Françoise Dumas parle un français parfait, mais ni comme le vôtre ni comme le mien. Dans son vocabulaire, on croise des mots étranges, comme « amphytrion », « aboyeur », « service ambigu ». Ou des expressions inconnues du grand public, qu’il s’agisse de la « reiciving line » ou encore des « frayeurs de placement ». Françoise Dumas, vous ne la connaissez pas, mais elle connaît le monde entier. Elle a été proche de Karl Lagerfeld, de la princesse de Hanovre, des Chirac, de Paloma Picasso. À 80 ans passés, elle a tout vu, tout entendu, et était restée jusque-là d’un silence absolu sur son activité : organiser des moments d’exception, du château de Versailles au musée d’Orsay en passant par le Grand Palais, l’hôtel de la Marine. Mais aussi à Rome, Venise, la Cité interdite et régulièrement à Monaco, où elle a œuvré aussi bien pour le bal de la Rose que le mariage du prince Albert et Charlene Wittstock. Argenterie, fleurs fraîches, candélabres, protocole et pouvoir : c’est le cocktail unique de Françoise Dumas, dégusté par les grandes marques et institutions et d’illustres clients privés, séduits par cette femme fidèle à une ligne de conduite stricte : ne jamais se prendre pour le client, rester debout, tout observer, tout solutionner.
Il y a quelques années, Françoise Dumas m’avait reçu une première fois dans son appartement parisien, une bonbonnière envahie de bouquets de fleurs donnant sur un ravissant jardinet. Mais elle avait résisté à l’idée de se raconter. « Je ne le sentais pas à l’époque », dit-elle. L’éditeur Charles Dantzig l’a fait changer d’avis, la poussant à écrire un curieux petit livre à la croisée de l’autobiographie et du manuel de bonnes manières. Elle avait pensé d’abord à un tant ses placards débordent de photos, menus, cartons d’invitations – Chanel lui a même proposé un jour les services d’un archiviste. Commencé juste avant le confinement, alors qu’elle se trouvait dans sa maison de Comporta, au Portugal, le travail s’est poursuivi au fil des mois à travers des interviews quotidiennes avec Valentin Grimaud, un «