest, feu mon « pote », en lui achetant sa maison, ce voisin presque neuf que je n’ai pas encore rencontré et ne rencontrerai probablement jamais, passe tout près de moi avec son énorme quatre roues motrices. Dans sa souveraine et hautaine suffisance, il ne me salue même pas et pousse l’injure jusqu’à écrabouiller les restes du poulet chasseur cuisiné par moi pour le dîner de la veille. D’un coup d’œil expert et professionnel, j’évalue rapidement la gravité des lésions : fractures multiples de la métaphyse proximale du fémur gauche en plus d’un enfoncement sternal qui, si les abats y étaient encore, serait assurément à l’origine d’une contusion myocardique avec défaillance cardiaque secondaire.

    Non mais, ça ne pardonne pas ce genre de traumatisme ! Faire ça à mon poulet, ce charmant volatile qui hier encore me faisait risette dans sa cocotte ! Abruti ! Enculé !

    Il n’a pas encore franchi le carrefour. J’en profite pour lui présenter un médius consciencieusement mouillé à ce nouveau voisin, question de réchauffer des rapports jusque-là inexistants.

    Ma volaille est sûrement le plus gros obstacle naturel que n’aura jamais rencontré son mastodonte motorisé.

    — Tarzan de banlieue ! Graine d’impuissant !! que je lui fais en tendant encore plus haut mon majeur.

    Maudite société de l’image ! N’importe quel chapon citadin peut faire le coq du village parce qu’il s’est offert à crédit un véhicule équipé pour traverser le désert de Gobi ! Et le plus gros défi rencontré dans sa vie exaltante et trépidante, c’est l’ascension de la chaîne de trottoir en rentrant sagement chez lui après le travail ! Un obstacle à sa mesure !

    Le citoyen modèle qui sublime son émasculation quotidienne dans une trois cents chevaux. Une existence virtuelle avec seuls profits pour la General Motors et le concessionnaire.

    Ah, mais qu’est-ce que je fais ici…

    4

    De nouveau assis dans ma voiture face à la maison, j’attends toujours ma femme et, vitres ouvertes, je regarde le printemps. Je veux dire que je me laisse pénétrer, imbiber, macérer par tout ce qui fait le printemps. Le soleil qui chauffe doucement mon avant-bras sur la portière, les enivrantes odeurs de terre, de feuilles mortes, de boue. Cette qualité particulière de l’air, à la fois vif, frais, presque liquide tant il est riche et plein. Cette lumière chaude et lénifiante que seules ces quelques semaines d’avril nous offrent. Je considère ce qui, il y a trois ou quatre jours à peine, était encore congères et épaisse couche de neige.

    Et j’ai l’impression que c’est moi qui fonds.

    Que par-delà ce moi froid, cristallisé, figé, uniformément blanc et lisse, sous cette surface qui lentement se liquéfie, se remet à couler, retrouve sa fluidité, au-delà de cet hiver de l’âme qui si longtemps m’a recouvert, si longtemps que j’en étais venu à croire que c’était moi, apparaît une autre face, une autre dimension de l’être qui se découvre dans cette vie endormie à elle-même et qui sous la caresse de cette douce lumière printanière s’éveille, se prend à rêver de verdure et de fleurs.

    Et j’ai le sentiment que, depuis quelque temps déjà, c’est une part de moi qui fond.

    Les carapaces ne savent plus résister à cette montée de sensations anciennes et profondes mais depuis si longtemps refoulées.

    La vie reprend ses droits.

    Ce qui s’était immobilisé coule de nouveau, reprend la voie du fleuve Saint-Laurent tout proche et de là se dirige vers la mer.

    La vie reprend ses droits.

    Ce qui s’était figé dans la froidure à nouveau se transforme et s’anime, dégageant du même coup une vie riche de mille couleurs, d’innombrables formes et textures, d’envoûtants parfums. L’uniformité neigeuse qui fait place à l’incroyable diversité du vivant.

    La vie reprend ses droits.

    Et c’est bien une part de moi qui fond.

    5

    Elle pénètre à l’intérieur de la luxueuse berline et s’y échoue avec un maximum de fracas malgré les cuirs moelleux du siège passager.

    — Mais t’es pas un peu malade ? Me faire marcher à l’extérieur dans des conditions pareilles !

    Elle referme violemment la portière.

    — Parce que monsieur s’impatiente ? Monsieur ne pouvait pas attendre un moment dans le garage pour m’éviter d’avoir à marcher dans les flaques et la boue ? Regarde mes souliers si ça peut te faire plaisir, regarde dans quel état ils sont !

    Elle me jette un regard torve et ses prunelles crachent le feu. Encore un peu et elle me transforme en petit tas de cendres facilement dispersées par le souffle léger. Penchée sur moi, elle me crache au visage d’un ton haineux :

    — Tu fais systématiquement tout pour me nuire alors que je suis moi aussi sur le point de devenir quelqu’un. Mais ça, monsieur, c’est bien connu, ça ne ferait pas son affaire que son épouse devienne quelqu’un !

    Bon, soyons sincère, avouons-le, elle me les casse parfois un peu,

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