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Une brève histoire de la microbiologie
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Une brève histoire de la microbiologie
Livre électronique1 221 pages11 heures

Une brève histoire de la microbiologie

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À propos de ce livre électronique

On Peut Considérer Que L'histoire Du Diagnostic Microbiologique Commence Réellement Avec Celle Du Microscope Au XVIIe Siècle Et L'observation Des Premières Formes Bactériennes Par Le Drapier De Delft, Anthonie Van Leeuwenhoek. C'est Cependant Dans La Seconde Partie Du XIXe Siècle Que Cette Histoire Prend Réellement Son Essor Avec La Mise Au Point De Milieux De Culture Adaptés, De Méthodes De Coloration Et D'identification. Cette Période D'une Vingtaine D'année Au Tournant Du XXe Siècle Au Cours De Laquelle La Plupart Des Agents Des Infections Bactériennes Majeures (Peste, Choléra, Tuberculose, …) Ont Été Décrits Correspond À L'Âge D'or De La Bactériologie.

 

La Virologie En Tant Que Science Commence Réellement À La Fin Du XIXe Siècle Avec Les Travaux De Martinus Beijerinck Et La Découverte Du Virus De La Mosaïque Du Tabac. Friedrich Loeffler Et Paul Frosch Caractérisent Ensuite Le Premier Virus Animal, Celui De La Fièvre Aphteuse Et, Peu Après, Walter Reed Celui De La Première Infection Humaine, La Fièvre Jaune. Après L'épidémie De Grippe Espagnole De 1918-1919 Qui Fit Entre 50 Et 100 Millions De Victimes, Une Grande Attention Va Être Consacrée À La Recherche De L'agent Responsable, Un Virus, Qui Sera À Son Tour Identifié Au Début Des Années 1930.

Des Améliorations Des Méthodes D'identification Des Bactéries Et Des Virus Vont Être Apportées Tout Au Long Du XXe Siècle Comme La Mise Au Point De Tests Immunologiques Permettant Le Diagnostic Rapide Des Infections Et Le Développement De Tests Moléculaires De Plus En Plus Perfectionnés (Sondes Nucléiques, PCR, Séquençage De L'ADN Et De L'ARN).

 

La Période Actuelle Voit L'émergence De La Biologie Moléculaire Qui Apporte Une Véritable Révolution Dans Les Domaines De La Métagénomique Et De La Transcriptomique Permettant De Mieux Comprendre Et De Détecter Plus Rapidement Les Infections Et Certaines Maladies Humaines.

L'ouvrage Est Divisé Sept Parties Distinctes :

« Des Miasmes À La Naissance De La Bactériologie » ;

« L'âge D'or De La Bactériologie » ;

« Naissance De La Virologie » ;  

« Développements Dans L'identification Microbienne Au Cours Du XXe Siècle » ;

« Évolution Du Séquençage De L'ADN Et De L'ARN » ;

« Principales Applications De La Biologie Moléculaire En Microbiologie » ;

« Quelques Découvertes Marquantes De L'époque Moderne »

Qui Permettent De Comprendre Les Formidables Développements De La Microbiologie Depuis Les Premiers Isolements De Bactéries Réalisés Sur Des Pommes De Terre Jusqu'aux Méthodes De Séquençage Les Plus Récentes Permettant Des Avancées Exceptionnelles Dans Les Domaines Du Diagnostic Mais Aussi Du Traitement Des Maladies Infectieuses. 

LangueFrançais
ÉditeurESKA EDITION
Date de sortie24 janv. 2024
ISBN9782747234122
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    Aperçu du livre

    Une brève histoire de la microbiologie - FRENEY Jean

    Sommaire

    PARTIE I : DES MIASMES À LA NAISSANCE DE LA BACTÉRIOLOGIE

    Chapitre I : De Varro à Fracastor

    Chapitre II : Le microscope

    Chapitre III : Les premières classifications de micro-organismes

    Chapitre IV : Louis Pasteur et Robert Koch, deux géants de la microbiologie

    Chapitre V : Le germe responsable de la maladie : Premières études

    Chapitre VI : La théorie infectieuse des maladies

    Chapitre VII : Le développement des cultures et de l’identification des bactéries

    Chapitre VIII : Le développement des tests d’identification des bactéries

    PARTIE II : L’ÂGE D’OR DE LA BACTÉRIOLOGIE

    Chapitre I : Description des principales maladies bactériennes

    Chapitre II : 1871 ou 1873 : le diagnostic de la lèpre

    Chapitre III : 1874 : description des streptocoques

    Chapitre IV : 1879 : la découverte du gonocoque agent de la blennorragie

    Chapitre V : 1879 : la découverte de l’agent de la typhoïde

    Chapitre VI : 1880 : la découverte des staphylocoques

    Chapitre VII : 1882 : la découverte de l’agent de la tuberculose

    Chapitre VIII : 1883 : la découverte de l’agent du cholera

    Chapitre IX : 1884 : la découverte de l’agent de la diphtérie

    Chapitre X : 1884 : la découverte de l’agent du tétanos

    Chapitre XI : 1886 : la découverte de l’agent de la brucellose ou fièvre de Malte

    Chapitre XII : 1887 : la découverte du méningocoque agent de la méningite cérébrospinale

    Chapitre XIII : 1894 : la découverte de l’agent de la peste

    Chapitre XIV : 1896 : la découverte de l’agent du botulisme

    Chapitre XV : 1896 : la découverte de l’agent de la dysenterie bactérienne

    Chapitre XVI : 1905 : la découverte de treponema pallidum, agent de la syphilis

    Chapitre XVII : 1906 : la découverte de l’agent étiologique de la coqueluche

    Chapitre XVIII : 1907 : la découverte de l’agent du typhus exanthématique

    PARTIE III : NAISSANCE DE LA VIROLOGIE

    Chapitre I : Découverte des premiers agents infectieux viraux

    Chapitre II : Le microscope électronique et l’observation des virus

    Chapitre III : La découverte du virus de la grippe

    Chapitre IV : Les cultures de cellules

    PARTIE IV : DÉVELOPPEMENTS DANS L’IDENTIFICATION MICROBIENNE AU COURS DU XX E SIÈCLE

    Chapitre I : Introduction

    Chapitre II : Classification et identification « moderne » des bactéries

    Chapitre III : Un demi-siècle d’innovations majeures dans l’identification bactérienne

    PARTIE V : ÉVOLUTION DU SEQUENÇAGE DE L’ADN ET DE L’ARN

    Chapitre I : Les trois générations de méthodes de séquençage

    Chapitre II : Le séquençage de 2e génération (S2G)

    Chapitre III : Le séquençage de 3e génération (S3G)

    Chapitre IV : Techniques utilisées en métagénomique

    PARTIE VI : PRINCIPALES APPLICATIONS DE LA BIOLOGIE MOLÉCULAIRE EN MICROBIOLOGIE

    Chapitre I : Identification

    Chapitre II : Épidémiologie

    Chapitre III : Taxonomie

    Chapitre IV : Résistome et virulome

    Chapitre V : Métagénome et microbiote

    PARTIE VII : FONCTIONNEMENT GÉNÉRAL ACTUEL D’UN LABORATOIRE DE MICROBIOLOGIE

    PARTIE VIII : LE LABORATOIRE DE DEMAIN

    Chapitre I : En microbiologie conventionnelle : l’avènement de l’automatisation et de l’intelligence artificielle

    Chapitre II : En microbiologie moléculaire : la transcriptomique ou « le diagnostic précoce des infections »

    PARTIE IX : QUELQUES DÉCOUVERTES MARQUANTES DE L’ÉPOQUE MODERNE

    Chapitre I : Les maladies transmises par des insectes

    Chapitre II : La découverte d’Helicobacter pylori

    Chapitre III : Découverte de la bactérie de la maladie des légionnaires

    Chapitre IV : De la tremblante du mouton à la maladie de Creutzfeldt-Jakob : la découverte des prions

    Chapitre V : La découverte du virus de l’hépatite C

    CHAPITRE VI : Découverte des rétrovirus

    Chapitre VII : La découverte des coronavirus

    Conclusions

    Bibliographie

    Table des matières

    PARTIE I

    DES MIASMES À LA NAISSANCE DE LA BACTÉRIOLOGIE

    CHAPITRE I

    DE VARRO À FRACASTOR

    Un auteur allemand, Alexander Demandt (1) a répertorié 240 causes permettant d’expliquer la chute de l’Empire romain ! Parmi celles-ci, le paludisme ou mal’aria (mauvais air) a indiscutablement joué un rôle essentiel dans la qualité de vie des habitants du monde romain. Le magistrat et écrivain Varron (Marcus Terentius Varro) (115-27 av. J.-C.) dans son De re rustica a écrit la phrase prophétique suivante à propos de l’infection palustre « Il faut faire attention à ce qu’il n’y ait pas de terres marécageuses à proximité, car si elles s’assèchent, certaines substances animales que l’œil ne peut discerner pénètrent dans le corps par la bouche et le nez et propagent des maladies tenaces » (ammalia quaedam minuta quae non possunt oculi consequi et per aera intus in corpus per os ac nares perveniunt atque efficiunt difficilis morbos).

    Illustration

    Portrait de Marc Terence Varron par André Thévet (1504-1592) Bibliothèque municipale de Lyon (F16THE000137)

    De même, Lucius Lunius Moderatus Columella dit Columelle, un agronome romain de la première moitié du Ier siècle, rapportant les règles qui devraient guider ceux qui envisagent de vivre à la campagne, écrit que « ni un marais, ni une voie publique ne devraient se trouver près de vos bâtiments, car le premier rejette toujours des vapeurs nocives et empoisonnées pendant les chaleurs et engendre des animaux armés de dards empoisonnés qui volent sur nous en essaims très épais » (2).

    Il existe de très nombreux témoignages dans l’Antiquité sur l’origine des infections chez les Égyptiens, les Hébreux et au sein d’autres civilisations. Ainsi dans la Bible, l’Exode (7-12) au cours duquel Yahvé infligea dix fléaux à l’Égypte pour contraindre Pharaon à libérer le peuple des Hébreux retenu en esclavage, on retrouve dans la 5e plaie « Il abandonna leur bétail à la grêle, Et leurs troupeaux au feu du ciel », une maladie identifiée comme étant très probablement la fièvre charbonneuse due au bacille du charbon, Bacillus anthracis.

    Pendant des siècles, ces maladies ont été considérées comme surnaturelles et surtout comme des jugements divins pour punir la méchanceté de l’humanité. Le péché était l’œuvre d’un esprit ou d’un démon qui possédait le pouvoir de faire du mal aux hommes. C’est par exemple le cas dans le Décaméron écrit par le grand Giovanni Boccaccio (1313-75) en 1358 qui évoque la peste de 1348. Dans cette œuvre, le fléau est rapporté par dix personnages qui ont quitté Florence et se sont réfugiés dans une villa de campagne pour échapper à la peste qui sévissait dans la ville. Boccaccio donnait une description des gonflements dans l’aine et les aisselles, et évoquait la peste comme une contagion : « Toucher leurs vêtements ou tout autre objet qui avait été utilisé par ceux qui avaient été malades provoquait la communication de la maladie » mais il rapportait également « des corps célestes ou de nos propres agissements iniques qui ont été envoyés sur l’humanité pour notre correction par la juste colère de Dieu ».

    1.   ÉVOLUTION DES IDÉES AVANT LA NAISSANCE DE LA MICROBIOLOGIE

    Illustration

    Jérôme Fracastor.

    L’une des plus remarquables intuitions sur l’origine des maladies infectieuses fut celle du génie de la Renaissance italienne, Jérôme Fracastor. Né à Vérone en 1478, la légende veut que sa mère ait été frappée par la foudre alors qu’elle le tenait dans ses bras. Il fut à la fois médecin, astronome, géographe, mathématicien, géologue, musicien, poète et écrivain. Formé à Padoue où il côtoya Copernic, il dut fuir devant les troupes de Charles VIII dans le sillage du général vénitien Alviano qui le fit nommer professeur à l’Académie de Porto-Navone dans le Frioul. C’est là qu’il conçut son chef d’œuvre Syphilis sive morbus gallicus publié à Venise en 1530 et qui fut traduit en plusieurs langues. Il y décrit les malheurs du jeune berger Syphilus qui, faisant paître ses troupeaux, osa un jour rendre au roi des honneurs divins. L’attitude blasphématoire attira sur lui les foudres d’Apollon qui le frappa d’une maladie nouvelle. Dans ce poème, il décrit le mal français et créa le mot « Syphilis ». Il revint à Vérone où il passa presque toute sa vie. Il préconisa également une thérapeutique à base de mercure pour traiter cette « nouvelle » maladie. En 1546, toujours à Venise, il publia son fameux ouvrage De Contagione et de Contagiosis Morbis. Fracastor est considéré comme le créateur de l’épidémiologie moderne puisqu’il émit l’hypothèse que de nombreuses maladies comme la variole, la rougeole, le typhus exanthématique ou la tuberculose étaient dues à des Seminaria contagiosum, petits entités microscopiques capables de se reproduire, de se multiplier et de transmettre la maladie, en fait les microbes (3).

    Il fut considéré comme un grand personnage de son vivant et eut une telle renommée qu’on le considéra comme une « divinité protectrice » tant étaient grands son prestige de savant et son talent d’habile thérapeute. Ainsi Charles Quint lui-même qui se rendait à Gênes, se détourna un jour de sa route pour rencontrer le médecin de Vérone. C’est le 8 août 1553 que mourut soudainement, frappé d’une attaque d’apoplexie, le plus célèbre médecin de l’Italie du XVIe siècle.

    Illustration

    Jean-Baptiste Goiffon.

    De nombreux auteurs ont également dans cette ère pré-bactériologique pressenti l’existence des « infiniment petits » comme Jean-Baptiste Goiffon (1658-1730), un médecin responsable du Bureau de la santé de Lyon. Au mois d’août 1720, des rumeurs alarmantes circulaient dans la ville de Lyon. La peste serait revenue à Marseille par le biais d’un bateau, Le Grand Saint-Antoine, contaminé lors de son retour d’Orient. Le souvenir de l’épidémie de 1628 qui avait fait mourir 50 000 parmi les 70 000 habitants de Lyon, était encore présent dans tous les esprits, et les relations commerciales étroites existant entre Lyon et Marseille, notamment dans le commerce des étoffes, faisaient peser sur la ville une grave menace. Le Bureau de la santé se réunit aussitôt pour mettre en œuvre des mesures de protection. Suivant les idées émises par Fracastor à la Renaissance, Jean-Baptiste Goiffon était en effet convaincu que, contrairement aux thèses de l’époque, la peste était due à des « insectes animés » capables de se multiplier et de disséminer la maladie. Il a défendu cette théorie avec obstination pendant l’épidémie en préfaçant notamment un ouvrage intitulé Observations faites sur la peste qui règne à présent à Marseille et dans la Provence et édité à Lyon en 1721. Il a été très critiqué et même raillé par ses collègues parisiens et lyonnais, partisans de la théorie des miasmes, sortes d’émanations toxiques à caractère infectieux, et hostiles à toute pensée nouvelle sur la nature de la contagion (4).

    CHAPITRE II

    LE MICROSCOPE

    1.   LES PREMIERS MICROSCOPES

    Illustration

    Le microscope de Zacharias Jansen à Middleburg.

    On ne sait pas avec certitude qui a inventé le microscope composé et il existe une abondante littérature sur le sujet. Pour certains, ce serait l’œuvre de Zacharias Jansen (v.1588-v.1631) de Middelburg en Hollande qui aurait fabriqué le premier microscope entre 1591 et avant 1608. Pour Giuseppe Penso auteur du remarquable Conquête du monde invisible, il ne fait aucun doute que c’est bien Galilée qui est l’inventeur du microscope (5). Selon Penso, il n’y aurait aucune preuve que l’invention soit d’origine hollandaise et cela pourrait bien être une fable inventée en 1655 par Pierre Borel (1620-1674) pour s’opposer à Galilée. Un modèle daté d’environ 1595 se trouverait toutefois au musée de Middelburg et grossirait dix fois ! La date de naissance de Zacharias Jansen est imprécise et semble incompatible : on attribue parfois l’invention microscope à son père ! De plus nous savons que c’était un faussaire condamné d’ailleurs pour de la fausse monnaie : le mystère reste entier (6).

    1.1.   La lunette (l’Occhialino) de Galilée

    Illustration

    Portrait de Galilée par Giusto Sustermans en 1636.

    Galilée (Galileo Galilei, 1564-1642) affirmait en 1623 dans le Saggiatore qu’il avait découvert le microscope quelques années auparavant. Une lettre de Galilée de 1624 rapporte que la lunette était son œuvre personnelle et qu’elle lui avait demandé beaucoup de recherche pour préparer les lentilles. Il nous décrit un « important passe-temps » à contempler « de près les petites choses ». Galilée avait inventé un cercle mobile pour fixer les objets (platine), un tube en deux parties coulissantes pour la mise au point et avait remarqué la nécessité d’un bon éclairage. Pour avoir un bon grossissement et une vision nette, Galilée devait construire lui-même les lentilles. Il lui fallait deux lentilles : une de faible convexité (pour l’oculaire) et une de forte concavité (l’inverse de celles fabriquées par les lunetiers). Mais Venise où résidait Galilée était la capitale européenne du travail du verre ! En 1609, il se procura verres et poudre à polir et fabriqua une lunette qui grossissait six fois, avec une image nette. Sa deuxième lunette grossissait vingt fois ; en 1610 la nouvelle lunette grossissait trente fois2. Il a « contemplé de très petits animaux avec une admiration infinie » ! C’est un ami de Galilée, Johannes Faber (1574-1629) qui appela l’invention « microscope » en 1625, terme qui s’imposa rapidement au détriment d’autres appellations : Enghiscopio (Colonna ; 1625), Telescopiolum ou Microtelescopium (Aggiunti ; 1627) ou Smicroscopium (Kircher ; 1658) (6).

    Pendant un certain nombre d’années, l’invention de Jansen ou de Galilée n’a guère été prise en compte. Ces premiers microscopes étaient très encombrants et imparfaits, et le meulage des lentilles restait extrêmement difficile.

    1.2.   Les premières descriptions

    Illustration

    Dessin de Robert Hooke représentant la structure cellulaire du liège d’un bouchon, tiré de Micrographia (1665).

    Les premières observations ont surtout porté sur des « petits animaux » de taille suffisante pour être observés avec ces microscopes rudimentaires comme des insectes ou des vers (ténias, dracunculose).

    En 1665 parut la célèbre Micrographia, sur l’observation microscopique du grand inventeur et mécanicien anglais Robert Hooke (1635-1703), qui décrivait un grand nombre d’éléments non visibles à l’œil nu comme des structures d’insectes, des éponges et des foraminifères (5). Parmi de nombreuses illustrations microscopiques dessinées par lui-même, l’une représentait une puce aux proportions gigantesques. On retrouve dans cet ouvrage les premières illustrations de micro-organismes (moisissures), qu’il avait vus avec un microscope composé équipé de deux lentilles. Hooke décrivit également la structure de la cellule, et lui donna son nom, comme élément primitif des tissus par analogie avec la « cellule des moines ».

    Au cours du XVIIe siècle, Hooke et d’autres auteurs ont construit des microscopes composés avec des grossissements de plus en plus importants, de 300 à 500 fois, mais ces puissances plus élevées posaient le problème de l’aberration chromatique1. Il s’avérait impossible de faire des observations sur des objets aussi petits que des bactéries, car ils étaient masqués par les anneaux de lumière qui les entouraient.

    D’autres observations ont été faites à la suite de Hooke comme celles de deux élèves du grand Francisco Redi (1626-1697) (cf. page 19) médecin et naturaliste italien, Giovanni Cosimo Bonomo (1663-1696) et Diacinto Cestoni (1637-1718) respectivement médecin et pharmacien à Livourne. Ils allaient, sur ses conseils de Redi, rechercher le sarcopte chez les galeux, le trouver et le dessiner. Ces observations furent rapportées dans une lettre adressée à Redi, signée par Bonomo et publiée le 18 juillet 1687 à Florence, Osservazioni intorno a’pellicelli del corpo umano qui confirmait le rôle de l’acarien dans l’étiologie de la gale. On lui doit la découverte des œufs (il assista à la ponte d’un acarien), l’affirmation d’une reproduction sexuée et de la transmission obligatoire du parasite à l’homme. La contamination directe par la peau ou indirecte par des draps, vêtements, objets de toilette y était particulièrement bien exposée. Bien qu’il n’ait pas été le premier à observer le sarcopte de la gale, le grand mérite de Bonomo a été de démontrer son rôle dans l’étiologie de la maladie (5).

    Illustration

    Athanasius Kircher.

    Plusieurs auteurs ont affirmé que le premier à avoir suggéré l’existence de créatures de dimensions microscopiques fut le prêtre jésuite allemand Athanasius Kircher (1602-1680) qui a écrit des ouvrages souvent cités comme importants dans l’histoire de la bactériologie en particulier son Scrutinium physico-medicum pestis (1658) où il fait référence aux effluves comme étant vivants et constitués « de très petits corps vivants imperceptibles » qui seraient responsables de la peste. Il semble cependant que les « vers » de Kircher selon Friedrich Loeffler n’étaient probablement que des amas de pus ou des empilements de globules rouges et qu’il était peu probable qu’il ait pu observer le bacille de la peste avec un microscope ayant un pouvoir de grossissement de 32. D’autre part, une grande partie de son langage est incompréhensible ou en tout cas ambiguë.

    2.   ANTHONIE VAN LEEUWENHOEK, LE PREMIER BACTÉRIOLOGISTE

    Illustration

    Anthonie van Leeuwenhoek.

    C’est grâce aux études de Clifford Dobell qui ont duré plus de vingt ans que nous avons maintenant une image vivante de ce grand observateur. L’ouvrage de Dobell « Antony van Leeuwenhoek and his little animals » de 1932 (7) constitue un magnifique travail de recherche.

    C’est à Delft en Hollande que naquit le 24 octobre 1632 Anthonie van Leeuwenhoek, d’un père fabricant de paniers et d’une mère fille d’un brasseur de bière. Élevé par son oncle, il ne termina pas ses études et, en 1648, il fut embauché chez un marchand de tissu à Amsterdam. C’est à cette époque qu’il se lia d’amitié avec l’astronome Christian Huygens. En 1654, il revint à Delft où il ouvrit une boutique de laine et s’adonna à sa passion favorite de polissage des lentilles et à l’observation de la nature à travers des microscopes qu’il fabriquait lui-même. Cette passion lui était née de l’observation des mailles de ses tissus au moyen d’une loupe (on considère qu’il a fabriqué au moins 500 microscopes au cours de sa vie dont il ne reste que quelques exemplaires actuellement).

    Ses microscopes n’étaient constitués que d’une lentille et leur utilisation était très délicate, contrairement aux microscopes composés constitués de trois lentilles et fonctionnant sur le principe des microscopes actuels qu’utilisait déjà l’Anglais Robert Hooke.

    Illustration

    Vue de face et de côté d’un des microscopes de van Leeuwenhoek. La lentille grossissante unique était fixée entre deux plaques de métal en L, et l’objet à examiner était monté sur la broche réglable en P. L’objet était observé à travers la lentille en tenant le microscope très près de l’œil.

    Les microscopes composés de l’époque ne grossissaient qu’entre 20 et 30 fois tandis que les microscopes simples d’Anthonie van Leeuwenhoek permettaient d’obtenir un grossissement de près de 200 à 300 fois2. Leeuwenhoek avait également la chance d’avoir une vue très aiguisée qui lui permettait d’observer des détails infimes. Il a dû mettre au point une méthode efficace pour éclairer les échantillons qu’il a déclaré avoir vus. Il a découvert par hasard l’éclairage en champ sombre, une technique dans laquelle les objets peu lumineux apparaissent brillamment éclairés sur un fond sombre.

    Il a placé devant sa lentille tout ce qui était animé. Il voulait montrer que les structures vivantes étaient composées de très petits éléments. Il s’extasiait devant les « créations de Dieu ». L’un de ses amis fut le célèbre Reignier de Graaf (1643-73), le découvreur du follicule de Graaf qui exerçait à Delft. En 1673, il fit connaître van Leeuwenhoek à Oldenburg ( ? 1615-77), éditeur des Philosophical Transactions de la Royal Society of London avec ces mots « Je vous écris pour vous dire qu’une certaine personne très ingénieuse ici [c’est-à-dire à Delft] nommée Leeuwenhoek a conçu des microscopes qui surpassent de loin ceux que nous avons vus jusqu’à présent fabriqués par Eustachio Divini3 et d’autres ».

    La première lettre de Leeuwenhoek à la Royal Society (8) traitait de la moisissure, des pièces buccales et de l’œil de l’abeille et du pou. Ce fut la première d’une longue série qui dura près de 50 ans ! Comme il ne parlait que le hollandais, il se faisait traduire ses textes. Il écrira ainsi plus de 150 lettres à la Royal Society.

    Illustration

    La première description de bactéries vivantes en 1683.

    C’est à Hooke que la Royal Society of London demanda de confirmer les observations d’Anthonie van Leeuwenhoek ce qu’il fit en avouant que ses propres images étaient moins belles que les siennes. Les estimations de la taille des animalcules étaient basées sur des comparaisons avec des éléments tels que des grains de sable, des cheveux, des corpuscules de sang humain, « le diamètre de l’œil d’un pou » ou « la taille d’un poil sur un pou ». Avec de telles références, il obtint des chiffres assez précis.

    En 1673 il décrit les globules rouges et en 1675 les infusoires. Il adresse au secrétariat de la Royal Society une lettre le 17 septembre 1683 dans laquelle il rapporte la présence d’animalcules dans « l’écume des dents ». Dans cette « étrange farine » qu’il dilue, « grouillaient de petits animaux vivants qui se déplaçaient de manière extravagante J’ai alors vu et revu qu’il y avait dans cette matière beaucoup de petits animaux vivants qui bougeaient très joliment ». On considère qu’il s’agit de la première description de bactéries vivantes. Il en décrit cinq types : « animaux tantôt ovales, tantôt ronds » ainsi que la mobilité comme dans la figure B où il montre le trajet de l’animalcule entre les points C et D. Il compare ces animalcules « à un essaim de mouches ou de moucherons voltigeant dans un espace exigu ». L’ensemble évoque aujourd’hui les bactéries de la plaque dentaire.

    Mais il reproduisit cette recherche de nombreuses fois : chez deux femmes « dont les dents sont propres », chez un enfant, chez des vieillards sobres ou alcooliques. Leeuwenhoek décrivit également pour la première fois des protozoaires parasites très probablement des Giardia qui fut donc le premier à être observé chez l’homme. Les premières observations microscopiques sur la levure sont rapportées dans sa 32e lettre datée du 14 juin 1680, alors qu’il avait soumis de la levure de bière à sa loupe.

    Dès 1675, il avait vu dans l’eau de pluie une espèce de vorticelle qu’il décrira en 1676 (publication en 1677) sans cependant en donner de figures, ce qu’il fera en 1703 en décrivant une autre vorticelle du genre Carchesium. Il vit chez ces ciliés les cils du péristome et le pédoncule. Le genre Stylonychia était également connu du micrographe néerlandais qui avait observé le rôle locomoteur des cils.

    Un étudiant en médecine de Leyde, Johan Ham (1654-1725), à la demande du professeur Theodorus Craanen (1620-1690), vint trouver Leeuwenhoek avec une fiole de sperme d’un patient souffrant de blennorragie. Leeuwenhoek pensa tout d’abord observer des animalcules qui auraient été responsables de l’infection mais demeura étonné par l’unicité des vers flagellés ; il refit l’expérience avec du sperme de Johan Ham et trouva la même chose. Une lettre de novembre 1677, rédigée en latin car son contenu pouvait « répugner ou scandaliser les savants » décrivait avec précision les « petits vers de la semence de l’homme ». Il confirmera dans les lettres suivantes, jusqu’à l’ultime de 1723, la présence des vermicules dans le sperme d’environ trente espèces animales (mammifères, oiseaux, mollusques, arthropodes, ...). Il semble qu’il était conscient que ces animalcules étaient à l’origine de la reproduction des animaux : ce qui s’opposait aux théories de l’époque en particulier d’Harvey et de Reinier de Graaf.

    En 1665 il se maria avec la fille d’un riche marchand de soie, Barbara de Mey avec laquelle il eut 5 filles dont une seule lui survécut et une seconde fois avec Cornelia Swalmius avec laquelle il n’eut qu’une fille décédée en bas âge. Il était atteint d’une maladie rare, la maladie dite « de Leeuwenhoek » ou myoclone respiratoire qui se traduisait par des contractions involontaires et répétitives du diaphragme et d’autres muscles respiratoires et fut soigné par sa fille Maria, dont la dévotion envers son vieux père a été remarquable.

    À Delft, dans les dernières années de sa vie, Leeuwenhoek devint un objet de curiosité pour les visiteurs, dont beaucoup venaient voir ses microscopes. Parmi les visiteurs connus se trouvaient des personnes de renom dont le tsar Pierre le Grand qui à cette époque (1698) séjournait en Hollande pour apprendre la construction navale. Observateur infatigable, 12 heures encore avant sa mort le 26 août 1723 à l’âge de 91 ans, il était encore en train d’écrire deux courriers à la Royal Society of London ! Il fut enterré dans la vieille église de Delft le 31 août 1723, et son monument y est toujours visible au côté des tombes du peintre Johannes Vermeer dont il avait été l’exécuteur testamentaire en 1678 et de l’amiral hollandais Maarten Tromp (1598-1653).

    Tous les microscopes fabriqués par Leeuwenhoek étaient de type simple. Il s’agissait en fait de loupes, mais lui-même n’a laissé aucune description de celles-ci, ni de la manière dont il les fabriquait. Il avait une méthode secrète pour examiner les plus petites créatures qu’il étudiait. Il a laissé derrière lui 247 microscopes terminés et 172 lentilles simplement montées entre de petites plaques, soit un total étonnant de 419 lentilles qu’il avait fabriquées de ses propres mains. Après la mort de sa fille Maria en 1745, les microscopes ont été mis aux enchères et ont rapporté la somme de 737 florins.

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    Un microscope de van Leeuwenhoek.

    La découverte des microbes n’a malheureusement pas mis fin à la théorie de la génération spontanée. En revanche, elle a permis d’émettre l’hypothèse qu’ils pouvaient être responsables de certaines maladies. Mais ce n’est qu’en 1884 que Robert Koch établit définitivement la relation germes-maladies (cf. page 42).

    3.   LE XVIIIe SIÈCLE

    Au cours du XVIIIe siècle, de nombreuses améliorations ont été apportées à la construction des microscopes – contraste fin pour la mise au point, platines mécaniques et tubes plus rigides qui amélioraient l’alignement des lentilles, ... Cependant, aucun de ces instruments n’était capable de donner la résolution nécessaire pour obtenir une image claire des bactéries. En effet, ils étaient tous inférieurs aux simples microscopes de van Leeuwenhoek de ce point de vue.

    Au début du XVIIIe siècle, et surtout à la suite des découvertes microscopiques de Leeuwenhoek, on assista à une recrudescence de l’ancienne doctrine qui attribuait certaines maladies à la présence de cellules animales invisibles.

    3.1.    La première falsification dans l’histoire de la bactériologie

    En 1726 parut à Paris un livre extraordinaire intitulé Systême d’un medecin anglois sur la cause de toutes les especes de maladies : avec les surprenantes configurations des differentes especes de petits insectes, qu’on voit par le moyen d’un bon microscope dans le sang & dans les urines des differens malades, & même de tous ceux qui doivent le devenir / Recueilli par M.A.C.D., Chez A.X.R. Mesnier, et faussement attribué au physicien et chimiste irlandais Robert Boyle (1627-1691). La brochure de 34 pages de texte comporte un tableau des noms de 92 des animalcules qui causent des maladies et est illustrée par 87 figures minuscules des dits animalcules. Ils ressemblent à des poissons, des crevettes, des chenilles et d’autres animaux de ce genre, et la plupart d’entre eux ont l’air d’avoir été pliées. Parmi les noms donnés aux animalcules, on peut citer Apopleptiques, Assoupissans, Bubonistes, Canceriques, Chancrifiques, Coursdeventristes, Dentaires, Erectifs, Gangrenistes, Gonorrhiques, Hépatiques, Migrainistes, Quartains, Retentifs, Sciatiquans, Vapeuristes, Vertigiens, Veroliques, ... et ainsi de suite.

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    Extrait du « Systême d’un medecin anglois... ».

    Une lettre du naturaliste italien Antonio Vallisneri (1661-1730) envoyée de Padoue et datée du 15 février 1729 affirme définitivement que M.A.C.D. n’était rien d’autre qu’un imposteur et un charlatan. Il avait un microscope truqué en forme de la lettre M et chaque branche avait un miroir pour refléter l’image. Il plaçait une goutte d’urine ou de sang à l’une des extrémités du microscope et prétendait démontrer la présence d’animalcules dans ces fluides. Par un habile mouvement de la main, il s’arrangeait pour montrer des infusoires qu’il avait auparavant placés dans l’autre branche du microscope. Sa supercherie fut découverte et l’escroc dut changer de résidence sans laisser sa nouvelle adresse. Le but de ce manège était de vendre une simple décoction qui, selon lui, tuait les germes de la maladie qu’il prétendait montrer au microscope. Sans bien sûr excuser cette véritable escroquerie, on peut avoir une certaine sympathie pour cet inconnu qui un siècle et demi avant Pasteur ou Koch avait déjà des idées pratiques et très avancées sur « le germe responsable de la maladie ».

    Après van Leeuwenhoek, très peu d’observations ont été faites en ce qui concerne les bactéries. Les recherches portèrent surtout sur la description des protozoaires avec les ouvrages de Joblot en 1718 et de Trembley en 1744.

    3.2.    Louis Joblot

    La première confirmation de l’existence des plus grands « animalcules » de Leeuwenhoek, les protozoaires, commence avec les travaux de Louis Joblot (1645-1723). Les deux hommes étaient contemporains et sont morts la même année.

    Joblot est né en 1645 à Bar-le-Duc et devint professeur en mathématiques à l’Académie royale de peinture et sculpture de Paris. Au cours de sa vie, il s’est surtout consacré à l’étude de la physique, dont le magnétisme et l’optique exercèrent sur lui une fascination particulière. Son ouvrage Descriptions et Usages de Plusieurs Nouveaux Microscopes tant Simples que Composez publié en 1718, ouvrage aujourd’hui extrêmement rare, est composé de deux parties : la première traitant de la construction des microscopes, tandis que la seconde, qui compte 96 pages, décrit les animalcules qu’il a étudiés. La seconde édition, celle que l’on rencontre le plus souvent, a été publiée en 1754, trente et un ans après la mort de Joblot en deux volumes intitulés Observations d’Histoire Naturelle Faites avec le Microscope. L’éditeur Antoine-Claude Briasson (1700-1775) avait acheté les planches du livre de Joblot et avait ajouté au texte original quelques éléments de peu d’importance, principalement sur les insectes, afin d’en faire un « nouveau livre ». Pour des raisons évidentes, la deuxième édition du livre de Joblot n’a jamais reçu l’approbation de l’auteur et n’était pour Briasson qu’un moyen de gagner de l’argent. Dans son ouvrage de 1841 Histoire naturelle des zoophytes infusoires, le biologiste Félix Dujardin (1801-1860) qui n’avait consulté que l’édition de 1754 en soulignait les qualités (9). Si les observations de Joblot étaient bonnes en 1754, elles devaient être exceptionnelles en 1718 ! (10)

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    Le laboratoire de Louis Joblot.

    Les instruments de Joblot représentaient un progrès par rapport à ceux qui existaient avant lui en raison de la qualité des mécanismes permettant une mise au point précise, de l’excellente conception de ses diaphragmes tubulaires qui éliminaient la lumière parasite et de la multitude de ses accessoires bien conçus pour monter les types d’échantillons les plus divers. Sur la base des distances focales données par Joblot, différents auteurs en ont déduit que ses microscopes les plus puissants pouvaient être capables de grossir environ 400 fois, soit environ le double de la puissance des instruments de Leeuwenhoek.

    Il a décrit de nombreux protozoaires, des ciliés comme les vorticelles ou des petits nématodes comme les anguillules du vinaigre mais n’a pas mis en évidence comme l’avait fait van Leeuwenhoek de formes bactériennes. Ce traité de 1718 est également intéressant car il rapporte les premières expériences faites pour réfuter la génération spontanée des micro-organismes par la stérilisation par la chaleur (cf. page 19).

    Après Joblot d’autres progrès vont être réalisés comme l’amélioration du microscope de Leeuwenhoek perfectionné en 1739 par le médecin prussien Johann Nathanael Lieberkühn (1711-1756). L’invention des lentilles achromatiques pour la correction de l’aberration chromatique fut réalisée par Chester Moore Hall (1703-1771), un juriste membre de The Honourable Society of the Inner Temple en 1733, et indépendamment par l’opticien John Dollond (1706-1761) ce qui a constitué un grand progrès qui se généralisera à partir de 1824.

    4.   LE DÉVELOPPEMENT DES MICROSCOPES AU XIXe SIÈCLE

    Ce n’est qu’au début du XIXe siècle que des progrès significatifs ont été réalisés. En 1824, Vincent Chevalier (1770-1841) de Paris et son frère Charles avaient utilisé avec succès des combinaisons de lentilles. Giovanni Battista Amici (1786-1868) de l’Université de Médine, éminent mathématicien, astronome, physicien et historien des sciences naturelles, améliora les objectifs achromatiques en 1827. Ses lentilles étaient fabriquées en collant ensemble une lentille biconvexe et une lentille biconcave d’indices de réfraction différents, ce qui réduisait considérablement l’aberration chromatique et permettait une bonne résolution à des grossissements allant jusqu’à 600 fois. Le principe du microscope moderne fut élaboré en 1830 par Joseph Jackson Lister (1786-1869). Il était marchand de vin dans la City de Londres et est surtout connu comme le père du grand chirurgien Joseph Lister. Peu à peu, le microscope a pris sa forme actuelle, et des progrès fondamentaux ont été réalisés par le mathématicien Ernst Abbe (1840-1905) en collaboration avec Carl Zeiss (1816-1888) de Iéna au cours des années 1880 (2).

    Avec ces instruments, il était cependant tout juste possible d’observer les bactéries et comme aucun colorant n’était utilisé, il restait difficile de voir plus qu’un contour. Une autre limitation, à cette époque et pour les nombreuses décennies à venir, était l’utilisation de préparations humides. Les organismes n’étaient pas fixés et même les cellules non mobiles subissaient constamment des mouvements browniens, ce qui rendait l’observation précise difficile (11).

    5.   LES MICROSCOPES OPTIQUES ACTUELS

    5.1.   Principe du microscope

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    La lentille est un des composants essentiels du microscope.

    Les rayons lumineux qui pénètrent dans la lentille sont pratiquement parallèles. La lentille convexe focalise ses rayons en un point spécifique le foyer F ; la distance entre le centre de la lentille et le foyer est appelée distance focale.

    La puissance d’une lentille dépend de la distance focale ; une lentille qui est dans une distance focale courte agrandit plus un objet qu’une lentille dont la distance focale est plus grande.

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    C’est le physicien allemand Ernst Abbe qui dans les années 1870 développa en grande partie la théorie de l’optique du microscope. La distance minimale (d) entre deux objets qui permettent de les discerner l’un de l’autre est donnée par l’équation d’Abbe, dans laquelle λ (lambda) est la longueur d’onde de la lumière utilisée pour éclairer l’échantillon et n sinus θ (thêta) correspond à l’ouverture numérique (ON) qui tient compte de n l’indice de réfraction et de θ, qui est une fonction de l’angle du cône de lumière rentrant dans l’objectif.

    Lorsque d diminue, la résolution augmente et des détails plus fins peuvent être discernés dans un échantillon ; d se réduit lorsque la longueur d’onde de la lumière utilisée diminue et lorsque l’ouverture numérique (ON) augmente. La plus grande résolution est donc obtenue avec une lentille d’ouverture numérique la plus grande possible et une lumière de longueur d’onde la plus courte.

    L’indice de réfraction de l’air est de 1,00. Le seul moyen pratique d’augmenter l’ouverture numérique au-dessus de 1,00 et ainsi d’atteindre une meilleure résolution est d’augmenter l’indice de réfraction avec de l’huile à immersion, un liquide incolore ayant le même indice de réfraction que le verre. C’est en 1878, qu’Ernst Abbe a introduit les lentilles à immersion dans l’huile. Ce système, qui utilise une huile ayant le même indice de réfraction que l’objectif, permet d’utiliser des objectifs de plus grande ouverture numérique sans être gêné par la moindre aberration chromatique et constitue depuis lors la méthode standard pour l’observation critique aux grossissements les plus élevés possibles en microscopie optique (X 1000-1200). Le plus grand défaut des premiers objectifs à immersion dans l’huile était la courbure apparente du champ. Si l’on pouvait obtenir une très bonne définition au centre du champ, c’était au détriment de la mise au point de la périphérie du champ.

    Au mieux, un microscope optique permet de distinguer des points séparés de 0,2 micromètre (μm). Par conséquent, la très grande majorité des virus ne peut être examinée à l’aide d’un microscope optique.

    La plupart des microscopes standards possède un oculaire grossissant 10 fois (x) et le grossissement maximum avec l’huile à immersion est de 1 000 fois. Un oculaire 15 x utilisé avec de bons objectifs permet d’atteindre un grossissement de 1 500 fois qui correspond à la limite du microscope optique. Seul le microscope électronique possède une résolution suffisante pour permettre d’atteindre des grossissements plus importants (cf. page 240).

    Dans le microscope électronique la longueur d’onde utilisée est de 0,005 nanomètre (nm) soit environ 100 000 fois plus courte que celle de la lumière visible. C’est pourquoi les microscopes électroniques ont une résolution d’environ 1 000 fois supérieure à celle du microscope optique. Alors que le microscope optique a une limite de résolution de 0,2 μm, celle du microscope électronique est de l’ordre de 5 ångströms (Å) ou 0,5 nm.

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    Microscope optique (Macé, 1912).

    À côté du microscope à fond clair, il existe d’autres microscopes optiques comme le microscope à fond noir, à contraste de phase, à fluorescence et le microscope confocal. Chaque sorte microscope a son utilité pour des applications précises. Pour plus d’informations, consulter la référence (12).

    _____________

    1. L’aberration chromatique est une aberration optique qui produit différentes mises au point en fonction de la longueur d’onde. On observe alors une image floue aux contours irisés. Elle résulte de la décomposition de la lumière blanche en plusieurs bandes de couleurs.

    2. Les microscopes couramment utilisés en laboratoire aujourd’hui grossissent les objets plus de 1 000 fois.

    3. Eustachio Divini (1610-1685) était un fabricant et expérimentateur italien d’instruments optiques à usage scientifique à Rome.

    CHAPITRE III

    LES PREMIÈRES CLASSIFICATIONS DE MICRO-ORGANISMES

    Dans le système de classification du monde vivant proposé dans son Systema Naturae paru en Hollande en 1735, le naturaliste suédois Carl von Linné avait divisé la nature en trois règnes : animal, végétal et minéral ; le règne animal étant lui-même subdivisé en classe, ordre, genre, espèce et variété. Devant la popularité de cette publication, il éditera des ouvrages de plus en plus volumineux. La douzième et dernière édition de son Systema Naturae de 1766 à 1768 comportait 2 400 pages, dans laquelle il regroupait sous le nom de Chaos les quelques animalcules connus en y incorporant les spermatozoïdes !

    Le naturaliste danois Otto Friedrich Müller (1730-1784) a décrit, classé et nommé avec exactitude un certain nombre de formes animalières. Dans l’un de ses ouvrages, intitulé Vermium terrestrium et fluvatilium seu animalium infusori orum ... succinta historia et publié en 1773 et 1774, il fut le premier à proposer une classification des êtres microscopiques sur la base de critères morphologiques et décrivit les animalcules des infusoires comme Monas terma et diverses espèces de Vibrio.

    Le premier ouvrage du XIXe siècle dans lequel des bactéries furent décrites est celui du naturaliste Christian Gottfried Ehrenberg (1795-1876) qui peut être considéré comme un des fondateurs de la bactériologie et de la protozoologie de l’École allemande. Il s’intéressa à une grande diversité de domaines scientifiques. Il contribua notamment à l’amélioration technique du microscope ce qui lui permit une meilleure approche dans l’étude de la cellule avec comme résultante un apport considérable à l’anatomie cellulaire. C’est aussi à Ehrenberg que l’on doit, en 1838, les pipettes étirées à la flamme faussement appelées « pipettes Pasteur » au lieu de « pipettes Ehrenberg ». C’est encore lui qui introduisit les éprouvettes en verre et également les petites boîtes en verre proches de celles des boîtes de Petri pour l’étude des infusoires.

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    Techniques bactériologiques développées par Ehrenberg dès 1838.

    En 1829, il avait accompagné le naturaliste et explorateur allemand Alexander von Humboldt (1769-1859) dans son voyage en Asie russe aux frontières de la Chine. À son retour, il publia en 1838 Die Infusionsthierchen als vollkommene Organismen : ein Blick in das tiefere organische Leben der Natur (Les animaux d’infusion comme organismes parfaits : un aperçu de la vie organique profonde de la nature), ouvrage sur la systématique des infusoires comportant plus de 547 pages avec 64 planches dessinées par l’auteur. Plus de 500 espèces y étaient traitées dont 300 nouvelles décrites par lui. Comme Carl von Linné qui, un siècle auparavant, avait introduit une classification rationnelle par une nomenclature binomiale (genre et espèce), Ehrenberg adopta une classification comparable dans le monde des êtres microscopiques. Cette classification a d’ailleurs servi de base aux travaux taxonomiques de l’Américain David Hendricks Bergey (1860-1937) (cf. page 269).

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    Gottfried Ehrenberg.

    Dans les espèces décrites par Ehrenberg, il était surtout question de protozoaires mais on trouve aussi plusieurs genres de bactéries : Monas, Bacterium, Vibrio, Spirochaeta, Spirillum, Spirodiscus. Comme Müller et d’autres, Ehrenberg ne faisait aucune distinction entre ce qu’on appellerait aujourd’hui les protozoaires et les bactéries. Il les classait tous dans la catégorie des « Infusoires » et les considérait comme des animaux car il pensait qu’ils possédaient tous un estomac. Malgré ses efforts laborieux de classification, de nombreuses espèces de monades et de vibrions d’Ehrenberg ne peuvent être identifiées avec certitude aujourd’hui.

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    Description de Bacterium (I-III), Vibrio (IV-IX), Spirochaeta (X), Spirillum (XI-XIII), Spirodiscus (XIV) par Ehrenberg (1839).

    Peu après la publication d’Ehrenberg, une autre classification plus simple a été proposée par le zoologiste français Félix Dujardin (1801-1860) dans son Histoire naturelle des zoophytes publiée en 1841. Il avait réfuté dès 1835 la théorie, défendue notamment par Ehrenberg, qui affirmait que les micro-organismes possédaient les mêmes organes que les animaux multicellulaires. Il plaça les organismes qui correspondaient aux bactéries dans la famille des « Vibrioniens » qu’il a caractérisée comme comprenant des « animaux filiformes extrêmement minces sans organisation appréciable, sans organes locomoteurs visibles », et il a reconnu trois genres : Bacterium, Vibrio et Spirillum.

    1.   FERDINAND COHN

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    Ferdinand Cohn.

    Il fut le véritable fondateur de la bactériologie morphologique et systématique. Ferdinand Cohn est né à Breslau (actuellement Wroclaw en Silésie, Pologne) le 24 janvier 1828. C’est dans sa ville natale qu’il a été pendant longtemps, professeur de botanique et directeur de l’Institut de physiologie végétale qu’il avait créé en 1866.

    Au début de sa carrière, vers 1850, Cohn effectua des recherches sur les algues, les champignons microscopiques et les infusoires en faisant d’importantes découvertes. lI fut le premier à séparer nettement les bactéries des autres animalcules. Dans son article classique intitulé Untersuchungen über Bakterien (Études sur les bactéries) en 1872 (13), il donnait une classification morphologique des bactéries et fit également très justement remarquer que les caractéristiques physiologiques sont également indispensables pour séparer certaines bactéries morphologiquement semblables entre elles. Prenant exemple sur Ehrenberg, Cohn a été un des premiers bactériologistes à avoir introduit une classification systématique et taxonomique des bactéries ainsi que les notions de « genre » et d’ « espèce ». Cette dernière (espèce) devait présenter, selon Cohn, une grande constance quant à ses propriétés ; aussi était-il partisan de l’unité morphologique. Ferdinand Cohn a été le premier à faire une distinction entre micro-organismes animaux (Protozoaires) et micro-organismes végétaux (Protophytes).

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    Quelques morphologies bactériennes décrites par Cohn.

    Cohn fit également la distinction entre Microcoques, Bactéries, Bacilles, Vibrions, Spirochètes et Spirilles (Figure). Au sein des Microcoques, il différenciait trois groupes : les chromogènes, les zymogènes et les microcoques pathogènes. Soutenant Louis Pasteur dans son opposition à la théorie de la génération spontanée prônée par Félix Archimède Pouchet et Henry Charlton Bastian, il lui reprocha cependant d’utiliser une diversité de noms bactériens peu précis à la place d’une nomenclature scientifique binominale.

    Parmi les autres contributions de Cohn à la bactériologie, il s’intéressa à partir de 1860 aux épidémies d’étiologie bactérienne et devint alors le chef de file de l’École allemande de bactériologie. Cohn a été parmi les premiers à analyser le mouvement des bactéries et l’influence de l’apport d’oxygène sur la mobilité. Il étudia les bactéries de l’air et mit au point une méthode pour leur numération par aspiration à travers un milieu de culture stérile.

    En 1876, en étudiant l’effet de la chaleur sur les bactéries, il découvrit l’existence de spores chez Bacillus subtilis. Il démontra que la survie des bactéries lors de « stérilisations » était due à la présence de spores hautement thermorésistantes et qu’il fallait appliquer des températures parfois très élevées pour les tuer. Robert Koch le consulta au sujet des spores. Le 30 avril 1876, il lui présenta ses travaux sur le charbon et Bacillus anthracis (14) (cf. page 41). En 1877, Koch publia les résultats de ses recherches dans la revue botanique Beiträge zur Biologie der Pflantzen (Contributions à la biologie des plantes) revue créée et éditée par Cohn (15). Ferdinand Cohn est mort le 25 juin 1898 à l’âge de soixante-dix ans.

    2.   LA GÉNÉRATION SPONTANÉE

    2.1.   Avant Pasteur

    Les animaux qui ne sont pas manifestement produits par l’acte de génération étaient considérés par les Anciens comme venant spontanément au monde et issus de l’action combinée de la chaleur, de l’eau, de l’air et de la putréfaction. Une grande partie de cette croyance, dans sa forme la plus concrète, nous a été transmise par Aristote qui dans son Historia animalium (Histoire des animaux) affirmait que de nombreux animaux se développaient spontanément et non à partir de souches apparentées. Selon lui, certains animaux provenaient de la rosée tombant sur les feuilles, d’autres de la boue, du fumier ou du bois en décomposition.

    Avec la découverte des micro-organismes au cours du XVIIe siècle, la génération spontanée constitua l’une des questions les plus intrigantes soulevées par les scientifiques. Le jésuite allemand Athanasius Kircher (cf. page 7), au XVIIe siècle, considérait que les vers, comme les chenilles, naissaient dans le fumier des bœufs et se paraient d’ailes pour se transformer en abeilles. Même le grand chimiste et philosophe Jean-Baptiste van Helmont (1577-1644) croyait que les souris pouvaient être générées spontanément. Dans son Ortus medicinae (1652), il déclarait : « si indusium sordidum intra os vasis in quo sit triticum comprimatur : Intra paucos dies (puta 21) fermentum indusio haustum et odore granorum mutatum ipsum triticum, sua pelle incrustatum in mures transmutat » c’est-à-dire que « si l’on place un sous-vêtement sale à l’intérieur d’un récipient dans lequel du blé a été ajouté, en quelques jours (par exemple, 21) des souris apparaissent).

    2.1.1.   Francesco Redi

    Des affirmations comme celles-ci furent discréditées par les expériences du Toscan Francesco Redi (1626-97). Il était le médecin de la cour de deux grands ducs de Toscane et était membre de la célèbre Accademia del Cimento.

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    Francesco Redi.

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    L’expérience historique de Redi.

    Il est l’auteur de l’ouvrage historique Esperienze intorno alla generazione degl’insetti (Expériences en matière de génération d’insectes) en 1668. Redi ne pouvait pas accepter l’idée que les « vers » soient produits par des plantes ou des animaux morts, mais pensait qu’ils étaient tous générés par insémination. La matière en putréfaction servait simplement de nid approprié (un nido proporzionato) dans lequel les animaux déposaient leurs œufs à la saison des amours et dans lequel ils trouvaient également de la nourriture. Pour vérifier ce point de vue, Redi a réalisé un très grand nombre d’expériences. Il a placé des morceaux de viande dans des boîtes ouvertes et les a laissé se décomposer. Des asticots apparurent et il les vit se transformer en insectes alors que dans les récipients fermés il ne se passait rien. Comme les expériences avaient été faites avec des récipients fermés qui auraient pu entraver la circulation de l’air, il fit d’autres expériences dans lesquelles l’air pouvait entrer librement mais pas les mouches. Pour ce faire, il plaça de la viande et du poisson dans de grands récipients fermés avec « la plus fine gaze de Naples » (ottilissimo veto di Napoli) et là également il n’y eut pas de formation d’asticots (5).

    2.1.2.   Louis Joblot et la génération spontanée chez les bactéries

    La renommée de Joblot ne doit pas tant être attachée à la description de tel ou tel protozoaire (cf. page 11), mais plutôt à ses expériences véritablement pionnières sur la génération spontanée microbienne. C’est dans ce domaine qu’il était vraiment très en avance sur ses contemporains. Lorsque Joblot affirmait que « plusieurs philosophes célèbres ... ont prouvé par plusieurs expériences ... que tous les animaux ... viennent des œufs », il pensait sans doute à Francesco Redi qui avait publié en 1668 ses observations sur la production d’asticots sur la viande (cf. supra).

    C’est à Joblot que revient le mérite d’avoir été le premier à stériliser les infusions par chauffage et à les protéger de la contamination par l’air. Son expérience a servi de modèle à tous ceux qui ont tenté de percer l’énigme de la génération spontanée. Dans le chapitre 15 de son livre, il écrit « Les infusions de foin faites avec de l’eau froide et laissées couvertes ou ouvertes ne tardèrent pas à grouiller d’animalcules. Le 13 octobre 1711, je fis bouillir du foin frais semblable dans de l’eau ordinaire pendant plus d’un quart d’heure. J’en mis ensuite des quantités égales dans deux récipients à peu près de même grandeur. Je fermai l’un d’eux aussi bien que possible avec du parchemin bien trempé (du velin bien mouille) et avant même qu’il fût refroidi ; je laissai l’autre à découvert. Dans celle-ci j’ai trouvé des animaux au bout de plusieurs jours, mais pas un seul dans l’infusion qui avait été bouchée. Je l’ai gardé ainsi fermé pendant un temps considérable afin de découvrir des insectes vivants... mais n’en ayant trouvé aucun, je l’ai finalement ouvert et au bout de quelques jours, j’en ai trouvé quelques-uns, ce qui montre que ces animaux s’étaient développés à partir d’œufs dispersés dans l’air, car ceux qui auraient pu se trouver sur le foin avaient été complètement détruits dans l’eau bouillante ». Des expérimentateurs du XVIIIe siècle comme Spallanzani, Needham et Bulliard à ceux du XIXe siècle comme Pasteur, Pouchet et Bastian ont tous répété avec des variations infinies les expériences réalisées le 13 octobre 1711 par le professeur de perspective et de géométrie de l’Académie royale de peinture et de sculpture de Paris (10).

    Malgré les expériences de Joblot qui affirmait que « la génération spontanée, est une doctrine qui est inconcevable et contraire à toute raison et religion », l’apparition spontanée d’animalcules microscopiques continua à être soutenue et reçut même une nouvelle notoriété grâce aux écrits de John Turberville Needham (1713-1781) et de Georges Leclerc, comte de Buffon (1707-1788). Buffon, Needham et plus tard Pouchet étaient des « vitalistes »4 avoués, en ce sens qu’ils pensaient qu’une « force vitale » préexistante, de quelque nature que ce soit, était nécessaire pour qu’un nouvel individu puisse faire son apparition.

    Le principal coup porté à Needham et à Buffon est venu du grand naturaliste italien, l’abbé Lazzaro Spallanzani dont les travaux étaient très en avance sur leur temps, et ses conclusions sur la génération spontanée étaient très proches de celles exprimées par Pasteur près d’un siècle plus tard (3).

    2.1.3.   Lazzaro Spallanzani (1729-1789)

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    Lazzaro Spallanzani.

    Il est né à Scandiano dans la province de Reggio-Emilia en Italie. Élevé dans un collège jésuite, il reçut une éducation classique avant de rejoindre l’Université pour travailler un doctorat en droit et finalement devenir docteur en philosophie en 1753. Il fut ordonné prêtre en 1757.

    En 1761, il prit connaissance des travaux du comte de Buffon et de John Needham qui étaient tous les deux partisans de la théorie de la génération spontanée. Pour eux, la matière inerte était en fait animée par des « atomes vitaux » qui s’échappent du corps après la mort pour être repris par les plantes. Ces atomes vitaux seraient visibles au microscope dans les eaux des mares et dans les infusions de plantes et d’animaux. Un siècle auparavant Francesco Redi avait déjà démontré l’absence de génération spontanée avec ses travaux sur les vers (cf page 19). Spallanzani contribua à son tour à infirmer cette théorie dans une publication intitulée Opuscoli di fisca, e vegetabile (Pamphlets sur la physique et la végétation) datée de 1776. Dans une série d’expériences, il montra que des infusions bouillies et maintenues à l’abri de l’air par fusion de l’orifice des flacons dans lesquelles elles avaient été placées ne permettaient plus de voir des formes vivantes au microscope. Il en déduisit donc que ce qu’on voyait dans les mares provenait d’organismes vivants contenus dans l’air et que la théorie de Buffon était donc fausse.

    Après Anthonie van Leeuwenhoek, Francesco Redi et Louis Joblot, les travaux de Spallanzani ouvrirent la voie à ceux de Pasteur qui, un siècle plus tard, démontra d’une manière définitive que la théorie de la génération spontanée était erronée.

    Des expériences de la plus grande valeur ont été menées par Theodor Schwann (1810-1882), qui peut être considéré comme le fondateur de la théorie des germes de la putréfaction et de la fermentation. Schwann n’a pas toujours été récompensé à sa juste valeur à cet égard, mais Tyndall l’a reconnu comme un précurseur de Pasteur et a ajouté que Schwann était « un homme de grand mérite dont le monde a trop peu entendu parler ». La première communication de Schwann sur la génération spontanée a eu lieu à la Versammlung der Naturforscher und Aerzte5 de Iéna, le 26 septembre 1836. Sa communication n’a été publiée que sous la forme d’un résumé mais elle contenait le compte rendu d’une expérience dans laquelle une petite quantité d’une infusion organique avait été placée dans un grand flacon de verre. L’ouverture du flacon avait été scellée et l’ensemble placé dans de l’eau bouillante pendant un quart d’heure. Une année après, il montra que si de l’air était chauffé puis refroidi avant de pouvoir exercer son influence sur les infusoires où il était censé faire naître la vie, celle-ci n’apparaissait pas (16).

    2.2.   Les travaux de Pasteur sur la génération spontanée

    Entre 1860 et 1864, Louis Pasteur va s’intéresser à la question de la génération spontanée encore très débattue à cette époque. En 1859, Félix Archimède Pouchet avait publié un « gros » ouvrage de 700 pages intitulé Hétérogénie dans lequel il soutenait l’existence de la génération spontanée. L’Académie des sciences proposa alors un prix qui traiterait le problème suivant « Essayer par des expériences bien faites de jeter un jour nouveau sur la question des générations dites spontanées ».

    C’est ainsi que Pasteur va s’atteler pendant 4 années à démontrer le non-sens des allégations de Pouchet et affirmer dans son mémoire de 1862 que les poussières de l’atmosphère renferment des micro-organismes qui se développent et se multiplient et que les liquides les plus putrescibles restent inaltérés, si après les avoir chauffés, on les laisse à l’abri de l’air, donc de ces micro-organismes. Il réalisa ses fameuses expériences utilisant des « ballons à col de cygne » qui font partie de l’histoire de la bactériologie.

    En 1861, Pasteur filtra d’abord l’air à travers du coton et trouva que des objets ressemblant à des spores végétales y étaient retenues. Si le morceau de coton était placé dans un milieu stérile après que de l’air y ait été filtré, une croissance microbienne était observée. Ensuite, il plaça des solutions nutritives dans les flacons, chauffa leur goulot à la flamme et les étira de différentes façons en gardant une extrémité ouverte à l’air ce qui donna cet aspect en col de cygne. Pasteur fit alors bouillir des solutions pendant quelques minutes puis il les refroidit et observa qu’aucune croissance n’apparaissait même si le contenu des flacons avait été exposé à l’air. Pour Pasteur, cette absence de croissance était due au fait que la poussière et les microbes avaient été piégés sur les parois des tubes courbes. Si les tubes étaient cassés, la croissance débutait immédiatement. Par cette expérience, Pasteur avait non seulement résolu la controverse en 1860 et avait montré comment conserver des solutions stériles.

    Illustration

    Les expériences de Pasteur utilisant des « ballons à col de cygne ». Flacon contenant une substance organique, a, fermé hermétiquement à l’aide d’un bouchon, b. Le tube coudé est ouvert en e, laissant passer l’air. Les poussières et les microbes se logent au niveau des coudes d et c (Albert Schneider, Pharmaceutical bacteriology, 1920).

    Bien que la plupart des membres de la communauté scientifique, en particulier en France, aient été convaincus par les expériences de Pasteur, d’autres scientifiques respectés ont refusé d’abandonner le concept de génération spontanée. Cette persistance s’expliquait en partie par le fait que certains scientifiques étaient toujours incapables de vérifier les résultats de Pasteur. C’est finalement John Tyndall en 1876 qui résolut cette énigme et donna une explication logique aux différences de résultats expérimentaux obtenus dans différents laboratoires. Tyndall avait compris que les différentes infusions nécessitaient des temps d’ébullition différents pour être stérilisées. Ainsi, une ébullition de 5 minutes stérilisait certains matériaux, tandis que d’autres, notamment le foin, pouvaient être bouillis pendant 5 heures et continuaient de contenir des organismes vivants ! De plus, si le foin était présent dans le laboratoire, il devenait presque impossible de stériliser même les bouillons qui avaient été préalablement stérilisées en les faisant bouillir pendant 5 minutes.

    Qu’y avait-il dans le foin qui provoquait ces effets ? En 1877, Tyndall a finalement réalisé que des formes de vie résistantes à la chaleur étaient introduites dans son laboratoire par l’intermédiaire du foin. Elles étaient transférées à tous les autres bouillons de son laboratoire rendant ainsi leur stérilisation impossible. Tyndall en conclut que certains micro-organismes devaient pouvoir exister sous deux formes : une cellule (forme végétative) qui était facilement tuée par l’ébullition et une autre qui, elle, était résistante à la chaleur. La même année, le botaniste allemand, Ferdinand Cohn, avait également découvert des formes bactériennes

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