Requiem d’une condamnée à vivre: Recueil de nouvelles
Par Onésime Page
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À propos de ce livre électronique
À PROPOS DE L'AUTEURE
À travers Requiem d’une condamnée à vivre où vie et mort s’entrelacent, s’embrassent et s’embrasent, Onésime Page vous invite à vivre des histoires captivantes et saisissantes de réalisme. Ses personnages vous livrent leurs passions, leurs coups de cœur et mettent à jour les fléaux auxquels ils font face.
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Avis sur Requiem d’une condamnée à vivre
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Aperçu du livre
Requiem d’une condamnée à vivre - Onésime Page
Tempête dans ma tête
1ère partie : Quand la dépression se marie avec attente latente, il ne reste plus que le désespoir.
Sénèque
***
Le 30 septembre 2001
La dépression… Profondeurs terrifiantes, angoisses asphyxiantes et pensées lugubres sont mon quotidien. En tête-à-tête avec ma maladie, je dois trouver le sursaut nécessaire à ma survie. Je me bats contre moi-même jour et nuit, contre les peurs, paniques qui m’assaillent. Elles sont omniprésentes et me collent à la peau. S’ensuivent des crises d’angoisses que rien ne vient soulager.
Je tourne en rond. Je m’assieds par terre en plein milieu de la cuisine, hébétée. Je suis incapable de me calmer, que ce soit par l’inactivité ou l’hyperactivité. Incapable de me relever, de bouger.
Tout m’a quittée : plus d’espoir, plus de joie, de désir. Plus rien. Je suis là, inaccessible, inerte, amorphe. Je suis dans une bulle hermétique. Je passe mon temps à attendre.
***
Un matin, mon état empire. L’anxiété, la panique sont à leur comble. Je fais frénétiquement le tour de ma table basse. Mon psychiatre décide de m’adresser aux urgences psychiatriques de l’hôpital le plus proche. Je n’en peux plus. J’arrive au maximum de ce que je peux supporter. Mon père est là, il m’accompagne, me soutient, mais je ne vois rien. Je me noie complètement, je bois la tasse, ma respiration est haletante, je suis submergée. Je suis seule dans une mer déchaînée, je suis ballottée de droite à gauche, des urgences à la maison de repos.
La clinique accueille une multitude de maladies psychiatriques dans une sorte de « prison » dorée qui n’est pas accessible à tout le monde, que ce soit financièrement ou par la dangerosité de la décompensation. Pour les autres, c’est l’HP (Hôpital Psychiatrique), une « véritable jungle », paraît-il.
À la clinique, on commence par la phase d’isolement en chambre pendant deux jours.
Là, je me retrouve seule, dans cette pièce aseptisée. Plus de parents, plus de psychiatres, plus d’infirmiers, plus d’aide-soignants, plus d’autres malades. C’est moi toute seule. Combien de temps je reste assise sur le bout de ce lit, le regard vitreux ?
La dose de médicaments est si forte que je ne tarde pas à sombrer dans un sommeil profond…
***
Les consultations psychiatriques sont quotidiennes, à raison de cinq à quinze minutes maximum. Elles se déroulent à une vitesse impressionnante. La séance n’a qu’un objectif : trouver un traitement susceptible de soulager le patient dans un premier temps.
Apparemment trop agressive, le psychiatre refuse de me prendre en entretien. Il me prescrit une camisole médicamenteuse.
Mon premier repas au restaurant de la clinique est un désastre. Il y a beaucoup trop de monde, je ne sais pas vers quelle table me diriger. C’est un véritable défi. Les médicaments sont trop forts. Je n’arrive pas à me concentrer sur les conversations. Chaque phrase me demande un effort considérable ! Je n’ai même pas envie d’adresser la parole à ceux qui m’entourent, parce qu’en réalité je ne les connais pas et je m’en fous totalement. Je n’aspire qu’à une chose : dormir.
La visite du psychiatre est le seul moment de la journée qui passe trop vite. À peine avons-nous commencé, qu’il passe déjà au patient suivant. Comment arriver à parler sereinement ? J’ai l’impression d’être un numéro parmi tant d’autres. Je me retrouve face à quelqu’un de hautain, et surtout de peu intéressé, je le trouve détestable. J’ai décidé que si le psychiatre ne me parlait pas, s’il ne m’aidait pas en me posant des questions, je ne parlerais pas non plus.
Aucun de nous n’ouvre la bouche. Il a décidé d’attendre que je craque. Alors, on se regarde dans le blanc des yeux, comme une sorte de défi que chacun renvoie à l’autre. Il me semble de plus en plus antipathique. Pendant plusieurs séances, on se toise. Et puis, au fur et à mesure, j’ai tellement besoin d’aide, les crises d’angoisse me font tellement souffrir que je craque. Je deviens un cobaye ! Il tente, ajuste, combine, change de nombreux traitements… Et je dors, je dors…
Je sympathise avec une dame d’un âge certain. Son visage a l’air doux, armé d’une patience sans failles, mais aussi empreint de tristesse ou de mélancolie. Elle s’appelle Lou. Cheveux gris, courts, elle arbore un large sourire, ses paroles sont calmes et posées. Peu à peu, nous commençons à discuter. Elle m’apprend le tricot, elle devient ma principale compagnie. Nous tissons des liens d’amitié, nous prenons soin l’une de l’autre. Comme si pour survivre, il fallait s’allier.
Début d’une énième séance. Le psychiatre me fait remarquer que nous parlons beaucoup de mes parents, mais très peu de moi et de mes traumatismes. Nous abordons donc des sujets marquants de mon enfance. Il me pose des questions, m’accompagne dans le développement de mes réflexions, ou plutôt des siennes, et lentement oriente ma pensée vers ses conclusions. Nos relations ont changé, ou est-ce moi qui ai changé ? La glace a presque été brisée. Mais à chaque fois que je sors d’une séance, je suis bouleversée, nerveuse, agitée. Ces dernières sont très difficiles. Mais je comprends que c’est une sorte, une espèce de passage obligé, que c’est pour mon bien, et que seule, je ne m’en sors plus.
Les médicaments commencent à agir de sorte à ne plus me mettre dans un état de somnolence continue, tout en maîtrisant mes crises d’angoisse. Mais au fond de moi, je sais que ce n’est pas le bon traitement. Il rend la situation tout juste supportable, mais il ne me stabilise pas.
Un jour, Lou se livre et me raconte son histoire, les viols répétés de son père, les nuits agitées qu’elle passe depuis, l’impossibilité de tirer un trait et de profiter de sa vie, de rencontrer quelqu’un. Et moi qui la vois tous les jours, souriante… Elle ne laisse rien paraître. Elle ajoute « n’attends pas d’avoir mon âge pour régler tes problèmes ».
Un proverbe chinois dit « Ne crains pas d’avancer lentement, crains seulement de t’arrêter ». La guérison de cette dépression doit sûrement s’inspirer de cet adage. Encore faut-il pouvoir avancer !
***
Un semblant de volonté se fraye un chemin dans mon esprit. Il faut que je progresse avec mon psy, que je m’ouvre davantage, même si parfois, nous sommes comme chien et chat.
Accepter une psychothérapie demande du courage et de la volonté. Il faut se dévoiler face à un inconnu, parvenir à comprendre que celui-ci ne nous jugera pas, peu importe ce qu’on lui révélera.
Un jour, je commence à aborder le viol et cette sensation de culpabilité qui ne me quitte pas. Et là… Trop tard ! Le psychiatre me coupe dans mon élan : la séance est terminée. J’enrage ! Comment ça terminée ? N’a-t-il pas entendu ce que j’étais en train de lui dire que j’allais aborder le cœur de l’histoire, le plus douloureux ?
J’ai l’impression d’avoir été chronométrée. Je n’avais pas terminé, et pourtant c’est à peine courtoisement qu’il me montre la porte sans bouger de sa chaise. Je repars avec énormément de violence. Je suis en pleine bataille contre moi-même.
Je retrouve Lou dans la salle commune. Sa sérénité apparente et sa gentillesse me calment un peu, et me font l’effet d’un anxiolytique.
***
La clinique devient mon monde, éloigné de la réalité. Tout est rythmé par les repas et les quelques activités. J’ai le sentiment d’être à l’abri, protégée par ces murs et par le corps médical omniprésent. Il n’y a aucune agression extérieure, rien ne vient troubler la réflexion sur soi-même. Les médicaments temporisent les humeurs de chacun.
Le salon de la salle commune est un endroit qui favorise la réunion de résidents. Certains tricotent, pendant que d’autres discutent ou jouent à des jeux de société. Une véritable petite communauté se crée avec les départs et les arrivées de chacun, avec les histoires et les maladies de tous.
Un jour, en consultation, nous arrivons à aborder le harcèlement sexuel de mon ancien directeur avec ses paroles et ses agissements déplacés. Gestes que je n’ai pas pu arrêter une fois, tant la force et la violence, la détermination de cet homme étaient fortes. C’est ce pourri qui m’a fait plonger dans cette sombre dépression. Mais déjà, mon temps de consultation est terminé. Ce qui m’excède.
Je sors de ma séance de psy. Je retrouve Lou, enfoncée dans son fauteuil, affairée sur une écharpe.
Le tricot devient mon occupation quotidienne, mon obsession. Ces gestes me calment, m’apaisent, je ne pense plus qu’aux mailles. Je suis calmée par le bruit régulier des aiguilles qui se rencontrent et s’entrechoquent.
Parfois, des tentatives de suicide viennent troubler notre mini communauté.
Bien que nous ayons conscience qu’en sortant, nous ne garderons pas forcément contact, certains deviennent mes confidents d’un soir ou des « amis » de quelques semaines.
La journée, les visites et les permissions s’enchaînent. C’est un va-et-vient permanent. Pour l’instant, je n’ai droit ni à l’un ni à l’autre. Je suis coupée du monde. On m’a confisqué mon portable comme on le ferait pour