omment font les autres pour être heureux ? Moi, je n’y parviens pas. J’essaie méthodiquement, je, comme on dit, je fais des, sans trop y croire, et en fin de soirée, après avoir lu une ou deux pages, j’avale un anxiolytique –écrivait Faulkner :J’ai pourtant,toutes les raisons d’être Je suis jeune, en bonne santé, diplômé de Polytechnique et de Stanford, j’ai 32 879 abonnés sur Twitter, 2 300 sur Instagram, 2 000 relations sur LinkedIn. En tant que – ingénieur spécialisé en intelligence artificielle – au sein d’un incubateur de start-up, je gagne 200 000 dollars annuels que j’investis dans de jeunes entreprises spécialisées dans la tech ou les cryptomonnaies. Je ne ressemble pas à un personnage de Bret Easton Ellis ou de Tom Wolfe : je ne me drogue pas, je ne suis pas obsédé par le sexe, l’argent, le pouvoir, l’ascension sociale – j’ai été programmé dès ma naissance pour apprendre –, je ne cherche pas à briller/séduire/dominer. Je ne cherche même plus à être . Si je me fie au sens littéral de l’adjectif – « qui bénéficie d’une chance favorable » –, on peut dire que je le suis, pour toutes les raisons précitées, mais je ne sais pas ce qu’est le bonheur véritable. Et d’ailleurs, peut-on le définir ? Existe-t-il ? Qu’est-ce qu’être heureux ? Freud l’a écrit : le bonheur ne fait pas partie du programme de la civilisation. Longtemps, j’ai cherché des réponses dans la littérature – je pensais qu’elle était un terrain d’exploration sociologique bien plus fiable que la vie elle-même, mais je me trompais. J’étais affecté en lisant le chagrin d’amour que traverse Cesare Pavese dans ému par la douleur d’Emma Bovary ou d’Anna Karénine, je compatissais un peu avec le Proust éploré d’ mais c’était une blessure de surface. Pour l’amour, il faut aller sur le terrain. C’est ce que j’avais fait, à 25 ans, et j’en étais revenu brûlé, abîmé, rivé à cette certitude : je ne voulais plus aimer. Je n’étais
L’INTELLIGENCE
Feb 26, 2023
12 minutes
Vous lisez un aperçu, inscrivez-vous pour lire la suite.
Démarrez vos 30 jours gratuits