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Un combat pour l'égalité: Genre en christianisme
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Livre électronique353 pages4 heures

Un combat pour l'égalité: Genre en christianisme

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À propos de ce livre électronique

Cet ouvrage est un florilège de textes publiés dans les bulletins FHE entre 1980 et 1998, toujours d’actualité. Il est le fruit du travail collectif des responsables de l’association FHEDLES - Femmes et Hommes, Droits et Libertés dans les Églises et la Société – qui, à l’occasion des 50 ans de la création de FHE, souhaitent transmettre cet héritage à celles et ceux qui développent aujourd’hui ce questionnement sur l’égalité entre les femmes et les hommes.


À PROPOS DE L'AUTEUR

Association créée en 1970 pour travailler au partenariat femmes-hommes et développer la parité dans l'Église et la société, Femmes & Hommes en Église ayant fusionné avec l'association DLE – Droits et Libertés dans les Églises est devenue en 2011 FHEDLES – Femmes et Hommes Égalité, Droits et Libertés dans les Églises et la Société. 

LangueFrançais
Date de sortie16 févr. 2024
ISBN9782494526310
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    Aperçu du livre

    Un combat pour l'égalité - Femmes & Hommes en Église

    PRÉFACE

    Dans les années 70, après le concile Vatican II et Mai 68 donc, on soulignait volontiers combien le combat féministe dans l’Église semblait faible en France par rapport à d’autres pays, l’Allemagne par exemple. En réalité, cette faiblesse ne faisait finalement que refléter celle du féminisme en France à cette époque, là encore par comparaison avec d’autres pays.

    Si le constat est juste, il serait intéressant de comprendre les raisons de ce silence relatif des féministes françaises. « Relatif » vraiment ? La lecture des textes réunis ici apporte un démenti partiel à cette idée. Ils témoignent en effet qu’il y a eu en tout cas des voix précoces de femmes catholiques, conscientes d’une situation devenue insupportable dans l’Église car non conforme à l’Évangile, et donc affirmant leurs droits et leurs libertés – les « droits de l’homme pour les femmes », comme le dit une jolie expression de l’introduction en jouant sur l’ambiguïté de genre du mot « homme » en français.

    Une doctrine inchangée et même renforcée

    Ces textes commencent en 1980, et pour cause : l’homme qui est sur le siège de Pierre à Rome est un Pape d’origine polonaise, jeune, brillant, séduisant, mais redoutablement « vieux jeu » à propos des femmes, de ce qu’elles sont en général et de ce qu’elles font dans l’Église en particulier. Si le premier texte choisi est naturellement dû au fait que ce livre fête la création il y a 50 ans de FHE (« Femmes et Hommes dans l’Église », puis « en Église »), avant de devenir FHEDLES en 2011 (en ajoutant « Droits et Libertés dans les Églises et la Société »), il est significatif aussi qu’il consiste en quelques réflexions « à propos du discours de Jean-Paul II sur les femmes », où d’emblée est signalée une des difficultés avec l’Église : le discours « sur les femmes » ou « LA femme » y est non seulement considérable – plus encore sous ce pontificat –, mais il se targue aussi d’être valorisant, emphatique et empathique, de promouvoir, comme dit Jean-Paul II, « l’authentique promotion de la femme », celle qui « renforce… une dignité égale à celle de l’homme », laquelle n’est autre, selon le plan de Dieu, que « sa vocation de fille de Dieu, comme épouse et comme mère ». On est, dès les débuts du pontificat de Jean-Paul II, dans un discours qui ne variera plus mais, au contraire, ne cessera de s’accentuer et en tirera les conséquences pratiques quant aux rôles et fonctions, essentielles ou interdites, des femmes dans l’Église.

    Bien entendu, au cours de son histoire, l’Église n’a fait que reproduire à sa manière, selon son filtre propre, mais j’allais dire « naturellement », comme une évidence non réfléchie, les principes et les mœurs du patriarcat universel, avec dans la famille et la société sa division du travail, du pouvoir, de l’autorité, des rôles économiques, etc. Ce faisant, l’Église n’a de toute évidence pas été fidèle au « nouveau » – je ne dirais pas au « révolutionnaire », méfions-nous de l’inflation des mots – de l’Évangile. Les sociétés qu’elle prétendait évangéliser par la persuasion ou, souvent, par la force, se sont pour ainsi dire souterrainement « vengées » en lui imprimant leur culture. Le patriarcat est bien là depuis des siècles sinon depuis toujours, on le sait bien ou on le découvre encore tous les jours, sous des formes plus ou moins subtiles. Ce sera même probablement un combat jamais gagné, donc toujours à recommencer.

    Mais du moins dans les États de droits modernes sécularisés, des avancées considérables dans le sens de l’égalité et de la liberté des femmes ont été obtenues, souvent grâce à l’engagement de féministes militantes… honnies de leur vivant et célébrées après leur mort. Affrontée à la question (et aux questions) des femmes au XIXe siècle, c’est-à-dire au grand tournant moderne vers la famille bourgeoise, l’Église a eu quelques hésitations, quelques velléités, comme l’a montré l’historien Claude Langlois¹, mais très vite s’est mis en place un corps de doctrine alternatif, concurrentiel, qui aboutit en 1930 à l’encyclique intransigeante Casti Connubii² – laquelle, dans un langage modernisé certes, fait toujours loi et a même été renouvelée après Vatican II avant tout grâce aux efforts de Jean-Paul II. Il faudrait cependant ajouter qu’en France, pratiquement jusque dans les années 60 inclues, le système patriarcal de la République laïque était largement accordé à celui de l’Église. Les deux France se faisaient la guerre à propos de l’école dite « libre », mais quant aux normes imposées aux femmes pour les maintenir dans l’état de « minorité » (au sens kantien : dans un statut de « mineures » soumises à l’autorité et au pouvoir masculins), elles se rejoignaient très largement.

    Critiques justifiées et questions ouvertes

    Les articles sur une quarantaine d’années réunis dans ce livre témoignent de la précocité, de la ténacité et de la constance de celles qui les ont écrits. Ils présentent sous forme critique, c’est-à-dire en creux, tout l’arsenal de cette anthropologie et de cette théologie dépassées que l’Église continue de cultiver dans de multiples textes et dispositions pratiques, tant par rapport aux réalités humaines (la place effective des femmes dans la société, l’égalité des rôles féminins et masculins à tous niveaux, la parité à réaliser, l’égalité juridique, les rapports de couple et familiaux, le fait que ce ne soit plus le mariage qui fait le couple et la famille, mais le couple et la famille qui font le mariage…) que par rapport aux demandes multiples venues de la base de l’Église en faveur de l’émancipation des femmes catholiques et de la réalisation de l’égalité à tous les niveaux de responsabilité dans l’Église. Chaque texte illustre un ou plusieurs aspects de l’argumentaire ecclésiastique, qu’il s’agisse (je cite au choix) de la nature (biologique) identifiée à une volonté directe du Dieu créateur ; de la « vocation » de « La Femme », justifiée de multiples façons, au service, au don, à l’accueil, à la réception, au rôle de mère, à la vie au foyer et à l’éducation des enfants, ou justifiant la division sexuelle des rôles dans la famille et la société ; de la lecture sélective des Écritures pour justifier l’existant, comme l’ordination à la prêtrise et plus généralement les ministères réservés aux hommes ; de la « complémentarité » entre les rôles masculins et féminins, prétendument appuyée sur la Bible ; de la prétention à définir la « vraie dignité des femmes » par opposition aux égarements des sociétés modernes en termes de droits nouveaux ; du modèle marial proposé aux femmes voire de la Sainte famille proposé aux couples… Sur tous ces sujets, on s’accordera volontiers avec ce que dit Annie Crépin dans la conclusion, à propos de la nécessaire « déconstruction » intellectuelle « des mythes qui fondent le sexisme et l’androcentrisme », car « derrière » les comportements se trouvent toujours des représentations, des convictions, une culture, des schémas hérités, transmis par la famille et l’école entre autres. Me trompé-je ? On ressent ce besoin plus « généalogique » d’éclairage à travers l’évolution, dans le livre, vers des textes plus longs, plus réflexifs, plus théoriques à mesure qu’on avance dans les décennies récentes.

    Mais il faut le reconnaître : comme toujours, la proposition positive est plus difficile à énoncer, et la construction plus « floue » que la déconstruction. Si l’intérêt – et d’abord la validité des études de genre – est bien établie, à l’encontre des critiques de la théorie du genre par l’Église et des cris hystériques de certains milieux catholiques contre elle, si l’idée de « partenariat » est bien justifiée (d’ailleurs en lien avec des instances et des organisations civiles soucieuses de lutter contre le sexisme et les discriminations), les développements autour de « Écologie et démocratie » (partie IV) mériteraient sans doute plus de développements. C’est au fond de la violence qu’il est ici question : celle des femmes – entre elles et contre d’autres – est-elle avant tout un produit de celle des hommes, une forme de mimétisme pour se montrer à leur hauteur dans une position de pouvoir ? Existe-t-il des violences féminines spécifiques ? Peut-on dire sans plus que la destruction de la nature est due, comme l’oppression des femmes, au système patriarcal, et si la réponse est positive, peut-on vraiment les mettre sur la même ligne ? Il me semble important à cet égard de discuter les thèses de jeunes femmes qui contestent les avancées techniques (et légales) qui donnent aux femmes la maîtrise de leur corps et, partant, l’autonomie pour décider de leur vie³. Quelles que soient les réponses à ces questions, face à des fronts qui se déplacent, il sera important d’éviter tout « essentialisme », c’est-à-dire toute approche anhistorique dans l’étude de ces questions.

    Le langage, difficulté insurmontable ?

    Il me semble enfin qu’une question traverse tout le livre, qui est directement ou indirectement présente dans de nombreux textes : c’est celle du langage. À la fois, d’un côté, le poids de tout le langage passé que la civilisation patriarcale a inventé et charrié avec elle et dont nous héritons, y compris et d’abord dans les mots de la Révélation, qui reflètent incontestablement, à quelques exceptions heureuses près, les conceptions, les images et les pratiques d’une culture du « père » (voire du « Père »), de la loi du père et de la violence masculine. Puisqu’il s’agit d’une Révélation dans l’histoire, donc forcément liée à un temps et des lieux particuliers, il faut dire que les femmes ne sont pas seules à partager cette difficulté : tous ceux qui se rattachent à cette origine peuvent l’éprouver pour une raison ou une autre. J’ai rencontré des Palestiniens et des Libanais chrétiens pour qui le mot « Israël » dans la liturgie était devenu imprononçable. Au-delà de cette épreuve politique, tout moderne – les hommes aussi – peut se trouver en grande difficulté pour comprendre et traduire le vieux langage biblique comme celui de la tradition chrétienne ancienne, même si pour les femmes, directement concernées dans leur être et leur existence vécue, leurs droits et leurs libertés concrètes, cette épreuve représente une sorte de « mur » infranchissable !

    Mais d’autre part, comment sinon sortir de l’héritage langagier, du moins inventer de nouveaux mots, de nouveaux signes, de nouvelles pratiques langagières ? De surcroît, il ne faut pas s’y tromper : le problème n’est pas dû à quelques expressions marginales pour lesquelles il faudrait trouver des équivalents acceptables. Il vient au contraire de ce qu’il concerne les expressions centrales de la foi, la représentation masculine, forcément masculine, de Dieu Père, de Jésus homme mâle – même si sa liberté par rapport aux réalités sexuées de son temps est remarquable –, de l’Esprit saint, défenseur masculin du Dieu vivant et de sa présence aujourd’hui. Le problème vient aussi de l’exaltation intempérante, en sens inverse, de la mère de Jésus, la « Vierge Marie », comme modèle universel d’un féminin dont la gloire vient de son obéissance, de sa maternité érigée en modèle, de son retrait et de sa discrétion, de sa douleur même de « mère ». Figure ambivalente entre toutes, car si beaucoup de catholiques hommes et femmes ne sont plus guère séduits par elle, pour nombre d’autres, surtout dans l’épreuve, elle représente la proximité maternelle de Dieu, une proximité plus proche que celle de Jésus… Un ami anthropologue, d’origine juive et agnostique, admirait l’Église catholique d’avoir créé – seule dans ce cas – une figure féminine d’un rang aussi élevé, quasi divin, que celle de Marie, et il était sourd à mes arguments critiques sur la figure de soumission féminine que Marie représente aussi (il faut dire que les femmes juives ou musulmanes n’ont pas besoin d’une « Marie » pour être soumises à l’oppression patriarcale…).

    On pourrait continuer et affiner l’analyse, mais peu importe : qu’il suffise de se souvenir que ces représentations négatives pour les femmes sont centrales chez les catholiques aussi dans le quotidien de la prière, de la liturgie, des pratiques et des dévotions… Que faire ? Comment traduire ? Et d’abord : faut-il traduire ? Inventer de nouveaux mots et lesquels ? Mais l’action volontariste pour changer le langage serait une affaire titanesque, et on ne sort pas la nouveauté langagière de son chapeau. Les changements ont lieu constamment, mais ils sont invisibles : un jour on constate qu’ils sont là, c’est tout. Du coup, au fond, le plus urgent ne serait-il pas, tout simplement, de lutter encore et encore pour sortir concrètement de l’archaïsme patriarcal et donner enfin aux femmes en Église la totalité des droits et des libertés qui leur reviennent ? Il est plus que probable que le langage s’en trouvera aussi « libéré », capable de dire car obligé de dire, comme tout langage, la nouvelle réalité…

    Il me semble utile de revenir, pour finir, à la question de la contraception, évoquée ci-dessus. Pourquoi ? J’ai marqué l’importance de l’encyclique Casti Connubii (1930) : elle a bloqué toutes les occasions ultérieures de réforme quant aux droits des femmes en Église. Lorsque les interrogations de laïcs femmes et hommes, de théologiens et de prêtres qui connaissaient les difficultés des couples catholiques, renaîtront dans les années 50 et 60 à propos de la contraception, l’Église restera dans le front du refus net avec les arguments de 1930. On sait ce qui en résulta : l’encyclique Humanae Vitae en 1968, et l’explosion mondiale de la colère contre la décision de Paul VI, dont on sut plus tard qu’il était allé contre l’avis de la Commission théologique qu’il avait nommée pour étudier la question.

    J’ajouterai seulement deux commentaires à ce sujet : c’est de Humanae Vitae que date la contestation ouverte de l’Église sur les sujets concernant le mariage, la sexualité dans le mariage, et bien entendu la décision autonome d’engendrer, ou non, des enfants, en fonction du moment, du lieu, du désir singulier et de la parole libre dans le couple, impliquant chaque partenaire différemment mais fortement. Par ailleurs, on devrait parler aussi, après Humanae Vitae, de l’« exode » des femmes hors d’une Église qui les laissait hors droits en leur imposant sa loi… Autrement dit, si la loi de l’Église est ressentie comme invivable, l’appartenance risquait désormais de devenir très problématique à moins de faire comme beaucoup de couples et d’individus catholiques : on considère que ce domaine de la vie intime relève de l’autonomie personnelle, et que l’Église n’a rien à y faire. Mais d’autre part, avant Humane Vitae, un événement considérable avait eu lieu : la mise en vente libre de la pilule contraceptive en France, à la fin 1967, avec la loi Neuwirth. C’est une date à marquer d’une pierre blanche pour les femmes (et d’une pierre noire pour l’Église ?). En dissociant sexualité et procréation, la pilule a libéré les femmes d’une loi naturelle à laquelle elles étaient asservies depuis toujours. Pratiquement toutes les évolutions qu’on a connues depuis dans le sens de l’égalité des femmes et de leurs droits personnels viennent de là, directement ou indirectement. C’est l’évènement qui a déplacé les mœurs, les normes, la culture patriarcale. Mais que je sache, il n’y a eu jusqu’à aujourd’hui aucune remise en cause officielle de Humanae Vitae dans l’Église. Combien de temps faudra-t-il encore pour qu’elle accepte de dire que leur vie intime appartient aux femmes, fût-ce à leurs risques et périls, et au-delà, pour qu’elle renonce à régenter le devenir intime de chacun, à définir ce qu’est l’identité de genre, à laisser chacune et chacun vivre la liberté des enfants de Dieu ? On demande à l’Église et aux multiples communautés qu’elle rassemble de dire et de transmettre qui était Jésus de Nazareth, le Christ : n’est-ce pas déjà une tâche immense, qui devrait suffire à sa peine ?

    Jean-Louis SCHLEGEL


    Claude Langlois, Le Crime d’Onan. Le discours catholique sur la limitation des naissances (1816-1930), Les Belles Lettres, Paris, 2005.

    Dans son excellent livre Les enfants du bon Dieu. Les catholiques et la procréation au XXe siècle (Albin Michel, 1995), Martine Sevegrand rappelle que cette encyclique met fin aux interrogations des femmes catholiques et aux doutes des confesseurs quant à une éventuelle contraception (essentiellement par le coïtus interruptus).

    Je fais bien sûr allusion avant tout au livre de Marianne Durano, Mon corps ne vous appartient pas. Contre la dictature de la médecine sur les femmes, Albin Michel, 2018.

    RETRACER LES PISTES D’HIER ET POURSUIVRE AUJOURD’HUI

    C'est toujours un bonheur autant qu’un encouragement de citer ces pionnières chrétiennes qui osèrent participer au féminisme à cause de leur foi : « Il est temps de montrer que l’on peut être féministe non pas quoique catholique mais parce que catholique » déclarait Marie Lenoël aux journalistes en fondant en 1927 la section française de l’Alliance Internationale Jeanne d’Arc , mouvement catholique engagé et déjà reconnu dans les luttes d’émancipation civiques et religieuses. Lors d’une Assemblée Générale en 1969, la philosophe Yvonne Pellé-Douël et moi nous y sommes connues, avons rêvé d’un nouveau groupe initié et porté par des hommes et des femmes ensemble. Et nous avons cherché auprès du Père Chenu les premiers encouragements, gagnés d’avance ! Nous n’avions pas grandes forces à faire valoir mais nous savions que le temps était venu pour qu’une étincelle, un lien, puisse coordonner plusieurs feux préparés ou allumés ailleurs. À Lyon, Paris, Bruxelles ainsi qu’à l’étranger, notamment au Canada, des équipes ou groupes de recherche se faisaient connaître.

    Prémisses : questionnements et convictions

    À notre première rencontre, encore sans nom, en mai 1969, au Centre de Pastorale Familiale, à Bruxelles (CEFA), nous n’étions guère qu’une douzaine mais chacune, chacun, apportant expériences et formation différentes. Femmes et hommes, laïc·que·s, prêtres, professeur·e·s d’université, femmes en responsabilité dans l’Action Catholique, nous nous connaissions à peine ou pas du tout, mais savions nos attentes respectives et déjà nos engagements personnels et collectifs. Entre critique et espérance, nous les avions mûris dans l’effervescence du Concile. Il est sans doute difficile d’imaginer aujourd’hui combien l’annonce imprévue de celui-ci, le 25 janvier 1959, avait fait naître d’espoir ! On l’attendait comme une réponse à l’éveil d’une conscience nouvelle de la modernité dans l’Église comme dans la société. Évidemment, l’aggiornamento promis par le Pape s’incarnait différemment selon les pays et les groupes mais avec pour ligne de force la revendication par les fidèles d’une participation accrue aux responsabilités ecclésiales. Et s’y inscrivait forcément la prise en compte de ce que d’aucuns appelaient communément la question des femmes dans l’Église et que d’autres nommaient déjà plus crûment le problème de l’Église face à un monde féminin. D’autant que celui-ci ne se taisait plus !

    En France, comme en Belgique depuis 1927, l’Action catholique étendait amplement ses formations dans des milieux divers et sa consigne « Voir, juger, agir » suscitait le développement d’un esprit critique, le désir de changements structurels dans l’Église, ainsi que d’une participation accrue des laïc·que·s. L’union Féminine Civique et Sociale (UFCS) et l’action Catholique Générale des Femmes (ACGF) touchaient très officiellement un grand nombre de paroisses, influence relayée par la dimension internationale de cette dernière au sein de l’Union Mondiale des Organisations Féminines Catholiques (UMOFC) qui représentait 50 millions de femmes au monde sous la présidence de Pilar Bellosillo. Le féminisme se montrait à l’œuvre à la fois dans la société civile et les religions, en écho aux avancées du Conseil Œcuménique des Églises (COE) qui fut souvent notre modèle et partenaire comme le relatent nos bulletins. Pour nous, catholiques, la critique était triple : nous dénoncions le retard vis-à-vis des valeurs et normes de la société civile, face à la poussée œcuménique et aux recherches scientifiques en histoire, exégèse, herméneutique, ecclésiologie…

    Faudrait-il reprendre ici les griefs des participant·e·s à cette toute première rencontre de Bruxelles ? Reproches de fond, repris par tous, mais dont on comprendra qu’ils atteignaient spécialement les femmes au cœur même de leur dignité de personne et de leur identité chrétienne. Il est vrai que les responsables d’Église ne justifiaient plus aussi crûment le Mulier in Utero bien connu mais, sauf exceptions rares, ils donnaient gain de cause à ce qu’il faut bien appeler un savant montage théologique, ecclésiologique, moral et sociétal, sur « la vocation, le destin, la mission de LA femme dans le plan de Dieu » ; femmes tenues pour mineures dans la part congrue de responsabilités pastorales qui leur était confiée tandis qu’une « théologie de LA féminité » les plaçait à la fois en exergue et en réserve dans les sphères de famille, œuvres, catéchèse et mission. Certaines osaient-elles déclarer une vocation au ministère ? Il leur était demandé de ne plus confondre « un simple attrait » avec LA vocation au ministère sacré ! Ni ce qui était service quand des hommes l’exerçaient mais devenait pouvoir si des femmes le demandaient ! Heureusement, la contestation qui naissait n’était pas la part des seules femmes : on voyait croître la réflexion et les prises de parole dans des mouvements de couples chrétiens ; les hommes y cherchaient de nouveaux modèles de virilité, paternité responsable et spiritualité. Se forgeait là un nouveau type de conjugalité et parentalité. Le moraliste Pierre de Locht, qui nous accueillait au CEFA avec Suzanne van der Mersch, avait été membre de la Commission vaticane chargée de préparer la lettre encyclique Humanae Vitae, il était bien placé pour commenter ces questions nouvelles qu’amenaient les nouvelles connaissances et possibilités d’intervention face à la transmission de la vie. Pour nous il s’agissait de bien plus que d’un choix de techniques contraceptives moins prohibées que d’autres par les autorités ecclésiastiques ! Une nouvelle morale sexuelle se cherchait, détachée de la conception ancienne négative et formaliste de la sexualité, éthique liée évidemment au rapport nouveau à oser entre l’homme et la femme égaux, partenaires et co-responsables dans tous les domaines. On critiquait aussi le modèle socio-ecclésiastique de cette complémentarité traditionnelle bien commode et tentante qui restait solidement construite et aménagée sur le pilier de l’andro-centrisme et de ses rôles départis. Là aussi il nous faudrait expliquer et convaincre ! Sans compter que de nombreux·ses catholiques, ministres ou laïc·que·s, pratiquant·e·s fidèles ou déjà circonspect·e·s, se montraient troublé·e·s par l’irruption des questions, autant que réticent·e·s vis-à-vis des nouveaux chantiers à mettre en œuvre. Même critiqué, le vieux modèle ecclésial gardait sa force de tradition sacralisée ! Il est difficile aujourd’hui de mesurer le poids de ce qu’il faut bien considérer comme une cogestion totalitaire exercée par les instances religieuses et civiles se confortant toutes deux.

    Notre originalité, une double dynamique : Femmes et Hommes, Église et Société

    Notre équipe de départ s’éprouvait telle une caisse de résonance des questionnements, critiques, voire révoltes, surgis ailleurs et elle prenait le parti de les dire et approfondir avec la liberté et l’espérance que le Concile avait comme rajeunies et fortifiées. Nous tenions à nous référer à deux Déclarations solennelles du Concile qui répondaient à nos attentes et justifiaient nos engagements tant dans les structures, mouvements et innovations sociales qu’ecclésiales.

    La première s’élève « contre toute forme de discrimination… qu’elle soit sociale ou culturelle… fondée sur le sexe, la race, la couleur de la peau, la condition sociale, la langue ou la religion » (Gaudium et Spes 29, 2). Elle rejoint ainsi le prophétisme de Paul dans sa lettre aux Galates (Ga 3, 28) il y a 2000 ans, puis, sur la même trajectoire, la première Déclaration des Nations Unies de 1948.

    La deuxième Déclaration qui nous réjouissait paraissait neuve, elle inscrivait et confortait ce que ce dernier Concile avait élu comme Signes des Temps : « La communauté des chrétiens se reconnait donc réellement et intimement solidaire du genre humain et de son histoire (Gaudium et Spes, 1) ».

    Femmes et Hommes, Église et Société

    Nous voulions nous référer à ces quatre pôles profondément liés entre eux et sur lesquels nous nous estimions réunis dans nos engagements, tout au long de notre histoire, tout au moins jusqu’aux questions cruciales d’aujourd’hui autour de l’identité même de la religion Catholique Romaine et de sa structure ecclésiale. Point ne nous était besoin d’établir des classifications et des priorités, nos moyens du reste ne furent jamais très importants. Nous cherchions simplement comment exercer nos responsabilités et nos disponibilités de partenaires pour répondre aux initiatives ecclésiales et sociales. À frais nouveaux le Concile nous interpellait. Les initiatives des Nations-Unies pour les programmes successifs des Décennies des femmes allaient de même nous mobiliser.

    Un nom et un secrétariat international

    Nous cherchions encore un nom quand quelqu’un proposa d’abord la conclusion de cette première rencontre de Bruxelles : « Au fond, quelle Église voulons-nous ? » Le qualificatif de partenaires s’imposait : « Hommes et Femmes dans l’Église ? » On doit à Pierre de Locht – « l’expert romain » parmi nous ! – la spontanéité de son objection : « Ah non ! Tous les documents officiels mettent les hommes en avant, quand ils ne taisent pas totalement les femmes. Nous, nous nous dirons « Femmes et Hommes dans l’Église » (FHE). Et puisque nous reconnaissions la dimension internationale de nos objectifs et projets, puisque ce

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