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D' UNE AMERIQUE A L'AUTRE ET UN CONTINENT A L'AUTRE
D' UNE AMERIQUE A L'AUTRE ET UN CONTINENT A L'AUTRE
D' UNE AMERIQUE A L'AUTRE ET UN CONTINENT A L'AUTRE
Livre électronique581 pages6 heures

D' UNE AMERIQUE A L'AUTRE ET UN CONTINENT A L'AUTRE

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À propos de ce livre électronique

Comprend les deux tomes réunis !

Toute nouvelle histoire débute avec un élément déclencheur, parfois une simple graine qui est plantée sans qu’on en prenne conscience. Puis la graine germe, nous fait prendre un doux virage et du jour au lendemain notre vie est transformée. C’est comme ça qu’a débuté ma propre histoire. Mais ce livre de récits de voyage n’est pas que mon histoire à moi. C’est avant tout les histoires des personnes
croisées sur ma route, chacune possédant une culture, un passé qui lui est propre. Autant de paires d’yeux qu’il y a de fenêtre sur le monde. J’offre aux lecteurs une porte ouverte sur ces différents mondes.
Qui sait, peut-être une petite graine germera-t-elle.

---

Après avoir exploré un continent entier, un voyageur serait en droit de se dire qu’il en a assez parcouru, qu’il est temps pour lui de se poser. Mais les choses se passent rarement ainsi. Chaque nouvelle rencontre, chaque nouvelle histoire, est une invitation pour une nouvelle aventure. Aventure qui peut mener non seulement au bout du monde, mais aussi au bout de soi-même. Jusqu’où ira cette aventure-ci ?

Dans ce deuxième livre de récits de voyage, Mathieu Surprenant recherche dans un même temps la solitude des lieux les plus sauvages, et la compagnie de personnes aux vues diverses. C’est quelque part entre les deux qu’il en apprendra un peu plus sur le monde et sur lui-même.
LangueFrançais
Date de sortie15 sept. 2023
ISBN9782897758271
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    Aperçu du livre

    D' UNE AMERIQUE A L'AUTRE ET UN CONTINENT A L'AUTRE - Mathieu Surprenant

    Faux Départ

    Douanes de Cornwall – 18 octobre

    C’est le grand jour. Aujourd’hui je traverse la frontière. Je quitte le Canada pour cette longue épopée au travers des Amériques.

    Tout est prêt, j’ai pensé à tout.

    À tout, excepté une chose : la paranoïa des Américains.

    À la frontière, je frappe un mur. Ou plutôt une douanière. On me demande de stationner mon van un peu plus loin et d’aller à l’intérieur pour être interrogé. Je me rends au comptoir pour me retrouver face à face avec une femme avec un sourire absent.

    — Où tu vas ?

    — En Floride et ensuite je descends au Mexique.

    — Où tu travailles ?

    — Je ne travaille pas pour le moment.

    — Combien d’argent tu as sur toi ?

    — Dans mes poches ? Une quinzaine de dollars je crois.

    — Alors tu ne peux pas passer.

    — Ah… Pourquoi ? répondis-je, en sentant ma gorge se nouer

    — Parce que c’est comme ça. T’as pas d’argent et t’as pas de travail.

    La douanière prend mes empreintes digitales avec une sorte de scanner installé au comptoir et me prend en photo —

    « Pourquoi vous voulez mes empreintes si je ne peux pas passer de toute façon ? — C’est la procédure. », qu’elle me répond. Puis elle m’escorte jusqu’à mon van, accompagné d’un agent de sécurité pour que je fiche le camp par où je suis venu.

    Plus tard dans l’après-midi, je repasse à la frontière avec un relevé de banque – comme preuve que j’ai de l’argent – et d’une lettre que mon ancien employeur m’a écrite en vitesse disant grosso modo que j’ai un job et qu’ils me gardent une place pour moi à mon retour dans environ un an. « Tu ne peux pas passer. — Pourquoi ? — Parce que c’est comme ça. » La même foutue douanière me remet une feuille avec les exigences demandées pour rentrer aux États-Unis. Il me faut une preuve de résidence, une preuve d’emploi, de l’argent, et même un billet d’un moyen de transport qui me ferait sortir du pays.

    Encore une fois les empreintes et la photo.

    — Pourquoi encore les empreintes, vous les avez prises ce matin ?

    Je commence à être aussi bête que mon interlocutrice.

    — C’est la procédure.

    — Mon lieu de résidence est écrit sur mon permis de conduire, ça ne suffit pas ?

    — C’est qu’une adresse postale, ça ne me prouve pas que tu y vis.

    Il faut vraiment chercher des bibittes rendu là.

    — Comment voulez-vous que je vous montre un billet de retour ? J’ai mon véhicule.

    — Ce n’est pas mon problème, si tu n’as pas tout, tu ne peux pas passer, ce sont les exigences.

    Le ton de sa voix fait paraître son impatience à me voir partir.

    — Ça n’a aucun sens, j’insiste, comment ça se fait que tous les autres véhicules qui passent en ce moment derrière moi n’ont pas besoin de ces exigences ?

    — Ce n’est pas pareil.

    Ah ben non que ce n’est pas pareil ! T’as décidé que t’aimais pas ma tête alors tu ne veux pas me laisser passer, c’est tout. Le Canada a des accords avec les États-Unis pour un libre passage mais vous inventez tellement de règles stupides et vagues pour que vous les douaniers puissiez accepter ou refuser quelqu’un selon vos humeurs, appliquant à la procédure quand ça vous chante.

    Je savais que j’aurais des obstacles à franchir durant ce voyage, que ça ne serait pas toujours facile, mais là – me faire carrément barrer à la première frontière que je passe – c’est plus que décourageant. Si je ne peux pas passer les États-Unis, tout le projet tombe à l’eau.

    Je me tourne vers la douanière, un peu désespéré :

    — Savez-vous madame que ça fait deux ans que je prépare ce voyage ?

    — Et tu crois que ton projet est réalisable ? qu’elle me répond.

    Tu crois que tu peux vivre une année avec si peu d’argent ?

    Elle ne veut absolument rien entendre. La douanière a décidé que je ne passerais pas et je ne passerai pas.

    Je suis escorté une fois de plus, suivie de l’agent de sécurité et me fais bien avertir si je reviens encore sans rencontrer les exigences, je risquais de me faire arrêter.

    ***

    Quelques jours plus tard, après avoir fait écrire une lettre qui dit que j’ai une chambre et des trucs à moi dedans, je me rends à une autre douane au sud de Montréal, devant un autre douanier.

    L’homme regarde mon passeport et fouille dans son ordinateur.

    — As-tu essayé de passer à une autre douane avant ? Qu’il me demande avant même de me questionner sur ma destination.

    — Oui, mais là j’ai tous les papiers demandés. Et si je suis à cette douane au lieu de l’autre c’est parce que j’ai passé la fin de semaine chez des amis qui habitent tout près.

    Bon, ce n’est pas tout à fait vrai, mais au moins c’est crédible.

    — Combien de temps tu comptes passer aux États-Unis ?

    — Il me faut environ 1 mois, pas plus.

    — Mais dans la lettre de ton employeur c’est écrit que tu veux passer 1 an. Tu ne peux donc pas passer, le maximum de temps permis étant 3 mois.

    Je prends une grande respiration. J’essaie de rester calme et de ne pas crier sur cet imbécile.

    Ça n’aidera pas ta cause si tu t’énerves Math.

    « Dans la lettre de mon employeur monsieur, c’est écrit que je veux passer un an en Amérique, l’Amérique n’étant pas seulement les États-Unis mais TOUTES les Amériques.

    Allez seulement regarder la carte imprimée sur mon van s’il-vous-plaît. Il n’y a pas que le Nord mais tout le continent qui est dessiné. »

    C’est ça le problème avec les Américains : ils sont persuadés que leur pays est le centre de l’univers et que tout le monde voudrait venir y vivre ou y poser une bombe. Ça les rend paranoïaques et ils s’imaginent toute sorte de complot partout.

    En plus, il y a le phénomène « Occupy Wall Street » qui a débuté il y a peu. Ils doivent avoir des consignes d’en haut qui leur recommandent de barrer toute personne louche.

    Je me tue à lui expliquer une dernière fois :

    — Écoutez monsieur, je vais visiter des amis en Floride et ensuite je me dirige au Mexique. Il ne me faut qu’un mois, je n’ai pas l’intention de travailler et encore moins de rester chez vous.

    — Bon ok, me dis le douanier visiblement convaincu. Tu peux passer, mais je te donne un mois et demi, pas plus. Si tu dépasses ton délai, tu es barré aux États-Unis pour dix ans.

    Enfin !

    — Merci monsieur, il ne me faudra pas plus de temps. Bonne journée monsieur.

    Je peux continuer. J’espère que toutes les frontières ne seront pas comme ça, sinon, je n’ai pas fini de m’obstiner.

    Histoire d’amitié

    Fort Lauderdale, États-Unis – 29 octobre

    Premier arrêt officiel de mon RoadTrip. Je rends visite à des amis rencontrés au Cambodge deux ans plus tôt : une fille de Floride et son copain Argentin. J’attends assis par terre, à l’ombre, devant l’adresse qu’on m’a donnée quand quelqu’un entre dans le stationnement. Agustín, qui attendait ma venue d’une journée à l’autre (je n’ai pas de cellulaire et notre dernière communication remonte à environ une semaine) reconnaît l’étranger qui patiente au milieu de la cour. Je m’approche de lui pendant qu’il descend de la voiture et nous nous faisons l’accolade.

    — Ça fait du bien de te revoir mon ami.

    Puis j’ajoute :

    — Mais dis-moi Agustín, j’ai mal vu sur Facebook ou vous vous êtes mariés toi et Kelly ?

    Le mariage a eu lieu cet été, en plein sur la plage.

    On monte les escaliers jusqu’au troisième étage. Le couple a un appartement dans un quartier tranquille juste à côté de la marina, avec piscine incluse à l’arrière et un canal qui longe les édifices de la rue et permet l’installation de quais pour que chacun ait son bateau.

    — Et ta femme ? Je lui demande.

    — Elle travaille.

    — Un samedi ? Elle n’est pas enseignante ?

    — La semaine oui. Mais elle travaille aussi les soirs et week-end dans un resto.

    — Et toi ? Je lui demande encore.

    — Je travaille à temps partiel dans un hôtel et j’étudie à temps plein pour devenir ambulancier.

    Il m’ouvre la porte de son appartement et me laisse entrer.

    — Ça coûte cher habiter à Fort Lauderdale.

    ***

    Je passe mes journées à aller faire un tour à la plage en vélo, à courir un peu et à dormir. Pour se rendre à la mer, il faut traverser un pont qui s’ouvre en deux pour faire passer les bateaux. Un capitaine est installé dans la tour au milieu du pont et gère le trafic. C’est dans cette tour que travaille le père de Kelly, père qui vit dans le même édifice qu’elle d’ailleurs. À chaque fois que je passe à vélo j’essaie de voir si je ne l’aperçois pas à travers les vitres.

    Le soir, je jase avec mes amis, quand ils sont là, ou je prends un verre quelque part dans un bar. Dimanche, c’est repas familial : souper à l’argentin. Beaucoup de viande, cuite sur le BBQ.

    Ce soir-là on a plus de temps pour parler de nos derniers voyages et de ceux qui s’en viennent. Je prends un petit coup avec Agustín et, étrangement, Kelly ne nous accompagne pas.

    Lundi matin, c’est déjà l’heure du départ. La semaine a passé vite. Il est temps de continuer la route. Durant les prochains jours je prévois longer le Golfe du Mexique pour me rendre jusqu’à la frontière sud. Je ferai peut-être un arrêt au Texas, afin de visiter un peu.

    Mes amis m’accompagnent jusqu’à mon van pour me dire au revoir. Ça s’éternise. Nous nous attardons tous les trois sur la carte que j’ai fait imprimer sur le côté de l’ambulance : Les 3 Amériques y sont. On passe du point de départ – le Québec – à où nous sommes en ce moment. Puis jusqu’où je compte me rendre : le bout du monde.

    Que j’en ai long à faire !

    Tout en regardant la carte, il me vient une idée. Je vais fouiller dans le van et j’en ressors avec un marqueur noir. « Laisse-moi un souvenir », je demande à Kelly en lui présentant le marqueur.

    ***

    Quelques heures plus tard, je suis de nouveau sur la route ; direction l’inconnu. Si j’avais un compagnon de voyage il se demanderait à quoi je peux penser pour sourire autant.

    Je pense à mes amis dont j’ai eu la chance de revoir une seconde fois. Les amitiés comme celles-là sont rares.

    Et je pense au message d’au revoir que Kelly m’a écrit sur mon van, tout près de ma carte. Un souvenir qui va me suivre tout au long de mon chemin.

    Je l’ignore encore, mais ce message n’est que le premier d’une série d’autres. Comme autant de nouvelles amitiés.

    Histoire de pêche

    Roca Partida, Mexique – 18 novembre

    Rendez-vous au lever du soleil sur la plage de Roca Partida.

    Petit village de pêcheur au bout d’une route perdue. Les deux pieds dans le sable, j’aide les gars à mettre la chaloupe à l’eau pour prendre la mer. La veille, j’ai demandé aux pêcheurs du village si je pouvais les accompagner pour voir comment ça se passait.

    Ils ont accepté.

    Accompagnés de trois hommes, nous nous rendons autour de petits récifs qui sortent de l’eau et un des gars me tend un bout du filet qu’il avait à la main : « Mets ça à l’eau. » Le conducteur remet l’hélice du moteur à l’eau et notre embarcation repart un peu plus loin, en laissant le piège à poisson glisser en bas de la chaloupe. Des poids sont accrochés à la partie basse et font couler le bas tandis que le haut du filet reste à la surface grâce à des flotteurs. Un régiment de goéland nous suit à distance.

    Quand le tout est enfin à l’eau, on tourne de bord et on revient au point de départ.

    Et on attend.

    Je vois à peine l’autre bout tellement le filet est long.

    La pêche ne m’a jamais beaucoup intéressé. C’est trop long, je n’ai pas la patience. Et là, dans une chaloupe avec 3 Mexicains qui ne parlent qu’espagnol, c’est doublement long. Il y a Paulo qui essaie de discuter un peu avec moi – c’est le seul dont je retiens le nom. On arrive à se comprendre un peu en se faisant des signes, ou avec des mots simples. Je me rappelle quelques trucs de mon cours d’espagnol au cégep mais c’est loin dans ma tête. Je dois trouver une façon d’apprendre plus vite sinon mon voyage va être long.

    La mer est calme, plus personne ne dit un mot. Je m’ennuie. Je regarde en direction de la côte et j’admire ses collines vertes et ses champs qui surplombent les falaises. On ne voit plus la plage d’ici, c’est trop loin. Je me tourne vers la mer : un grand horizon bleu. Je me fais bercer par les vagues.

    Finalement, pourquoi est-ce que je devrais m’ennuyer ? Je suis en train de pêcher au large du golfe du Mexique, ça n’arrive pas tous les jours.

    ***

    Au bout d’une heure ou deux – je ne suis pas certain j’ai perdu la notion du temps – le conducteur de la chaloupe indique qu’il est temps de remonter le filet. Mètre par mètre, bout de corde par bout de corde, on tire chacun une partie du piège.

    Tous en même temps pour qu’il ne s’emmêle pas. De temps en temps il y a un poisson de coincé entre les mailles. Quelqu’un le déprend et le dépose au fond de la chaloupe. Parfois le poisson est mort, ou trop petit. Il se fait renvoyer à la mer et les goélands se jettent sur le repas.

    Après une vingtaine de minutes, mes bras fatigués de tirer sur du cordage, nous terminons de remonter tout le filet. La pêche est terminée pour la journée et on s’apprête à reprendre le chemin de la plage. Je jette un coup d’œil pour la première fois au fond de la chaloupe.

    Que ça ?

    Avec un truc de cette longueur, un filet aussi grand, il n’y a pas plus de prises ? Je me serais attendu à ce que les pêcheurs du coin vivent de leur métier, qu’ils aillent vendre leurs produits dans les villages alentour. Apparemment non.

    Plus maintenant du moins.

    Il faut croire que, soit les poissons sont assez intelligents pour faire le tour du filet, soit la baie a été vidée.

    Je pencherais pour la deuxième option.

    La pêche du matin servira pour ces hommes à nourrir leur famille pour le repas du soir. Les surplus seront vendus au restaurant d’à côté.

    Dans un coin j’aperçois un poisson plus gros que les autres.

    Paulo le prend et me le tend : « Oui, il est pas mal lui, je lui fais en signe. »

    Puis je le regarde de plus près, et ouvre grand les yeux.

    — Mais c’est un requin ça !

    Un bébé requin blanc il me semble. Il fait la taille de mon avant-bras.

    — Il y a vraiment des requins blancs dans cette baie ? je lui demande.

    Paulo me confirme que oui.

    — Et les adultes ?

    J’ouvre les bras pour qu’il comprenne et il me fait signe que non, pas ici. Ensuite il me pointe la mer, plus loin.

    — Fiou ! Ça me rassure !

    Puis je réfléchis : « Et vous allez les manger les requins ? »

    Paulo hausse les épaules. Il n’a pas à en dire plus.

    « Il faut bien se nourrir. »

    ***

    De retour sur la rive. On met la chaloupe au sec et on sort les prises : Je compte trois bébés requins et quelques autres poissons de différentes espèces. Une douzaine en tout.

    J’attire l’attention de Paulo et lui pointe un requin, 27

    D’UNE AMÉRIQUE À L’AUTRE

    — Combien ça vaut ça, sur le marché ?

    — 30 pesos.

    Je reporte mon attention sur le lot ; ils doivent avoir pour 300 pesos. Environ 20 dollars canadiens. Enlève ceux qu’ils vont manger, divise ce qui reste en trois, ça ne fait pas cher de l’heure.

    ¡ Buenos días !

    San Cristóbal de las Casas, Mexique – 23 novembre Dans le centre historique de San Cristóbal de las Casas, dans le Chiapas – une amie m’a recommandé de passer par cette ancienne cité coloniale – je suis assis au pied de la grande croix de la plaza catedral et je contemple les détails des statues qui ornent la célèbre cathédrale. Les rayons du soleil se reflètent sur les murs jaunes de l’édifice dont les premières pierres furent déposées au 16e siècle et donnent un cadre encore plus impressionnant.

    À mon arrivée il y a 3 jours, j’étais assis sur la même pierre et je me suis mis à discuter avec une Suédoise qui attendait, comme moi. Sa sœur, qui vit ici depuis quelques années, est venue la rejoindre avec son copain Mexicain peu après et ils m’ont invité à venir boire un verre avec eux.

    Une Dos Equis en main une bière locale – Alejandro me parle de son travail de guide touristique et de ce qu’il y a à faire dans la région. Les aventures en forêt ne manquent pas. Je n’ai jamais connu la forêt tropicale, sauf un peu en Asie du Sud-Est.

    Celle du Mexique doit être bien différente.

    Je m’entends particulièrement bien avec Ana, celle avec qui j’avais commencé à jaser à la croix. Une étrange chimie passe entre nous deux ; malgré la communication un peu difficile car mon anglais n’est pas parfait, j’ai l’impression que nos pensées se suivent. En plus, elle est aussi intéressée que moi par la forêt.

    Nous décidons donc tous ensemble (Ana, Alejandro, Elin — la sœur d’Ana – et moi) de nous planifier une expédition dans la Selva Lacandon. Avec un bon planning, on peut se tenir occupés pour 7 jours.

    — Il suffirait, ajoute Alejandro, qu’on prépare le tout puis qu’on divise les coûts. Idéalement, pour que ça ne nous coûte pas trop cher, il faudrait avoir une ou deux autres personnes qui nous accompagnent.

    En attendant que tout soit prêt, et pour aider à planifier ce trek, le trio m’offre de venir m’installer chez eux. Tant mieux.

    J’aurai accès à une douche et j’aurai des amis avec qui jaser.

    ***

    Le matin, j’attends sur le bord de la route devant le portail de chez Alejandro, jusqu’à ce qu’un collectivo approche. Je lui fais signe pour qu’il s’arrête, il m’ouvre la porte et repart aussitôt que je suis embarqué – pas même le temps de m’asseoir.

    « ¡ Buenos días ! » les passagers me saluent à l’unisson.

    « ¡ Buenos días ! » je leur réponds.

    Nous roulons une quinzaine de minutes en arrêtant et repartant chaque fois que quelqu’un le demande, jusqu’au centre-ville.

    Arrivé à ma destination je fais signe au chauffeur, lui donne quelques pesos et le remercie.

    « ¡ Gracias ! »

    C’est génial les collectivos. Ils vont partout, et à toutes heures.

    Les vannettes blanches sont aménagées en mini-bus et transportent les passagers là où ils le veulent le long de leur tracé préétabli. Aucune station « officielle » dans la ville, exceptée la gare. Certains font le tour du centre-ville, d’autres vont dans les quartiers autour. D’autres encore attendent dans des lieux stratégiques et quand ils sont pleins ou presque ils partent vers les villes avoisinantes. Le seul hic c’est de savoir lequel va où.

    ***

    San Cristóbal de las Casas attire l’attention pour ses maisons colorées. Tout comme la cathédrale, les habitations sont peintes de couleurs vives et variées. Marcher dans les rues du centre-ville c’est comme faire les vitrines d’un magasin de bonbon. Il n’y a que les rues qui ne sont pas peintes.

    Je me demande pourquoi ils n’y n’ont pas pensé d’ailleurs.

    Dans le centre historique se trouvent boutiques et cafés. Les mamies se promènent avec des colliers à vendre pour les touristes et les enfants courent partout. Ça grouille de monde.

    Et plus on s’éloigne du centre, plus les couleurs sont ternes.

    Moins l’ambiance est vivante. Retour dans le monde normal où chacun mène sa petite vie.

    C’est dans ces rues que je marche sur le chemin du retour. Il y aurait encore le collectivo si je voulais, mais passer dans les petites rues de San Cristóbal me permet d’étudier le rythme de la ville. La routine de ses habitants : leurs coutumes et leurs habitudes. Comment ils vivent, seuls ou en société. Il y a beaucoup à apprendre des autres si on prend la peine d’observer. Et sur plusieurs points on pourrait prendre exemple sur eux.

    Par exemple, dire bonjour quand quelqu’un entre dans l’autobus. Même si c’est un étranger.

    Histoire de trek

    Selva Lacandon, Mexique – 27 novembre

    Jour du départ. En plus d’Ana, Elin, Alejandro et moi, nous avons trouvé 2 Canadiennes pour nous accompagner. Alejandro nous a monté un circuit à partir d’un tour existant dans l’agence qui l’emploie en le personnalisant selon nos goûts et intérêts.

    La première journée se passe sur la route avec un court arrêt au lac Montebello, où nous avons pu goûter aux quesadillas du coin et à leur chocolat fait maison, selon la méthode ancestrale.

    Un régal.

    Du mirador – point de vue panoramique – les nuages avalent les arbres qui eux surplombent les falaises tout autour du lac, donnant un effet de jeux d’ombres et de lumières féeriques.

    Nous poursuivons notre route à travers champs et montagnes et nous arrêtons au bord d’une rivière où nous passons la nuit, bien installés sur une plate-forme de bois surélevée pour éviter les bestioles.

    Le lendemain, nous laissons le van d’Alejandro à un de ses amis et descendons la rivière en kayak. À un endroit, notre guide pénètre dans un ruisseau étroit et nous fait progresser dans les terres jusqu’à ce que nous ne puissions plus avancer. S’en suit une courte marche dans un sentier fermé où se trouve au bout un ancien site Maya abandonné des populations locales et des touristes.

    Les blocs de pierres qui témoignent d’un endroit autrefois habité gisent un peu partout, recouverts de mousses vertes.

    Le soleil a du mal à se frayer un chemin à travers les arbres.

    Le silence règne.

    Ana s’isole à l’écart pour profiter du calme. Robin, une des Canadiennes, sort son appareil photo et tente de capturer en image les oiseaux qui volent autour tandis que j’essaie d’imaginer à quoi ressemblait ce lieu il y a plusieurs siècles.

    Tout est recouvert de plantes mis à part un amoncellement de pierre, là où reposait l’édifice principal. « Tu viens souvent ici ? » je demande à Alejandro.

    — Personne ne vient ici, qu’il me répond. Nous sommes peut-être les premiers à passer depuis 1 mois.

    Les jours suivants comprennent d’autres visites de sites Maya et des promenades dans différents lieux du parc dans lequel nous conduit Alejandro.

    Jusqu’à ce qu’on arrive au dernier jour du trek. Celui que j’attendais.

    Nous passons les 2 dernières nuits à Lacanja, un petit village au centre de la Selva et habité par un peuple de descendance Maya. Alejandro vient souvent ici pour le travail et il y connaît un peu tout le monde. Pour notre dernière journée d’aventure, Jorge est notre guide attitré : longs cheveux noirs, portant une tunique blanche comme seul vêtement et des sandales. Il nous amènera demain au cœur de la jungle, là où se cache un lac gardé par des crocodiles.

    La Laguna Carranza.

    ***

    Nous entrons dans une forêt dense et couverte de lianes et de feuilles.

    Les arbres sont immenses.

    Pendant la marche, je vois quelque chose bouger du coin de l’œil. « Oh ! Un serpent ! » Notre guide d’un jour s’arrête et se retourne un instant : « Il n’est pas dangereux, sinon je vous aurais avertis. », puis il reprend son chemin, pieds nus dans ses sandales. Nous nous arrêtons par moments pour prendre des photos ou parce qu’Ana veut connaître le nom de telle espèce de plante. Parfois c’est moi qui ralenti le groupe pour grimper à une liane plus robuste que les autres.

    En passant près d’une bute qui se démarque – le territoire étant totalement plat – je demande : « Il y a une ruine en dessous de ça ? »

    — Probablement, me répond Alejandro, visiblement aussi intrigué que moi.

    À force d’avancer je réalise que Jorge nous conduit à travers un sentier qui n’existe pas. Il n’y a tout simplement pas de route ; pas même une trace d’un passage antérieur.

    Le gars connaît sa jungle par cœur, il sait où aller et c’est tout.

    Nous passons par des flaques de boue profondes et traversons quelques ruisseaux. J’en ai eu assez d’enlever mes bottillons à tout bout de champs alors maintenant mes pieds sont mouillés en permanence et mes bottes font flip et flop à chaque pas. À une petite rivière où l’eau nous arrive aux hanches, le courant est si fort que Jorge et Alejandro doivent faire des va-et-vient pour aider les filles à traverser.

    J’ai des grafignes aux mollets à cause des arbustes et il faut faire attention où l’on met la main à cause des arbres à épines.

    Puis nous arrivons. Le lac forme un cercle parfait. Sur le bord, près d’où nous nous installons, un gros et solide arbre monte vers le ciel et quelqu’un d’assez intrépide peut y grimper pour sauter à l’eau depuis une grosse branche qui fait de l’ombre au lac.

    Pendant qu’Alejandro et les filles sortent le pique-nique et se reposent, je profite de l’eau fraîche. Jorge, lui, se tient debout sur la branche et surveille les crocodiles qui se font bronzer de l’autre côté du lac.

    C’est tu pas beau la jungle !

    Permis de conduire optionnel Région du Campeche, Mexique – 5 décembre

    D’un pays à l’autre, les façons de conduire changent. La vitesse, la signalisation, la conduite des autres. Il faut s’adapter. En 3 semaines au Mexique j’ai compris qu’il y a 2 règles à suivre si on veut rouler « sécuritairement ». La première : la priorité est à celui qui roule le plus vite. La deuxième est encore plus simple : il n’y a pas de règle.

    Partout sur les routes du pays, on retrouve des topes, ce qu’on appelle des dos-d’âne chez nous. Comme les limites de vitesse ne font ralentir personne, les topes forcent le conducteur récalcitrant à mettre le pied sur le frein, du moins quand il les voit à temps. Parce qu’il n’y a pas toujours une signalisation qui indique la présence d’un tope, et s’il y en a une on la voit souvent trop tard et on n’a pas le temps de ralentir.

    Plus d’une fois je suis arrivé trop vite sur un tope faisant bondir tout ce qui se trouve à l’arrière de mon van, lit inclus.

    Mais le comble, c’est quand ils en mettent plusieurs d’affilée.

    Tout ça pour s’assurer que si le conducteur ne ralentit pas sur le premier, il le fera forcément sur les autres.

    ***

    Je suis sur la route qui relie Escárcega et Champoton. Ne connaissant pas le coin je fais attention à ma vitesse. Il y a moins de contrôles policiers depuis que je suis dans le Campeche. Le Chiapas ayant une frontière avec le Guatemala

    – la drogue y transite pour prendre le chemin des États-Unis –

    la présence policière sur les routes est renforcée. Une voiture apparaît dans mon miroir et engage un dépassement. Un autre véhicule arrive en face de moi et je doute que le premier aura le temps retourner sur sa voie. En arrivant en ma hauteur, le premier m’envoie deux petits coups de klaxon : « Laisse-moi de l’espace s’il-te-plaît. »

    Je me tasse légèrement sur l’accotement, le véhicule d’en face fait de même sur son côté. Nous nous croisons tous à trois véhicules.

    La voiture termine son dépassement et se réinstalle dans sa voie. Deux autres petits coups de klaxon : « Merci ! »

    Facile comme ça.

    ***

    J’ignore où les Mexicains prennent leur permis de conduire, mais s’ils conduisaient au Québec comme ils conduisent ici, ils ne le garderaient pas longtemps. Et avant de le perdre ils seraient bien capables de causer un ou deux accidents. Ils doivent eux aussi connaître cette expression qui parle de trouver son permis dans une boîte de céréale.

    Mais je suis au Mexique. Et pour ne pas faire d’accident au Mexique, je dois conduire comme les Mexicains.

    Pourquoi ?

    Parce que les Mexicains ne respectent pas les règles de conduite.

    Et pour cela ils s’attendent à ce que ceux qu’ils croisent ne les respectent pas non plus. Quand j’arrive à un stop, je ne me dis pas « j’ai la priorité donc je peux passer ». Priorité ou non, il faut vérifier chacun des véhicules autours (incluant motos, vaches et charrettes) et s’assurer qu’il ne tentera pas de passer avant. J’ai l’avantage d’avoir un van imposant et les voitures que je croise évitent habituellement d’être trop agressives pour me couper le passage. Si on est 2 à s’engager en même temps, c’est celui qui arrivera trop tard qui doit s’arrêter.

    Quelqu’un qui respecte les règles de la route devient imprévisible pour les autres conducteurs parce qu’il ne fera pas ce à quoi ils s’attendent.

    Et ça, ça peut causer un accident.

    ***

    Il y a un bouchon devant moi. La file a l’air longue. Qu’est-ce qui se passe ?

    Une moto fait demi-tour devant moi et je lui fais signe.

    — C’est bloqué pour longtemps ?

    Il ne parle pas anglais. Zut ! Je m’essaie avec mon semblant d’espagnol :

    ¿ Otro camino ? (Autre chemin ?)

    Si ! Sigue me.

    Je ne suis pas certain d’avoir compris mais il a l’air de savoir par où passer. Je fais demi-tour et je suis la moto.

    J’entre, suivi par une file d’autres véhicules qui cherchent eux aussi à dévier la route barrée, dans un rang pour ensuite tourner sur un chemin de terre

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