Soigner, aimer (format poche)
Par Ouanessa Younsi et Jean Désy
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À propos de ce livre électronique
Nous sommes encore des humains.
Le poète Jean Désy dit dans sa préface: «Sans amour pour l’autre, pas de soin véritable». Et quand Ouanessa Younsi parle de soin, bien sûr, elle considère l’être tout entier, le soma et la psyché réunis, donc l’âme. C’est probablement pourquoi elle écrit : « Face aux désordres de l’âme, j’ai l’intuition qu’il faut plus d’âme encore ». Ce qui fait que les textes de Soigner, aimer sont eux-mêmes remplis d’âme, l’autrice y dévoilant avec une langue toute poétique certains traits des âmes les plus souffrantes qu’elle a croisées.
Ouanessa Younsi
Née en 1984, Ouanessa Younsi est poète, autrice et médecin psychiatre. Elle a publié cinq recueils de poésie chez Mémoire d’encrier : Prendre langue, Emprunter aux oiseaux, Métissée, Nous ne sommes pas des fées (coécrit avec Louise Dupré) et Quand je vis. Elle a également codirigé le livre collectif Femmes rapaillées. Elle a aussi publié un essai qui retrace son parcours comme soignante : Soigner, aimer, maintenant disponible dans la collection de poche Legba.
En savoir plus sur Ouanessa Younsi
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Avis sur Soigner, aimer (format poche)
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Aperçu du livre
Soigner, aimer (format poche) - Ouanessa Younsi
Prologue
Soigner, aimer retrace mon parcours comme soignante. Certains textes ont été composés lors de ma formation. D’autres, à mes débuts comme médecin psychiatre à Sept-Îles, puis à Montréal. Certains abordent le soin d’autrui. D’autres, de soi et des Autres en soi. Tous font le pari d’une prose poétique pour dire la souffrance, la compassion.
Ma pensée et ma pratique ont évolué, mais il faut croire au passé : nous n’avons que lui. À ce stade de mon métier, je me fie à l’essentiel : soigner est une variation du verbe aimer. Il faut aimer nos patients. On espère d’un chirurgien qu’il opère bien. Jusqu’à ce qu’un robot le remplace. Du psychiatre, on attend savoir et écoute. Une machine peut prescrire des pilules mieux que lui, mais ne peut aimer mieux que lui. La médecine exige techniques et connaissances, mais cela ne suffit pas, particulièrement en psychiatrie, où la relation est le cœur et le nœud. Nous sommes encore des humains.
Soigner est ardu et nécessite la capacité de poser des limites, tout en validant la souffrance du patient. Aimer, c’est aussi dire non, en maintenant le lien et la présence, même si le patient ne nous aime pas en retour. Surtout si le patient ne nous aime pas en retour. Nous ne soignons pas pour être aimés. Le psychiatre doit travailler cela. Autrement il peut nuire, en traitant son impuissance ou son amour-propre au détriment du patient.
Il y a malaise dans la civilisation psychiatrique. De multiples difficultés psychologiques et sociales secouent le monde. Ces problèmes ne relèvent généralement pas de la psychiatrie, ou si peu. La frontière entre le normal et le pathologique est de plus en plus poreuse. La médecine investit la souffrance psychologique et sociale. Les attentes sont nombreuses. La psychiatrie reste aidante et efficace lorsqu’elle se connaît elle-même et investit son domaine, les maladies psychiatriques. Un philosophe et historien de la médecine, Mirko D. Grmek, soulignait cet enjeu : d’un côté, avec le développement de la science, le champ de la psychiatrie perd des diagnostics au profit de la médecine physique, comme la neurosyphilis. De l’autre côté, le terrain de la psychiatrie gruge celui de la normalité. La médecine est parfois aussi démunie que les patients. Il devient urgent que la psychothérapie soit davantage accessible et que nous nous interrogions, collectivement, sur les raisons de nos souffrances. La psychiatrie, elle, continuera de faire ce qu’elle fait le mieux : traiter les maladies psychiatriques. La question du normal et du pathologique s’avère fondamentale. La souffrance est trop importante pour être laissée aux mains des seuls médecins. Soigner transcende le système de santé. Les aidantes et aidants naturels, en majorité des femmes, sont d’incroyables soignantes et soignants. Leur rôle n’est pas suffisamment reconnu et soutenu.
Soigner demande humilité. La relation thérapeutique est inégale. L’humilité équilibre le lien. Permet la compassion et non la pitié. Rappelle que le patient pourrait être moi, que peu me distingue de lui. L’excès d’argent et de pouvoir nuit à cette posture humble, en plus de creuser les inégalités socioéconomiques, qui sont un déterminant majeur de la santé d’une population.
Soigner, aimer n’existerait pas sans mes patients ; je n’existerais pas comme psychiatre sans eux. Ils m’ont presque tout appris. Je les en remercie. Ils sont, avec mes amies et amis poètes, les personnes que j’admire le plus.
L’amour, c’est les autres
Je n’avais pourtant fait que jouer, comme elle-même me l’avait enseigné, comme mémère aussi un jour avait joué avec moi… comme nous jouons tous peut-être, les uns avec les autres, à travers la vie, à tâcher de nous rencontrer…
Gabrielle Roy, La Route d’Altamont
Réparer (les îles)
Sept-Îles
m’illumine de café noir.
Usines. Mines. Port. Entrepôts. Et le boulevard principal, Laure : artère gonflée comme un homme à l’hélium et aux stéroïdes, les pecs taillés dans le fer local. S’y déroulent des courses de monster car tous les jours de tous les ans. Je rigole des heures en accolant le prénom « Laure » à la réalité qu’il désigne, sans réussir à masquer l’angoisse de commencer ma profession. Après dix années d’études à lire le pire, je rencontre tout.
Le logement
mime le maritime.
Rosiers. Élymes des sables. Varech. Maison peuplée de vitres que je jette sur mes épaules, des couvertures. L’embrun colle à l’erreur des reins. Je prends possession de la chambre qui devient mienne. Point de départ pour cueillir bleuets, matsutake, aurores boréales et déprimés. Je range mes oranges dans la corbeille. Mon shampoing et ma vessie dans la salle de bain. Je m’accoutume aux lieux et aux caillots. Je ne dors pas. Fascinée par les peintures et les photos de cette autre famille que la mienne qui ornent les murs. Enfants aux cheveux blonds et bruns tournoyant dans le lait au chocolat. Enfants que j’aurais si je ne les écrivais pas.
Le soleil
m’escrime.
Des hélianthes par milliers hachent mes hanches. Humilient les rideaux. Je me lève à l’heure indécente où la moitié de la planète vaque à ses occupations tandis que l’autre se blottit dans des draps. À Sept-Îles, je participe à l’hémisphère Sud. J’enfourche mon vélo. Emprunte le vent contraire jusqu’à l’hôpital. Me remémore ce chemin de graines rouges dévalé il y a deux ans, alors que j’étais en stage ici. J’oublie que j’oublie ma vie. Tout passe simple.
L’hôpital
unanime à durer.
Architecture des années soixante : amalgame de tôle et de béton qui suggère l’ancienne Urss. Immense cube relié à un autre cube par une passerelle de vaisseau spatial. Dans ces deux contenants s’agitent médecins, infirmières, préposés, bénévoles, téléphonistes, commis, cuisiniers et patients, aux ordres du chaos.
L’urgence
intime : « survis ! ».
Chaque jeudi, un vieillard aux habitudes tordues avale des seringues. Mon amie urgentologue lui a sauvé la vie au moins dix fois. Sans compter tous les autres médecins et chirurgiens qui l’ont rescapé de la rupture œsophagienne. Médecins abonnés aux comment : intuber, opérer, disséquer, enlever. Je ne pense qu’aux pourquoi. Pourquoi des seringues et non des lames de rasoir ou des aspirateurs ou des baguettes chinoises ? Pourquoi un homme s’abonne-t-il aux seringues ? Pourquoi s’abonne-t-on tous à quelque chose ? Je demande répit aux objets.
L’aile psychiatrique
estime la liberté et les cafés Tim Hortons.
Hôpital dans l’hôpital. L’administration croit que la folie se propage comme la rougeole. Rien ne change. L’unité se tient sur la pointe des pieds. Surtout ne pas provoquer la mer qui souffle des nuages sur sa nuque. Certains patients sont là depuis deux ans. Je les reconnais à leurs visages : grèges, habitués des néons, plus proches du carrelage dont ils adoptent reliefs et reflets. En hébergement, faute de mieux et de pire. Ou en détention à l’hôpital. Ennui des pas qui foulent les mêmes couloirs, le même papier peint vert olive, la même odeur de renfermé, la même saison.
Luc
imprime son absence.
Je ne l’aperçois pas. Celui qui ne parle jamais. Hormis quelques rares onomatopées. Voire un monosyllabe, si on est chanceux, ou patient. Avec lui, je mourrais pour un oui ou un non. Je n’ai jamais pris autant de temps avec un patient. Tous ignorent pourquoi il ne parle pas. La moitié du personnel soutient qu’il est catatonique. L’autre, qu’il a été abusé dans son enfance. J’ai décidé d’abandonner le pourquoi. D’être là, simplement. De l’écouter se taire. L’envie me démange parfois de lui
