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Elle n'ira jamais à Rio: Un roman psychologique
Elle n'ira jamais à Rio: Un roman psychologique
Elle n'ira jamais à Rio: Un roman psychologique
Livre électronique191 pages2 heures

Elle n'ira jamais à Rio: Un roman psychologique

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À propos de ce livre électronique

Ma, une jeune femme, est internée pour dépression. C'est un monde nouveau et effrayant qui s'offre à elle...

Ma a dix-neuf ans. Elle fêtera ses vingt ans dans quelques mois, sans vraiment être certaine de parvenir jusque-là. Depuis des années, Ma tente de combattre son principal ennemi : la dépression. Elle compare sa maladie à un gros chien noir qui l’effraie et lui colle au corps.
Sur sa demande, elle est internée dans le pavillon D, une des unités de l’hôpital psychiatrique non loin de chez elle.
Ma va découvrir un univers effrayant. Des heures et des nuits qui marqueront sa vie au fer rouge. Là-bas, elle commencera à noter le déroulement de chacune de ses journées dans un carnet, pour ne rien oublier. Ce qu’elle voit, entend et ressent, tout cela d’un point de vue subjectif, est effroyable et doit être écrit.

Découvrez le récit de Ma, une jeune dépressive, qui prends note de tout. Pour ne pas oublier...

EXTRAIT

Il m'a entouré de son bras fort, musclé, recouvert du tissu pelucheux dont était cousu le peignoir. Ce fameux peignoir qu’il m’avait posé sur les épaules la veille. Je suis censé réagir à ce contact masculin, à cette étreinte de garçon, dans l'obscurité d'une pièce vide, mais je ne dis pas un mot. Je suis un peu raide, je ne sais pas vraiment quelle réaction adopter. Je n’ai pas souvent de contacts physiques avec la gent masculine. Et puis, la scène s'est enveloppée d'instinct et de tendresse, alors sans réfléchir, j'ai posé ma tête sur l'épaule de ce presque inconnu. Je ne connais pas vraiment ce mec, ce mec qui a presque mon âge mais qui me semble être un grand frère que je connais finalement depuis bien plus longtemps. À cet instant, je sais que pour longtemps, je lui serai reconnaissante. Cette étreinte était tout ce dont j'avais besoin ce soir-là, pendant que mon cœur saignait en silence, pendant que mes yeux pleuraient sans couler, en pensant à cette solitude que je n'ai même pas vraiment choisie. Peut-être que Redwan lui aussi est triste, peut-être que lui aussi se sent seul et que son âme pleure sans bruits.
Alors, sans rien dire du tout, je me suis laissée aller, j’ai laissé fondre mes pupilles, mes iris se noyer. On a partagé notre solitude à deux et j’ai pu sangloter contre lui, pendant qu’il caressait doucement mes cheveux.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Marion Richon, tout juste 21 ans est née en Savoie où l’écriture l'a bercée depuis sa plus tendre enfance. À la suite d’un début d’études en communication, elle s’oriente en lettres modernes.
Après la publication d’un premier recueil de proses poétiques à 18 ans, elle propose aujourd’hui son premier roman.
LangueFrançais
Date de sortie28 sept. 2018
ISBN9782378774097
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    Aperçu du livre

    Elle n'ira jamais à Rio - Marion Richon

    Première partie

    Et si la Terre est sombre, et si la pluie te noie,

    Raconte-moi qu’on puisse trembler ensemble,

    Et si le jour n’vient pas, dans la nuit des perdus,

    Raconte-moi qu’on puisse crier tout bas.

    Cœur de Pirate

    1

    Quant à ceux qui ont séjourné dans la sombre forêt […] et connu son inexplicable torture, leur remontée de l’enfer n’est pas sans analogie avec l’ascension du poète, qui laborieusement, se hisse pour échapper aux noires entrailles de l’enfer.

    William STYRON

    Je m’appelle Ma, j’aurai vingt ans cette année et dans ma vie, une tache au tableau, une grosse tache sombre qui n’en finit plus de s’étaler. Elle s’immisce et s’infiltre comme une tache d’encre sur un buvard. Manque de volonté, troubles de l'humeur, de l'appétit, du sommeil, larmes régulières, perte d'intérêt, idées noires et encore tout un tas d'autres symptômes que je n’ose même pas citer. Elles étaient là, les taches. J'avais tout lu sur internet et dans les livres, à n'importe quelle heure du jour ou de la nuit. Pas besoin du diagnostic d'une file de médecins, même s’il avait eu lieu, pour savoir que la dépression m'avait engloutie comme des sables mouvants. J'étais au fond du gouffre, ou presque au fond, car je chutais sans toucher terre et je ne savais pas quand ni comment j'allais m'en sortir.

    Ce cancer du bonheur, ce poison du cerveau me poursuit maintenant depuis plusieurs années. Mes chroniques mélancoliques, c’est comme cela que j’appelle ces périodes. Trois mois de bonheur pour quatre mois de souffrance. C’est dans cet enchaînement que se découpe mon année. Même la balance en reste perplexe. Autant de peine, est-ce vraiment le prix à payer pour être épanouie au prochain trimestre ? Avant, j'en avais peur, j'étais même terrorisée par ces semaines sans fin. Maintenant, ça va mieux, je m’y suis faite. Petit à petit, je me prépare à affronter cette saloperie. Je sais l'appréhender à chaque début d'automne et d’été, je l’attends à chaque fin d'hiver aussi.

    Juillet, Septembre, Octobre, Mars et Avril sont, moralement, les pires mois de l’année pour moi. Ils sont teintés de sombre, hantés par ce gros chien noir qui se réveille pour une durée indéterminée à chaque fois.

    Alors j'attends que ça passe. J'y suis tellement habituée que je personnifie cette maladie mentale. Je sais qu’elle provoque toute autant de dégâts qu’une autre affection. Parfois même elle est pire. On ne meurt jamais d’un rhume. Mais la dépression, on en crève. D’une balle dans la tête ou plus sournoisement, lentement. Elle nous vide et nous épuise. Je le sais, mais je préfère ne pas y penser. Au fil des années, au fil des épisodes, j’ai fini par la chérir. Elle fait partie de ma vie comme un membre de la famille. Partout où je vais, elle m'accompagne, elle est collée à moi comme une étiquette sur un bocal de petit-pois carotte. Je me suis construite avec, j’ai vécu en fonction d’elle. Je n’ai jamais osé prendre le taureau par les cornes et me faire soigner en conséquence jusqu’à aujourd’hui, mais c’est la peur qui a guidé ce choix. Elle s’accroche à moi et je sombre à cause d’elle. C'est parfois compliqué pour la chose de s'imposer, quand tout semble aller bien. Alors dans ces cas-là, il faut se pousser un peu, juste un peu, se tasser dans un coin, pour lui laisser de la place, la place de grandir et d'engloutir ce qui l'entoure. C’est un peu comme si mon pire ennemi avait une place attitrée dans mon lit.

    Le dernier épisode dépressif était en septembre-octobre 2016. Bonsoir automne, tu as tardé cette année, tu as quinze jours de retard, nous sommes déjà mi-septembre. Bonsoir tristesse, tu as autant de retard que l’automne, je t’attendais presque cette fois-ci, c’était bizarre que tu ne sois pas encore là.

    Je pensais avoir touché le fond, mais ce n’était rien par rapport à ce qui allait se passer les mois suivants. Je ne le savais pas, il me restait encore quelques kilomètres à chuter. Depuis cet automne-là, j'ai vu quatre médecins différents. Aucun ne m'a vraiment plu. Certains se fringuaient comme mes profs d’espagnol du collège, d'autres disaient mmh, mmh, oui, mmh je vois ; comme dans les films. À croire que les clichés sur les psys, ce n’était pas uniquement des clichés. D'autres racontaient leur propre vie au lieu d’écouter la mienne. Une partie d’entre eux plongeait leurs yeux droits dans les miens et me mettait face à moi-même, mais surtout face à eux. Ces médecins donnaient l’impression de lire dans mon âme, à tel point que je finissais par détourner le regard.

    Je croyais qu’ils ne comprenaient vraiment à quel point j’allais mal. Et puis j'avais peur qu'ils m'envoient quelque part, à l'asile comme je pensais que ça s'appelait. En arrivant dans leur bureau, j'avais envie de me jeter à leurs pieds, de fondre en larmes malgré moi, aidez-moi, faites quelque chose, j'vais me laisser crever, cette chose va me tuer, sauvez-moi, j’vous en prie. Finalement, ça ne se passait pas du tout comme ça. Ils ne comprenaient pas ce que je ressentais mais en même temps, je ne leur disais pas tout.

    À la fin de l’entretien, je leur disais on se revoit vite, hein, je ne vais pas tenir longtemps sans personne. Oui, oui, mais on a des vacances, puis des congés, des week-ends, des jours fériés, rendez-vous dans un mois. Je crois qu’ils ne se rendaient pas compte. Je pouvais aller mieux ou me foutre en l'air pendant leur mois de vacances au soleil. Mais je ne répondais rien, je disais juste ah, ah d'accord, tant pis, à dans un mois.

    Ils auraient dû comprendre que ça allait mal finir, ils auraient dû lire en moi, ou peut-être que j'aurais dû leur dire.

    Je finissais toujours par envoyer valser les rendez-vous, je ne prenais même plus la peine de décommander. Une fois, une des secrétaires m'a appelée alors que j'étais dans un célèbre parc d’attractions avec Noémie, ma copine de l’époque. On voulait fêter notre première année de relation. Deux ans qu’on se connaissait, un an qu’on s’était mises ensemble. Il y avait eu des hauts et des bas pendant cette année, plus de bas que de hauts d’ailleurs, mais il fallait quand même fêter ça. On sortait de la plus forte des attractions et j'avais encore des étoiles vidéoprojetées plein la tête quand mon téléphoné a sonné. Ah oui, excusez-moi, aujourd'hui, le rendez-vous ? Ah pardon, là ce sera pas possible, je suis pas chez moi, j'ai oublié, j'ai perdu la tête, elle est dans les étoiles, J'ai l'appendicite, la mononucléose, une jambe cassée, un rhume des foins, je vous rappelle pour prendre rendez-vous, merci au revoir. C'est comme ça que j'ai arrêté les suivis, petit à petit.

    Je n’avais besoin que de moi-même pour aller mieux de toute façon. Je trouvais que la guérison par thérapie n’allait pas assez vite et un tas d'autres excuses bidon. Et pendant ce temps-là, la chose gagnait du terrain.

    2

    Nous trouvons de tout dans notre mémoire. Elle est une espèce de pharmacie, de laboratoire de chimie, où on met au hasard la main tantôt sur une drogue calmante, tantôt sur un poison dangereux.

    Marcel PROUST

    C'est à ce moment-là que les petits cachets blancs sont arrivés dans ma vie. Des anxiolytiques ? Mais je ne suis pas angoissée, à quoi ça va me servir ? Au début, j'y croyais pas à ces petits trucs. C'est mon médecin traitant, celle que j'aime bien qui me connaît depuis bébé, qui me les a prescrits. Elle a suivi ma mère quand elle était enceinte. Elle m'a vu grandir : six mois, un an, trois ans, dix ans, quinze ans, dix-neuf ans et j'en suis là aujourd’hui. Toujours dans votre cabinet Docteur D. mais je suis assez grande pour venir sans Maman et aujourd'hui, je fonds en larmes devant vous pour essayer de trouver une solution. Elle a noté quelque chose sur son ordinateur qui, dans quelques minutes, crachera une ordonnance. Je le savais, elle inscrivait le nom de mon sauveur en plaquette, en agitant à peine ses doigts manucurés sur son clavier. Elle m'a regardé avec l'air de comprendre. Depuis toutes ces années, je l'ai toujours vu avec les ongles faits, des bijoux brillants et le brushing parfait. Je l'ai toujours trouvé très… Je crois qu'on peut dire chic. Docteur D. est chic et moi je suis là, la morve au nez, en jogging derrière son bureau. Elle m'avait dit, à chaque début de crise de larmes, de crise d’angoisse, prends une moitié de cachet, et tu verras. J'ai très vite vu. Un demi, on le coupe sur le trait comme les trucs prédécoupés, on l’avale et il stoppait toutes mes émotions. Soit je n’avais plus envie de pleurer, soit tout s’arrêtait net quand j’étais déjà en crise. Tout ça m'aidait à dormir, à sourire, à évoluer dans le monde des vivants et si j'augmentais la dose, il me faisait le même effet qu'un joint. J'essayais de ne pas trop en prendre souvent, je m'étais renseignée et j'avais lu des trucs dingues sur le sujet. Effets secondaires, envie de suicide, peut être utilisé par les toxicos comme drogue de substitution, surdose à partir de douze cachets. Je m’étais renseignée car, une fois, j’ai eu très peur d'en avoir trop pris. Dieu merci, j'en étais bien loin, alors j’en avais même repris un. Même si je limitais leur prise, ça me rassurait de les avoir sur moi : une boîte dans la cuisine, une boîte dans le sac à main, une boîte dans la table de nuit, une boîte dans chaque tiroir. Les jours se comptaient en cachetons. Le dernier c'était hier, ou avant-hier, oh, deux jours sans, quel bonheur, crions victoire, ah non finalement. Tant pis si j’étais triste, j’avais mes cachets.

    Mi-janvier, c’est l’époque où j’ai recommencé à aller mal. J’avais prévu une journée pour aller faire les magasins. C'était le moment où j'étais encore en capacité de sortir. L'après-midi était programmée, ça allait me faire du bien. Et paf, c'était parti de quoi ? Une contrariété peut-être et les larmes qui montent et ça va plus du tout et pourquoi d'un coup ? Pourquoi maintenant et bordel, pourquoi ils sont pas dans ce sac à main ces putains de cachets ? J’ai beau renverser son contenu sur le trottoir, y’a rien, putain. Demi-tour et mon après-midi est foutue. Foutue pour foutue, autant rentrer, prendre un cachet entier et aller pleurer sous les draps en attendant qu'il passe dans le sang. Ce processus, c'était le simple fait de reposer mes états d'âme de la journée sur ces pilules. Le bruit de l'alu, la mini-dose que je déballe de son emplacement. À ce stade-là, un sentiment d'apaisement se déclenche, juste là, dans la paume de la main. Tiens bon, l’après-midi ne sera pas si triste, dans vingt minutes tu t’envoleras, dans vingt minutes tout sera calmé et pour aujourd’hui, ça passera. Le médoc est en train de fondre sous ma langue. On m'a dit que ça faisait plus vite effet quand on le laissait se dissoudre, mais je crois que c'est faux et en plus c'est vraiment dégueulasse. Je sens le goût amer sur mes papilles, comme un doux poison qui se distille. Le goût pourri du bien-être, en double ou triple dose pour échapper à la réalité que je m'impose à moi-même. Docteur D. m’a bien prévenu. Elle m’a dit qu’il en fallait pas plus d’un par prise, mais il y a plus d’effet quand il y en a plusieurs.

    L'apaisement en médocs, l'euphorie au creux de la main, l'utopie sur ordonnance, le paradis dans les rayons de la pharmacie.

    3

    Quand je ne dors pas, je vois la nuit en noir. Les vastes zones dépressionnaires de l’insomnie dirigent vers moi un flux humide et froid, accompagné de bourrasques.

    Paul GUIMARD

    À vrai dire, j'en peux vraiment plus. Nous sommes début mars 2017 et ça fait deux mois que la chose est revenue noircir les couleurs de ma vie. Deux mois qu’à nouveau, mes démons me rongent de l'intérieur. Je ne vais même plus à la fac alors que j’ai redoublé. J’ai arrêté les cours début février, je ne pouvais plus supporter les gens, les gens bien et heureux. Je pouvais plus supporter les cours qui ne me plaisaient pas tant que ça, que j'écoutais même plus, dont la complexité me ramenait encore une fois à moi-même, à l'échec de mes compétences. C’était normal, que je ne comprenne pas. J’étais nulle, quel est l’intérêt de suivre des cours qu’on ne comprend pas ? Je ne connaissais personne, mais je savais que tout le monde était plus doué, plus beau, plus intelligent, plus drôle que moi qui n'étais plus qu’une enveloppe vide.

    J'ai presque arrêté de sortir. Je reste en pyjama toute la journée, à regarder des conneries à la télé. Je passe huit heures de suite sur le canapé, et me lève pour griller beaucoup de clopes, beaucoup trop. Si des copines sont disponibles et me proposent un café, alors j'y vais vite pour m'échapper de ce brouillard sans fin. Un chignon, un jogging, j’essuie ces yeux rouges, je rajoute un peu de mascara et je pars, tout ça avant de rentrer chez moi et de reprendre ma routine enfumée. Dans ces cas de sortie-café, on peut considérer que c'était une bonne journée.

    Je dors pour faire passer le temps. Je dors parce que ce cancer du bonheur m'épuise aussi physiquement. Je suis faible alors je dors. Je ne le suis pas toujours, mais je dors encore, parce que je ne vais plus jamais bien. Je voudrais peindre en blanc mes idées noires. Les seules choses de blanches qui m’entourent sont mes nuits. Le cercle vicieux m'entraîne dans sa danse. Je suis perchée sur le fil du danger, de l'épuisement, du craquement de plombs. La sphère du temps, je m'y suis perdue depuis longtemps. Je dors jusqu'à être dégoûtée du sommeil, jusqu'à le régurgiter entre deux clopes, dans la vingt-cinquième heure. Je vomis tout ce sommeil parmi la fumée de tabac blond que j’expire, au beau milieu de la nuit, à qui j'ai donné rendez-vous parce que j'ai trop dormi.

    Je mène ma vie sur un rythme décalé. Pour être honnête, je ne la mène pas, je la regarde défiler d'en haut. Mes volets restent fermés

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