La Brouilleuse de piste: Ou le courage de la poésie
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À propos de ce livre électronique
...le courage de la poésie
...Je sais Grand-père que je ne te rattraperai jamais, que tu n’attendras pas...
Je serai grand avant d’être vieux.
Un jour je poserai mes pas où tu posais les tiens, et comme toi sans me décourager, je gueulerai après les imbéciles.
Comme toi j’irai sommeiller sur une canne à pêche qui me servira d’excuse pour rêver et bougonner.
Je continuerai Pépé, de te parler de papillons, de te confier mes secrets, et surtout je te parlerai de celle qui, comme Grand-mère quand vous aviez vingt ans, m’aura donné le goût d’aimer.
Et je n’oublierai jamais, je te le promets, de te donner des nouvelles d’en bas, de notre village et de ses “analphabètes” comme tu les appelais avec tant d’amour...
Louis.
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Aperçu du livre
La Brouilleuse de piste - Anna Sylvia Tendron-Mirabile
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Table des matières
La brouilleuse de piste
...le courage de la poésie
Boris et les autres
Boris, Hans et les autres
Nous irons nous étendre...
Nana, elle voulait vous dire
Il y aura toujours
Les escarpins
Un cœur contre les mensonges
La poésie
Je reste
Fanette et le bonheur
J’étais entrée dans un jardin
Nous nous sommes tant aimés
Souvenirs de voyage
Couleur de rien
Si j’avais su
Ton visage
La vieillesse
« Pas cap »
Les cendres encore rouges
Les mots
Comme des bateaux
Une année particulière
Les premiers jours...
Passe le temps...
Et des jours...
Nous revoilà...
Après congés...
Premier contact avec ma Cigale
Au fil du temps...
Sa tendresse
Horreur et damnation
Floralies
Les voies submergées...
Avec le temps...
Une secrète mélancolie
Le vieux paysan...
Un cœur trop grand...
Des nuages dans le ciel...
Clairs-obscurs...
Quelque part sur la terre
Cherche la terre...
Au nom de ma liberté
Dis-moi si tu peux
A mon père
L’ombre noire
Etrange est la misère des hommes
Dans ta lumière
Ne lui dites pas
Côté mer
Un certain tapis rouge
Nous avions rendez-vous
On fait ce que l’on peut
Juste un peu de temps
Entre nous...
Ça s’apelle un MARI
Des mots pour des maux
Complexité de la nature humaine
Le début des embrouilles
Larmes...
Le désespoir mal placé
Il y a quelque temps de cela
Le crabe aromatisé...
Une femme...
Bavardages
Tu me raconteras
L’invitée...
Discours...
Et tout recommence
La Beauce...
En toute amitié
L’omelette
Sur la plage abandonnée
Extra
Je déciderai
Un lézard offusqué détale devant mes pieds
Ma Mère
Révélations
L’hôpital
La révolte des Normandes
Avant
L’importun
Quel tirelire Dieu a-t’il cassé ?
Le grenier
Avec vous
Alzheimer
Extrait de vie
Les marins
L’homme est beau
Un îlot oublié
Vous êtes mon plus beau paysage
L’homme qui pleure
J’ai aimé
Le piaf enroué
Le trou
Le pardon
La fourmilière
Phil
Prologue
Marie-Antoinette
Et soudain un peu de paix...
Sur le sable...
Confusion de genres
Et dorment les grands arbres
Il ne faut plus faire pleurer
Et le soleil se couche
Il est dans sa vie
Je l’aime
Je voulais son nom
La saison qui craque sous nos pieds
Ainsi tu sais que je t’aime
Il court le temps
Oui, mais
La vie
Mon esprit, ma liberté
Par ces aveux
Si j’étais un homme
La nuit se marbre
Le dernier départ
La brouilleuse de piste
...
le courage de la poésie
Un petit du CP se plaint d’un grand du CM2… le maître gronde…
C'est un maître qui se rêve gouverneur, il en subit quelques perturbations, et dans son esprit malmené, la certitude enracinée, que son rêve deviendra réalité de toutes façons !
Il demande le silence. Satisfait d’être obéi, il se rengorge devant son assemblée de mouflets, imaginant, au gré de ses égarements fantaisistes, que dans vingt ans, sa grandeur reconnue, ils seront probablement ses sujets : et aucun doute ne vient troubler cette béate conviction…
« Barbe à papa, pomme d’amour et cacahuète ! » L’enfance est un pré où se jouent les duels des grandes personnes ; mais en nous elle se garde, quoique la vie lui ait infligé… et même la voilà souvent qui se démène pour venir en aide à la grande personne dont elle fut la première incertitude… au pays des indiens et des cowboys, dessinée sur une page arrachée d’un cahier d’écolier, elle vole, s’envole, emportée par le vent, joyeuse, indécise… et volera infiniment tout au fond de nos mémoires, au milieu de nos exigences décimées.
Maintenant il y a des indiens chez les cowboys, et des cowboys chez les indiens, partout sur la terre !
Et il n’est plus question de participer à la dissipation générale où les perdants perdent vraiment, et où le meilleur se met à ressembler au pire.
Le maître d’école, perché sur son estrade, gonfle ses plumes comme un roitelet fiérot qui aurait atterri, malgré lui, sur le dos d'un cheval harnaché de cuivre brillant, décoré comme les hommes qui se font beaux après la guerre, avec des pompons rouges et bleus pour la parade d'un 14 juillet, dans la cacophonie des flonflons qui remplacent le bruit des canons...
La tromperie se déguise, et, se montrer petit, mais se montrer, voilà la force inconsciente des imbéciles qui ignorent l'inconfort du doute.
Louis se moque des guéguerres anciennes, de la révolution, et de la dernière tentative de soulèvement de la terminale où les élèves demandaient une ration alimentaire supplémentaire, qu’ils ont d'ailleurs obtenue !
Il faut maintenant qu’ils trouvent une autre cause à défendre ! Papa paie pour que son fils devienne un homme si possible ressemblant à celui que lui-même aurait voulu devenir dans une autre vie, quand batailler pour une part de ragoût supplémentaire pour tous, donnait le sentiment de se mériter les uns les autres, avec juste ce qu’il fallait de fierté.
Du fond de la classe, un coude sur son pupitre et la rondeur de sa joue écrasée dans le creux de la main, Louis s’échappe, surtout des mathématiques, en regardant par la fenêtre le temps qu'on lui fait perdre…
Sans impatience ; parce qu’il sait que cela ne sert pas à grand-chose de s’agacer, il attend le gong de seize heures.
Louis a trouvé, sur le chemin de l'école, un hanneton couleur caramel, avec des lignes dorées sur ses belles ailes, et Louis, qui transporte dans son cartable un échantillon de petits riens « qui peuvent toujours servir », a installé le volant raréfié
dans une grosse boîte d'allumettes qu’il a équipée pour la circonstance d’un nécessaire de survie…
Et soudain nous sommes deux ! Ni dépouillés, ni abusés, seul un petit qui aide un plus petit encore, rêveur éternel protégé du banal, dans un village de chez nous, où les grands ont gardé au fond de leur cœur, sur leurs rires sans gène, l’indocile précieuse enfance.
Et pour ne jamais la perdre, tricotent la sienne à la leur…
Le hanneton qui ne devait rien savoir, bien heureusement ! des clapiers à lapin et autre HLM, se tamponne d'être remisé dans un quatre-étoiles.
Il pense prendre ses ailes à son cou dès qu'il en aura l’opportunité. Ce n'est pas parce qu'il s'était vautré sur le trottoir à la suite d'un moment d’inattention qu'on peut le ramasser sans lui demander son avis.
Pour le moment, il va tranquillement se faire une petite sieste, sentant, la tête sur le billot, qu’avec ce môme à l'ancienne il ne risque rien de bien méchant.
Et puis, se dit-il, à vivre au jour le jour on apprend par cœur le sens du mot essentiel, qui forcément reste éminemment relatif quand il faut l’appliquer ! Entre la toile de tente, celle de carton, la chambre d'un hôtel de classe zéro, et celle d'une suite aux étoiles incalculables, la question devient superflue et peut fournir le prétexte à quelques rancœurs… reste pour tous la nécessité de dormir.
Mais avec la mauvaise foi, on a construit des cathédrales et instauré la politique de l’autruche, alors…
Le hanneton entend la voix appliquée murmurer les mots d'une histoire à dormir debout…
Le ronron bienfaisant l’engourdit d'une chaleur qui se concentre dans l'étroitesse de la boîte d’allumettes.
J’en connais qui vous diraient avec l’aplomb des cons : Que c’est là un des avantages d’habiter dans un mouchoir de poche !
Je ne te ferai pas de mal, je sais que tu es un hanneton parce que grand-père me montre les insectes dans ses livres exprès.
Grand-père est un "scientifique’’ qui cherche.
Il m’a dit que quand lui il était petit comme moi, il y en avait plein des hannetons…
Les gens, ils n'ont pas fait attention à eux, alors maintenant les hannetons sont presque tous mortibus, et grand-père il a dit aussi qu'il ne fallait pas tuer les insectes ! Saperlipopette ! Il dit qu'il ne faut rien tuer sauf pour se remplir la panse…
La faim justifie l'hécatombe. Là-bas ils font griller les vers luisants, ici on ampute les grenouilles.
Mais que sommes-nous au regard du vaste univers et de l’infini petit ? Si ce n’est que le grain de poussière, d’étoile avec un peu de chance, ou le grain de celle, sournoise, qui nous cerne de partout.
Une femme si belle ! Un homme si beau ! Cendres sur la mer, la rumeur du vent, et le retour du silence…
La légère passerelle est franchie, on était toi et moi et on s’aimait.
Quel fou pourrait nous faire croire, qu’après tant d’années nous pourrions vivre l’un sans l’autre, et qu’importe si le vent emporte nos poussières… puisqu’est venue pour nous, l’impatience d’être emportés.
– Dans les livres de grand-père c’est écrit que les hannetons sont nuisibles, mais ils ne piquent pas comme les frelons qui sont des gangsters sans foi ni loi.
Nuisibles, ça veut dire que vous faites beaucoup de bêtises !
Nous aussi les zhumains, on en fait beaucoup de bêtises, grand-père dit que c'est une question d’enver-gure, en rapport avec l’intelligence d'un petit nombre et sa capacité équivoque à croire tout ce que les autres leur racontent : pépé va m’expliquer lorsque je serai plus grand…
Mais je te trouve quand même très beau !
Il ne faudra plus en faire des bêtises hein ? Sinon vous allez être en disparition…
Bercé par le discours courtoisement énoncé, Sir Hanneton oscille entre sommeil et éveil, le cœur ‘‘vomiteux’’ dû au ballottage que lui inflige son transporteur. Inventeur de conneries, l’insecte caramel se doute qu'un de ces jours il lui faudra bien rendre des comptes : inestimables semble t-il ?
Pour l’heure, sur son carré de papier hygiénique rose, caressé par le souffle doux que lui envoie le garçon, il se sent comme un coq en pâte… Heureux sort ! Quand il réfléchit à l'étendue fumeuse des possibilités plus désagréables les unes que les autres dont sont capables ces abominables miniatures ! Digne reproduction des paranoïaques arrache-vie, suant des trouilles inutilisables, que sont ceux qui leur donnent vie…
Mais ! Il n’est pas prouvé que les hannetons réfléchissent… bref !
Brusquement ramené à la réalité par la course folle du gamin qui rentre de l’école avec l’énergie d’un bulldozer, le hanneton à l’étroit malgré tout dans son tiroir, commence à trouver la chose un peu longue.
Heureusement, le calme doucement se rétablit et interloqué, l’insecte voit deux yeux brillants se coller à la fente que Louis a pris soin de laisser pour que sa bête ne meure pas étouffée.
Le gamin reprend son monologue apaisant :
– Tu seras dans une belle cabane, je vais te laisser ta boîte ouverte en grandeur ce sera ton lit, et je viendrai te voir tous les jours après l’école. Grand-père te trouvera de la bonne nourriture, c’est lui qui donne à manger aux lapins, aux poules, aux dindons, et à des bêtes qu’il garde pour chercher pourquoi elles font des choses comme nous mais pas de la même façon… ?
Grand-père il parle à tous les animaux ! Il crie des fois mais t’en fais pas c’est après les "zhumains’’, il leur dit des gros mots quand il est en colère, un jour il a jeté le percepteur dans la fosse à purin ; heureusement il n’y a plus de purin dedans depuis avant ma naissance, mais grand-père lui a dit que c’était sa place, au percepteur.
Rien ne remplace une démonstration informelle pour rendre compréhensible une idée informulable avec des mots…
Mon grand-père c'est le roi, je l’aime beaucoup parce qu’il m’a fait mon papa, et mon papa il sera comme grand-père parce que grand-père sur les photos d’avant il ressemble à mon papa, et moi je serai comme tous les deux. Je fais attention, je mange beaucoup pour être vite vieux avec eux deux…
Louis, Pierre, Jean, son épouse Jeanne, l’oncle Paul, Marie la poétesse, Henri, Sophie, Pépé, ‘‘King’’ le chien, sa concubine ‘‘Fanfreluche’’ et tous les autres, habitent un village incongru, avec un nom incongru !
Un jour, il y a longtemps, une mouette qui s'était égarée, malmenée par des vents contrariants, a lâché le poisson qu’elle tenait dans son bec au lieu de l’avoir gobé sitôt péché comme font les mouettes d'habitude ; étourderie d’autant plus surprenante quand on connaît la voracité hargneuse de cet oiseau caractériel.
Mais en arrivant sur la terre ferme (ce qui est certain c’est que ce n’était pas la saison des pluies car alors dans cette contrée la terre perd de sa consistance) le poisson s’est écrabouillé de telle façon qu'il était devenu méconnaissable, même pour le plus vieux pêcheur du village. Stupéfait, il observait le ciel avec dans sa caboche un million de questions devant le spectacle lamentable de ce poisson tombé des nues… questionnement légitime évidemment, sur la soi-disant hérédité de certaines bestioles qui aujourd’hui, on en est certain, peuvent se prévaloir de descendre de ces carnassiers ; invincibles en leur temps, les Archéoptéryx et autres dinosaures volants…
Donc à cette époque ce mini village normand n'avait pas de nom. C’était simplement "Le village’’.
Ce poisson tombé du ciel, malgré le fatalisme des habitants de cette province qui en a vu d’autres, pouvait marquer les esprits les plus cartésiens.
On se dit que le ciel justement ! Avec ses voies ô combien détournées, adressait un message ; et là il n’y était pas allé de main morte, le ciel !
Comme il ne restait plus qu’un œil au malheureux poisson, et que cet œil miraculeusement indemne laissait transparaître une certaine tristesse, les habitants, avec l’humour indéniable de ceux qui se sont habitué aux coups du sort, décidèrent à l’unanimité de baptiser leur village Le Merlan
, vu que le poisson du même nom donne toujours un sentiment de culpabilité à ceux qui le sortent de la mer, à cause de son regard affligeant qui laisse en chacun le sentiment d’avoir pêché… et puis, on ne voulait surtout pas oublier la mouette assez bécasse dans sa tête, pour avoir perdu sa proie en même temps que sa réputation.
Celle-là ! Elle n’avait rien à envier au sieur Corbeau qui s’était fait ramassé par le baratin d’un renard…
…Il y a des sentiments qui traversent le temps en contournant la bêtise humaine, bêtise qui elle aussi d’ailleurs, gaillardement sûre d’elle, traverse ce même temps sans problèmes majeurs, et rarement remise en question.
Avec le printemps reviennent les hirondelles…
Si tu prends l’innocence pour de la bêtise, demande-toi qui a saboté le monde ?
Il en faut du cœur pour ne voir que la beauté des choses ! Pour croire simplement… et se dire que le fiasco ambiant n’est qu’une coquetterie pour faire parler de nous…
– Un jour, le cousin Jean a acheté un bateau sur un catalogue, à première vue inoffensif.
Se fiant à l’image sournoisement trafiquée, il a cru s’offrir une maquette.
– Et ?
– Je ne sais pas quoi penser ? Parce qu’il n’est pas possible de se mettre à la place de Jean, dans la tête de Jean ; finement réfractaire aux arguments de l’évidence.
On lui a livré, juché sur un grand camion rouge qui avait l’air de trimbaler une énorme cuvette de ‘‘water-closette’’ posée à l’envers, un ‘‘rafiot’’ démodé, de trois mètres de long.
Malgré ses dimensions passe-partout au large de la Normandie, il était impossible de le confondre avec la maquette attendue.
Jean consterné, devant son acquisition :
– Mais Paul ! Sur le catalogue il était grand comme ça ! (dit-il en montrant son avant bras coupé en deux.)
On ne peut plus se fier à personne ni à rien !
– Jean.
– Quoi ?
– Un jour Il faudra que tu arrêtes
– Que j’arrête ?
– Oui.
– Tu te rends compte Paul, la mer, elle est à soixante kilomètres !
– Oui, justement…
– Que va dire ma Jeanne ? Mon amour ma douce, elle va se tourmenter !
Jeanne, le double et l’opposée, épouse incontestable de Jean, pense que le destin cruellement injuste, s’acharne sur son homme adoré. Elle bichonne et couve son rêveur de mari, le houspille et l’engueule à rendre jaloux le soudard que je suis à ses yeux…
Femme amoureuse, noble dans son aveuglement calculé pour ne servir que l’homme gentiment déjanté qui lui sert de moitié.
L’amour détraque les plus solides.
– Jeanne pensera, comme d’habitude, que c’est une personne mal intentionnée qui t’a fait une blague !
– On va le mettre où mon bateau ? On va le mettre où ?
– Avec tes autres maquettes voyons !
– Pas dans le salon tout de même ?
– Jean !
– Oui Paul ?
– Il me semble à moi aussi, bien que tu sois mon ami privilégié et aimé entre tous, que même ta connerie douce-amère doit, malgré sa grandeur emberlificotée qui ne manque jamais de m’étonner et je l’espère continuera longtemps encore à me surprendre, doit avoir ses limites ! Tu vas foutre ton truc là-bas ! Dans ton hangar où attendent tes autres ‘‘maquettes’’ grandeur nature.
– Tu parles de quoi exactement, Paul ?
Je vous disais, plus-haut, faisant acte de tendresse interrogative, qu’il était impossible de se mettre en travers de la tête de Jean, parce que Jean n’est pas fou ! Il n’est pas illuminé !
Mais quand on croit entrevoir une interprétation libératrice... vlan ! Il vous assène une de ses idées traduite par une explication irréfutable sans aspérités où raccrocher nos analyses vulgaires, un acte subordonné à une logique intraduisible… et nous voila revenus, désarmés, face à Jean, sans trop se rappeler le pourquoi de la discution…
Avec parfois une envie furieuse d’aller se jeter la tête contre les murs.
Jean déstabilise n’importe quel homme sain d’esprit, ou qui croit l’être…
Il suffirait qu’il se reproduise ; heureusement cela ne fut pas dans ses ambitions, pour remettre en question les fondations mystérieuses de l’humanité même.
– Jean ! Je parle de ton hangar !
– Oui mais tu vois bien que c’est un bateau !
– Et alors ? Tu ne vas pas le laisser sur le chemin !
– Paul on dirait que tu le fais exprès ? C’est un bateau ! Et ça va Où un bateau ? Sur l’eau !
– Oui, mais ici, il n’y en a pas de l’eau !
– Et la rivière alors ! Ce n’est pas de l’eau ?
– Sauf que ton fichu rafiot Jean, il a une quille, donc c’est un bateau qui va sur l’eau de la mer !
– On va la lui raser sa quille prétentieuse ! Et il ira très bien sur la rivière.
– Tu vas lui raser la quille ?
– Oui !
– Et comment ?
– Avec une scie…
La colère est définitivement une garce de conseillère !
La malheureuse barcasse fut transportée dans le fameux hangar en question où attendaient déjà un tracteur vert et un petit ULM biplace, (autres achats sur catalogue)… Jean lui a effectivement rasé la quille… maintenant il cherche bêtassement le moyen d’utiliser un ‘‘bateau’’ sans fond. Jeanne qui n’avait pas assisté à la livraison de la ‘‘maquette’’ a trouvé dommage que l’on puisse construire de telles embarcations. Elle a souligné :
– On ne peut pas en faire une baignoire non plus ? Dommage !
Son Jean amoureux réfléchissait, un œil concupiscent posé sur la croupe de sa femme…
C’est la faute aux bateaux si les marins aiment la Mer… c’est la faute à la Mer si les marins sur des bateaux partent en voyage…
Pendant cet échange philosophiquement redoutable, Henri, voisin et compère de Jean, autre sage branché directement sur un voltage imputrescible, terminait tranquillement la construction d’une rampe de lancement… avec laquelle il a expédié vers les nuages une espèce de fusée faite à partir de boites de conserve bourrées de pétards.
L’engin, remettant en question sa trajectoire, est allé s’écraser sur le hangar de Jean, que celui-ci venait de quitter.
La fusée subversive a incendié involontairement évidemment, la toiture de goudron laquelle en tombant a mis le feu au tracteur vert, qui fut, en un instant très court, réduit à un tas de ferraille noircie…
La providence a voulu que Jean dans sa sagesse insondable, n’ait jamais mis de carburant dans le réservoir du malchanceux