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Des nouvelles de maman
Des nouvelles de maman
Des nouvelles de maman
Livre électronique340 pages4 heures

Des nouvelles de maman

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À propos de ce livre électronique

Un recueil-souvenir magnifique pour rendre gloire a toutes les mamans!
À l’occasion du 40e anniversaire de Guy Saint-Jean Éditeur, douze auteures québécoises de la maison rendent un hommage vibrant à toutes les femmes, fictives ou réelles, qui inspirent, aiment, prennent soin des enfants et des petits-enfants et donnent le meilleur d’elles-mêmes tout au long de leur vie.

Un livre aussi doux que le plus doux des câlins d’une maman, signé par des auteures qu’on connaît, qu’on aime et qu’on suit fidèlement ! Chacune, avec sa voix particulière, nous fait réaliser à quel point elles sont précieuses, nos mères, et combien leur amour est durable et sans condition.
Ne méritent-elles pas d’être gâtées, ces femmes merveilleuses, et cette année plus que jamais ?




Carmen Belzile ♥ Anne-Marie Desbiens ♥ Sergine Desjardins
Danielle Goyette ♥ Marie Gray ♥ Mélanie L’Hérault
Dominique Lavallée ♥ France Lorrain ♥ Colette Major-McGraw
Stéphanie Martin ♥ Mylène Moisan ♥ Louise Tremblay d’Essiambre

Avec un texte inédit de Claudette Dion
LangueFrançais
Date de sortie28 avr. 2021
ISBN9782897589073
Des nouvelles de maman
Auteur

Carmen Belzile

Carmen Belzile est née à Trois-Pistoles et a grandi au bord du Saint-Laurent, à Baie-Comeau. Vingt-cinq ans sur la Côte-Nord et une carrière bien remplie dans le Réseau de la santé et des services sociaux en Montérégie plus tard, elle décide de s’installer à Granby afin d’être près de sa famille. Elle a publié La Maison aux lilas (Éditions JCL), en 2012; ses romans sont imprégnés de réalisme et d’humanité.

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    Aperçu du livre

    Des nouvelles de maman - Carmen Belzile

    Maman

    Maman de quel pays tu viens

    Quand tu nous parles de guerre, comme si tu l’avais vécue

    Quand tu nous dis de sortir notre courage et ranger les armes

    Tu nous dis d’ouvrir les bras, si on veut parler avec son cœur

    Tu nous dis de pardonner les erreurs, si on veut voir entrer le bonheur

    Maman de quel pays tu viens

    Pour avoir appris à cultiver la terre, à conduire les chevaux

    Pour avoir appris à regarder autour de toi tout ce qui est bon et beau

    Pour avoir appris à nourrir, à réchauffer, à soigner

    Pour avoir appris de tes mains habiles à fabriquer le confort

    Maman de quel pays tu viens

    Pour avoir appris si rapidement

    Comment aimer et redonner aux autres sans compter

    Comment écouter petits et grands le jour comme la nuit

    Maman

    Comment on fait pour continuer quand le cœur est en deuil

    Comment parler à l’âme, comment rester vivant

    Maman de quel pays tu viens

    Pour connaître si bien les enfants, même ceux qui ne parlent pas

    Ceux qui n’entendent pas, tous les mal nourris, les mal-aimés

    Et tous ceux qui vivent des moments de détresse

    Maman de quel pays tu viens

    Pour avoir voulu autant d’enfants

    Je sais que tu leur as tout donné, tout appris, et en prime

    Tu leur as aussi appris à chanter, à danser, à semer et s’aimer

    Quel cadeau, quel don de soi et tout ça sans être payée

    Ta richesse est en toi et inestimable

    Maman

    Ne quitte jamais ton pays

    Ne quitte jamais tes terres

    Ne quitte jamais ta folie

    Parce que ton pays est un coin de paradis

    Où je voudrais y retourner et revivre avec toi

    P.S. Quand on faisait la vaisselle, tu nous disais que pour bien

    s’entendre, il faut chanter, danser et pardonner.

    Je m’ennuie de ça…

    Je t’aime

    Claudette xxx

    Nos auteures

    Carmen Belzile

    Éducatrice spécialisée, puis travailleuse sociale maintenant retraitée, Carmen Belzile aime créer des personnages attachants, en pleine reconstruction après une épreuve ou tout simplement en quête d’eux-mêmes. Privilégiant l’introspection, elle prend plaisir à nous faire découvrir certaines facettes de la psyché humaine. L’écriture lui permet également de mettre en scène des coins du Québec qu’elle affectionne particulièrement. On dit de ses romans que ce sont des histoires qui font du bien. Originaire de Trois-Pistoles, elle a vécu 25 ans sur la Côte-Nord, travaillé en Estrie et habite maintenant à Québec.

    Anne-Marie Desbiens

    Après des études à l’École nationale de théâtre du Canada, Anne-Marie Desbiens se consacre au théâtre pendant 20 ans tout en écrivant plusieurs textes et nouvelles dont l’une a été sélectionnée et publiée pour le Prix du récit – Prix littéraires de Radio-Canada. À part faire entrer et sortir le chat, elle partage son temps entre l’écriture et son travail de conceptrice-rédactrice. Elle vit à Dunham dans les Cantons-de-l’Est.

    Denis Desrosiers (C. Belzile), Julie Beauchemin (A.-M. Desbiens), Mélanie Lebel-Potter (S. Desjardins)

    Sergine Desjardins

    Originaire du Cap-à-la-Baleine, Sergine Desjardins a été secrétaire et fleuriste avant de poursuivre ses études et de compléter une maîtrise en éthique. À l’aube de la cinquantaine, elle a publié le roman Marie Major et la biographie de la première femme journaliste canadienne-française, Robertine Barry. Ces deux ouvrages lui ont valu respectivement le prix littéraire indépendant Marguerite Yourcenar et le prix Jovette-Bernier. Passionnée d’histoire et de littérature, elle a poursuivi sur sa lancée avec Isa, une captivante série dévoilant l’épidémie de lèpre au Nouveau-Brunswick au 19e siècle. Son plus récent roman, Le châtiment de Clara, raconte l’histoire d’une survivante.

    Danielle Goyette

    Danielle Goyette est journaliste depuis 30 ans et rédactrice en chef d’un journal régional. Elle a aussi écrit plus de 20 livres, dont 12 dans la collection Québec insolite (Michel Quintin) et six dans la collection As-tu peur ?, celle-ci traduite en coréen, ainsi qu’un récit L’absent (JCL), et deux romans, Caramel mou et Sa main sur ma nuque, publiés chez Guy Saint-Jean Éditeur. Danielle carbure à l’émotion, la passion, l’amour et l’amitié. Écrire sur sa mère a été un privilège. Elle se souviendra toujours de sa main dans ses cheveux…

    Marie Gray

    Marie Gray sait s’immiscer dans la tête et le cœur de ses lectrices et lecteurs de tous âges. Ses Histoires à faire rougir (Guy Saint-Jean Éditeur) se sont écoulées à plus d’un million d’exemplaires à travers le monde, ses romans pour ados (la collection 14+, chez le même éditeur) ont carrément changé des vies et la façon dont elle traite l’érotisme dans la série Baiser lui a permis de soulever des questions de société percutantes qui touchent ses lecteurs droit au cœur.

    Nancy Bordeleau (D. Goyettte), Isa Photographie (M. Gray), Christine Berthiaume (M. L’Hérault)

    Mélanie L’Hérault

    Mélanie L’Hérault enseigne le français au secondaire. Elle vit dans la région de Québec, d’où elle est originaire. La participation à ce recueil lui a permis de renouer avec le personnage de Juliette, une mère haute en couleurs que l’on découvrait dans son premier roman Le Jardin de cendres. Entre cette autofiction et la nouvelle, l’autrice a fait une incursion dans la littérature jeunesse et nous a offert deux titres s’inscrivant dans la collection C ma vie, soit Sarah-Lee et Simone. L’encre et la craie valsent de concert dans sa vie pour son plus grand bonheur.

    Dominique Lavallée

    Dominique Lavallée a grandi à Laval. À 14 ans, clouée au lit par une grippe, elle commence à écrire des histoires d’une page dans un cahier Canada. Elle dessine toujours une plume ancienne après la signature de son nom. Le métier d’écrivain lui semble romantique. Peu de temps après avoir commencé à pratiquer comme avocate, elle perd son papa. Le besoin d’écrire pour exprimer ses émotions lui revient, ce qui mènera à la publication de plusieurs nouvelles. L’affection qu’elle porte à son grand-papa lui inspirera les deux tomes de la série Pour toi, Abby.

    France Lorrain

    Jeune retraitée de l’enseignement, France Lorrain a écrit plusieurs livres pour enfants avant de devenir la nouvelle coqueluche des adeptes de romans d’époque. Elle a conquis des dizaines de milliers de lecteurs avec ses séries à grands succès La promesse des Gélinas, Au chant des marées, À l’ombre de la mine, Marie-Camille et la nouvelle trilogie gaspésienne L’Anse-à-Lajoie. Parmi ses passions, notons les voyages, les chats et les jujubes, surtout les rouges ! Dès la fin de cette pandémie, elle a bien l’intention de s’envoler vers d’autres horizons. Rien de mieux pour l’inspiration !

    Tzara Maud (D. Lavallée), Maude Chauvin (F. Lorrain), Danielle Cloutier (C. Major-McGraw)

    Colette Major-McGraw

    Colette Major-McGraw est née à Sainte-Agathe-des-Monts et a travaillé pendant près de 15 ans à la Sûreté du Québec avant de consacrer son temps à l’écriture. On lui doit la saga familiale en trois tomes Sur les berges du lac Brûlé, aussi offerte en France, et la série en deux tomes L’héritage du clan Moreau. Elle adore marcher dans les longs sentiers pédestres des Laurentides et quand l’occasion se présente, elle troque son clavier pour ses bâtons de golf.

    Stéphanie Martin

    Stéphanie Martin est journaliste depuis une vingtaine d’années. Originaire de la Gaspésie, elle a commencé sa carrière au Soleil et, en 2015, elle s’est jointe à l’équipe du Journal de Québec où elle couvre les affaires municipales. On lui doit la saga en deux tomes Le destin d’Aurélie Lafrenière dont l’action se déroule à Québec à la fin du 18e siècle. Éternelle curieuse et mordue d’histoire, l’auteure a la chance d’habiter la capitale avec son mari et ses enfants. Elle partage son temps entre Québec et les Îles-de-la-Madeleine, terre natale de son amoureux.

    Mylène Moisan

    Mylène Moisan a toujours su qu’elle écrirait, ses premières lectrices étaient ses Barbies ! Journaliste depuis un quart de siècle, elle a fait ses premières armes à Toronto, a travaillé au Devoir avant d’être embauchée en 2000 au Soleil de Québec, sa ville natale. Elle y signe depuis 2012 une chronique où elle raconte l’histoire de gens hors du commun qui ne font pas les manchettes. Elle a reçu en 2013 le prix Judith-Jasmin pour sa chronique Treize minutes de trop et en 2018, le prix Jules-Fournier pour l’efficacité de son écriture.

    Daniel Mallard (S. Martin), Jean-Michel Lavoie (M. Moisan), Dominique Lafond (L. Tremblay d’Essiambre)

    Louise Tremblay d’Essiambre

    Écrivain par passion, peintre du dimanche, lectrice assidue et cuisinière par gourmandise, Louise Tremblay d’Essiambre est d’abord et avant tout la mère de neuf enfants, la grand-maman de 12, bientôt 13 petits-enfants, et l’arrière-grand-maman d’un bébé attendu pour la fin de l’été. Avec son mari et sa plus jeune fille, elle habite à Blainville où elle poursuit sa carrière d’écriture en préparant son 54e livre.

    Ces mots qu’on croit comprendre

    Marie Gray

    Avoir un enfant donne un tout nouveau sens à une foule de réalités. C’est le secret le mieux gardé. Pourtant, c’est

    tellement banal ! Les femmes ont des bébés depuis le début de l’Humanité, pas de quoi en faire tout un plat. C’est le cycle de la vie, après tout : on naît, on grandit, plusieurs se reproduisent, on vieillit, on meurt. C’est simple, clair, rationnel. Mais au-delà des phases biologiques de ce fameux cycle, dont certaines nous font rusher plus que d’autres, on parle rarement du miracle qu’il constitue et de l’impact que les générations ont les unes sur les autres, comme un jeu de domino. Chacun de nos gestes ayant une incidence sur nos enfants, entre autres. Et sur les leurs, par la suite. On ne nous dit rien, non plus, sur le fait que tant de mots changent de signification du jour au lendemain.

    Si nous sommes autant de milliards d’humains sur notre petite planète fatiguée, c’est qu’autant de milliards de femmes ont eu des bébés. Banal, je disais. Mais pas tout à fait, hein ? Quand on s’arrête à contempler l’hallucinante reproduction des cellules qui forment un être vivant, ça donne le vertige. Comment deux amas de cellules qui se foncent dedans au terme d’une étreinte passionnée – du moins, dans un monde idéal – peuvent-elles entraîner un résultat aussi grandiose, prodigieux et, disons-le, envahissant ? Et surtout, comment ce résultat peut-il autant changer notre perception du monde, de la vie et du dictionnaire ?

    Pour ma part, dès l’instant où on a déposé sur mon ventre vide mon fils encore gluant, j’ai compris que rien n’allait plus jamais être pareil. Que ce minuscule chaton qui me regardait d’un air à la fois hébété et curieux allait bouleverser chaque aspect de ma vie. Que la jeune femme insouciante, un peu lunatique et rêveuse, idéaliste et égoïste que j’avais été devait céder sa place à une autre et apprendre. Et vite, à en croire les hurlements de la petite créature grouillante sur ma poitrine et l’état proche de la catatonie du nouveau papa. Mais comment ? Avec l’aide de ma mère à moi, bien entendu. Car j’ai surtout compris que ma maman, elle, savait déjà tout ça ; elle le connaissait, elle, le fameux mode d’emploi. En fait, c’est probablement elle qui l’a écrit : comment prendre soin d’un bébé ; comprendre ses pleurs et savoir les apaiser ; le guider tout au long de son enfance, de l’adolescence, et même à l’âge adulte. Elle me jure que non, qu’elle n’a fait qu’obéir à son intuition, mais j’ai mes doutes. Infaillible, elle savait toujours quoi faire, quoi dire, comment réagir en toute circonstance. Moi ? C’est plutôt une fameuse leçon d’humilité qui m’est tombée dessus comme une tonne de briques. De grosses briques très, très lourdes.

    Et surtout, j’allais réaliser que moi, l’écrivaine, je devrais trouver le sens caché de tous ces mots que j’utilisais jusqu’alors sans réellement les comprendre.

    Devenir maman, c’est assimiler un concept à la fois, un peu comme les enfants découvrent, dans un abécédaire, une panoplie de mots mystérieux. Voici donc quelques-uns de ces mots-concepts dont le sens devient tout autre après un accouchement. Il y aurait de quoi écrire une encyclopédie en 72 tomes, mais restons-en à l’essentiel.

    Amour : Affection ou tendresse qui existe entre les membres d’une famille ; inclination d’une personne pour une autre.

    Pour une maman : Sentiment irrationnel, absolu, qui porte à se pâmer sur un être, à idéaliser ses moindres traits, gestes, apprentissages, accomplissements, talents et fonctions corporelles, peu importe leur insignifiance.

    Évident, comme premier mot, je sais, et prévisible. Mais c’est comme ça. TOUTES les femmes qui attendent leur premier enfant se font dire : « Tu vas comprendre ce que ça veut dire, aimer pour vrai ! » Et chacune se dit : « Ben oui, c’est ça. Comme si je savais pas ça. Come on ! » Mais, euh… non. Pas rapport. Je ne savais pas, moi, que mon cœur ne deviendrait qu’un accessoire duquel je me séparerais volontiers si mon enfant en avait besoin. Que je connaîtrais ce désir viscéral de décrocher la lune ou de déplacer des montagnes juste pour le faire sourire. Que l’idée qu’il lui arrive du mal ou qu’il disparaisse de ma vie soit absolument IN-TO-LÉ-RABLE. J’étais amoureuse de mon conjoint. J’adorais mes parents, mes sœurs, mes amis. Mais ça ? Rien à voir. Maintenant, je comprends les mères qui sont si indulgentes devant leur petit monstre ou celles qui défendraient leur rejeton criminel contre vents et marées.

    Puis, en apprenant que j’attendais un deuxième enfant, j’ai douté qu’il me soit humainement possible de l’aimer autant que son aîné. Ha ! Ha ! Ha ! Ma maman, encore une fois, savait. Trois fois, elle a ressenti cet amour « pas d’allure », ce chavirement ridicule. Pendant toute notre existence, elle a entretenu cet amour, l’a cultivé, nous en a inondées, couvertes, ensevelies. Je le sais, parce que chaque instant qui passe me fait aimer la chair de ma chair encore un peu plus, le concept de l’attachement faisant allègrement sa job. Fait que moi aussi, maintenant, je peux le dire, avec ce petit air légèrement condescendant de celle qui sait : le vrai, le seul amour inconditionnel, c’est ÇA.

    « A », autres mots à double sens : Adoration, avenir, altruisme, acceptation, adaptation, ayoye !, arghhh !

    Bisou : Geste consistant à poser ses lèvres sur quelqu’un, quelque chose, en signe d’affection, d’amour, de respect.

    Pour une maman : Geste irrépressible pour manifester son amour à un enfant, peu importe son âge, et, soyons honnêtes, toutes les raisons sont valables.

    Ceux qui racontent qu’on ne peut pas donner ce qu’on n’a pas reçu sont dans le champ. Ma mère en est le meilleur exemple. Lorsqu’elle était jeune, au milieu d’une famille de six enfants de la petite noblesse outaouaise, il était mal vu pour les parents de dire « je t’aime », encore plus de témoigner de l’affection, genre, des bisous. Pourtant, des becs, ma mère en avait une quantité phénoménale à distribuer, ce qu’elle ne se gênait pas de faire, bien au contraire :

    — Toi, t’es ma petite revanche, disait-elle. Plus on t’en donne, plus t’en veux.

    Elle s’était juré que lorsqu’elle aurait des enfants, les choses seraient bien différentes. Pari tenu, à en juger par la quantité insensée de bisous, de câlins et de « je t’aime » qui revolent chaque fois que nous sommes ensemble, en famille. Et pour mes trésors à moi : sachez que si je suis aussi collante, fatigante et affectueuse, c’est à cause de votre grand-maman.

    Tant pis pour vous !

    « B », autres mots à double sens : Beauté, bienveillance, brailler, bénédiction, bonheur, binette, bobos !

    Changement : Action, fait de changer, de modifier quelque chose, passage d’un état à un autre.

    Pour une maman : Perte de repères, chamboulement fondamental et perpétuel, déstabilisation qu’on accueille avec plus ou moins de sérénité. Généralement moins.

    Maman est passée de musicienne et dessinatrice professionnelle à mère à temps plein pratiquement du jour au lendemain. Elle a mis de côté ses ambitions, s’est adaptée au chaos dans des conditions qui m’auraient certainement conduite à l’asile. Ces changements ont duré bien plus longtemps que les 20 quelques années nécessaires à nous mener à l’âge adulte : elle a continué à les accueillir par la suite, autant dans le monde qui l’entoure que dans sa vie de femme. Malgré quelques moments de révolte (yes !), de colère (euh, j’espère !), de découragement (sans doute), elle s’en est sortie avec une sérénité qui me donne presque envie de me rouler en boule dans un coin.

    Aujourd’hui encore, elle continue de s’adapter de manière impressionnante. Pendant que les boomers s’accrochent à leurs façons de faire, elle, ma petite curieuse, elle explore, essaie, garde l’esprit ouvert, s’informe. Elle recycle et composte, teste des recettes végétariennes pour accommoder ses petits amours, s’intéresse à la grande marche pour le climat et à tout ce qui se passe dans le monde, déprimant ou pas.

    En plus des innombrables changements sociaux, elle a vu naître – et disparaître – des innovations dont plusieurs sont déjà désuètes : cassettes, disquettes, CD et DVD, téléphone à cadran et fax. Elle a assisté à l’évolution des ordinateurs, téléphones cellulaires, appareils ménagers, voitures. Pendant que plusieurs de ses cadets craignent le guichet automatique comme la peste, elle fait ses casse-têtes sur sa « planche » – un iPad rebaptisé –, suit nos déplacements sur Google, nous envoie des textos débordant d’émoticônes, et règle ses comptes à partir de l’ordinateur. Arrivée à son âge, est-ce que je saurai aussi bien gérer la téléportation, la communication par micropuce cérébrale ou les transferts de bitcoins ? Pas sûre. Je tâcherai de m’inspirer d’elle pour ne pas trop faire honte à mes enfants et mes petits-enfants. En attendant, maman, fais-toi plaisir et continue de nous suivre avec « Mes amis » dans nos voyages, nos déplacements.

    — J’ai vu que t’étais à Terrebonne hier… T’étais avec qui, donc ?

    Oups !

    « C », autres mots à double sens : Couches, câlins, course, courage, culpabilité, chaos, caca…

    Doute : État de quelqu’un qui ne sait que croire, qui hésite à prendre parti.

    Pour une maman : Conflit profond avec soi-même et son conjoint lorsqu’ils sont confrontés à TOUTES les situations imaginables. Questionnement constant sur les gestes à poser, les règles à appliquer, les réponses à offrir, les défis qui surgissent de partout et de nulle part.

    Avant d’être maman, tout était simple, je ne doutais JAMAIS de rien. La mienne m’avait transmis une estime de moi-même solide, peut-être trop. « Y’a rien que tu peux pas faire, ma fille ! » disait-elle. Je sais, c’est mieux ça que le contraire, mais…

    En présence d’un poupon, l’assurance prend le bord ; les doutes se multiplient et se propagent aussi vite que des microbes de gastro dans une garderie. « Est-ce que je devrais l’emmener à l’urgence pour une fièvre ? Le laisser pleurer ou le prendre dans mes bras ? » « Je la couve trop ? Pas assez ? » Ri-di-cule ! Ça n’arrête JAMAIS. « Je lui ai donné le bon conseil ? C’était la bonne école, la bonne gardienne, le bon moment, la bonne paire de souliers ? » « On va les traumatiser à vie en se séparant, leur père et moi, ou on va faire pire en restant ensemble ? » « Un dernier chocolat, c’est correct ou pas ? » Argh !

    — Maman, j’aimerais ça être certaine d’au moins une chose, un moment donné. Juste une fois, OK ?

    — Ça, c’est pas possible, répond-elle. Avoir des enfants, c’est TOUJOURS douter, te remettre en question. Tout. Le. Temps. Sur tout. On peut juste faire de notre mieux.

    Notre mieux. Rien que ça ? Sérieux, là ? On dirait que certaines ont le « mieux » pas mal plus solide que d’autres…

    « D », autres mots à double sens : Délicatesse, danger, douceur, détresse, drame, dévouement, dodo (éternelle absence de).

    Empathie : Faculté intuitive de se mettre à la place d’autrui, de percevoir ce qu’il ressent.

    Pour une maman : Ressentir CHACUNE des émotions de son enfant, bonne ou mauvaise. Fait exploser le cœur, de manière tantôt pénible, tantôt exaltante. Effets secondaires : larmes, fièvre, douleur, joie, félicité, envie de tuer, gratitude, whatever…

    OK. Est-ce que c’est vraiment nécessaire d’avoir aussi mal que notre enfant quand il se blesse ? On serait plus efficace à l’aider si on ne souffrait pas autant que lui, non ? Je sais maintenant que maman a eu aussi mal que moi quand je me suis ouvert le crâne sur un tronc d’arbre, que ma sœur quand elle s’est fait broyer la jambe en ski, et qu’elle aurait sûrement voulu changer de place avec son aînée quand la maladie maudite est venue la menacer. Elle est plutôt restée solide, disponible, calme. Elle a trouvé les choses à dire et les gestes à poser, a ignoré son propre mal comme s’il s’était agi d’un maringouin agaçant, et elle a foncé, comme une guerrière. Et même lorsque nos souffrances étaient bien cachées, qu’on arrivait à peine à les identifier nous-mêmes, elle, elle savait.

    Je l’entends encore me calmer, me faire respirer lentement, jusqu’aux orteils, pendant que ses doigts de fée s’égaraient dans mes cheveux. Dans ses yeux, je vois la preuve qu’elle comprend, encore aujourd’hui, EXACTEMENT comment je me sens, puisqu’elle le ressent elle-même. J’aimerais tant m’excuser pour tout ce qu’elle a dû vivre à cause de moi, mais je sais maintenant que c’était inévitable…

    Si j’avais su qu’avoir des enfants impliquait de moucher aussi souvent des nez en ressentant les symptômes imaginaires d’une grippe, de changer des draps avec la nausée auto-infligée par un amour fusionnel, de se sentir étouffer lorsque notre rejeton est anxieux, d’essayer de soigner les maux de l’âme en voulant aspirer soi-même la souffrance, avant de rêver d’éliminer toute la méchanceté du monde d’un coup de baguette magique (ou de batte de baseball, c’est selon), je me serais mieux préparée. Mais puisqu’on ressent aussi la joie, le plaisir, l’émerveillement à travers ces petites bêtes là, ça compense…

    Bon. Ma fille tousse, je vais prendre une dose de sirop moi aussi, j’cré ben…

    « E », autres mots à double sens : Écoute, école, émerveillement, épuisement, emportement, erreurs, eh boy !

    Force : Énergie morale, capacité de résister aux épreuves, d’imposer son point de vue, sa volonté.

    Pour une maman : Surmonter une quantité phénoménale de revers et trouver le moyen de non seulement s’en remettre, mais aussi d’en retirer quelque chose, tout en s’assurant du bien-être des héritiers, en faisant le souper et une brassée de lavage, après les avoir conduits à un cours de danse et pleuré en cachette dans la salle de bain. Avec une pneumonie, tiens, ou autre obstacle supplémentaire.

    Ma mère ne se trouve pas forte. Au contraire. Pourtant, c’est bien elle, la femme qui a dit au curé de « manger de la crotte » et de se mêler de ses affaires lorsqu’il était question de procréation, qui a tenu la famille à bout de bras, avec des épingles à linge dans une main et des épingles à couches dans l’autre, pendant que la soupe cuisait dans le Presto, que la laveuse à linge se promenait dans le sous-sol, qu’une de nous trois faisait une crise de nerfs et qu’une autre perçait des dents. C’est elle qui collectionnait les timbres Gold Star pour économiser quelques précieux dollars, nous emmenait manger un sandwich au jambon chez Woolworth entre deux visites chez le médecin ou le dentiste. Ah, et c’est elle, aussi, qui s’assurait que les devoirs étaient faits, qu’on était nourries et vêtues. Après, c’est elle qui s’occupait des cours de piano, de guitare et de judo, qui faisait des gâteaux Duncan Hines pour nous faire plaisir, fabriquait nos costumes d’Halloween, et faisait toutes les commissions avec trois fatigantes, en plein hiver, après nous avoir emmenées jouer au parc.

    Non, pas forte du tout. Parce que ça a été suuuper facile de retourner aux études à 50 ans passés ; un jeu d’enfant de nous apprendre à nous respecter, à être féministes en nous faisant prendre conscience de ce qu’elle avait vécu, enduré, combattu, elle. De nous aider à tenir notre bout, à défoncer des portes et à poursuivre nos rêves parce qu’on pouvait tout réussir, nous autres. Mais surtout, ça a dû être teeelllement évident, après presque un demi-siècle de mariage et à 70 ans passés, de se retrouver seule, de se réinventer, de vivre en grande fille autonome dans sa maison avec son piano, en apprenant à apprécier sa nouvelle réalité. Parce que ma maman, c’est la championne de la résilience. Celle qui capote sur la couleur d’un arbre d’automne, sur une rose de son jardin ou sur la blancheur de la nouvelle neige. Elle est hot, hein ?

    « F », autres mots à double sens : Féministe, fatigue, franchise, folie, fulminer, fan, fiou !

    Gratitude : Reconnaissance pour un service, pour un bienfait reçu ; sentiment

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