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Progressive transformation du paysage français par la poésie - Tome II: Divagations, réflexions, lectures
Progressive transformation du paysage français par la poésie - Tome II: Divagations, réflexions, lectures
Progressive transformation du paysage français par la poésie - Tome II: Divagations, réflexions, lectures
Livre électronique231 pages3 heures

Progressive transformation du paysage français par la poésie - Tome II: Divagations, réflexions, lectures

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À propos de ce livre électronique

« La poésie change de support, de véhicule. Tous les poètes ne s'en aperçoivent pas. Ils continuent comme avant. Même les « modernistes » font comme avant. On ne construit pas sur des ruptures. Il faut apprécier les nouvelles vitesses de rapprochement ou d'éloignement. Ce livre tente de penser l'Europe contre les traditions nationales, l'immédiateté technologique au regard de l'infinité du temps, le rythme de l'épopée en comparaison des accès lyriques, les urgences de la voix devant le mutisme du papier. Auden prétendait que la poésie ne faisait rien advenir. Bel exemple de défaitisme sous couleur de modestie. Des siècles de fausse sagesse pivotent sur eux-même lentement. » J. D.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Jacques Darras, né à Bernay-en-Ponthieu (Somme) en 1939, a publié des ouvrages de poésie (La Maye, Le Petit Affluent de la Maye, William Shakespeare sur la falaise de Douvres), des essais (Le Génie du Nord, La Mer hors d'elle-même, Joseph Conrad, veilleur de l'Europe) et des traductions (Ezra Pound, Walt Whitman, Malcolm Lowry). Il dirige la revue in'hui depuis 1979.
LangueFrançais
ÉditeurLe Cri
Date de sortie4 août 2021
ISBN9782871068198
Progressive transformation du paysage français par la poésie - Tome II: Divagations, réflexions, lectures

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    Progressive transformation du paysage français par la poésie - Tome II - Jacques Darras

    DARRAS_PROGRESSIVE_Cover1DARRAS_PROGRESSIVE_Cover4

    PROGRESSIVE TRANSFORMATION DU PAYSAGE FRANÇAIS PAR LA POÉSIE

    DU MÊME AUTEUR CHEZ LE MÊME ÉDITEUR

    Progressive transformation de paysage français par la poésie I (in’hui n° 40, 1993)

    Le petit affluent de la Maye (avec vingt-quatre gouaches), 1993.

    William Shakespeare sur la falaise de Douvres, 1995.

    Van Eyck et et les rivières (dont la Maye), 1996.

    Gracchus Babeuf et Jean Calvin font rentrer la poésie avec l'histoire dans la ville de Noyon, poème manifeste, 1999.

    L’embouchure de la Maye dans les vagues de la Manche, 2000.

    Jacques Darras

    Progressive transformation du paysage français par la poésie II

    divagations, réflexions, lectures

    (Scot Érigène, Baudelaire, Poe, Rilke, Tsvetaeva, Aragon, Dadelsen, Ginsberg, Miron, Zumthor)

    Publié avec le concours du Centre National du Livre

    LeCriLogo

    Catalogue sur simple demande.

    www.lecri.be   lecri@skynet.be

    La version numérique a été réalisée en partenariat avec le CNL 

    (Centre National du Livre - FR)

    CNL-Logo

    ISBN 978-2-8710-6819-8

     © Le Cri édition, 

    Av Leopold Wiener, 18 

    B-1170 Bruxelles

    Tous droits de reproduction, par quelque procédé que ce soit, d’adaptation ou de traduction, réservés pour tous pays.

    I

    AU NORD DE NOS INSTANTANÉITÉS ÉLECTRIQUES.¹

    Lorsqu’en 1977 je cherchai un titre à la revue qu’inconsidérément je mijotais dans cette Cocagne betteravière où n’avait jusqu’ici coulé que le sucre — sucre et sang mêlés en une mélasse rarement décrite à ce jour, glucosant caramel humain par quoi nous continuons à croire que le Paradis est possible sur terre et que, donc, nous versons et renversons en confondantes générosités par perfusion de toutes nos veines patriotiques pour une stérilité sempiternellement saintepater-nelle — huit s’imposa à moi comme nuit romantique apostrophée, comme comma tenu trois secondes en l’air dans un entre-bâillement du cosmique et de ce fait naquit in’hui qui fut in-octavo de toutes ses feuilles et faillit bien s’appeler in-8°.

    D’une manière générale le chiffre me fait rire. La science, un immense éclat de rire qui nous emporte la bouche avec les dents. J’avouerai effrontément que mon chiffre n’est pas 3. Le triangle chrétien en forme de poisson géométrisé manque pour moi de féminin. Comme un Vendredi sans Vénus — maigre ! Quatre avec Marie était le carré logique que la rondeur mariale eût sans doute perturbé de sa circulante quadrature. Dois-je dire que je m’ennuie fort du quatrième côté dans la Trinité ? Tout comme je crois avoir échappé au sept dans huit, j’aime en huit qu’il soit un sept manqué.

    Rapporté aux syllabes que la bouche fait en parlant, huit est la mesure du bégaiement poétique. Avant huit il n’y a pas de poème. Je compte jusqu’à huit : le poème est né. Curieuse naissance ! Honteux, huit ose à peine marcher. Vite court à dix, à douze pour devenir grand, grand poème qu’on remarquera dans la rue quand il passe. Alors qu’à moi huit plaît bien parce qu’il tombe et que tombant il est plus près du sol. La pente naturelle de la poésie est de s’envoler. Comment, caquète-t-elle, me rogner les ailes à moi, la Liberté personnifiée ? Coupons-lui les pieds pour qu’elle marche près de la terre ! Il est bon que la poésie marche près de la terre. Non par quelconque sadisme (Baudelaire, ton brûle-gueule) mais tout simplement parce que nous avons appris que la terre tombait et que pour prétendre voler sur une terre tombale tombante, mieux valait tomber dans son sens.

    La physique, l’histoire, la généalogie —vais-je être sérieux une minute ? Nullement, les poètes que je connais le seront assez pour moi ! Ils ont un sens différent de la gravité. Portent leur langue en bandoulière sur le coeur, croisée par la banderole Révolution. Quand ils tirent c’est toujours à bout portant, leurs mots font mouche à tout coup. Pas une seconde ne leur viendrait à l’idée qu’ils puissent se tromper de cible, de projectile. Droit ! Un poète tire toujours droit n’est-ce pas ? J’utiliserai donc le huit tout juste bon pour le vanneau, sa grenaille retombera un peu plus loin comme une petite rose sur les fanes où gîte le lièvre. Rire du lièvre — le lièvre de la Révolution rit, de toutes ses incisives, des innombrables huit qu’il vient de tracer tôt dans les champs du matin. Mentalement lui, lièvre, compare ses graphes. Champion de la vitesse il sait accélérer, couper, redémarrer spontanément. Dix, douze, huit — ce sera selon la figure du vent.

    Accordez-moi de me raminteuver une minute les animaux de ma plaine enfancière, m’identifiant au goupil charbonnier figé dans sa propre immobilité à la lisière d’un bois. Perte d’espace — je crois que je souffris alors d’immenses pertes d’espace dont je savais que ma mémoire jamais ne se consolerait. Collectionneur de ciels comme d’autres de timbres, je fus philatéliste en grand, m’envoyant poste restante du gris Novembre, du jaune Mars, du pourpre de sève sang d’Avril. Mangeai, ruminai l’éteule comme aucune vache ne fit. Plus animalement animal que les viandes promises à l’abattoir me couchai debout de ma petite hauteur garçonne à même la litière planisphère.

    L’infini, le huit sur le flanc, malade de lui-même, ce fut moi. J’attends encore au milieu des vasières de la baie avec l’artillerie des coquillages que reprenne la guerre du courlis contre le temps. Elle reprendra.

    Entre la France et moi il y a frontière. Qui me passe au travers de la gorge, angine sur angine. J’écris pour m’éclaircir la voix. Rien à faire ! Mon français crache, tousse, racle des muqueuses. Jamais je n’arriverai à la clarté du glaire. Il y a de la brume au fond de mes mots courant à ras de terre comme une laine. Le tissage, le tissu en sont différents. Vous remarquerez que je n’ai encore prononcé picard ni nordique pour éviter de me prendre les pieds dans les ronces nationales. Tomber, et du même coup ne plus avoir les pieds par terre, c’est le paradoxe fiévreux dont je fais mon royaume. Je fonde sur du fuyant. Suis un fondateur en nuages bas. Quand le soleil se lève au-dessus de Namur j’écrase du jaune Turner pour faire des essais de nationalité chromatique. Ramasser tous les vieux pointillés qui lacérèrent le sol de leurs clous militaires est ma visite au cadastre.

    Car l’exigence du métal — fondre, fonder — demeure comme une vieille forge au fond des poumons. Les galeries sous la terre communiquent directement aux trachées — forêts d’images pour une absence de mythologie. Qu’y puis-je si j’aime les hêtres ? L’arbre n’a rien de féodal sinon qu’il nous fait suzerains d’Avril. Par centaines dans la futaie maritime balançant leur cime consentante, eux, rien de la terre ne les agite. Ce sont des sages des hauteurs. Très tôtj’eus pour ambition de leur ressembler. Lissité du tronc, passions aux cimes, je voulais bien que la vie se contentât de bruire pourvu que ce fût très haut. J’aimai donc le passé simple du verbe « être » pour ce qu’il me rapprochait de l’héroïsme forestier. Et de meilleur degré pour les atteindre ne trouvai que le pic-vert de l’octosyllabe. Lui seul avait la verdeur de la Renaissance et du Moyen Age conjugués.

    Cinq siècles d’anachronisme ! Derrière moi je n’avance pas plus loin que Van Eyck ou Bellini. Ensuite lagune vénitienne, marais de Bruges s’enlisent. J’aime qu’on me console au Nuits-Saint-Georges avec vision de gisants déchiquetés par le ciseau Sluter. Marteau, orfèvre ton huit ! La mort inhuis, la mort intime cogne à l’huis de toute sa presse. Pauvre je me sens comme elle, franciscaine en bas de casse. L’ordinateur nous reconduit à domicile. Lissiers et tapissiers d’Arras taillent à même leur étoffe, manteaux et mitaines ne protégeant du froid que s’ils sont d’authentique peau mortelle. N’oubliez pas l’étoffe commune, chers contemporains obsédés d’origine, d’inconscient épidermique ! Braves petits romantiques qui faites monachisme à part dans la clairière des mots, vous avez la bure encore bien élégante !

    Donc réalisme : je me sauve avant de sauver la poésie. Considérant que je représente la race humaine je nage avec mes congénères, zoo nageant nous appliquant à nous-mêmes cette fabuleuse règle de grammaire grecque selon laquelle le pluriel animé s’accorde au singulier : ta zoa trechei. Connaissez-vous ce mirifique zoo d’Anvers —oui n’est-ce pas ?— coincé entre le quartier des diamantaires juifs et la fuligineuse gare-basilique byzantine où plus aucun train n’aboutit jamais ? Que d’enfants en rêve ont dû faire prendre des tickets de liberté aux okapis, aux gorilles du Rwanda ! Obsolète comme l’Escaut de Verhaeren le zoo est devenu un dominion restreint, une enclave belge au milieu de la clameur glapissante des nations. Je crains un jour d’apprendre que ses ours blancs auraient gelé. Anvers la poésie, nous vivons désormais tous à l’endroit. Je peux bien, lion africain, m’acheter un carré de savane mais pour quoi faire ? Le plus original serait sans doute d’y bâtir une réplique de la Gare d’Anvers.

    Rugit bien qui rugira le dernier. Rââââoooooouuuuu. L’Afrique est partout. Les dinosaures l’ont compris qui broutent directement dans les rues. Ils réclament que les services municipaux entretiennent les pavés pour que l’herbe pousse dans les interstices. Nous y veillerons. Au besoin ferons un syndicat de l’herbe intersticielle libre. Président d’honneur Paul Magritte — une fleur pour un vieux surréaliste éteint ! Marguerite pour marguerite Faust, de son côté, s’est fait banquier d’organes, cultive les coeurs en serre, les poumons en espalier, les reins sur couche humide entre La Haye et Rotterdam. Je lui ai dédié un paragraphe entier de ma somme octobiographique en forme d’exploit — faire tenir le mot désoxyribonucléique en un seul vers. Greffe réussie !

    Cher lièvre, ne laissez pas les ennemis de Darwin vous débaucher. N’aimant pas le monde tel que l’avait créé Dieu n’ont-ils pas prétendu corriger en rouge la copie de l’aube ? Des professeurs, des professeurs ! Je sais suffisamment ce que ne doit pas être un professeur pour pouvoir l’affirmer. De même que s’est diluée l’encre sanguine, de même que s’est déliée en branches individuelles la grosse canalisation commune rouge qui nous irriguait à tous le corps, je leur conseille de changer de bouteille d’encre. Réécrivez vos symboles mes agneaux ! Voyez comme le sang pâlit à la charpie de vos étendards. Communément nous ne faisons qu’un, j’accorde que nous ne soyons qu’un, qu’il n’y ait qu’un homme. Je vais beaucoup plus loin que vous, voyez-vous, car alors commence le problème de la division. À partir de cet instant se pose la question du proche, du proche-un. Proche jusqu’où ? Le multiple de ce un que nous sommes est-il copie platonicienne ou chaque fois écriture chrétienne dans le sang, dans les os ré-incarnée ?

    Des deux mouvements d’essor —vers le haut, vers la chair— je ne conçois pas que nous puissions nous délivrer. Que de cadavres cependant au nom de la lumière ! Que de crimes commis dans les hauteurs du ciel hâtivement confiés à l’humilité du sol. Je crois que notre accès à la lumière s’appelle jour , que voir le jour , donner le jour sont nos obligations lumineusement humbles. Peu de chose en somme ! Le soleil : méfiance ! Ce milliardaire en images a lien avec la cécité. Platon n’est pas mon philosophe, on l’aura compris. En dépit de Molière, j’accorde plus de crédit au toucher d’Aristote. Le corps faillible fait d’unités décomposables portant en elles la division nous contraint précairement au salut par l’humeur. Par l’humour. Toujours l’autorité, par contre, entretient le culte de la lissité solaire. J’aime tellement mieux la nuit, que j’appellerai Nord mon lien privilégié avec elle. Constant comme l’étoile polaire , dit Jules César deux secondes avant que Brutus ne l’assassine. Projet filial interrompu. Je suis un père nocturne. M’illuminant à la caresse du corps féminin, qui tant est soef et tendre .

    Car la plus belle parabole est la caresse qui s’incline vers le bas alors que le symbole — médusante tête de Méduse cisaillée par les Hérodiades néo-platoniciennes — est élévation, offrande sanglante. Quelle modification à l’hospitalité de la vérité dans le matin du christianisme ! Couper le pain, boire du vin — existe-t-il meilleure compréhension qu’avec une paume ? Ô la violence désormais faite à la violence ! Cinquante années de turbulences d’idée-nuages auront ainsi passé avant que j’atteigne cette vérité sur moi-même : que je suis un anarchiste chrétien. Vous vouliez de la définition, n’est-ce pas ? La voici, transitoire. Dans tous les sens je retourne l’étiquette pour savoir où je me la collerai. Au front ? À la poitrine près de la pompe à sang ? Sur l’aine droite près des deux poches à sperme avec quoi j’essaime ma vie ?

    Chrétien à la laine hérissée n’ayant pas envie de finir mouton, la hâte me prit d’en découdre avec les bucoliques qui affadissent la poésie contemporaine. Croyant qu’un bêlement tiendrait lieu de pensée élégiaque à condition de se conformer au troupeau vers-libriste eux pâquaient, paissaient au marché des images, faisant comme si l’agriculture n’était pas devenue une industrie ! La chimie de l’herbe bourdonnait pourtant d’insecticides. Je quittai les petites villes et les petites îles de la grammaire méditerranéenne pour monter à Paris. Prodigue, comment te transporteras-tu en autobus alexandrin si tu as le sens du trafic moderne ? Comment allongeras-tu l’iambe si tu marches dans le métro à cinq heures ? L’imagiste Pound Ezra entré avec des fleurs d’asphalte sous la terre en ressortit trempé jusqu’aux os d’une pluie d’idéologie.

    De la réflexion, dis-je crânement à Yves Bonnefoy notre aîné, un jour d’échange radiophonique dans les fauteuils roses de France Culture où il nous foudroyait de son hiver ! Comment pouvez-vous continuer à chanter vos cheveux cryogéniques comme d’une perce-neige naturelle ? La poésie n’est blanche que par imposture, je suis partisan de l’impureté du monde. Je ne tolère absolument plus ces frigidaires qui ne veulent pas dire leur marque. La Sibérie, figurez-vous, a fondu par saut du disjoncteur et vous continueriez d’y garder une nourriture avariée ? Vos Lares sont des vers, vos vers sont des Lares congelés à la même glace que Staline ou Lénine ! En reprendrez-vous un peu ? Dégel, débâcle, la boue dont nous sommes faits coule par toutes les issues, toutes les fentes de nos corps, les résistances électriques ne savent plus où donner de la bobine. À la ville les poètes, ce sera votre camp de réhabilitation !

    La porte du siècle claque, with a bang ! Personne pour la tenir que de vieux académiciens en habit vert pour parades rétrospectives. Foi d’oie, cela jette un froid dans Vichy où je fus m’asseoir tel jour de Maye sur les chaises blanches locales pour attendre la politesse détachée de l’automne. Long comme un été français au sud de la Loire, ce fut ! Volontiers je proposerais que nous créions un festival d’attente poétique française dont le Président d’honneur serait à titre posthume Beckett. Les Poètes viendraient en une course de lenteur ininterrompue. On leur inventerait des frontières artificielles pour ralentir leur déplacement. Le Mur de Berlin serait reconstruit en simulacre pour qu’en présence du Secrétaire d’État préposé à la Déconstruction ils puissent en ôter la première pierre. Le ciment de la désunion poétique prolongée se gâcherait dans des oiseaux mallarméens. Ce serait fête laïque. Tous les participants seraient filmés au ralenti.

    Les foules de moi-même qui se milliardisent sans mon copyright m’angoissent. N’ayant plus moyen de contrôler l’émission fiduciaire de ma démographie, la confiture des appétences individuelles dégouline de ma tartine radiophonique chaque matin. Moisissure du cadavre serait — insistons bien sur l’emploi du conditionnel — le tout nouveau diagnostic concernant l’humanité. Philosophes sans frontière interviendra-t-il ? Les toutes dernières informations dont nous disposons indiquent qu’une brigade aéroportée de Stoïciens romains du IlIè siècle de notre ère aurait été dépêchée au Mur des Lamentations pour y exhorter les populations à la patience. Des volontaires parmi les poètes ? Nous lançons à tout hasard un appel pour la constitution d’un groupe libérer le vers , espérant que cet appel ne restera pas sans réponse.

    Depuis que l’humanité est devenue cet ensemble instrumental constamment tenu au courant de la partition qu’il interprète, la musique s’est imposée comme langage universel. Les langues poétiques ont cet anachronisme en elles qu’elles ne se comprennent pas instantanées. Voyageant avec des années-lumière de retard, l’écho du direct les hante, les obsède, les ronge intérieurement. Face à la sociologie, la médecine, voire les psychologies qui se font fort d’interpréter ou corriger l’événement à mesure qu’il se déroule, les docteurs en poésie n’ont que l’artisanat pour pratique. Corporation s’absentant de l’incorporation, d’autant que le quotidien la renvoie aux marges, la seule tâche qu’une société leur reconnaît encore est de vivre par procuration pour elle une longue et fastidieuse vie d’anonymat. Posthume,

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