Constable
Par Barry Venning
4/5
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À propos de ce livre électronique
John Constable fut le premier peintre de paysage anglais qui ne tira pas son enseignement des peintres hollandais. Assez proche de la vision de Rubens, c'est à Gainsborough qu'il doit tout : ses paysages, avec leurs grands massifs d'arbres bien répartis à travers le décor vallonné, possèdent un rythme souvent présent chez Rubens. Son originalité ne repose pas sur le choix de ses sujets, qui se contentent parfois de reprendre les thèmes affectionnés par Gainsborough.
Néanmoins, Constable semble vraiment appartenir à un autre siècle : il introduit une ère nouvelle et cette différence provient à la fois de sa technique et de sa sensibilité. A l'encontre des français, Constable fut le premier peintre de paysage qui considéra comme primordiale et essentielle la réalisation des esquisses directement d'après nature et d'un point de vue unique, une idée contenant le germe de nombreuses destinées du paysage moderne, et même peut-être, de façon plus générale, de la peinture moderne. C'est l'impression instantanée – la chose la plus irréductible et la plus individuelle entre toutes, celle qu'on ne peut reproduire à son gré – qui forme le coeur de la future peinture. Travaillant à loisir sur ses grandes toiles, le but de l'artiste est d'enrichir et de compléter l'ébauche, tout en conservant sa fraîcheur virginale. Ce sont là les deux techniques qu'employa Constable, découvrant l'exubérante abondance de vie dans le plus humble coin de campagne. Il possède la palette d'un coloriste créatif et une technique faite de hachures énergiques préfigurant celle des impressionnistes français. Avec audace et franchise, il introduisit le vert dans la peinture, le vert des gras pâturages, le vert des feuillages d'été, tous les verts que, jusque là, les peintres avaient délibérément omis, sauf peut-être à travers des verres de lunettes bleus, jaunes et plus souvent encore marrons.
Parmi les grands paysagistes qui occupèrent une place aussi importante dans l'art du XIXe siècle, Corot fut probablement le seul à échapper à l'influence de Constable. Tous les autres sont les descendants plus ou moins directs du maître d'East Bergholt.
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Aperçu du livre
Constable - Barry Venning
ILLUSTRATIONS
Ann et Mary Constable, vers 1810-1814,
Huile sur toile, 90 x 69,5 cm,
Trustees of the Portsmouth Estates
INTRODUCTION
John Constable est certainement l’artiste préféré des Britanniques. Sa réputation et sa popularité n’ont pour rivales que celles de son grand contemporain J. M. W. Turner. Mais comme Turner, sa célébrité repose sur une poignée de peintures très renommées, le plus souvent des scènes inspirées du Suffolk comme Le Moulin de Flatford ou la Charrette de foin. Ce dernier en particulier est tellement connu qu’il éclipse parfois le reste de son œuvre, alors que nous savons par les écrits de Constable qu’il faisait plus cas de son Moulin de Stratford, et déclara un jour que c’était La Cathédrale de Salisbury vue des champs plutôt que la Charrette de foin qui communiquait le mieux « l’étendue de son art ». Car malgré sa réputation, même la Charrette de foin reste incomprise. Elle nous est tellement familière qu’il est difficile pour un spectateur moderne de saisir l’énorme impact qu’elle exerça sur les plus grands peintres français de l’époque. Afin de pouvoir apprécier complètement le mérite de Constable, il faut d’abord essayer d’écarter quelques-uns des malentendus qui entourent son œuvre.
Il était, par exemple, un artiste beaucoup plus souple d’esprit que ses admirateurs modernes ne le pensent. Il est vrai qu’il était profondément et sentimentalement attaché au paysage du Suffolk et, à la différence de beaucoup de ses collègues, il ne partait généralement pas en quête de matériau nouveau. Mais ses amitiés et sa vie de famille le forçaient à voyager et créaient ainsi une diversité dans ses sujets, embrassant la contrée des lacs, Hampstead, le Kent, le Dorset, le Sussex et Salisbury. Plusieurs productions magistrales de ses dernières années, comme Le Château de Hadleigh ou La Brèche du pont de Waterloo, sont bien éloignées de ses scènes du Suffolk, tandis que ses marines, genre exigeant et dominé par l’esprit de compétition s’il en est, ont été ouvertement dépréciées.
L’une des erreurs tenaces entourant son œuvre voulait que Constable soit quelque peu « candide » et dépourvu d’approche théorique, peignant simplement « ce qu’il voyait » en réaction à la beauté de la campagne anglaise. Bien au contraire, il était un artiste sophistiqué et réfléchi dont le naturalisme était le fruit d’un dur labeur, basé sur une étude incessante de la nature, des Maîtres anciens et de nombreuses lectures. Loin de dédaigner la théorie, la bibliothèque de Constable contenait des textes érudits allant des écrits classiques de Cennino Cennini, Léonard de Vinci, Roger de Piles et Gérard de Lairesse, aux traités les plus récents de Sir Joshua Reynolds et d’Henry Fuseli. En matière de paysage, peu de livres importants échappaient à son attention et il possédait une solide connaissance des débats esthétiques qui préoccupaient ses contemporains. A la fin de sa vie, il donna lui-même des conférences sur le sujet. Il était également très versé en science, poésie, histoire et théologie, et comme Turner, il mit cette somme de connaissances acquises par lui-même en application dans ses peintures. En résumé, l’étendue de son intelligence et la clarté de ses idées sont en sérieux désaccord avec la vision de réaliste naïf que l’on avait de Constable.
Il est aussi tentant d’oublier que Constable était un peintre professionnel et que le genre de succès et de notoriété qu’il désirait ne pouvait être atteint qu’à Londres, dans l’orbite de la Royal Academy. Il aurait pu gagner sa vie dans le Suffolk, tout comme son contemporain, John Crome, en était capable à Norwich. Mais Crome pouvait compter sur un revenu stable de professeur de dessin, tandis que Constable recherchait un statut professionnel correspondant à la position sociale de sa famille. Crome, après tout, était le fils d’un compagnon tisserand qui possédait un cabaret et il avait fait son apprentissage auprès d’un peintre d’enseignes.
Constable avait une conception très noble du paysage et était résolu à poursuivre sa propre voie, mais il avait un très fort besoin de reconnaissance et usa de plusieurs stratégies pour y parvenir : il augmentait la taille de ses toiles, changeait occasionnellement de thèmes et taillait parfois ses peintures sur mesure pour répondre aux attentes de la Royal Academy. Il jouissait d’un revenu indépendant, mais insuffisant, pour entretenir sa famille et il était donc parfois contraint de vendre des copies de ses tableaux les plus connus et d’accepter des commandes rébarbatives. Ces conflits entre ses intentions déclarées, ses ambitions professionnelles et ses responsabilités familiales sont fondamentaux pour la compréhension de la carrière de Constable.
Plan de la frontière entre Essex et Suffolk mentionnant Dedham,
Flatford et Bergholt Est, 1805
LES DÉBUTS
John Constable est né à East Bergholt dans le Suffolk, le 11 juin 1776 ; il était le quatrième enfant et le second fils de Ann et Golding Constable. Son père était un marchand de grain local prospère qui avait hérité son affaire d’un oncle en 1764, comprenant la location du moulin de Flatford, deux barges, un appontement à Mistley pour le grain, un dépôt de charbon à Brantham et de bonnes terres arables. Le grain moulu au moulin était transporté sur la rivière Stour dans des barges vers l’estuaire, et de là emporté à Londres ; lors du voyage de retour, ils importaient du charbon et d’autres produits pour améliorer le revenu de Golding. Ces faits prosaïques sont importants, car les intérêts commerciaux de sa famille fournissaient à Constable des subsides qui complétaient ses maigres moyens de peintre ainsi que son répertoire de sujets familiaux.
« Le pays de Constable », tel qu’on le connaît aujourd’hui, ne couvre qu’une vingtaine de kilomètres carrés de la vallée de la Stour, à la frontière entre le Suffolk et l’Essex. Vers 1833, dans un texte accompagnant une gravure de la maison dans laquelle il était né, il décrivit East Bergholt comme « agréablement situé dans la partie la plus cultivée du Suffolk, sur un versant qui domine la fertile vallée de la Stour. La beauté du paysage environnant, les charmants coteaux, les prairies luxuriantes parsemées de troupeaux et de terres bien cultivées, les bois et les rivières, les nombreuses églises et villages avec leurs fermes et leurs cottages pittoresques ; tout cela confère à ce lieu particulier une aménité et une élégance que n’on ne trouve nulle part ailleurs ». Mais ainsi qu’il le confessait également, le paysage évoquait pour lui des souvenirs que son public ne pouvait partager : il avait été témoin « des années heureuses du matin de sa vie » et, plus tard, lorsqu’il s’acheminait vers la maturité, il devint l’endroit où « il rencontra bientôt ceux qui, par leur amitié précieuse et leurs encouragements, l’invitèrent à poursuivre son premier désir de jeunesse », celui de devenir peintre. Il pensait que le paysage, sa beauté et son « enfance insouciante » avaient fait de lui un peintre. Comme pour souligner ce point, Constable introduisit dans la gravure de la maison de ses parents un artiste plongé dans des esquisses en plein air.
Plus ses angoisses et ses responsabilités s’accroissaient, et plus Constable devenait nostalgique de cette « enfance insouciante », mais apparemment ses premières années semblent en effet avoir été presque idylliques, mis à part un épisode bref et désagréable à l’école de Lavenham. Il reçut la majeure partie de son éducation à la Grammar School de Dedham où, selon son biographe C. R. Leslie, il se distingua plus par son talent de dessinateur que par ses résultats scolaires. Son père espérait vraisemblablement qu’il deviendrait prêtre, une profession respectable et lucrative, mais le peu d’engagement de John à l’égard des études le fit réfléchir.
L’Ecluse et le moulin de Dedham, vers 1820,
Huile sur toile, 70 x 90,5 cm,
Collection David Thomson
En 1793, il décida de le former au métier de meunier, mais à cette époque, Constable avait développé une passion ardente pour la peinture. Déjà, il avait utilisé son canif pour graver une ébauche du moulin d’East Bergholt sur une poutre ; plus tard, le même moulin apparaîtrait à l’horizon du Potager de Golding Constable, mais pendant un an celui-ci lui servit de lieu de travail. La plupart de ses admirateurs s’accordèrent à dire que le temps passé au moulin fut bien employé, car il gardait toujours un œil attentif sur le temps, se préparant ainsi pour ses futures campagnes d’étude des nuages et du ciel.
Son plus proche ami de l’époque était John Dunthorne, le plombier et vitrier local, et gendarme du village, au sujet duquel C. R. Leslie écrivit avec condescendance, qu’il « possédait plus d’intelligence que la plupart des personnes de la classe à laquelle il appartenait ». L’enthousiasme de Dunthorne pour la peinture de paysages était à l’unisson de celle de Constable et il instilla certainement chez le jeune homme un goût précoce pour les études en plein air. David Lucas, le graveur de Constable, les décrivait comme « très méthodiques dans leur activité, emportant leurs chevalets avec eux dans les champs et peignant chaque jour une vue pendant un certain laps de temps. Lorsque l’ombre des objets se modifiait, leur travail était remis au lendemain à la même heure ». Il n’y a aucune raison de mettre en doute le récit de Lucas car il le tenait sûrement de l’artiste lui-même, bien que cela ressemble énormément aux descriptions par Constable de son travail en plein air sur la Vue de Dedham. Il se pourrait simplement qu’il ait gardé cette habitude acquise très tôt, mais contrairement à Turner, le talent de jeunesse de Constable ne tenait pas du prodige, et ce n’est que vers l’âge de 25 ans que ses études d’après nature commencèrent à porter leurs fruits.
Constable et Dunthorne finirent par s’éloigner l’un de l’autre, en partie parce que ce dernier était assez peu conventionnel (sa femme et lui s’étaient mariés grâce à une annonce dans le journal) et un athée notoire. Son amitié aurait constitué une source d’embarras pour l’artiste lorsqu’il faisait sa cour à la petite-fille du recteur local. Mais les familles gardèrent des liens : son fils Johnny devint l’assistant de Constable dans son atelier en 1824 et demeura à ses côtés pendant 5 ans. Entre autres attributions, il devait aider à produire des copies des peintures les plus célèbres de son maître, y compris semble-t-il, la reproduction de L’Ecluse, de La Cathédrale de Salisbury vue des terres de l’évêque et du Phare de Harwich.
Bord de rivière ; navires au soleil couchant, vers 1800,
Plume et lavis gris, plume et encre, 20,1 x 25,2 cm,
Victoria and Albert Museum, Londres
Contour incisé d’un Moulin,
fragment du moulin de Bergholt Lande Est, 1792,
Incision sur bois, 29,5 x 39,5 cm, The Minories, Colchester
Thomas Gainsborough, Le Bois de Cornard, 1748,
Huile sur toile, 121,9 x 154,9 cm,
National Gallery, Londres
AMIS ET MENTORS
À la fin du XVIIIe siècle et au début du XIXe, l’éducation d’un aspirant artiste