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APO. La revue de l'Analyse Psycho-Organique. N°2.
APO. La revue de l'Analyse Psycho-Organique. N°2.
APO. La revue de l'Analyse Psycho-Organique. N°2.
Livre électronique224 pages3 heures

APO. La revue de l'Analyse Psycho-Organique. N°2.

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À propos de ce livre électronique

La Revue APO porte le regard singulier et vivant de l'Analyse Psycho-Organique sur la psychothérapie.

Créée par Paul Boyesen en 1975, l'Analyse Psycho-Organique est une méthode de psychothérapie intégrative dont la particularité est d'associer le travail psychique au vécu corporel. Grâce à des outils thérapeutiques concrets et à une relation thérapeutique empathique et humaine, l'analyste psycho-organique place la personne au coeur du processus thérapeutique et l'aide à retrouver son unité psycho-corporelle.

A travers des articles, des interviews et des cas cliniques d'analystes psycho-organiques et de contributeurs extérieurs, la Revue APO invite tous les thérapeutes à se questionner, à approfondir et à enrichir leur pratique thérapeutique.

Ce second numéro de la Revue APO est consacré à la relation thérapeutique. C'est un thème cher à l'Analyse Psycho-Organique et évidemment essentiel au travail thérapeutique.
Il nous a semblé qu'après le thème initial de la naissance, la question de la relation se présentait de soi-même.

Comme pour notre premier numéro, vous trouverez ici les contributions d'analystes psycho-organiques, avec, toujours, une forte implication de la dimension clinique au sein des articles, les résultats d'une étude qualitative sur la relation thérapeutique en APO, ainsi que des apports extérieurs à notre méthode, notamment sous la forme d'une interview du Dr. J.-D. Nasio, figure centrale de la psychanalyse actuellement en France.
LangueFrançais
Date de sortie8 janv. 2024
ISBN9782322512164
APO. La revue de l'Analyse Psycho-Organique. N°2.
Auteur

Association PSY APO. Marc Tocquet. Rédacteur en chef

Association PSY APO. Rédacteur en chef de la revue : Marc Tocquet L'Association PSY APO est l'association professionnelle française des analystes psycho-organiques. Ses différentes, activités, son annuaire, des textes publiés, des vidéos etc. sont accessibles sur le site : https://analyse-psycho-organique.fr/psy-apo/

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    APO. La revue de l'Analyse Psycho-Organique. N°2. - Association PSY APO. Marc Tocquet. Rédacteur en chef

    LA REVUE DE L’ANALYSE PSYCHO-ORGANIQUE

    Rédacteur en chef

    Marc Tocquet

    Directrice de la publication

    Delphine Della Gaspera

    Comité de rédaction

    Alain Boutet

    Éric Champ

    Valérie Combette-Javault

    Sandra Feroleto

    Sophie Garnier

    Ruth Herzberg

    Philippe Prediger

    Isabelle Vieulès

    SOMMAIRE

    Éditorial

    La relation thérapeutique dans les cliniques difficiles

    Jean-Luc Glock

    Les liaisons dangereuses : la relation thérapeutique à l’épreuve de la haine .

    Céline Jourdain

    Éléments de recherche sur la relation thérapeutique en Analyse Psycho-Organique

    Marc Tocquet

    La relation thérapeutique

    Interview du Dr. Nasio

    Par Marc Tocquet et Éric Champ

    La relation thérapeutique en Gestalt-thérapie

    Isabelle Le Peuc’h

    Accompagner la traversée de l’éco-anxiété : quand le citoyen s’invite en psychothérapie

    Yann Desbrosses

    L’écho du dire, une transmission à double sens

    Cécile Crispel

    La leçon de Poker de Sami

    Christine Chiquet

    ÉDITORIAL

    C’est pour moi un grand plaisir que de présenter ce numéro 2 de APO. La revue de l’Analyse Psycho-Organique . L’aventure de la création et de la réalisation de cette revue se poursuit avec ce thème de « La relation thérapeutique », sujet évidemment essentiel au travail thérapeutique.

    Il nous a semblé qu’après le thème initial de la naissance, la question de la relation se présentait de soi-même.

    Comme pour notre premier numéro, vous trouverez ici les articles d’analystes psycho-organiques, mais aussi des apports extérieurs à notre méthode, sous la forme d’un article d’une gestalt-thérapeute, Isabelle Le Peuc’h, et d’une interview du Dr. J-D Nasio, figure centrale de la psychanalyse actuellement en France.

    Je remercie les auteurs ayant contribué à ce numéro, ainsi que les membres du Comité de Rédaction qui ont œuvré sans relâche et avec efficacité.

    Mes remerciements également à Jean-Marcel Plumerault pour la belle réalisation de l’illustration de notre première de couverture.

    Je vous souhaite une lecture enrichissante et stimulante de ces textes, et je formule le vœu qu’ils contribuent à l’approfondissement, à la diversité et au déploiement de notre pratique thérapeutique.

    Marc Tocquet

    Rédacteur en chef

    LA RELATION THÉRAPEUTIQUE DANS LES CLINIQUES DIFFICILES

    JEAN-LUC GLOCK [

    ¹]

    RÉSUMÉ : Toute relation thérapeutique, pour durer, repose nécessairement sur un contrat de collaboration qui établit un objectif identifié. La solidité de cette alliance thérapeutique est, notamment, déterminée par l’investissement du thérapisant et les qualités relationnelles du thérapeute. Mais celui-ci n’est pas à l’abri de dangers dans le lien transférentiel, et il lui faut continûment se défier de son contre-transfert, très sollicité dans les cliniques difficiles. Ainsi, la relation thérapeutique peut mettre à l’épreuve la sécurité de base du praticien. Cette stabilité confiante est fondée sur l’exploration de son processus psychique et sa formation initiale – prolongée par la formation continue et la supervision de sa pratique. Mais cet acquis peut être soumis à de sérieux remous. Les aléas du transfert et du contre-transfert sont exposés ici au travers de deux cas cliniques complexes, Fabienne et Vincent.

    MOTS-CLÉS : transfert, contre-transfert, cliniques limites, écoute, qualités relationnelles, contrat, psychose, alliance thérapeutique, identification projective, trauma, dissociation, mélancolie, supervision, éthique, sécurité de base.

    INTRODUCTION

    Les deux patients exposés ici relèvent d’un domaine entre les cliniques de l’extrême– traumatisme, handicap, torture, etc. – (Korff-Sausse, 2016) et les cliniques limites définies par René Roussillon. Fabienne est une quinquagénaire ayant subi de multiples traumas qui montre une grande souffrance psychique. Vincent, jeune homme de 25 ans, qui vit depuis des années en grande partie reclus dans sa chambre, évoque une schizophrénie ou une mélancolie. Tous deux partagent la même difficulté dans les relations interpersonnelles. Toutefois, pour l’un et l’autre, l’entretien préalable n’a ni le même sens ni la même intensité. Fabienne vit un moment transférentiel majeur qui la bouleverse, tandis que Vincent montre d’emblée un important transfert négatif, laissant libre cours à sa vive intelligence et son ironie mordante.

    Si les singularités de chacun modulent l’instauration de l’alliance thérapeutique – vue comme un partenariat entre patient et thérapeute qui vise des objectifs fixés –, des affects dépressifs majeurs les réunissent, qui seront la toile de fond commune de leur scène thérapeutique. Selon Pierre Fédida, le choix d’un cas et son récit clinique renseignent sur le contre-transfert de l’analyste – on pose ici que le contre-transfert est « l’ensemble des réactions inconscientes de l’analyste à la personne de l’analysé et plus particulièrement au transfert de celui-ci. » (Laplanche, Pontalis, 2009, p. 103) :

    « L’intérêt tout relatif de penser le cas selon son fonctionnement psychopathologique est alors celui de le réfléchir dans la psychopathologie du contre-transfert. Comme s’il fallait, dans ces conditions, être au clair sur l’alliance psychopathologique qui soutient la prise en charge psychanalytique. Ce qu’on désigne par contre-transfert n’est-il pas aussi l’expérience – pour ainsi dire trans-subjective – qui informe l’analyste de sa propre compulsion de répétition et qui lui désigne en négatif le lieu de son impossible réponse à la parole du patient ? » (Fédida, 2009, pp. 247-248).

    Pourquoi veut-on écrire ce cas-là en particulier, comment l’écriture constitue-t-elle une manière de contrôler, voire de réparer ce qui a été perturbé ? J’ai ressenti chez Fabienne une sorte de familiarité : la dépression a longtemps été pour moi une énigme et une douleur familiale. Résonnance forte, au début d’une pratique insuffisamment assurée pour tenir la bride au contre-transfert. Pour Vincent (que j’ai reçu des années après Fabienne), mes réactions contre-transférentielles à son fond mélancolique et à son agressivité n’ont pas été de même nature.

    J’ai la certitude que les capacités transformationnelles de l’Analyse Psycho-Organique (APO) ont été primordiales dans l’accompagnement de ces deux patients. La singularité de l’APO est d’intégrer l’édifice métapsychologique freudien et de se réclamer également des thérapies psychocorporelles ainsi que des thérapies humanistes existentielles. C’est sans aucun doute la souplesse et la créativité de la méthode qui m’ont permis d’accompagner Fabienne dans ses peurs, ses mouvements psychiques extrêmement douloureux, jusqu’à restaurer au fil des séances sa capacité de penser – qui avait été très gravement altérée – ainsi que d’aider Vincent à sortir de la toute-puissance de la pensée, d’aller au contact de ses émotions et de trouver une confiance dans le lien thérapeutique.

    L’ENTRETIEN ET L’ALLIANCE THÉRAPEUTIQUE

    À la fin de l’entretien, Fabienne lâche : « C’est la première fois que je parle de moi ». Pour elle, ce qui vient de se passer est tellement inédit… Comme impressionnée par l’audace de sa confession et émue par l’intensité de sa parole, elle réalise que c’est sans doute la première fois que quelqu’un l’écoute. Lorsque je lui dirai qu’elle a besoin d’être écoutée, elle fond en larmes. À un autre moment, elle saura exprimer que ma voix lui fait du bien. Elle rapporte qu’elle n’a connu jusqu’ici dans sa vie que « des voix violentes et blessantes ».

    La phrase de Fabienne qui ponctue l’entretien dévoile une extrême difficulté à communiquer : les relations interpersonnelles ont toujours été pour elle un danger. Mais à cet instant, elle est en confiance, son visage a comme rajeuni et pris des couleurs. C’est une autre personne que la femme sans âge et sans grâce apparue tout à l’heure sur le pas de la porte, tandis qu’elle semblait être arrivée à pas lents à ma rencontre, comme au terme d’une immense traversée de banquises et de contrées gelées. Elle me regardait immobile sans me voir, pétrifiée sans doute à l’audace de se retrouver seule devant un inconnu. L’inconnu, cet Autre énigmatique et dangereux à qui, par surcroît, elle devait formuler une demande. Puis elle était entrée à mon invitation, hésitante, s’asseyant au bord du fauteuil, tenant son sac à deux mains sous l’aisselle, le calant finalement en protection sur les genoux, en évitant de me regarder. Tout son être semblait se diluer. Alors que les pleurs commençaient à couler en silence sur ses joues, elle dit : « Ce n’est que de l’eau ». Saisissante négation de ses affects : c’est jusqu’à son chagrin qui ne lui appartient pas. « Il y a toujours de l’eau derrière mes yeux », avait-t-elle ajouté, introduisant un début de récit.

    « C’est la première fois que je parle de moi » : qu’est-ce qui a permis l’expression de cette confidence qui révèle un lieu psychique désolé, comme déserté de tout lien humain ? Cette parole pose les prémices d’une auto-réflexivité, dont l’émergence – qui va se faire attendre malgré la promesse ainsi offerte – l’entraînera dans une élaboration-construction longue et tumultueuse. Elle dira, bien plus tard : « Une connexion psychique s’est faite pendant l’entretien. C’était tellement improbable. »

    Fabienne a par ailleurs souligné l’effet sur elle d’une voix dépourvue d’agressivité. Une voix autre que celle de son père, de son mari, des flics (elle est officier de police), autre que la clameur de la misère sociale qu’elle a entendue pendant près de trente ans dans les commissariats. Cette voix proprement inouïe a instauré une sécurité dans le lien dont elle n’avait jamais fait l’expérience. La rencontre a été un événement. Ressentir cette confiance dans la relation, se sentir écoutée l’ont bouleversée. C’est à croire que lorsque le manque a été si criant, l’écho de cette révélation résonne dans tout le corps : la transformation physique de Fabienne à la fin de l’entretien était le signe que quelque chose de miraculeux s’était passé. Sans doute avons-nous alors signé un pacte, trouvé une alliance thérapeutique, avant même que cela ne soit formulé. À partir d’une souffrance qui s’exprime et d’une présence qui écoute. Mais qu’est-ce que cela veut dire écouter ?

    Écouter vient de escolter, ausculter, « prêter une attention plus ou moins bienveillante à (qqn, des propos) » (Rey, 1994). Le mot a un sens négatif et positif. Entendre, c’est « intendere, "tendre vers (au sens physique et moral), d’où porter son attention vers, comprendre"… » Il s’agit d’écouter pour comprendre, souligne la psychothérapeute Marie Santiago Delefosse – qui s’est penchée sur la spécificité de l’écoute dans le champ psychologique –, il y a la notion d’« intentionnalité » et un « rapport de compréhension entre les hommes » (Santiago Delefosse, 2000, p. 226). C’est une écoute active, vivante du désir du praticien de comprendre quelque chose de l’autre, de l’entendre. Cette intention, plus largement, interroge son action : sur quelle clinique s’appuie-til, sur quelle théorie du psychisme fonde-t-il sa pratique, quelle est son éthique de l’intervention psychothérapeutique ? Ce qui amène à définir ce qu’est la psychothérapie.

    Pour Éric Champ, la psychothérapie est « un dispositif d’influence qui vise à mobiliser la pensée pour modifier le sens que la personne porte sur elle-même, son environnement, ses projets. » (Champ, 2015, p. 264). Plusieurs contraintes sont de facto inhérentes à tout dispositif thérapeutique : contraintes à la relation, à l’expression, à la projection, à l’utilisation d’un ordre symbolique. L’engagement du thérapeute à une utilisation adéquate de ces fonctions dans un but thérapeutique « ouvre la question d’une éthique de la relation thérapeutique » [id., p. 265] On peut supposer que l’acceptation par le patient de ces lignes de force est le moteur de l’alliance thérapeutique. C’est à cette condition que la contrainte peut devenir influence qui guérit.

    Dans toute bonne relation, conçue comme un lien qui produit du sens et enrichit émotionnellement et/ou intellectuellement chacun des partenaires, il s’agit bien d’entendre, mais aussi de s’entendre : n’est-ce pas la définition de l’alliance thérapeutique ? On sait aujourd’hui sur quoi repose cette collaboration fructueuse… Depuis la conclusion du travail de Michael Lambert, qui attribuait la réussite d’une thérapie pour 30 % à des facteurs relationnels communs et non spécifiques aux modèles thérapeutiques (Lambert, 1992, p. 105), la recherche ne cesse de se pencher sur cette question. Il ne fait plus aucun doute que l’accueil, l’écoute, l’empathie, la présence représentent une part importante du succès de toute thérapie. Selon le chercheur suisse Yves de Roten, qui a analysé les données de multiples études, « l’alliance thérapeutique s’est montrée, de manière consistante et robuste, comme le meilleur prédicteur des résultats pour différentes formes de psychothérapie et différents types de patients, confirmant l’importance des processus relationnels en psychothérapie. » (De Roten, 2006, p. 586).

    En Analyse Psycho-Organique, le rôle du thérapeute est d’accueillir et d’accompagner la demande du patient sans vouloir pour lui, sans être celui qui sait à sa place. Un arsenal d’outils (expérientiels, images, rêves nocturnes et éveillés…) lui permet de mobiliser le thérapisant sur trois niveaux : – le concept (pensée réflexive, langage et logique, raisonnement) – la connexion organique (perception sensorielle, émotion) – l’organique profond (au niveau viscéral, neurologique et musculaire). La finalité est de relier la pensée à la perception cénesthésique, à la sensation corporelle, à l’émotion et au sentiment. C’est la condition pour retrouver l’unité psycho-organique (Tocquet, 2019). On peut ainsi dire que « le thérapeute écoute avec son corps. » (Champ, 2015, p. 270) Qu’est-ce que ça signifie ? Il s’agit pour le praticien d’accueillir « ses ressentis, ses images internes, ses pensées comme sens émergeant au contact du monde du thérapisant. » Cette « expérience implicite, non symbolique, non verbale et non consciente [c’est-à-dire pas consciente réflexivement] » vécue par le thérapeute permet au monde du patient de prendre sens. « Dans le présent de la séance, l’analyste psycho-organique suscite chez le thérapisant la perception de ces implicites desquels naîtra un contenu verbal. » (id.)

    Si pour Fabienne, l’entretien a été un événement, c’est sous une toute autre forme que la relation thérapeutique a commencé avec Vincent. Lorsqu’il vient en thérapie, c’est un jeune homme filiforme, gauche, extrêmement pâle, les yeux profondément cernés. Il vit dans sa chambre depuis plusieurs années, à la manière d’un hikikomori, passant ses journées et ses nuits à jouer à des jeux vidéo. Le terme d’hikikomori décrit un comportement (observé principalement au Japon) de jeunes hommes qui vivent cloîtrés chez eux pendant plusieurs mois, voire plusieurs années. La psychiatre Marie Jeanne Guedj Bourdiau affirme que la littérature relève des dimensions psychopathologiques quasi constantes mais peu spécifiques telles que « la fragilité de l’image de soi, l’incapacité à l’intimité, le trouble de l’attachement ambivalent évitant, l’aconflictualité et l’apathie, le langage du besoin, l’évitement des émotions, l’indifférenciation du temps et de l’espace », précisant que les chercheurs japonais y incluent les troubles psychotiques non diagnostiqués, « ce qui aboutit chez certains auteurs à 50 % de diagnostic de syndrome d’Asperger […]. On retrouve aussi : les phobies, les troubles anxieux, les états dépressifs, les troubles obsessionnels. » (Guedj Bourdiau, 2017, p. 276).

    Quelle que soit la définition psychopathologique que l’on pourrait donner à Vincent, sa parole pointe dès l’entretien l’impasse prévisible : « La thérapie, c’est pour rassurer mes parents. Le psy, ça fait chic pour le CV. Je ne suis pas concerné. Je n’aime pas parler de moi. » Il inaugure d’emblée un mode de relation ironique et rationnalisant, dévoilant des défenses massives. « Enfance classique, heureuse, je faisais mes petits trucs dans mon coin ». Puis, il en dit davantage : « L’autonomie, la liberté, ça ne m’intéresse pas, c’est pénible ». Reclus volontaire, il nourrit ses angoisses en regardant compulsivement les infos, quand il ne tente pas d’étudier le japonais et l’informatique (il essaie de concevoir un jeu vidéo).

    Dans les premiers temps, il lance en arrivant un « Bonjour docteur ! » moqueur. Il sait parfaitement que je ne suis pas médecin. Il sait beaucoup de choses, Vincent. Il vit dans un milieu culturel favorisé, et il a beaucoup appris durant ces années passées à marauder en solitaire sur Internet. Le fait que je mette en lumière son ironie défensive dans le transfert pique sa curiosité et mobilise son intelligence. Il faudra toutefois de longs mois avant qu’il ne s’autorise à émettre une opinion sur lui-même, sur sa dépression : « Je n’aime pas cette absence d’envie de vivre. » Il parvient même à lâcher un élément important de son processus, lorsqu’il évoque sa grande difficulté à accepter ses émotions : « J’ai peur qu’on tire avantage de ma faiblesse ».

    Vincent est l’aîné d’une fratrie de quatre, avec un père qu’il décrit comme immature, et une maman « mère poule » extrêmement affectée par le divorce du couple alors qu’il avait 8 ans. La dépression réactionnelle a poussé sa mère à revenir dans le giron familial en province, avec sa fille et le plus jeune garçon, tandis que le père prend en charge les deux autres garçons. Vincent veillait sur le frère d’un an plus jeune que lui. Il dit combien l’irresponsabilité paternelle l’a angoissé à cette époque. Lorsque lui et son frère prenaient le train chaque quinzaine pour aller voir leur mère à 400 km de Paris, leur père oubliait régulièrement de réserver les billets. « Vous verrez ça avec le contrôleur », leur disait-il sur le quai de la gare en leur glissant l’argent du voyage. Pendant deux ans (ensuite, le père part très loin à l’étranger), l’angoisse et la panique ont rythmé ces trajets : les enfants se sont trompés de train un jour et retrouvés dans une ville inconnue… Depuis, Vincent a la phobie des transports.

    L’effondrement maternel lié au divorce, il a essayé de le contenir. Il évoque le drame : « Faut être stoïque, pas envie d’être dans le déferlement émotionnel. » Il déploie sa stratégie : « J’ai souvent dit que le divorce m’affectait pas, pas envie d’un fardeau supplémentaire. Plutôt infliger un fardeau aux autres en

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