Découvrez des millions d'e-books, de livres audio et bien plus encore avec un essai gratuit

Seulement $11.99/mois après la période d'essai. Annulez à tout moment.

Lettres à la Princesse
Lettres à la Princesse
Lettres à la Princesse
Livre électronique324 pages2 heures

Lettres à la Princesse

Évaluation : 0 sur 5 étoiles

()

Lire l'aperçu

À propos de ce livre électronique

DigiCat vous présente cette édition spéciale de «Lettres à la Princesse», de Charles-Augustin Sainte-Beuve. Pour notre maison d'édition, chaque trace écrite appartient au patrimoine de l'humanité. Tous les livres DigiCat ont été soigneusement reproduits, puis réédités dans un nouveau format moderne. Les ouvrages vous sont proposés sous forme imprimée et sous forme électronique. DigiCat espère que vous accorderez à cette oeuvre la reconnaissance et l'enthousiasme qu'elle mérite en tant que classique de la littérature mondiale.
LangueFrançais
ÉditeurDigiCat
Date de sortie6 déc. 2022
ISBN8596547435273
Lettres à la Princesse

En savoir plus sur Charles Augustin Sainte Beuve

Auteurs associés

Lié à Lettres à la Princesse

Livres électroniques liés

Classiques pour vous

Voir plus

Articles associés

Catégories liées

Avis sur Lettres à la Princesse

Évaluation : 0 sur 5 étoiles
0 évaluation

0 notation0 avis

Qu'avez-vous pensé ?

Appuyer pour évaluer

L'avis doit comporter au moins 10 mots

    Aperçu du livre

    Lettres à la Princesse - Charles Augustin Sainte-Beuve

    Charles-Augustin Sainte-Beuve

    Lettres à la Princesse

    EAN 8596547435273

    DigiCat, 2022

    Contact: DigiCat@okpublishing.info

    Table des matières

    LX VI

    LXXIII

    LXXXIV

    CXX

    CLIII

    CCVIII

    CCIX

    CCXXXIII

    I

    Ce jeudi20juin (1861).

    Princesse,

    Je suis touché comme je le dois du si aimable témoignage de souvenir dont vous m’honorez. Non, en effet, on ne vit plus à Paris; c’est ailleurs qu’on respire: heureux les ombrages où l’on rêve! Je suivrai samedi les indications que vous daignez me donner;

    Et je mets aux pieds de Votre Altesse impé riale l’expression de mes plus respectueux hom mages.

    II

    Ce16novembre1861.

    Non, Princèsse, ce n’est jamais moi qui me permettrai des remontrances; mais vous nous mettez à l’aise, vous nous permettez de penser tout haut devant vous, et c’est un de vos charmes; ne vous étonnez pas si nous en profitons.

    Je ne sais si je me serais jamais entendu à la politique; mais je m’en suis toujours trop peu occupé, et d’une manière trop peu suivie, pour me flatter d’avoir un avis tout à fait sérieux. Je ne sens que comme tout le monde, comme le gros des gens. Eh bien, c’est ainsi que j’ai pris le grand acte d’avant-hier. Est-ce très-sage et très-prudent par rapport à un avenir éloigné? Ne pouvait-on faire autrement? moins accorder,–faire moins belle part à celui qui rentre, etc., etc.? Ce n’est pas là ce qui me frappe.–L’empereur y gagne-t-il dans l’opinion? Cette surprise annuelle, qu’il nous fait après tant d’autres qui étaient quelquefois libérales, toujours nationales, est-elle digne des précédentes? est-elle propre à aller au cœur de quelques-uns de ceux que les précédentes n’avaient pas suffisamment touchés? Cela est-il de nature à lui gagner, à lui concilier de plus en plus à lui, à son régime et à sa tige, les esprits français qui se laissent prendre à la façon autant qu’au fond?

    Ce sont là, Princesse, les seules questions que je me suis posées et qui se sont résolues d’elles-mêmes dans mon esprit, qui est assez peuple et qui y va d’instinct. Le reste est affaire aux hommes d’État. Ils en ont le profit: qu ils en aient la peine.

    Mais je crois, en vérité, que je disserte, et je ne voulais, Princesse, qu’avoir l’honneur de vous remercier de votre gracieuse pensée, et me redire, de Votre Altesse impériale, le plus reconnaissant et dévoué serviteur.

    III

    Ce25novembre.

    Vous avez raison, Princesse, les belles natures et franches du collier font ce qu’elles doivent sans tant de façon, et sans tous ces corsets de fer et ces cilices. Aussi j’espère que ma conclusion finale ne différera pas tant de l’impression vive que vous exprimez. Mais nous sommes de pauvres écrivains, et il nous faut faire le grand tour et toutes sortes de circuits avant d’arriver à oui ou à non. Je ne me plains pas de ces détours, puisqu’ils m’ont conduit à rencontrer les indulgences de Votre Altesse impériale, et ses contradictions mêmes qui sont une bonne grâce de plus.

    Je mets à vos pieds, Princesse, l’expression de mes dévoués respects.

    IV

    Ce16janvier (1862).

    Princesse,

    J’avais bien compté avoir, hier soir, l’honneur d’aller vous remercier d’une si aimable attention. J’ai été retenu malgré moi, et je neveux plus tarder à vous dire que je profiterai samedi de cette faveur.

    Daignez agréer, Princesse, l’expression de . mon respectueux dévouement.

    V

    Ce mercredi2juillet.

    Princesse,

    J’ai un bien grand regret, et surtout à cause du motif. Mais c’est une faveur dont je ne puis plus être dépossédé, maintenant qu’elle m’a été promise.

    Demain jeudi est notre jour de séance solennelle: j’ai un plaisir tout particulier (et sans épigramme aucune contre l’Académie) à la sacrifier et à la mettre à vos pieds.–Je ne sortirai pas de l’après-midi.

    Le portrait est copié au net, et il attend de pied ferme la confrontation, non sans un petit battement de cœur: mais les héros cachent cela, et on n’en est pas moins brave.

    Veuillez agréer, Princesse, l’expression de mes plus respectueux hommages.

    VI

    Ce8juillet1862.

    Princesse,

    Le voilà donc ce charmant portrait, fait d’un seul jet. On avait bien raison de m’en donner le désir. Je n’ose parler de ma reconnaissance; elle serait trop impossible à exprimer. J’aime mieux m’oublier pour ne voir que le crayon. Et vous ne direz plus maintenant que vous n’avez pas de nuances! Il me semble qu’il y en a. Pas une tache d’encre, est bien joli. Et cette passion dont il faut un peu pour être impartial et juste! Voilà comme vous devriez écrire toutes les fois que le cœur vous en dit et sur tout ce qui vous reviendrait de vos impressions, de vos souvenirs, –écrire à bâtons rompus, sans ’autre souci que de fixer une vivacité d’impression actuelle, un retour rapide vers le passé. Au bout de quelques mois, de quelques années, cela se trouverait bien curieux. Il y aurait là aussi un album à parcourir.–Mais de quoi me mêlai-je de paraître donner des conseils quand je ne dois que remercier, être reconnaissant, et graver cette date précieuse qui résume pour moi tant de bontés gracieuses et d’indulgence? Vous-même vous venez de la graver en lettres ineffaçables.

    Cette semaine ne se passera pas que je n’aie l’honneur, Princesse., d’aller porter à vos pieds mes respects.

    VII

    Ce1er août1862(vendredi).

    Comment, Princesse, oserai-je mettre mes pieds sur ces magnificences dignes de Perse ou de Turquie et qui ont passé par vos mains? Mes yeux du moins s’y reposeront avec reconnaissance et douceur.

    Je sais trop bien que la semaine avance et que je n’ai pas eu mon bon jour. J’ai été extrêmement abattu par la chaleur. Si je le puis, je me permettrai d’arriver demain vers sept heures; si je n’arrivais pas, c’est que je serais plus fatigué encore que je ne le suis aujourd’hui.

    La conclusion de M. Renan est, en effet, fort belle et fort élevée. Avez-vous lu toute la brochureou seulement la citation des Débats? Je porterai à fout hasard la brochure elle-même. –Mais il est résulté de ce retard et de ce tâton nement à lui faire reprendre son cours, qu’il en –a pris acte devant le public, pour planter son drapeau plus ferme que jamais. Que va dire le ministre de l’instruction publique?–C’est de ce côté qu’on n’a pas de drapeau.

    Agréez, Princesse, avec mes vives reconnaissances, l’expression de mes sentiments les plus dévoués et respectueux.

    VIII

    Ce4août.

    Princesse,

    Je me suis empressé de m’acquitter de ma commission auprès de M. Renan, lequel, étant à Paris, me répond qu’il ne manquera pas de se rendre à l’aimable invitation de Votre Altesse impériale pour jeudi prochain.

    Nous ferons route ensemble et partirons de Paris, probablement par le train de six heures pour arriver à six heures et demie.

    Vous voyez, Princesse, que je suis un secrétaire des commandements très-exact et très-précis, mais je profite surtout de l’occasion pour me redire le plus reconnaissant et le plus respectueusement dévoué de vos serviteurs.

    IX

    Ce22, mardi.

    Princesse,

    Je n’ai garde d’oublier mon jour de fête. Comme j’ai repris mon collier de semaine, je suis obligé de calculer. Demain mercredi sera un jour excellent pour moi. Mais, comme je ne suis pas très-sûr de l’heure où je prends le convoi et comme tout est si facile quand on va chez vous, Princesse, ne prenez pas le soin d’envoyer. Vous avez conquis M. Renan; il le disait autrement que Gavarni, mais il pensait de même. Il me semble que la petite conférence sur les Évangiles était fort nette et intéressante: il est du petit nombre des Français qui savent ce qu’on découvre ailleurs et qui, en le sachant, le perfectionnent.

    Daignez agréer, Princesse, l’expression de mon dévouement respectueux.

    X

    Paris, ce15septembre1862.

    Princesse,

    Vous êtes bonne comme je l’espérais en me faisant l’honneur de me donner de vos nouvelles et en me permettant ainsi de causer de loin, cé qui n’est pas tout à fait un dédommagement de ne pouvoir vous entendre de près. Je ne veux pas d’un vilain mot que j’ose rayer dans cette lettre tout aimable, c’est celui de démonstration de sympathie: cela mérite mieux et doit se nommer d’un tout autre nom. Mais laissons les noms, et je vois avec reconnaissance et bonheur que vous avez confiance aux choses. Ma vie est si assujettie, mon lendemain est si court, mon présent est si chargé que je n’ose arrêter ma pensée et la laisser errer à son gré sur ce qui en d’autres temps eût fait pour elle un long sujet de rêverie et de douceur habituelle. Mais je fais quelque chose de plus simple et de plus à ma portée, j’en jouis tant que je le peux en réalité, en vous voyant et en m’accoutumant à ce que je me permets tout bonnement de trouver aimable et plein de charme.

    J’ai bien pensé à ce départ qui, ce me semble, a tardé d’une couple de jours et dont il m’était venu un bruit vague qu’il pourrait bien tarder davantage. Malgré le plaisir qu’on aurait eu à vous garder, Princesse, je craignais pourtant qu’il n’en fût ainsi; et, en effet, il eût paru que c’eût été de bien mauvais augure pour la cause que nous aimons, que l’Italie ne vous vît pas cette année.–Cette Suisse que j’ai habitée et que j’ai appréciée alors, a fort changé en effet depuis, et l’écume démocratique est de tout temps fort grossière, et là un peu plus qu’ailleurs.– M. Brenier, qui n’est pas Suisse du tout et qui me paraît le plus poli des gros hommes, laisse prendre bien aisément son nom: je lis ce journal qui m’impatiente; mais ce qui me frappe, c’est qu’on le laisse chaque jour élever commodément sa tour d’attaque contre la place où l’on est: la tour est déjà à la hauteur des remparts; il part de là des projectiles ennemis; et pas un mot, pas un signe du Moniteur n’a remis à leur place les impertinents et les outrecuidants. Je crains toujours qu’ils n’aient des intelligences au dedans. L’opinion du public en est toute déroutée. Triste! triste! s’écrie quelque part un personnage de Musset, un abbé, qu’il m’a dit un jour n’être autre que moi-même.

    M. Thiers m’est venu voir à l’un de ses passages à Paris: il m’a parlé de vous, Princesse; il vous savait un peu sévère, mais il vous aime toujours. Je crois que le mot d’infortuné, qui est, en effet, tout ce que vous dites et de plus une faute de ton, disparaîtra à une seconde édition.

    Ce que vous me dites d’Auguste Barbier est bien fait pour m’étonner, et je ne doute pas, Princesse, que vous n’ayez eu affaire là à un de ces hommes qui se donnent pour ce qu’ils ne sont pas. Auguste Barbier, le vrai, l’auteur des Iambes, est un petit homme court et gros, très-myope, très-bien mis habituellement, fils de notaire et par conséquent riche ou très à l’aise, ayant passé l’âge des folies et n’en ayant jamais fait, même en temps utile; tout occupé d’art, de lecture, n’ayant jamais retrouvé la belle veine qu’il n’a rencontrée qu’une fois; poëte de hasard, mais poëte: enfin, je le sais digne de caractère, et, quoique depuis des années ses yeux myopes l’empèchent régulièrement de me reconnaître quand il me rencontre, et qu’il ne me rende jamais mon salut, je n’ai pas cessé de l’estimer et de le considérer comme des plus honorables. Ainsi ce sera un faux Auguste Barbier qui aura profité de l’équivoque du nom pour escroquer à Son Altesse impériale un de ses bienfaits.–On pourra éclaircir la chose si elle vous paraît, Princesse, en mériter la peine.

    J’ai envie, à l’un de mes prochains lundis, de m’occuper de M. de Cavour, à l’occasion de volumes qui ont été publiés sur lui. J’ai fait demander à M. Nigra d’en causer auparavant avec lui pour être dans le vrai du ton. Ce sera une manière d’exprimer à côté de la politique, mais d’un accent bien senti, ce que nous pensons.

    Écrivez-vous vous-même, Princesse? Avez-vous emporté avec vous ce petit cahier où vous jetez vos souvenirs comme ils viennent, et où vous pourrez plus d’une fois soulager votre âme quand vous la sentirez oppressée de quelque énormité trop odieuse dans le présent? Il n’était que de commencer, et le plus fort est fait. Le fil se dévidera de lui-même.

    Je suis bien languissant d’idées et bien nul de nouvelles: j’en voudrais avoir d’un peu vives et amusantes à vous raconter. Mais que puis-je en pareille matière? Je ne puis, Princesse, que vous offrir des sentiments de reconnaissance, d’affection fidèle et de désir que ces deux mois d’Italie soient pour vous aussi remplis et aussi agréables qu’ils sont vides pour nous.

    Daignez agréer, Princesse, l’expression bien sincère de mon respectueux attachement.

    J’envoie à l’heureuse colonie impériale de Belgirate une poignée de souvenirs.

    XI

    Ce23septembre1862.

    Princesse,

    Je comprends trop bien les sentiments que vous exprimez pour les combattre. Oui, après la première curiosité et inquiétude qui nous porte à courir en tous sens et à chercher, je ne conçois plus rien que la stabilité, l’habitude, l’activité d’esprit et de cœur dans un rayon connu, dans un cercle d’où la variété n’est point exclue, mais qu’on franchit à peine. Lamartine a fait ce beau et doux vers:

    Le jour semblable au jour, lié par l’habitude!

    Ce n’est point monotonie ni paresse, c’est fidélité, c’est besoin de s’attacher, ’de mieux posséder ce qu’on a et d’approfondir.–Aussi, Princesse, ennuyez-vous un peu là bas,–pas trop, mais un peu, ce n’est pas un mal; personne d’ici ni de nous autres ne vous en blâmera ni ne se permettra de vous en gronder; et après la dette payée au beau ciel, au beau lac et au cœur aussi de cette noble Italie, revenez-nous plus Française, plus Parisienne et plus Gratianaise que jamais.

    –Quoique j’aie pour habitude de ne guère m’occuper des choses que je ne puis savoir qu’à peu près et où je ne puis rien, cette politique me saisit souvent malgré moi, et j’y rêve ou j’en raisonne. Il me paraît certain que le chef n’est pas fâché qu’on déraisonne en tous sens à ce sujet dans la presse: il a semblé indiquer plus d’une fois, m’a-t-on dit, à ceux qui lui touchent un mot de ces choses, qu’il n’était pas fâché que l’opinion cléricale fût représentée par un journal dans cette question. Il a dit un jour à M. de Persigny, au sujet de la fondation du journal en question et de celui qui le voulait fonder: «Il faut l’accorder; ce sera bientôt un journal clérical,... et puis, c’est un misérable... il a besoin d’argent.» C’était

    Vous aimez cet aperçu ?
    Page 1 sur 1