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Fléaux des temps jadis: Histoire
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Livre électronique281 pages3 heures

Fléaux des temps jadis: Histoire

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À propos de ce livre électronique

Replonger dans l'histoire de l'Europe, c'est également se pencher sur l'histoire des maladies, des traitements et des épidémies qui ont sévi sur le vieux continent...

La lèpre, le choléra, la grippe... tous ces fléaux ont fait parfois plus de morts que les guerres qui ravageaient l’Europe à la même époque.
Mais comment étaient-ils traités ? Quelles précautions prenait-on pour éviter la contagion ? Que risquaient les malades et quel sort leur était réservé ?
Augustin Cabanès, spécialiste de la médecine et de l’Histoire, dépeint dans cet ouvrage détonnant les grands fléaux qui ont frappé l’Europe, du Moyen Âge au début du XXe siècle, et les différentes croyances qui en ont découlé au fil des époques.
De la tenue des médecins qui devaient guérir les malades de la peste aux lois absurdes en vigueur pour éviter la propagation du choléra dans les villes, découvrez un pan sombre de l’Histoire de la médecine !

Parcourez l'histoire de l'Europe et du monde en découvrant les nombreuses maladies qui décimèrent la population à plusieurs reprises, les personnages historiques atteints mais aussi les remèdes administrés, bien souvent surprenants.

EXTRAIT

Encore un trait qui mérite de ne pas être passé sous silence : une paysanne, durant sa maladie, refusa d’être soignée par son mari, de crainte de lui communiquer la contagion. Comme elle jugea qu’après sa mort, il serait obligé de la porter en terre, et qu’en lui rendant ce dernier devoir il pourrait gagner son mal, elle lui demanda une longue corde, qu’elle s’attacha aux pieds lorsqu’elle vit approcher son dernier moment, afin qu’il pût la traîner dans la fosse sans aucun danger pour lui.
Quand la mort est partout, on s’habitue à l’envisager de sang-froid. Un homme et sa femme, seuls dans une maison, furent attaqués en même temps de la peste et se regardèrent comme perdus, dans l’impossibilité où ils se trouvaient de recevoir du secours. Hanté par cette idée, le mari se mit à creuser deux fosses. Puis, quand il comprit que c’était la fin de ses maux, il fit ses adieux à sa femme, moins accablée que lui par le mal et se laissa choir dans la fosse qu’il avait creusée, s’offrant de lui-même, pour ainsi dire, à la mort.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Augustin Cabanès (1862-1928), journaliste et médecin, docteur en médecine de la Faculté de médecine de Paris, est connu pour ses nombreux ouvrages (Grands Névropathes, Les énigmes de l'Histoire, Les Morts mystérieuses de l'Histoire) sur les mystères de l'Histoire, et de l'Histoire de la médecine, pour laquelle il se passionnait.
Il était Secrétaire de la Société médico-historique.
LangueFrançais
ÉditeurJourdan
Date de sortie13 nov. 2019
ISBN9782390093756
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    Aperçu du livre

    Fléaux des temps jadis - Augustin Cabanès

    JADIS

    LA PESTE

    LA PESTE DANS L’IMAGINATION POPULAIRE

    Les époques d’abattement moral sont celles de grande mortalité. Michelet, Histoire de France.

    De toutes les épidémies qui ont désolé l’humanité, la peste est celle qui, de tout temps, a causé le plus vif effroi ; effroi légitime, si l’on considère, que nous en sommes encore à chercher un remède assuré contre une affection qui, en dépit des perfectionnements de la science curative, est restée presque aussi meurtrière qu’aux époques d’ignorance et de barbarie.

    Certes, nous sommes loin de la crédulité de nos pères, qui cherchaient une cause surnaturelle à des fléaux dont nous donnons une explication plus raisonnée, pour ne pas dire moins déraisonnable. Encore ne répondrions-nous point qu’on ne trouverait pas, à l’heure actuelle, et pas toujours aux plus bas échelons de la hiérarchie intellectuelle et sociale, ces étranges aberrations conservées par une sorte d’atavisme et qui semblent n’attendre pour se manifester qu’un milieu favorable de culture.

    À maintes reprises, on a signalé ce vertige qui saisit les foules et les pousse à commettre les crimes les plus atroces, alors que chaque individu, pris à part, serait incapable d’une méchante action. Cet état d’esprit si spécial se retrouve dans l’histoire des épidémies de peste. La plupart des phénomènes observés dans ces circonstances se relient les uns aux autres par une psychologie commune.

    Les superstitions que semble avoir engendrées une foi naïve dérivent du même état d’esprit qui pousse des infortunés tombés momentanément en démence, à tuer leurs semblables, ou à courir d’eux-mêmes au-devant d’un dénouement que leur résignation avait à l’avance accepté. On ne peut comprendre les ravages que causait autrefois la peste, ravages bien autrement terribles que ceux que nous constatons aujourd’hui, qu’en tenant compte de cette folie particulière qui saisit les cerveaux de personnes jusque-là équilibrées, quand tombe autour d’elles, comme frappé d’une arme invisible, l’objet de leur affection, leur raison principale de vivre.

    Au Moyen Âge, comme à la Renaissance, la peste a été secondée, dans son œuvre dévastatrice, par une foule de facteurs néfastes : la misère, la famine, l’oubli des préceptes les plus rudimentaires de l’hygiène ; mais ce qui, par-dessus tout, a contribué à alimenter ce feu dévorant, c’est la terreur folle d’un mal réputé implacable, tour à tour considéré comme une punition du Ciel, ou une émanation de l’enfer. Cette peur, cette phobie de la peste pousse les uns au désespoir et au crime, tandis que d’autres cherchent leur salut dans l’intervention de la Divinité ou des Saints. C’est un sentiment plus noble, bien que la peur n’y soit pas étrangère, qui a dicté les mesures de prophylaxie auxquelles notre siècle de progrès n’a guère ajouté.

    Il faudrait remonter haut dans l’histoire pour retrouver l’origine de la terreur qu’inspire la peste. C’est une conception bien ancienne, puisque déjà Galien assimilait la peste à une bête sauvage.

    Le même mot reparaît sous la plume d’Ambroise Paré. Le chirurgien de Charles IX caractérisait la peste en termes dont un commentaire affaiblirait l’âpre saveur : peste est une maladie venant de l’ire de Dieu, hâtive, monstrueuse et épouvantable, contagieuse, terrible peste sauvage, farouche et fort cruelle, ennemie mortelle de la vie des hommes et de plusieurs bêtes, plantes et arbres.

    Au temps d’Ambroise Paré, les peuples croyaient voir dans le ciel des figures sinistres et des mains armées de glaives, sur les villes à la porte desquelles frappait le fléau. Le bon Ambroise, qui ne manque jamais de partager la crédulité de ses contemporains, s’est empressé de reproduire ces images fantastiques dans son chapitre des Monstres célestes.

    La peste est au-dessus des ressources de la médecine, l’art et la science sont inutiles, il faut s’en remettre à la volonté divine, telle est la doctrine à peu près généralement admise autrefois. Mieux encore, elle est professée par la Faculté elle-même.

    Au XIVe siècle, la Faculté de médecine de Paris, invitée à faire connaître les causes de l’épidémie, à en indiquer le traitement et à établir un régime pendant la durée de la maladie, disait entre autres choses : nous nous proposons de produire clairement au jour les causes de cette pestilence suivant les règles et principes de l’astrologie et des sciences naturelles... Nous pensons que les astres, aidés des secours de la nature, s’efforcent, par leur céleste puissance, de protéger la race humaine et de la guérir de ses maux et, de concert avec le soleil, de percer, par la force du feu, l’épaisseur des nuages... Si les habitants n’observent pas les prescriptions suivantes, ou d’autres analogues, nous leur annonçons une mort inévitable, si la grâce du Christ ne leur envoie la vie de quelque autre manière.

    L’astrologie étant alors une science officielle, on ne discutait pas ses arrêts. La cause principale de la peste, pour les médecins les plus qualifiés, comme Guy de Chauliac, archiatre du pape Clément VI, était une conjonction des trois planètes, Saturne, Jupiter et Mars, qui avait eu lieu le 23 mars 1345, au 14e degré du Verseau ; époque à laquelle la maladie se déclara dans l’Orient.

    C’est vers le même temps que d’autres médecins, tels que Jérôme Cardan et Marsile Ficin consultant aussi les astres, faisaient redouter Saturne aux vieillards, vantaient les douces influences de Vénus aux jeunes gens, et les conjonctions de la planète Mars aux belles dames. Cette croyance était si bien acceptée de tous, qu’en 1596, les autorités annoncèrent, rien que d’après l’inspection du ciel, que l’épidémie allait subir une recrudescence. À l’aurore du XVIIe siècle, on vit le Bureau de santé de Sisteron interdire brusquement l’entrée de la ville, parce qu’on était sous l’influence d’un mauvais quartier de lune.

    Lors des épidémies de peste, on n’a pas manqué de noter, après coup, les faits extraordinaires qui les avaient précédées. Grégoire de Tours a signalé les grands prodiges qui ont causé l’épouvante en Auvergne, quelque temps avant qu’éclata l’épidémie du VIe siècle : on avait observé des halos, ou couronnes, autour du soleil, des diminutions de l’éclat de cet astre, des comètes ayant un rayon en forme de glaive. Des globes de feu, des météorites, sans oublier les secousses sismiques, les inondations, les éclipses. Le médecin astronome Textor ne reconnaissait la gravité de l’épidémie dans la conjonction pestifère et ruineuse d’aucun astre ou aspect malin des étoiles... Nicolas-Claude Fabri de Peiresc, autre médecin, prévoyait une épidémie, lorsque la queue d’une comète était tournée vers l’Orient.

    L’auteur de Robinson Crusoé, qui a tenu un Journal de l’année de la peste, rapporte que, quelques mois avant qu’elle éclatât, on vit dans lès cieux une étoile brillante, mais il ne voulut y attacher nulle importance, sachant que les astronomes assignent des causes naturelles à de tels phénomènes et même calculent ou prétendent calculer leurs mouvements et révolutions.

    En réalité, ces troubles météorologiques, de même que les inondations, sécheresses, effondrements de montagnes, raz de marée, tremblements de terre, ont, pu coïncider avec telle ou telle perturbation de la santé publique, sans qu’on soit autorisé à conclure à une relation de cause à effet. On conçoit l’affolement qui devait saisir des esprits déformés par l’éducation monastique, angoissés par la crainte de l’inconnu, quand se manifestaient ces symptômes d’une puissance d’autant plus redoutable qu’elle était occulte.

    C’est dans les moments de lassitude morale autant que physique que ces infortunés se prenaient à invoquer Dieu et tous les Saints du Paradis.

    La liste des bienheureux invoqués contre la peste serait longue, si nous voulions l’établir complète. Nous ne citerons que les principaux, nous attachant surtout à mettre en relief des traits de mœurs, plutôt qu’à donner une énumération dont la sécheresse exclurait l’intérêt.

    D’après une tradition antique, la peste qui affligeait Rome ayant augmenté pendant le temps pascal, le pape Grégoire ordonna une procession où parurent pour la première fois tous les abbés des monastères de Rome avec leurs moines, et toutes les abbesses avec leurs religieuses. On porta avec respect le portrait de la Vierge, peint par saint Luc. Le cortège se dirigea vers la basilique de Saint-Pierre. La foule se pressait sur le passage de la Sainte Image, suivie du Pontife en prière. Au moment où l’on traversait le pont qui unit la ville au quartier du Vatican, un concert d’anges se fit entendre. Alors on vit apparaître sur le Môle d’Adrien l’ange exterminateur, qui remettait son épée dans le fourreau, et la contagion cessa à l’instant : c’est depuis ce temps que le Môle d’Adrien, surmonté d’une statue colossale de cet ange, a pris le nom de fort Saint-Ange, et telle serait l’origine de l’invocation adressée à saint Grégoire pour la cessation de la peste.

    D’après un recueil de législation municipale de Montpellier, au Moyen Âge, en 1384 et 1897, la peste sévissait dans les trois sénéchaussées de Toulouse, de Carcassonne et de Beaucaire, comme elle avait sévi auparavant à Montpellier. Les consuls votèrent un cierge de cire assez grand pour entourer la ville et les remparts. Il devait être façonné à l’aide des aumônes des braves gens et brûler jour et nuit sur l’autel de Notre-Dame-de-Toulon. Plusieurs autres cités atteintes par la peste firent des vœux semblables. En 1495, la ville de Beaune imagina un moyen d’invocation à saint Sébastien, un des saints les plus fréquemment invoqués dans les épidémies de peste, bien autrement original. Comme les prières, les processions et la ceinture de cire ne faisaient pas cesser le fléau, les échevins décidèrent que, pour obtenir plus sûrement l’intervention du saint, il fallait représenter un mystère, retraçant sa vie et son martyre. Un théâtre fut dressé, la pièce, en vers, fut examinée et corrigée, et trente bourgeois firent serment sur les Évangiles d’accepter les rôles qui leur seraient confiés et de s’habiller à leurs frais. On joua Monsieur Saint-Sébastien à la satisfaction générale.

    On sait combien Louis XI était imbu d’idées superstitieuses : la peste s’étant déclarée à Auxerre, aux premiers jours du printemps de ١٤٧٩, on crut devoir en informer ce prince, qui ordonna aux officiers d’engager, par leurs sollicitations, le chapitre de la cathédrale à aller en procession à l’abbaye de Poligny, au tombeau de saint Edme, afin d’y offrir, conjointement avec les jurés et bourgeois, deux cierges, chacun du poids de trente livres. Le roi, par ses lettres datées de Château-Landon, au mois de mai, fit un don de douze livres au même saint.

    Louis XI professait une dévotion toute spéciale pour saint Edme, de Poligny. N’ayant pu s’y rendre, selon son habitude, à cause de la peste, il fit don à cette abbaye de vignes sises à Talant, près Dijon, afin que les religieux priassent Dieu, Notre-Dame et saint Edme pour lui, pour le dauphin son fils pour la reine, et même pour la bonne disposition de notre estomac. Que vin ni viande ne nous y puissent nuire, et que nous l’ayons toujours bien disposé. Ce bon Louis XI pratiquait le précepte évangélique : Charité bien ordonnée...

    Un des saints qui ont joui de tout temps du plus grand crédit contre la peste est le vénéré saint Roch. À Montluçon, près la porte Saint-Pierre, on lisait jadis cette inscription :

    Vous qui craignez la Peste et ses mortels effets, Allez prier saint Roch, vous ne l’aurez jamais.

    Longtemps ont existé à Versailles les Chapelains de Saint-Roch. L’origine de cette appellation est assez peu connue pour que nous la rapportions.

    Le Grand-Commun, comme toutes les dépendances du château de Versailles, faisait partie de la paroisse de Notre-Dame. Ce qui n’empêchait pas les offices, célébrés tous les jours dans la chapelle de ce bâtiment, d’être très suivis par les principaux personnages de la Cour. Cette chapelle était desservie par les aumôniers de la Maison du Roi, ou les chapelains de Saint-Roch, établis à la Cour par François Ier, voici ce qui donna lieu à leur établissement et à ce nom de chapelains de Saint-Roch.

    François Ier était occupé, en 1545, à chasser les Anglais de la ville de Boulogne. Il était campé entre Abbeville et Montreuil, où régnait depuis quelque temps une maladie contagieuse. Le duc d’Orléans, son second fils, à un âge où l’on traite souvent la prudence de poltronnerie, voulant se moquer de ceux qui redoutaient la maladie, alla avec d’autres jeunes gens dans une maison où il était mort depuis peu huit personnes. Ils renversèrent les lits, se couvrirent de la plume qu’ils en tirèrent et parcoururent dans cet équipage plusieurs tentes du camp. Le prince, fort échauffé, but en rentrant un verre d’eau froide et se coucha. Deux heures après, une fièvre chaude s’emparait de lui et alors, saisi d’effroi, il s’écriait : c’est la peste ! J’en mourrai !

    Les médecins voulaient empêcher le roi d’entrer dans sa chambre. François Ier, malgré le danger, se refusait à leurs instances. À peine eut-il franchi le seuil de la porte, que le duc d’Orléans, se soulevant sur sa couche, lui dit : ah ! Monseigneur, je me meurs, mais puisque je vous vois, je meurs content ! Un moment après, il expirait. Le roi jeta un cri et s’évanouit. Les officiers de sa maison, épouvantés et redoutant la contagion, prièrent le souverain de nommer des ecclésiastiques, pour leur dire la messe tous les jours, ce qui leur fut accordé : les chapelains de Saint-Roch, au nombre de six, étaient tenus de suivre les officiers de la Maison du roi partout où celui-ci se rendait.

    La dévotion à saint Roch avait commencé à s’introduire à la Cour en 1533. Paris était alors ravagé par une maladie épidémique dont plusieurs personnages avaient été victimes. Un chirurgien de François Ier, Guillaume Levasseur, obtint du pape Clément VII la permission de prendre une relique de saint Roch à Arles. Il s’y transporta en vertu d’un ordre du Roi, qui lui défendit en même temps de laisser sortir la relique hors du royaume, et il l’apporta à Paris, où on l’invoquait dans les calamités publiques.

    Saint Roch n’avait pas le monopole de la guérison de la peste. Ce privilège lui était vivement disputé, notamment par saint Prudent et Saint-Charles-Borromée.

    En 1597, les magistrats châtillonnais édictèrent qu’on se rendrait en pèlerinage à l’abbaye de Bèze, où reposaient les reliques de Saint Prudent. Le voyage dura trois jours pendant lesquels les cloches de l’église Saint-Nicolas ne cessèrent de sonner, même pendant la nuit. Pour répandre la peste, on ne s’y serait pas pris autrement. Ces zélés adorateurs de saint Prudent manquaient terriblement de prudence.

    Dans le midi, on préférait avoir recours à Saint-Charles-Borromée, qui s’était distingué pendant la peste de Milan.

    La peste exerçait ses ravages à Béziers, en 1630. Les consuls de la ville, ne parvenant pas à endiguer le fléau, eurent tout d’abord la pensée d’implorer Notre-Dame-du-Grau, à Agde. Puis ils décidèrent de former une confrérie en l’honneur de Saint-Charles-Borromée et d’emprunter une somme de quatre cents livres, pour acheter une lampe et deux chandeliers d’argent, destinés à être placés dans la chapelle dédiée au Saint, dans l’église des Frères prêcheurs réformés. Ils firent faire, pour cette chapelle, un tableau commémoratif de leur vœu, aujourd’hui conservé dans l’église Sainte-Madeleine, et pour lequel ils donnèrent cent livres au peintre.

    C’est également pour arrêter les progrès de la peste que les magistrats de Compiègne firent vœu de construire une chapelle en l’honneur de saint Roch et de saint Sébastien. Cet édifice fut élevé en 1637, vis-à-vis de Royallieu, entre les chemins de Béthisy et de Champlieu, près de la forêt.

    En 1653, il était tombé en ruine et sa démolition fut ordonnée, pour ce qu’en icelle chapelle, qui étoit éloignée près d’un quart de lieue d’icelle ville, il se retirait le plus souvent des personnes inconnues et mal vivantes, qui y commettaient des impiétés. Les gouverneurs, par une délibération du 10 juin 1653, décidèrent de transférer leur vœu dans la chapelle élevée près du couvent des Capucins, en 1637, sous l’invocation de Notre-Dame de Bonsecours, et qui fut alors reconstruite sur les matériaux de la chapelle Saint-Roch et Saint-Sébastien, grâce aux aumônes de la reine Anne d’Autriche et de son fils, à l’aide d’un don de cent livres fait par les gouverneurs. Cette chapelle est encore l’objet d’un pèlerinage suivi, pendant une neuvaine qui a lieu au mois de mars, et qui est l’occasion d’une foire, désignée sous le nom de foire des Capucins.

    À Moulins, dans le Bourbonnais, on honorait, pour se préserver de la peste, sainte Rosalie. Le 14 novembre 1630, le corps municipal de la ville ayant appris que, par l’intercession de la sainte, plusieurs provinces de l’Italie, ravagées par la peste, en avaient été délivrées, et que la ville de Thiers, en Auvergne, avait vu le fléau disparaître après les prières publiques à elle adressées, décréta que, puisqu’on possédait à Moulins des parcelles de ses reliques, on ferait en son honneur, pour être préservé du mal, une neuvaine de prières et de processions. On s’engageait aussi à assister, le 14 juillet de chaque année, à une procession autour de la ville.

    La foi qui guérit, selon l’expression du professeur Charcot, est aussi la foi qui aveugle. Le penchant au surnaturel est si développé chez les peuples primitifs, ou chez ceux qui le sont restés à travers les âges, qu’on s’explique que, sous le couvert de la religion, l’instinct de conservation ait parfois entraîné les esprits simples tantôt à des superstitions comme le culte des reliques, tantôt à des actes qu’une morale, dégagée de tout esprit confessionnel, ne saurait que réprouver.

    Cet instinct de conservation se manifeste, dans les épidémies comme dans les grandes catastrophes, par une recherche effrénée des jouissances, ou revêt la forme du plus monstrueux égoïsme. Il annihile tous les autres sentiments, brise tous les liens, aussi bien ceux de la société que ceux de la famille. Il pousse à l’abandon des êtres qui nous sont chers, et aussi à celui des devoirs sociaux qui incombent à tout individu appartenant à une nation policée : ainsi a-t-on vu, en temps de peste, les citoyens devenir étrangers les uns aux autres, les magistrats communaux donner, les premiers, l’exemple de la désertion. On avait beau frapper d’amendes les déserteurs ou les blâmer publiquement, rarement on parvenait à les ramener sous la menace du châtiment ou de la honte. La panique était si générale, qu’on vit des morts causées par la peur seule de la maladie qu’on appréhendait.

    On sait depuis longtemps que les sensations violentes, la peur, comme une joie vive et trop soudaine, peuvent provoquer un ictus mortel. Des spectacles funèbres sont également capables de produire les mêmes effets.

    Lors d’une peste qui éclata dans la ville de Lyon, un témoin oculaire rapporte qu’il vit des femmes devenues tout à coup taciturnes, l’air abattu et un chapelet à la main, faire retentir l’air de hurlements affreux. Il y en eut qui, au bruit de la sonnette attachée aux tombereaux, pour avertir les passants de s’éloigner, tombèrent sans vie. On en vit d’une fortune et d’une condition au-dessus du commun, qui, ayant entendu sonner la prière pour demander à Dieu la cessation du fléau, furent saisies d’une telle frayeur, qu’elles tombèrent malades en rentrant chez elle et moururent. Il est dit, dans une autre relation, que des hommes forts comme des taureaux... jouissant de la meilleure santé, sont tombés morts en mettant le pied dans la rue.

    La peur

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