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Le système de santé et de services sociaux au Québec: Territorialité et santé des populations
Le système de santé et de services sociaux au Québec: Territorialité et santé des populations
Le système de santé et de services sociaux au Québec: Territorialité et santé des populations
Livre électronique798 pages8 heures

Le système de santé et de services sociaux au Québec: Territorialité et santé des populations

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À propos de ce livre électronique

Cet ouvrage analyse le système de santé et de services sociaux au Québec, les pratiques professionnelles qui y sont exercées et les défis liés à la santé publique. Il prend appui sur trois principaux ancrages, souvent moins analysés, qui constituent la trame analytique de l’ouvrage et en font son originalité : 1) le système de santé et de services sociaux comme déterminant de santé; 2) les liens qui unissent la santé, le social et la santé publique; et 3) les territorialités multiples dans lesquelles se déploie la santé des populations.

Le système de santé et de services sociaux au Québec : territorialité et santé des populations est une initiative conjointe du Réseau de recherche en santé des populations du Québec (RRSPQ) et du Regroupement intersectoriel de recherche en santé de l’Université du Québec (RISUQ). Il est le fruit du travail collectif de 40 personnes issues de milieux différents, représentant plus d’une douzaine de disciplines et offre un ensemble d’analyses riches, variées, et complémentaires. Cet ouvrage s’adresse aux cohortes étudiantes, à la communauté scientifique et aux professionnels des domaines de la santé, des services sociaux et de l’administration publique. Il deviendra un outil indispensable pour tous soutenant l’analyse et la compréhension de la complexité de notre système et de ses pratiques.
LangueFrançais
Date de sortie23 août 2023
ISBN9782760558731
Le système de santé et de services sociaux au Québec: Territorialité et santé des populations

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    Aperçu du livre

    Le système de santé et de services sociaux au Québec - France Gagnon

    INTRODUCTION

    Elisabeth Martin, France Gagnon et Marie-Hélène Morin

    Le portrait de santé de la population québécoise évolue: certains problèmes de santé physique s’accentuent avec l’augmentation de la prévalence des maladies chroniques et des répercussions de mauvaises habitudes de vie. De plus, la réémergence de maladies infectieuses et l’apparition de nouvelles épidémies font désormais partie de notre réalité, sans oublier les problèmes sociaux et de santé mentale, qui sont bien présents et augmentent avec l’accroissement des inégalités sociales. En contrepartie, l’espérance de vie des Québécois continue de croître tant chez les hommes que chez les femmes, la technologie a permis des avancées remarquables dans les capacités d’intervention et des gains en matière de santé publique continuent d’être enregistrés, par exemple sur le tabagisme et le bilan routier. Parallèlement, la population vieillit et se diversifie d’un point de vue culturel dans le contexte de l’immigration, alors que les inégalités de revenus entre les plus nantis et les moins bien nantis de notre société se sont accentuées dans les 30 dernières années (Ministère de la Santé et des Services sociaux, 2015).

    Ce portrait épidémiologique et démographique de plus en plus complexe et changeant souligne l’interinfluence et l’interdépendance des problématiques liées à la santé et au bien-être et rappelle l’importance de tenir compte du contexte social dans lequel évoluent les populations. Confronté à ces nouvelles réalités, le système de santé et de services sociaux québécois est en constante mouvance, tentant de s’adapter au contexte d’aujourd’hui et de s’assurer que son fonctionnement répond aux attentes des populations. Dès lors, l’influence des choix politiques et des politiques publiques sur les orientations et les transformations du système sont indéniables. Les réorganisations des structures, de la gouvernance et des services sont monnaie courante, alors que les frontières des pratiques professionnelles sont parfois repoussées ou, à tout le moins, remises en question. Sur le fond toutefois, les façons de faire demeurent essentiellement centrées sur la maladie et les approches cliniques, dans une perspective individuelle, au détriment d’approches centrées sur la santé et la responsabilité collective, et loin d’une vision axée sur les déterminants sociaux de la santé et la santé durable. En fin de compte, nous pouvons nous demander si l’accès aux soins et aux services sur l’ensemble du territoire et pour l’ensemble de la population, comme souhaité à l’origine lors de la création du système de santé et des services sociaux, s’est réellement concrétisé. Nous pouvons aussi nous questionner sur l’imposante responsabilité qui repose sur les professionnels du réseau de la santé et des services sociaux qui sont de plus en plus fragilisés par des conditions de travail qui mettent l’accent sur la rapidité et les exigences bureaucratiques, entraînant une importante perte de sens dans un travail si essentiel par ailleurs.

    LA TRAME ANALYTIQUE DE L’OUVRAGE: TROIS ANCRAGES COMPLÉMENTAIRES

    Nous avons choisi de structurer notre réflexion en nous appuyant sur trois principaux ancrages, qui constituent la trame analytique de l’ouvrage et en font son originalité, ceux-ci étant moins souvent associés et considérés comme tels, soit: 1) le système de santé et de services sociaux comme déterminant de santé; 2) les liens qui unissent la santé, le social et la santé publique; et 3) les territorialités multiples dans lesquelles se déploie la santé des populations.

    Le système de santé et de services sociaux comme déterminant de la santé

    L’analyse du système de santé et des services sociaux au Québec envisagé comme déterminant de la santé et dans une perspective de santé des populations est d’abord proposée comme premier ancrage. Traiter du système équivaut le plus souvent à se centrer sur l’hôpital, la maladie, les soins curatifs et les technologies qui y sont liés. À la base, l’objectif principal des systèmes et des services de santé est de prévenir et de traiter la maladie, améliorant ainsi la santé et, par ricochet, réduisant la nécessité future de soins de santé. Mais au-delà de cet effet direct, les systèmes de santé sont dorénavant de plus en plus reconnus comme des leviers d’action essentiels pour améliorer et promouvoir l’état de santé et le bien-être des populations (Baum et al., 2009). Déterminants de la santé souvent négligés, voire oubliés, les systèmes et services de santé génèrent des effets populationnels appréciables (McKee, Lessof et Figueras, 2018; World Health Organization, 2000). En effet, le secteur de la santé, de par les emplois qu’il crée, les technologies qu’il emploie et l’innovation qu’il stimule, produit de la richesse et de la croissance, si bien qu’il est devenu l’un des secteurs économiques les plus importants dans le monde (Figueras et al., 2012), avec les avantages et les inconvénients qui en découlent. De plus, les systèmes de santé, lorsque fondés sur des principes d’universalité, peuvent agir comme mécanisme redistributif de la richesse (McKee et al., 2018), puisqu’il est dès lors reconnu que les services publics comme les soins de santé contribuent à réduire les inégalités de revenu (Corscadden et al., 2014). Finalement, ils concourent également à renforcer le tissu social agissant comme filet de sécurité pour bon nombre de personnes et plus particulièrement pour celles des groupes les plus vulnérables et marginalisés de notre société. En somme, comme le soulignent Nolte et al. (2012, p. 102, traduction libre): « la question n’est plus de savoir si les soins de santé contribuent à la santé de la population, mais dans quelle mesure. ». À ce titre, diverses estimations concluent qu’environ 25% des états de santé s’expliquent par les systèmes et les services de santé (Sous-comité sénatorial sur la santé des populations du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, 2009).

    Les liens qui unissent la santé, le social et la santé publique

    Le deuxième ancrage analytique de cet ouvrage est celui de prendre en compte l’interinfluence de la santé, des aspects sociaux de la santé et de la santé publique afin de bien traduire la complexité avec laquelle les acteurs des différents paliers (professionnels, gestionnaires, utilisateurs de services, collectivités et élus) doivent composer, et ce, sur l’ensemble du territoire. Il nous apparaissait important d’élargir le regard et d’aller au-delà de la dichotomie santé physique et autres secteurs souvent laissés pour compte. D’une part, le système de santé québécois est, depuis sa création, aussi celui des services sociaux, même si dans les faits, ceux-ci en demeurent souvent « le parent pauvre ». Ces deux dimensions sont étroitement imbriquées, car les problèmes sociaux peuvent entraîner des conséquences importantes sur la santé physique et mentale. Ces problèmes sociaux sont de plus en plus complexes et ils devraient être considérés dans les trajectoires de soins et de services, peu importe les segments de population visés, que ce soit chez les jeunes ou les personnes aînées. Inversement, une santé physique détériorée ou fragilisée peut également générer des problématiques sociales. Dans ce contexte, nous souhaitons apporter un éclairage qui tient compte de la particularité des liens entre la santé et le social, afin d’éviter les lectures nous confinant dans des silos organisationnels ou professionnels. D’autre part, la pandémie de COVID-19 a remis à l’avant-plan le rôle de la santé publique, notamment ses fonctions de protection et de prévention. Nous voulions donc aussi faire une place importante aux problématiques de santé publique, une composante essentielle, mais souvent négligée dans notre système de santé, comme dans les analyses. Si la contribution de la santé publique à la santé des populations est indéniable, son positionnement dans notre système de santé et de services sociaux semble représenter encore aujourd’hui un véritable défi.

    Les territorialités multiples dans lesquelles se déploie la santé des populations

    Finalement, nous souhaitons apporter une analyse qui tient compte des différentes réalités de l’organisation des soins et des services, des pratiques professionnelles et de problèmes récurrents et émergents sur l’ensemble du territoire québécois, et ce, dans une perspective contemporaine, critique et interdisciplinaire. Le système de santé et de services sociaux québécois couvre un vaste territoire, redécoupé, de réforme en réforme, en réseaux locaux et territoriaux de santé avec l’objectif de pouvoir rendre compte et considérer la diversité et la singularité des besoins des populations y vivant. Ces redécoupages administratifs, visant à répondre à des impératifs de performance et de gestion, ne doivent pas masquer pour autant les conditions géographiques, sociodémographiques et organisationnelles qui caractérisent les différentes régions. Dans ce contexte, nous souhaitons amener la réflexion au-delà de ce strict découpage géographique et spatial de référence utile à l’administration et l’organisation des services, pour faire écho à la notion de territorialité entendue plus largement: réalités urbaines et rurales, territoires identitaires, politiques, professionnels et d’appartenance. De fait, ces multiples territorialités se chevauchent et se superposent parfois, mais s’avèrent toujours pertinentes à considérer lorsqu’il est question de soins de santé et de services sociaux de même que de santé publique et de santé des populations afin d’ancrer les analyses dans leurs contextes pluriels.

    LA PRÉSENTATION DES PARTIES DE L’OUVRAGE

    Construit en trois parties, cet ouvrage a d’abord comme ambition de traiter de l’orientation des réformes des systèmes de santé d’ici et d’ailleurs et d’examiner les grands paramètres qui balisent l’organisation des services de santé et des services sociaux en contexte québécois. Dans la première partie, il s’agit de placer les assises incontournables et le cadre d’action pour comprendre la logique de fonctionnement du système de santé et de services sociaux au Québec, mais aussi les difficultés de lier diverses facettes de ce même système sur les plans organisationnel et financier, ainsi que dans l’offre de services. Les auteurs font ressortir les difficultés, au-delà de la perspective clinique individuelle, de penser en termes de santé des populations et la nécessité d’envisager la territorialité et la diversité des réalités régionales, qu’elles soient urbaines, semi-rurales ou rurales, et locales.

    Une fois ce cadre d’action détaillé, la deuxième partie de l’ouvrage vise à poser un regard sur les pratiques professionnelles telles qu’elles s’exercent dans le système de santé et de services sociaux québécois afin de permettre aux acteurs de développer un esprit critique sur les transformations en cours et leurs conséquences. Les propos présentés dans cette partie de l’ouvrage mettent l’accent sur les enjeux contemporains rencontrés sur le terrain qui font partie des défis quotidiens avec lesquels les professionnels et les gestionnaires du système de santé et de services sociaux doivent composer. Le sens à trouver – et à donner – au travail essentiel des professionnels dans un système toujours plus axé sur la performance, les dynamiques de collaboration à accentuer pour partager la responsabilité professionnelle et faciliter les trajectoires de soins et de services tout en évitant le travail en silo sont également mises à l’avant-scène par les auteurs de cette partie de l’ouvrage. L’ensemble des chapitres permet de saisir les difficultés d’y induire des transformations pour des raisons relevant de facteurs systémiques, organisationnels, professionnels, légaux et éthiques, offrant une analyse critique du système et des changements de postures qui devront s’opérer pour maintenir des pratiques qui donnent du sens aux soins et aux services prodigués.

    Enfin, la structuration de la santé publique et divers problèmes qui affectent la santé des populations seront abordés de manière plus précise dans la troisième partie. Penser en termes de santé des populations amène à considérer la santé publique comme un secteur d’action qui vise entre autres à protéger et promouvoir la santé et à prévenir la maladie. Bien qu’elle tende à être mise de l’avant lors de crises sanitaires, la santé publique est reléguée le plus souvent au second plan, la preuve en est son niveau de financement et le peu d’intérêt qui lui est accordé hors du milieu lui-même. Cette dernière partie de l’ouvrage traite entre autres des défis majeurs qu’ont et qu’auront à relever les acteurs de santé publique au XXIe siècle. Ces défis demandent des façons différentes d’intervenir auprès des populations et des collectivités et de prévenir les maladies avant qu’elles ne deviennent des problèmes pour d’autres secteurs de notre système de santé et de services sociaux.

    LA MISE EN CONTEXTE DE L’OUVRAGE ET PUBLIC CIBLE

    Cet ouvrage est une initiative conjointe du Réseau de recherche en santé des populations du Québec (RRSPQ) et du Regroupement intersectoriel de recherche en santé de l’Université du Québec (RISUQ). Il regroupe les forces vives de ces deux réseaux pour analyser notre système de santé et de services sociaux, les pratiques professionnelles qui y sont exercées et les défis de la santé publique sous les angles de la santé des populations et de la territorialité. Ce livre est le fruit de la collaboration de 40 auteurs, issus de 14 universités et établissements, répartis sur l’ensemble du territoire québécois et hors Québec. Plus d’une douzaine de disciplines scientifiques y sont représentées offrant ainsi des analyses riches, diversifiées et complémentaires.

    Si ce projet d’ouvrage collectif a germé bien avant le début de la pandémie de COVID-19, celle-ci fait désormais partie des réalités à considérer par les gouvernements, leurs systèmes de santé et les populations. La pandémie a mis en lumière les failles de nos systèmes de santé en termes d’organisation de soins et de services, d’adéquation entre les besoins, les ressources humaines pour y répondre, la disponibilité du matériel nécessaire pour assurer la protection du personnel, ainsi que la mise en application des « meilleures » pratiques dans un tel contexte. Cette pandémie a bouleversé le quotidien des organisations, des professionnels, des utilisateurs de soins et de services sociaux et des membres de leur entourage – plus particulièrement des personnes proches aidantes –, et elle a touché de plein fouet la population en général, fragilisant encore davantage les groupes les plus vulnérables de notre société. La gestion de cette crise a rappelé le rôle de l’État et de nos gouvernements en matière de santé des populations, tout en remettant de l’avant la responsabilité collective de se préoccuper de la santé et du bien-être de ses concitoyens.

    Considérant cette pandémie comme un révélateur des transitions épidémiologiques, sociodémographiques et sociétales en cours au XXIe siècle, cet ouvrage souhaite apporter un éclairage nouveau sur le système de la santé et des services sociaux au Québec dans le contexte des multiples transformations qu’il a subies à travers les deux dernières décennies tout en tenant compte de ses perspectives de développement actuelles et à venir. La pandémie ne constitue pas pour autant l’objet principal de cet ouvrage, mais inévitablement elle est prise en exemple au fil des divers chapitres et vient teinter le regard analytique posé par plusieurs auteurs.

    Cet ouvrage s’adresse à un large public. Nous souhaitions proposer au lectorat un livre qui peut traverser le temps. Même s’il demeure ancré dans l’espace-temps actuel, nous avons parfois revisité le passé et fourni une analyse contemporaine qui, peu importe l’époque, éclaire les dynamiques profondes de fonctionnement de notre système de santé et de services sociaux et de la santé publique. Nous espérons qu’il devienne une source de référence incontournable pour les étudiants, tant des 1er, 2e et 3e cycles des divers secteurs de formation des domaines de la santé et des services sociaux et de l’administration publique, de même que pour les chercheurs émergents et établis s’intéressant à l’organisation des services, à la dynamique du système de santé et des services sociaux au Québec, ainsi qu’à la santé des populations. Cet ouvrage s’avérera un outil indispensable pour les professeurs-chercheurs, les formateurs et les pédagogues qui souhaitent exposer leurs étudiants à la complexité de notre système, ainsi que pour les professionnels, et les gestionnaires œuvrant dans le système de santé et des services sociaux. Finalement, il pourra s’avérer d’intérêt pour une diversité d’acteurs institutionnels et collectifs, des secteurs associatifs (associations, regroupements professionnels), de même que pour les patients-partenaires engagés dans le réseau de la santé et des services sociaux québécois.

    Références

    BAUM, F. E., BÉGIN, M., HOUWELING, T. ET TAYLOR, S. (2009). Changes not for the fainthearted: Reorienting health care systems toward health equity through action on the social determinants of health. American Journal of Public Health, 99(11), 1967-1974. <https://doi.org/10.2105/AJPH.2008.154856>

    CORSCADDEN, L., ALLIN, S., WOLFSON, M. ET GRIGNON, M. (2014). Publicly financed healthcare and income inequality in Canada. Healthcare Quarterly, 17(2), 7-10. <https://doi.org/10.12927/hcq.2014.23886>

    FIGUERAS, J., LESSOF, S., MCKEE, M., DURÁN, A. ET MENABDE, N. (2012). Health systems, health, wealth and societal wellbeing: An introduction. Dans J. Figueras et M. McKee (dir.), Health Systems, Health, Wealth and Societal, Well-being: Assessing the Case for Investing in Health Systems (p. 1-17). Open University Press.

    MCKEE, M., LESSOF, S. ET FIGUERAS, J. (2018). The role of the health system in the 21st century: The road from Ljubljana to Tallinn. Eurohealth, 24(2), 12-14. <https://apps.who.int/iris/handle/10665/332560>

    MINISTÈRE DE LA SANTÉ ET DES SERVICES SOCIAUX (MSSS) (2015). Programme national de santé publique 2015-2025. Orientations ministérielles. <https://publications.msss.gouv.qc.ca/msss/fichiers/2015/15-216-01W.pdf>

    NOLTE, E., MCKEE, M., EVANS, D. ET KARANIKOLOS, M. (2012). Saving lives? The contribution of health care to population health. Dans J. Figueras et M. McKee (dir.), Health Systems, Health, Wealth and Societal, Well-being: Assessing the Case for Investing in Health Systems (p. 101-124). Open University Press.

    SOUS-COMITÉ SÉNATORIAL SUR LA SANTÉ DES POPULATIONS DU COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES AFFAIRES SOCIALES, DES SCIENCES ET DE LA TECHNOLOGIE (2009). Un Canada en santé et productif: une approche axée sur les déterminants de la santé. <https://publications.gc.ca/collections/collection_2009/sen/YC17-402-3-01F.pdf>

    WORLD HEALTH ORGANIZATION (WHO) (2000). Chapter 1: Why do health systems matter? Dans WHO (dir.), The World Health Report 2000 – Health Systems: Improving Performance (p. 1-20). World Health Organization. <https://apps.who.int/iris/handle/10665/42281>

    I

    L’organisation et les transformations des systèmes et des services de santé: tendances d’ici et d’ailleurs

    Elisabeth Martin

    La première partie de l’ouvrage offre un survol des grands paramètres qui balisent l’organisation du système, des services de santé et des services sociaux en contexte québécois, tout en ouvrant plus largement la réflexion sur les orientations qui ont guidé les réformes des systèmes de santé d’ici et d’ailleurs. Les systèmes de santé évoluent au diapason des sociétés, sous l’impulsion de la redéfinition des valeurs collectives, des transitions épidémiologiques, démographiques, technologiques et économiques. Ils sont également influencés par le développement des connaissances scientifiques et la nécessité d’adapter l’offre de services à la complexité croissante des besoins et des problèmes émergents vécus par divers groupes de populations. Dès lors, ces transformations amènent les responsables élus à redéfinir les politiques publiques et les mécanismes de régulation en place, à réfléchir à des modalités équitables d’accès aux services et à envisager de nouvelles avenues pour en organiser la prestation, en assurer la gestion et la répartition des ressources sur l’ensemble du territoire. D’ailleurs, la pandémie de COVID-19 a constitué une réelle mise à l’épreuve du fonctionnement de ces systèmes, révélant à la fois de surprenantes capacités d’adaptation et d’innovation, mais aussi, du même coup, de nombreuses zones de fragilités et de fractures.

    Dans ce contexte, les auteurs ayant contribué à cette première partie s’engagent dans une réflexion visant à faire voir de multiples facettes du fonctionnement des systèmes et des services de santé dans l’objectif d’améliorer la santé et le bien-être, et ce, en mobilisant divers niveaux d’analyse: international, national, provincial, territorial et local. Plus précisément, les chapitres regroupés dans cette partie de l’ouvrage visent d’abord à présenter le cadre général qui balise l’action publique en santé et services sociaux au Québec eu égard à la gouvernance, à l’organisation et à la prestation des services, de même qu’au financement. Puis ils cernent les principaux enjeux actuels et futurs des transformations de l’offre de services sur l’ensemble du territoire. Finalement, ils examinent, d’un point de vue critique, les dynamiques d’acteurs en présence ainsi que les ressources, les incitatifs et les leviers mobilisés pour agir sur le fonctionnement du réseau de la santé et des services sociaux et ainsi favoriser la santé des populations.

    Plusieurs points d’entrée sont possibles lorsqu’il s’agit d’analyser les systèmes et les services de santé. Nous avons retenu une approche articulée autour de leurs grandes fonctions (nommément le financement, la gouvernance, la gestion, l’allocation, la prestation et l’utilisation) (Morgan, Orr et Mah, 2010), tout en tenant compte des concepts-clés d’accès, de coûts et de qualité ainsi que des finalités des systèmes et des services que sont entre autres l’efficacité, l’efficience et l’équité (Phillips, 2006). Cela dit, il demeure difficile, voire impossible, de témoigner de l’ensemble des subtilités et des multiples ramifications du système de santé et de services sociaux québécois, d’autant que le caractère complexe des soins de santé est maintenant largement reconnu (Plsek et Greenhalgh, 2001). L’idée ici est plutôt d’offrir au lectorat un tour d’horizon lui permettant d’en saisir les grands paramètres de fonctionnement, sans pour autant prétendre à l’exhaustivité. Néanmoins, ce cadre ne saurait être compris sans distinguer différents niveaux d’analyse (Mills, 2012) qui, chacun à leur façon, éclairent l’action, la décision et donc les transformations.

    D’emblée, nous avons voulu placer la réflexion dans un contexte international, les gouvernements s’inspirant parfois les uns des autres dans l’orientation de leurs efforts de réformes (Usher et al., 2021). C’est ainsi que Forest nous entraîne sur le terrain de l’analyse comparative des systèmes de santé. Données à l’appui, il y situe le système de santé et de services sociaux québécois par rapport à d’autres systèmes à l’international. Pour ce faire, il aborde leurs différentes déclinaisons à l’égard de leurs modes de financement, des services offerts, des mécanismes décisionnels en place, des clientèles ou populations visées par les services, des caractéristiques des professionnels y œuvrant, et des résultats obtenus sur le plan de la santé et du bien-être. Ce faisant, il nous met en garde contre les comparaisons dépourvues d’analyse contextuelle qui peuvent agir comme un prisme déformant notre capacité à apprécier leur performance (chapitre 1).

    Dans le contexte du fédéralisme propre au système politique canadien, il est ensuite incontournable, pour comprendre les tenants et aboutissants et les particularités du système de santé et de services sociaux du Québec, de traiter des relations entre le gouvernement central et ceux des provinces, dans ce champ parfois contesté qu’est celui de la santé. Partant donc d’une perspective nationale, Béland, Marchildon et Quesnel-Vallée abordent le rôle du gouvernement fédéral canadien en matière de santé, en insistant sur les dynamiques politiques et institutionnelles qui teintent ses rapports avec les provinces. Le cadre juridique et constitutionnel balisant l’action, de même que la place du gouvernement fédéral dans le financement des soins de santé y sont abordés. À l’aide d’exemples touchant l’assurance médicaments, les soins de longue durée et la santé publique, notamment en lien avec la pandémie de COVID-19, les auteurs font ressortir les enjeux entourant le partage du pouvoir et les perspectives sur le rôle du gouvernement fédéral en matière de santé et de services sociaux (chapitre 2).

    Les trois derniers chapitres proposent pour leur part, une incursion directe dans le fonctionnement du système de santé et de services sociaux québécois, en traitant de trois fonctions piliers: la gouvernance, la prestation des services et le financement.

    D’abord, Martin nous plonge au cœur de l’organisation du système de santé et des services sociaux du Québec, en proposant une analyse des réformes successives survenues depuis les 20 dernières années et touchant plus particulièrement la gouvernance et la structuration du réseau. Cette rétrospective permet de montrer que certains repères, tel le découpage territorial, demeurent bien actuels, que des tendances de fond sont invariablement à l’œuvre au fil des transformations successives, dont les regroupements d’établissements, et que des hésitations sont omniprésentes en ce qui concerne le recours à une plus grande centralisation ou à une décentralisation (chapitre 3).

    Avec cette trame de fond en tête, Smithman, Lamoureux-Lamarche, Dionne, Deslauriers et Breton s’intéressent ensuite à la prestation des services sous l’angle de l’accès à la première ligne comme contribution à la santé des populations. Différents modèles de prestation, en place ou en émergence dans le système de santé et de services sociaux, sont explorés afin de faire voir leurs particularités organisationnelles et cliniques, et ce, dans une perspective d’évolution historique depuis les années 1970 (chapitre 4).

    Enfin, Laberge et Poirier s’intéressent aux enjeux de l’allocation des ressources comme mécanisme d’atteinte des objectifs de santé et de bien-être. Les paramètres de financement du système et des services sont explorés à la lumière des principaux facteurs de croissance des coûts et du poids budgétaire relatif accordé aux services de santé, aux services sociaux ou à la santé publique. Différentes approches de financement, d’une part, et de modes de rémunération des médecins, d’autre part, expérimentées tant ici qu’à l’international sont décrites, avec l’objectif d’en faire ressortir les effets, les avantages et les inconvénients, de même que leurs enjeux de mise en œuvre. Finalement, les auteures dégagent les avenues de réforme possibles et les perspectives autour de la complexe question du financement des soins et des services sociaux (chapitre 5).

    En somme, les chapitres de cette première partie témoignent des pistes de solutions envisagées pour répondre à des enjeux pressants ou à des problématiques récurrentes qui touchent l’orientation des systèmes de santé et le fonctionnement de leurs services. Néanmoins, ils font également état des difficultés contextuelles à mettre en œuvre pleinement ces solutions, en tenant compte des dynamiques d’acteurs qui sont au cœur de ces choix publics, et de la complexité de réconcilier des objectifs d’équité et de solidarité avec ceux liés à la performance et à l’efficience pour la santé des populations.

    Références

    MILLS, A. (2012). Health policy and systems research: Defining the terrain; identifying the methods. Health Policy and Planning, 27(1), 1-7. <https://doi.org/10.1093/heapol/czr006>

    MORGAN, S., ORR, K. ET MAH, C. (2010). Graduate attributes for master’s programs in health services and policy research: Results of a national consultation. Healthcare Policy, 6(1), 64-86. <https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC2929896/pdf/policy-06-064.pdf>

    PHILLIPS, C. D. (2006). What do you do for a living? Toward a more succinct definition of health services research. BMC Health Services Research, 6, 117. <https://doi.org/10.1186/1472-6963-6-117>

    PLSEK, P. E. ET GREENHALGH, T. (2001). The challenge of complexity in health care. BMJ, 323(7313), 625-628. <https://doi.org/10.1136/bmj.323.7313.625>

    USHER, S., DENIS, J.-L., PRÉVAL, J., BAKER, R., CHREIM, S., KREINDLER, S., BRETON, M. ET CÔTÉ-BOILEAU, É. (2021). Learning from health system reform trajectories in seven Canadian provinces. Health Economics, Policy and Law, 16(4), 383-399. <https://doi.org/10.1017/s1744133120000225>

    1Les perspectives comparatives sur le système de santé québécois

    Pierre-Gerlier Forest

    Il vaut mieux apprendre à faire les choses soi-même – ici, comparer en tout ou en partie le système de santé du Québec à d’autres systèmes – que de les consommer toutes prêtes, même si l’emballage est séduisant, paré des couleurs d’une organisation prestigieuse ou marqué au nom d’un expert hypermédiatisé. Ce chapitre a trois objectifs liés l’un à l’autre par cette conviction. D’abord, montrer ce qu’il faut éviter à tout prix dans l’analyse comparative et comment se prémunir contre les illusions d’optique. Un lit d’hôpital, on y reviendra, ce n’est pas seulement un objet technique dont il suffirait de faire l’inventaire pour savoir s’il y en a trop ou pas assez; c’est un mode d’organisation des soins, inscrit dans une réalité sociale, professionnelle et économique, notamment. Le deuxième objectif consiste d’ailleurs à se demander comment prendre en compte ces différents contextes dans l’analyse et produire des résultats qui peuvent servir à comprendre, mais aussi à transformer un système de santé, en agissant sur ce qui compte vraiment. Finalement et dans l’esprit de l’ouvrage, le troisième objectif a pour but d’appliquer les règles de l’analyse comparative au cas du Québec en les illustrant chaque fois par des données robustes et bien établies.

    1.1 COMMENT COMPARER LES SYSTÈMES DE SANTÉ?

    Pas d’analyse sans comparaison: c’est sur cette injonction que s’ouvre une des sections de l’ouvrage qu’ont écrit ensemble les deux grands pionniers de l’analyse politique des systèmes de santé, l’Américain Theodore M. Marmor et le Britannique Rudolf Klein (Marmor et Klein, 2012, p. 295). On ne saurait vraiment comprendre comment fonctionne un système de santé ou juger de sa performance, nous disent-ils, sans le comparer à d’autres systèmes. Mais les deux auteurs nous mettent en garde aussitôt contre les périls des comparaisons superficielles et des analogies trompeuses. Les systèmes de santé sont en effet des constructions complexes, plongeant de profondes racines dans l’histoire sociale et économique des nations qui les ont vu naître. Toute comparaison exige donc une bonne intelligence du contexte et de la culture dans lesquels baignent les pratiques, les institutions ou même les effets qu’on désire comparer.

    Cet excellent principe est bien évidemment plus facile à formuler qu’à mettre en œuvre. Tous les jours, on lit ou on entend des gens comparer des choses telles que le nombre de lits hospitaliers, ou la prévalence d’un type de cancer, ou encore une mesure de santé publique, comme si les mots et les choses qu’ils désignent avaient partout dans le monde le même sens ou la même portée. C’est encore pire quand il s’agit de systèmes entiers: il faudrait au Québec, nous dit-on parfois sur un ton docte, « faire comme en France » ou bien « comme en Suisse » ou « comme à Singapour », sans s’arrêter un moment sur les innombrables différences entre ces sociétés et la nôtre. Même les experts tombent parfois dans ce panneau. Il est si tentant de recourir à une comparaison, même un peu superficielle, quand elle permet de clore un débat ou qu’elle confirme nos préjugés.

    Un exemple: nous savons que la richesse relative d’un pays (ou d’une province, au Canada) détermine le niveau des dépenses de santé (figures 1.1 et 1.2). Ce résultat est si bien établi qu’on le présente volontiers comme une loi de l’économie de la santé (Majnoni d’Intignano, 2001; Organisation de coopération et de développement économiques [OCDE], 2021a). Or cette loi a longtemps connu une exception fameuse: les États-Unis dépensent en effet beaucoup plus qu’ils ne le devraient pour leurs soins de santé et n’obtiennent en retour que des résultats décevants, compte tenu de l’investissement consenti. L’explication usuelle consiste à mettre en cause le rôle du marché dans l’allocation des ressources, en insistant sur le caractère exceptionnel du système de santé américain. Pour les analystes qui viennent de pays où le système de santé est essentiellement public, où l’on associe la recherche du profit au gaspillage, c’est assez rassurant, surtout s’il s’agit de contrer les arguments de ceux qui plaident pour accroître la part du privé. Pour maints experts américains, en outre, cela n’est qu’une autre manifestation de l’exceptionnalisme américain, une idée profondément ancrée dans le discours politique depuis au moins Alexis de Tocqueville – nul besoin d’aller chercher plus loin.

    FIGURE 1.1 Dépenses de santé dans les principaux pays de l’OCDE en pourcentage du PIB, 2019

    Source: OCDE, 2021b. Données tirées du graphique 7.1.

    FIGURE 1.2 Dépenses totales de santé par habitant, provinces et moyenne canadienne, en dollars courants, 2019

    Note: Les territoires n’ont pas été retenus, car leur niveau de dépenses s’éloigne sensiblement de la moyenne canadienne, vu le contexte d’éloignement et la faible densité de population.

    Source: Institut canadien d’information sur la santé (ICIS), 2021a.

    Il aura fallu les travaux assez récents d’Elizabeth Bradley et de Lauren Taylor (2013) pour que soit finalement résolue cette anomalie statistique qui plaçait toujours les États-Unis loin de la courbe régulière autour de laquelle se distribuent tous les autres pays de l’OCDE. En effet, après que les deux chercheuses eurent imaginé de mesurer la somme des dépenses sociales de chaque pays (et pas seulement les dépenses de santé), on a pu voir que les dépenses des Américains et même leurs indicateurs de santé obéissaient finalement aux mêmes lois, et que les États-Unis ne s’éloignaient finalement pas tant de la fameuse courbe. La frontière entre la santé et le social, loin d’être une évidence, est en fait elle-même le produit d’un contexte politique et culturel qu’il faut savoir saisir pour fonder une comparaison aussi rigoureuse qu’éclairante¹.

    Il existe un autre piège guettant l’analyse comparative des systèmes de santé. En hommage à Sigmund Freud, qui forgea jadis ce concept, on l’appelle « le narcissisme des petites différences » (Baldwin, 2009). Il consiste à accorder une importance démesurée à des variations mineures entre des systèmes somme toute assez proches les uns des autres, sur la foi d’indicateurs choisis pour renforcer l’impression de distance.

    Au Canada, la question du panier des services assurés par les régimes provinciaux d’assurance maladie fournit un bel exemple de ce problème. Pour des raisons qui tiennent à l’évolution de la médecine comme science et comme profession, ainsi qu’aux contraintes issues de la Loi canadienne sur la santé, qui prévoit que tous les soins médicalement nécessaires doivent être couverts par les régimes publics, les différences observées entre les provinces sont assez minimes (Flood, Tuohy et Stabile, 2006). Les structures et les programmes ne sont pas identiques, ce qui se traduit dans bien des cas par des variations dans l’accès aux soins, mais les principaux problèmes de santé qui affligent les Canadiens reçoivent en principe la même attention: cancers, maladies cardiovasculaires, troubles respiratoires chroniques, traumatismes, maladies endocriniennes, etc. Les dépenses de santé dans chacune des provinces reflètent cette réalité, notamment en ce qui concerne les soins hospitaliers et la rémunération du personnel soignant. Les différences, quand elles existent, se retrouvent à la marge – ceux et celles qui sont directement touchés par ces politiques en font grand cas, souvent pour d’excellentes raisons (fécondation assistée, interruptions de grossesse, médicaments d’exception), mais ils représentent en règle générale un petit nombre de patients².

    Les petites différences sont souvent montées en épingle dans les comparaisons internationales. Les experts souligneront que l’espérance de vie à la naissance dans le pays A dépasse d’une courte tête celle qui est observée dans le pays B, mais sans mentionner qu’une relation inverse existe dans le cas de la mortalité périnatale. Le pays C a réduit sensiblement l’incidence du tabagisme et s’en vante à juste titre, mais il fait l’impasse sur la consommation d’alcool ou de médicaments. Nous pourrions multiplier les exemples. L’essentiel est de retenir quelques idées simples. Les systèmes de santé des pays développés sont en vérité fortement convergents, notamment à cause des effets conjugués de l’hygiène publique et de la médecine scientifique. La mondialisation a même accéléré ce processus en favorisant l’uniformisation des approches et des traitements, en particulier en ce qui a trait à la chirurgie et au médicament, mais aussi, comme on l’a vu pendant la pandémie de COVID-19 débutée en 2020, pour des pratiques autrefois très connotées culturellement comme le port du masque en public. Les différences qui séparent les pays tendent donc à s’annuler quand on considère un grand nombre d’indicateurs.

    Il faut aussi se méfier des classements et des palmarès, qui ne sont jamais innocents. Un classement de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) qui plaçait le système de santé français en tête des 191 États membres (OMS, 2000) fut largement décrié après qu’une catastrophe sanitaire, causée par une vague de chaleur, eut fait 14000 victimes en un mois en 2003 (Hémon et Jougla, 2004). Citons aussi le palmarès publié chaque année par le Commonwealth Fund (Schneider et al., 2021), une influente fondation américaine, car ses résultats sont largement diffusés par les médias et que la démarche a reçu l’aval de plusieurs organisations publiques au Canada y compris au Québec, dont le commissaire à la santé et au bien-être, entre 2008 et 2020. Les objectifs du Commonwealth Fund sont louables et vertueux: le développement des soins primaires, la continuité des soins, l’accès aux services de santé sans égard à la condition sociale des patients ou encore l’utilisation des données probantes (The Commonwealth Fund, 2021). En surface, le palmarès annuel mesure et compare les progrès et les retards d’un petit groupe de pays, dont le Canada, sur l’une ou l’autre de ces dimensions. Mais il suffit d’y regarder d’un peu plus près pour découvrir que les différences mesurées sont souvent infimes et que le classement se conclut année après année de la même manière, comme un baromètre qui annoncerait toujours un ouragan, en attribuant la plus mauvaise note et le dernier rang aux États-Unis. Car tel est le but: montrer aux élus et aux élites du monde médical et hospitalier américains que leur système de santé ne performe pas aussi bien qu’il le pourrait et par là, susciter des appuis pour des réformes structurelles. Ce qu’on apprend sur la performance des autres systèmes n’est pas sans intérêt, mais il faut comprendre que ces systèmes sont d’abord et avant tout des figurants, dans une pièce qui ne les concerne pas tout à fait. Cela vaut bien sûr pour le Canada comme pour le Québec.

    1.2 LES GRANDES QUESTIONS

    La comparaison des systèmes de santé a beau être exigeante, elle n’est pas impossible. Pour y parvenir, l’observation gagne à s’appuyer sur un cadre qui ne suppose pas d’entrée de jeu qu’il existe une « bonne » façon de prodiguer ou de financer les soins de santé.

    En simplifiant, on dira que tout système de santé doit répondre à un certain nombre de questions fondamentales.

    1.2.1

    Qui paie?

    Il peut paraître étrange de commencer ainsi (plutôt que de s’interroger, par exemple, sur la disponibilité de tel service ou l’effet de telle prestation), mais le fait est qu’il est primordial de savoir qui paie pour les soins et comment ce système est financé. Comme l’ont répété sans cesse les économistes de la santé, la manière de financer les établissements de soins et de rémunérer les soignants détermine la conduite des patients et celle des prestataires de soins, les uns pour réduire les coûts qui leur incombent et les autres pour s’assurer d’un revenu (Bélanger, 2003).

    Dans les pays industrialisés, un tiers payant prend habituellement en charge l’essentiel des soins hospitaliers et médicaux. L’antique distinction entre « Bismarck » et « Beveridge », censée faire la part entre les approches fondées sur l’assurance publique, financée par des cotisations, et celles qui relèvent d’un système national de santé, financé par l’impôt sur le revenu, est quelque peu tombée en désuétude – l’hybridation est la règle (Andrain, 1998). Mais en vérité, certaines différences subsistent. Ainsi, la part financière imputable au patient varie encore sensiblement d’un modèle à l’autre, selon que le complément exigé s’applique à l’ensemble des soins et des services offerts à la population, comme c’est souvent le cas quand le payeur est un assureur public ou privé, ou qu’il vise des pans entiers du panier de soins et de services, comme c’est plutôt le cas si le payeur est une bureaucratie publique. À cet égard, le Canada offre un exemple particulièrement criant de la seconde approche, avec un panier de soins aussi « profond » qu’il est « étroit ». Les conditions pour accéder aux soins sont minimales et excluent notamment toute forme de paiement, mais des services nécessaires comme le médicament ou la santé dentaire, sans parler de l’essentiel des soins psychologiques, ne figurent pas dans l’offre de soins assurés (Marchildon, Allin et Merkur, 2021).

    Enfin, notons que la proportion des soins et des services financés par des sources publiques ou privées a valeur de contrainte structurelle tant elle est constante au sein d’un régime donné (figures 1.3 et 1.4). Malgré les cris poussés par ceux ou celles qui dénoncent la privatisation « rampante » du système public canadien et québécois, ou à l’inverse, en dépit des grognements en provenance des critiques de notre régime « socialiste », il y a maintenant plusieurs décennies que le financement public s’établit à 70% des dépenses publiques, avec d’infimes variations annuelles (Institut canadien d’information sur la santé [ICIS], 2019a). La même règle prévaut dans la majorité des systèmes de santé, ce qui tend à montrer, comme le soupçonnait l’économiste britannique Alan Williams, qu’on touche ici au cœur même des choix publics à l’origine des régimes de protection sociale (Williams, 1997, p. 61-64).

    FIGURE 1.3 Dépenses de santé financées par des fonds publics en proportion des dépenses totales dans les principaux pays de l’OCDE, 2019 (ou année la plus proche)

    Source: OCDE, 2021b. Données tirées du graphique 7.12.

    FIGURE 1.4 Part des dépenses publiques et privées en pourcentage des dépenses totales de santé, provinces et moyenne canadienne, 2019

    Source: ICIS, 2021a. Données tirées des tableaux de données 2.3 et 3.3 de la série B.

    1.2.2

    Quels soins offre-t-on?

    De prime abord, il devrait être assez facile de répondre à la deuxième question, qui porte sur la composition du panier des services assurés. La plupart des systèmes affirment couvrir tout ce qui est médicalement nécessaire, mais sans toujours fournir une définition très claire ou exhaustive de ce concept. C’est le cas au Canada, où la Loi canadienne sur la santé se contente de parler de « services médicalement nécessaires fournis par un médecin » ou alors, pour les services hospitaliers « des services fournis dans un hôpital aux malades hospitalisés ou externes, si ces services sont médicalement nécessaires pour le maintien de la santé, la prévention des maladies ou le diagnostic ou le traitement des blessures, maladies ou invalidités » (Loi canadienne sur la santé, LRC (1985), Ch. C-6, art. 2). Et c’est aussi le cas au Québec, où la Loi sur les services de santé et les services sociaux affirme que « toute personne a le droit de recevoir des services de santé et des services sociaux adéquats sur les plans à la fois scientifique, humain et social, avec continuité et de façon personnalisée et sécuritaire » (Loi sur la santé et les services sociaux (2021), Ch. S-4.2, Partie I, art. 5).

    En fait, il n’y a guère qu’aux États-Unis que le débat sur le concept de nécessité médicale a fait de réels progrès (Emmanuel et al., 2020; Neumann et Chambers, 2012; Rosenbaum et al., 1999).

    Ici comme ailleurs, un principe important consiste à considérer les modalités d’application de la règle générale. Bien que le mot « rationnement » soit banni de toute discussion politique sur l’organisation des soins, tous les systèmes de santé le pratiquent (Klein et Maybin, 2012). Le moyen le plus cru et le plus répandu consiste à limiter l’accès aux soins, ce qui engendre des files d’attente dans les systèmes publics et d’infinies tracasseries bureaucratiques dans les systèmes où la décision repose sur le montant des primes d’assurance ou la capacité de payer du patient. Depuis quelques décennies, en outre, le rationnement a gagné en respectabilité en faisant usage du langage et des méthodes de la science, notamment pour établir les bénéfices tant cliniques qu’économiques des traitements médicaux – il ne suffit plus qu’un médecin prescrive une intervention pour qu’elle soit tenue pour nécessaire, encore faut-il que la thérapie ou le médicament paraissent adéquats au terme d’une évaluation scientifique, comme le dit si bien la loi québécoise. L’autre approche du rationnement consiste à faire intervenir des considérations inspirées par l’éthique, avec l’apport parfois de citoyens « ordinaires » appelés à partager leurs valeurs au moyen de diverses techniques de consultation (Abelson et al., 2003). Cette approche permet de prioriser certaines catégories de patients sur la base de critères humains ou sociaux, pour citer encore une fois la loi québécoise, et de leur réserver l’accès à des traitements coûteux ou rares³.

    1.2.3

    Qui décide?

    Il n’y a pas de main invisible derrière l’allocation des ressources ou l’offre de soins. Même dans les pays où la logique du marché est dominante, comme aux États-Unis, les orientations principales en matière de santé sont le fait des pouvoirs publics. Ce principe, qui est d’ailleurs enchâssé de manière explicite dans la Loi canadienne sur la santé, se traduit en pratique de deux façons: un régime juridique fait de lois, de règlements ou d’ordonnances, précisant par exemple les obligations des assureurs à l’égard de leurs clients ou encore limitant l’exercice de la médecine à des individus formés dans des écoles reconnues, et des institutions, responsables de répartir les ressources en fonction des besoins et des priorités. Dans le premier cas comme dans le second, c’est ici que santé et politique empiètent l’une sur l’autre le plus ouvertement (Marmor, 1983).

    Rares sont les spécialistes de l’étude comparée du droit de la santé, bien qu’il soit éclairant de connaître les solutions imaginées par les juristes de différentes sociétés pour résoudre des problèmes courants, au-delà de la seule curiosité intellectuelle. On pense par exemple à la manière dont les provinces canadiennes ont tracé la frontière entre secteur public et secteur privé et régi le passage d’un secteur à l’autre par les médecins (Flood et Haugan, 2010). En revanche, la comparaison entre les institutions est un véritable passe-temps, avec ses modes, ses experts et bien entendu, ses limites. Ainsi, il y a eu un temps un engouement mondial pour la régionalisation des services de santé (Lewis et Kouri, 2004), suivi par une vague de travaux sur les systèmes « intégrés » (Armitage et al., 2009). La pandémie a éveillé l’intérêt pour les agences de santé publique et autres directeurs généraux ou épidémiologistes en chef (MacAulay et al., 2022). Ces travaux ont le mérite certain de nous montrer qu’il n’y a pas de modèle administratif unique ou parfait et

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