Ne m'attends pas, mange pendant que c'est chaud: Recueil de nouvelles
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À propos de ce livre électronique
Un recueil de dix nouvelles : certaines portant un regard humoristique et décalé sur les petites ou grandes catastrophes du monde qui nous entoure, que ce soit la migration des réfugiés ou les séquelles des attentats de 2015 à Paris. On y rencontre aussi bien le sosie d’un vieux rockeur pathétique que l’improbable postulante à l’élection de Miss Cévennes… Ces humains égarés en quête d’un sens à leur propre existence sont ici brossés d’une écriture poétique et drôle, mais le scalpel de l’entomologiste n’est jamais bien loin. C’est d’une écriture tout à la fois incisive et ciselée, que l’auteur sait nous divertir des travers de nos contemporains.
Plongez-vous dans un recueil de nouvelles poétiques, drôles ou incisives sur la réalité et les travers de nos conteporains.
EXTRAIT De Ne m'attends pas, mange pendant que c'est chaud
Elle ne savait sur quel fil tirer. Afin de démêler leurs liens. La pluie découpait les lumières de la ville. Déchirait les grandes baies vitrées derrière lesquelles ils s’apprêtaient à dîner.
Il lui demanda de l’excuser. Se mit en quête des toilettes pour y dissimuler sa nervosité. La laissant seule. Pensive.
Y avait-il d’ailleurs quelque chose à détortiller dans leur liaison ? Une histoire simple finalement, aussi compliquée que toutes les histoires simples.
Elle essaya de fixer son attention sur la carte. Elle sourit des menus sans indication de prix. Usage d’un autre monde, d’un autre âge. Évidemment, elle ne paierait pas.
Elle était invitée.
Il l’avait invitée.
À PROPOS DE L'AUTEUR
Arpenteur du monde et de l’Asie en particulier et explorateur immobile de son univers intérieur, Pierre Morvilliers écrivain voyageur est l’auteur d’un roman et de cinq recueils de nouvelles et collabore à plusieurs revues spécialisées dans cette forme d’expression courte.
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Avis sur Ne m'attends pas, mange pendant que c'est chaud
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Aperçu du livre
Ne m'attends pas, mange pendant que c'est chaud - Pierre Morvilliers
Table des matières
Résumé
Préface
Ne m’attends pas, mange pendant que c’est chaud
Journée de chien
La brillance des bazins riches
Théodore Monod ou le réchauffement climatique
Mi-grand ?
Les pénibles premiers pas de Liane de Polpek dans la carrière d’auteure
Le sosie d’Issy
Zacharie garait ou Zacharie gara ?
Ludovico Ariosto ou Les rêves de Rome
Les dessous bon marché
Remerciements
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Résumé
Un recueil de dix nouvelles : certaines portant un regard humoristique et décalé sur les petites ou grandes catastrophes du monde qui nous entoure, que ce soit la migration des réfugiés ou les séquelles des attentats de 2015 à Paris. On y rencontre aussi bien le sosie d’un vieux rockeur pathétique que l’improbable postulante à l’élection de Miss Cévennes… Ces humains égarés en quête d’un sens à leur propre existence sont ici brossés d’une écriture poétique et drôle, mais le scalpel de l’entomologiste n’est jamais bien loin. C’est d’une écriture tout à la fois incisive et ciselée, que l’auteur sait nous divertir des travers de nos contemporains.
Arpenteur du monde et de l’Asie en particulier et explorateur immobile de son univers intérieur, Pierre Morvilliers écrivain voyageur est l’auteur d’un roman et de cinq recueils de nouvelles et collabore à plusieurs revues spécialisées dans cette forme d’expression courte.
Pierre Morvilliers
Ne m’attends pas, mange
pendant que c’est chaud
Nouvelles
ISBN : 9782378735661
Collection Blanche
ISSN : 2416-4259
Dépôt légal : février 2019
© couverture Ex Æquo
© 2019 Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction intégrale ou partielle, réservés pour tous pays. Toute modification interdite.
Éditions Ex Æquo
6 rue des Sybilles
88370 Plombières les Bains
www.editions-exaequo.com
« Ne demande jamais ton chemin à quelqu’un qui le connaît, car tu pourrais ne pas t’égarer. »
Nahman de Bratzlav
Préface
Ce recueil de nouvelles ressemble à une étrange promenade d’humains solitaires dans une forêt malicieuse. En quête de sens, de rêveries ou d’un soupçon de fantaisie, ils empruntent des chemins de traverse pour ne pas se perdre sous les hautes futaies de l’inutile. L’humour, la désinvolture et le cynisme se mêlent à l’humanité et à la gravité de leurs sentiments.
D’un scalpel fort aiguisé, l’auteur ne se contente pas de repérer les quelques travers de notre espèce, par sa belle écriture poétique et imagée, sous le couvert de dialogues qui vont à l’essentiel et de descriptions ciselées, il nous fait pénétrer dans un monde parallèle ou tristement réel, magique et intemporel.
Le lecteur aspiré y retrouve des lueurs d’enfance, des rêves, des illusions, mais aussi des réponses aux angoisses de vie.
Réel plaisir de lire et de s’extraire… Comment ne pas poursuivre la promenade…
Jean-François Rottier
Ne m’attends pas, mange pendant que c’est chaud
Elle ne savait sur quel fil tirer. Afin de démêler leurs liens. La pluie découpait les lumières de la ville. Déchirait les grandes baies vitrées derrière lesquelles ils s’apprêtaient à dîner.
Il lui demanda de l’excuser. Se mit en quête des toilettes pour y dissimuler sa nervosité. La laissant seule. Pensive.
Y avait-il d’ailleurs quelque chose à détortiller dans leur liaison ? Une histoire simple finalement, aussi compliquée que toutes les histoires simples.
Elle essaya de fixer son attention sur la carte. Elle sourit des menus sans indication de prix. Usage d’un autre monde, d’un autre âge. Évidemment, elle ne paierait pas.
Elle était invitée.
Il l’avait invitée.
Elle pensait à toutes ces femmes qui n’avaient jamais réglé l’addition. La regardaient avec la même indifférence qu’elles considéraient le courrier du Service des impôts des particuliers. Jamais su le coût de ce qu’elles avaient mangé. Habituées qu’elles étaient à ne pas le savoir ; à ne pas le voir ; aveugles au vrai prix des choses.
Les bourrasques de vent rabattaient l’averse, giflant les vitres, laissant deviner les contours d’ectoplasmes flous titubant sur la coulée de goudron noir du trottoir, livrés à l’humidité et au froid, errant dans cette lumière pulvérulente ; rendant l’intérieur d’autant plus confortable, cocon cosy qui vous protégeait du monde extérieur.
Elle se demanda comment il faisait pour ― il avait le don pour ça ― dénicher des endroits pareils. Elle eut soudain l’envie de planter là cette argenterie trop clinquante et le métal froid de son fauteuil. D’aller se blottir, sous la lumière tamisée d’un abat-jour, dans l’un des Chesterfield pourpres. Petit coin boudoir niché dans la salle au mobilier industriel. À l’écart de l’harmonieux tumulte des conversations des tables voisines.
Promesse d’un moment de sérénité.
Tranquille.
Intime.
Doux.
À croire qu’elle était déjà en train de cocher les cases d’un questionnaire de satisfaction pour Trivago.
Un peu la disposition d’esprit dans laquelle elle se trouvait ce soir-là, songea-t-elle en se baissant pour ramasser le couteau qu’elle malmenait depuis qu’elle s’était assise. Après avoir hésité un bref instant ; pensant que dans un endroit aussi stylé, un garçon zélé se serait ―
Elle, elle n’aurait pas su débusquer le décor en harmonie avec les circonstances. Si elle avait dû faire une demande à quelqu’un, elle imagine qu’elle l’aurait faite spontanément. Tout à trac. Au détour d’une conversation. Dans le vacarme d’un hall de gare ; en passant l’aspirateur ou en montant des œufs en neige ; en bouclant une valise pour partir au bout du monde ou avant de descendre chercher des cigarettes.
Pour qui ?
Pour quoi ?
Elle qui ne fumait pas.
Lui, il avait besoin ― comment dire ? ― de mettre en scène les situations. Le cadre apaisant et le confort douillet de ce tête-à-tête lui rappelèrent un air qui ne la quitterait pas de la soirée. Une ritournelle :
Le mobilier était anglais, du velours vert, de l’acajou…
Ici le velours était couleur sang-de-bœuf et l’acajou s’était fait verre et acier. Une sorte de décor à la Philippe Starck. Un Mama Shelter pour classe moyenne supérieure qui ne lésine pas sur… Enfin, on en revient toujours à cette histoire de prix.
Il en mettait un temps. Tant mieux. Elle reporta son attention sur la carte. Il fallait qu’elle fasse son choix. Se sachant si lente à se résoudre à trancher. Sinon elle l’entendait d’ici.
Le menu lui parlait une langue étrangère. Les morilles la ramenèrent en terrain connu. Elle se serait bien régalée d’une poêlée de champignons. Mais la garniture la déconcertait : morilles fourrées au foie gras ― en espérant, avec toutes ces épidémies de grippe aviaire et ces massacres de canards, qu’il n’était pas bulgare ― accompagnées de poitrine de porc confite et d’une quenelle aux champignons sur un lit de palets de rutabaga.
La seule mention d’un lit de palets ouvrait une brèche vers le monde de l’enfance. Ses palets de marelle sur les pavés de la ruelle derrière chez elle : Terre, hop 1, hop 2, hop 3, hop 4, hop 5 (ça n’en finit pas une marelle…) hop 6, hop 7, hop 8, Ciel !
Ses matchs de hockey sur glace à cloche-pied et les récits de la jeunesse de sa grand-mère sous l’Occupation. Longtemps après la guerre. Une Alice au pays des merveilles claquemurée dans une cave. Attendant que se taisent les sirènes. Que cessent les bombardements. Que surgisse du tas de charbon un lièvre des neiges et de mars. Immaculé. En retard pour la cérémonie du thé d’un chapelier, fou d’avoir chanté pour la reine de cœur.
Sa mémoire d’enfant lui jouait des tours. Tressant les lectures de Lewis Carroll aux frayeurs, transmises par son aïeule, d’une petite fille vivant les restrictions de l’Occupation, ses rutabagas et ses topinambours. Elle adorait pourtant les histoires que celle-ci lui racontait ; commençant toutes par « Il était une fois » et finissant toutes par la faire pleurer.
Elle se prenait à rêver d’une simple quenelle aux champignons sur un lit de palets de rutabaga. Une entrée sans foie gras et sans poitrine de porc ― elle imaginait déjà la tête du chef.
Elle ne comprenait pas pourquoi il la mettait devant un tel dilemme. Ils avaient eu l’occasion d’aborder la question à plusieurs reprises. Il connaissait ses positions sur le sujet. Il suffisait de partir du commandement de base : tu ne tueras point (elle avait l’art de brosser ses interlocuteurs à rebrousse-poil). La violence exercée contre son semblable ― et l’animal n’est-il pas notre semblable ? ― est une violence tournée contre soi-même. Et la violence contre soi-même mène au mal absolu : la Guerre. L’Histoire lui en était témoin.
Elle se rappelait une discussion chez des amis à lui. Elle avait eu beau le prendre gentiment par le coude :
— Oh, je t’en supplie, ne commence pas.
Il lui avait rétorqué, pour faire son petit effet devant l’assistance :
— Alors, tu penses vraiment que manger une cuisse de poulet et faire la guerre c’est du pareil au même ?
C’était mal la connaître. Elle avait foncé tête baissée dans la provocation ; sauté sur le paradoxe. Elle avait lu, quelques années auparavant, Isaac Bashevis Singer. N’avait plus touché un morceau de viande depuis.
— Oui, Monsieur, on peut dire qu’il n’y a pas vraiment de différence entre une ferme d’élevage industriel de poulets et ― eh bien, disons, un camp de concentration. Ou même d’extermination. Dans les relations avec les animaux, tous les êtres humains sont des nazis.
Quand elle voyait la consternation qui saisissait ses convives, sa radicalité la ravissait. La vue de la chair encore palpitante tranchée dans les abattoirs avait fait d’elle un fervent soutien du groupe d’activistes L214. La souffrance animale lui était insupportable. Au même titre que la souffrance humaine. Et pas moins.
Mais ne serait-il pas en train de la mettre tout bêtement à l’épreuve ?
— Alors, chérie, as-tu fait ton choix ? Qu’est-ce qui te ferait plaisir ? s’enquit-il, se rasseyant le sourire aux lèvres.
— J’hésite entre la langouste et le pigeon… lança-t-elle railleuse. D’un ton lourd de sous-entendus.
Elle le vit pâlir. À l’évocation de la langouste et du pigeon, sans doute. Comme si l’évidence de sa bévue