Poèmes (nouvelle série): Les soirs, Les débacles, Les flambeaux noirs
Par Emile Verhaeren
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Poèmes (nouvelle série) - Emile Verhaeren
Emile Verhaeren
Poèmes (nouvelle série): Les soirs, Les débacles, Les flambeaux noirs
EAN 8596547445517
DigiCat, 2022
Contact: DigiCat@okpublishing.info
Table des matières
POÈMES
Par
ÉMILE VERHAEREN
LES SOIRS
LES DÉBÂCLES
LES FLAMBEAUX NOIRS
POÈMES
Table des matières
Par
Table des matières
ÉMILE VERHAEREN
Table des matières
(Nouvelle Série)
LES SOIRS, LES DÉBÂCLES, LES FLAMBEAUX NOIRS
PARIS
SOCIÉTÉ DU MERCURE DE FRANCE
XV, RUE DE L'ÉCHAUDÉ-SAINT-GERMAIN, XV
DCCC XCVI
LES SOIRS
Table des matières
1887
A GEORGES RODENBACH
LES MALADES
Blafards et seuls, ils sont, les sceptiques malades,
Aigus de tous leurs maux. Ils regardent le soir
Se faire dans leur chambre et grandir les façades.
Une église près d'eux lève son clocher noir.
Heure morte, là-bas, quelque part, en province,
En une ville éteinte, au fond d'un coin désert,
Où s'endeuillent des murs et des porches, dont grince
Le gond monumental, ainsi qu'un poing de fer.
Blafards et seuls, les malades hiératiques,
Pareils à de vieux loups litornes, fixent la mort;
Ils ont mâché la vie et ses jours identiques
Et ses mois et ses ans et leur haine et leur sort.
Mais aujourd'hui, serrés dans le pâle cynisme
De leur dégoût, ils ont l'esprit inquiété:
« Si le bonheur règnait dans ce mille égoïsme,
« Souffrir pour soi, tout seul, mais par sa volonté?
« Ils ont banalement aimé comme les autres
« Les autres; ils ont cru benoîtement aux deuils,
« A la souffrance, des gestes prêcheurs d'apôtres;
« Imbéciles, ils ont eu peur de leurs orgueils.
« Ils discutent combien la cruauté rapproche
« Mieux que l'amour; combien ils se sont abusés
« A pavoiser l'ingratitude et le reproche;
« Combien de pleurs, pour quelques yeux qu'ils ont baisés!
« Vides, les îles d'or, là-bas, dans l'or des brumes,
« Où les rêves assis sous leur manteau vermeil,
« Avec de longs doigts d'or effeuillaient aux écumes,
« Les ors silencieux qui pleuvaient du soleil.
« Cassés, les mâts d'orgueil, flasques, les grandes voiles!
« Laissez la barque aller et s'éteindre les ports;
« Les phares ne tendront plus vers les grandes étoiles,
« Leurs bras immensément en feu—les feux sont morts! »
Blafards et seuls, les malades hiératiques,
Pareils à de vieux loups mornes, fixent la mort;
Ils ont mâché la vie et ses jours identiques
Et ses mois et ses ans et leur haine et leur sort.
Et maintenant, leur corps?—cage d'os pour les fièvres
Et leurs ongles de bois heurtant leurs fronts ardents,
Et leur hargne des yeux et leur minceur de lèvres
Et comme un sable amer, toujours, entre leurs dents.
Et le regret les prend et le désir posthume:
« De s'en aller revivre en un monde nouveau
« Dont le couchant, pareil à un trépied qui fume,
« Dresse le Dieu d'ébène ci d'os en leur cerveau.
« Là-bas, en des lointains d'hystérie et de flamme
« Et d'écume livide et de rauque fureur,
« l'on peut abolir férocement son âme,
« Férocement joyeux, son âme et tout son cœur. »
Blafards et seuls, ils sont les tragiques malades
Aigus de tous leurs maux. Ils regardent les feux
Mourir parmi la ville et les pâles façades
Comme de grands linceuls venir au devant d'eux.
I
DÉCORS LIMINAIRES
LES COMPLAINTES
Les complaintes qu'on va chantant par la grand'route,
Avec leurs vieux refrains de banal désespoir,
Avec leurs mots en panne et leur rythme en déroute
Sont plus tristes encor, les dimanches, le soir,
Dans le silence éteint des tons et des lumières.
Le village s'endort. La cloche des saluts
Tinte minablement sa plainte et les chaumières
Qu'on ferme, et les verrous et les seuils vermoulus
Poussent des cris souffrants, comme des voix humaines.
Parfois, dans les vergers, un très doux meuglement
Ou quelque bruit d'étable et de chenil. Les plaines
Se remplissent de nuit et de tressaillement.
Personne. A l'horizon, rien que la solitude
Et des nuages longs qui voyagent, par tas.
Et dans cet infini d'ombre et de lassitude
Et dans cette douleur des campagnes, là-bas,
Les complaintes qu'on va chantant par la grand'route
Avec leurs vieux refrains de banal désespoir,
Avec leurs mots en panne et leur rythme en déroute,
Meurent en cette mort de dimanche et de soir.
HUMANITÉ
Les soirs crucifiés sur l'horizon, les soirs