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De Rome à Marcinelle: Santé-sécurité : hier, aujourd’hui et plus encore demain !
De Rome à Marcinelle: Santé-sécurité : hier, aujourd’hui et plus encore demain !
De Rome à Marcinelle: Santé-sécurité : hier, aujourd’hui et plus encore demain !
Livre électronique334 pages3 heures

De Rome à Marcinelle: Santé-sécurité : hier, aujourd’hui et plus encore demain !

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À propos de ce livre électronique

La catastrophe de Marcinelle du 8 août 1956 a provoqué un deuil national sans équivalent dans l’histoire de la Belgique et suscité un mouvement de solidarité dans l’Europe entière.
Cinquante ans après, le souvenir demeure vivace pour celles et ceux qui ont vécu l’événement. Un double message s’impose à nous pour les nouvelles générations, il s’agit avant tout de comprendre pour mieux construire le présent et le futur.
Pour le monde du travail, la solidarité reste le moyen par excellence d’agir, de modifier les législations et de faire honneur à tous les militants du monde qui luttent pour de meilleures conditions de travail. La commémoration de Marcinelle n’est qu’un début, le combat continue !
Ce livre (coédité avec la CSC-Énergie-Chimie) reprend les communications d’un colloque scientifique qui s’est tenu à Charleroi en juin 2006. Il a réuni des scientifiques belges et italiens, ainsi que des acteurs syndicaux, patronaux, et des responsables de la Commission européenne, qui ont abordé la catastrophe dans sa dimension historique, posé le diagnostic aujourd’hui, réflechi aux défis futurs de la sécurité et de la santé au travail en vue d’agir pour plus de sécurité sur le lieu de travail.
Que révèle la bataille du souvenir entreprise après Marcinelle sur la société belge face à son passé ? Quels sont les principaux enseignements que peut véhiculer la mémoire d’une catastrophe d’une telle ampleur ? Comment tirer profit des leçons du passé pour renforcer la prévention des risques sur le lieu de travail aujourd’hui et demain ? Comment répondre aux défis que posent l’élargissement de l’Europe et la globalisation en matière de sécurité et de santé au travail ?
Autant de questions auxquelles ce livre tente d’apporter des réponses.

LangueFrançais
ÉditeurLe Cri
Date de sortie4 août 2021
ISBN9782871068082
De Rome à Marcinelle: Santé-sécurité : hier, aujourd’hui et plus encore demain !

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    Aperçu du livre

    De Rome à Marcinelle - Italo Rodomonti

    MARCINELLE_Cover_1.jpgMARCINELLE_Cover_4

    De Rome à Marcinelle

    Nous tenons à remercier la Confédération des Syndicats Chrétiens et plus particulièrement le secteur « Mineurs » de la CSC Energie Chimie, la Fédération CSC de Charleroi-Thuin et les Centrales chrétiennes de la Construction et du Métal pour le soutien qu’ils ont apporté à cette initiative.

    Nous remercions également pour leur contribution orale lors du colloque des 8 et 9 juin 2006 à Charleroi : Chantal Doffiny, secrétaire fédérale de la CSC Charleroi-Thuin, Sergio Gigli, secrétaire général de la FEMCA – CISL, José Biosca de Sagastuy, chef de l’unité santé et sécurité de la Commission européenne (DG Emploi et Affaires sociales), Robert Joos, directeur général au Groupement de la sidérurgie, Sophie Rosman, conseiller Affaires sociales au Groupement de la sidérurgie, Albert Hermans, secrétaire de la CSC Chimie-Energie (Hasselt) et Françoise Baré de la RTBF.

    De Rome à Marcinelle

    Santé-sécurité :

    hier, aujourd’hui et plus encore demain !

    Textes rassemblés par

    Italo Rodomonti & Pierre Tilly

    LE CRI

    CSC-Énergie-Chimie

    Catalogue sur simple demande.

    www.lecri.be lecri@skynet.be

    La version numérique a été réalisée en partenariat avec le CNL

    (Centre National du Livre - FR)

    CNL-Logo

    ISBN 978-2-8710-6808-2

    © Le Cri édition,

    Av Leopold Wiener, 18

    B-1170 Bruxelles

    En couverture : Montage photos 2006 (D.R.)

    Tous droits de reproduction, par quelque procédé que ce soit, d’adaptation ou de traduction, réservés pour tous pays.

    PRÉFACE

    Le passé au service du futur : engagement de la CSC…

    Quand on entre dans les bâtiments du Bois du Cazier, on entend les murs parler. Ces murs nous racontent l’histoire de ceux qui, en voulant gagner leur vie, l’ont perdue. Ce lieu est à jamais un symbole de ce tribut payé par le monde du travail, de ce tribut payé sur l’autel de la production.

    Ces murs, en racontant l’histoire, nous parlent aussi du présent. Plus encore, ils nous invitent à agir pour l’avenir. Agir pour améliorer les conditions de travail, améliorer la santé des travailleurs et diminuer le nombre d’accidents du travail. Cette action, ce combat doivent être celui de la société tout entière. Mais, en la matière, le rôle de l’action syndicale est primordial.

    Ces murs nous parlent en de multiples langues, l’italien, mais également l’allemand, le russe, le grec, le polonais, l’algérien, l’ukrainien, l’anglais, le flamand, le français et le hongrois. Toutes ces langues se mélangent pour n’en devenir qu’une seule, celle de l’humanité. Ces voix nous rappellent le prix payé par celles et ceux qui ont du quitter leur pays, pas par plaisir mais par nécessité. Ce sont les voix de celles et ceux qu’on appelle les immigrés. Il est important de se souvenir aujourd’hui que la Région wallonne, la Belgique, ne seraient rien sans cette contribution majeure au développement de notre société. Il est essentiel d’écouter ces murs qui nous supplient de nous mobiliser pour le respect et la dignité des travailleuses et travailleurs venus d’autres pays. C’est d’autant plus essentiel aujourd’hui, dans une période où partout en Europe, en Flandre et en Wallonie les forces les plus rétrogrades, je veux parler de l’extrême-droite, en appellent à l’exclusion, au racisme et à la haine.

    Je fais partie de cette génération qui n’était pas née au moment de la catastrophe de Marcinelle. Pourtant, avec vous, je ne peux m’empêcher de frissonner en me rappelant qu’il y a cinquante ans, 262 travailleurs, venus pour la plupart d’ailleurs, ont perdu la vie à quelques pas d’ici dans ce catastrophique accident de travail.

    Dans la région, le désarroi fut total. Surtout pour des familles pauvres venues de loin chercher une vie un peu meilleure. Cardijn disait : la vie d’un travailleur vaut plus que tout l’or du monde. Et finalement, tous en étaient réduits à constater que la santé et la sécurité des travailleurs ne valaient pas grand-chose à côté de la valeur de l’or noir.

    Les années passent mais la mine tue toujours. Plus ici, mais dans d’autres continents, d’autres pays, comme en Chine par exemple. Et à chaque fois, on entend les mêmes constats. Pourtant, la fatalité n’y est pour rien, les causes sont à chercher dans le manque de respect des règles de sécurité et les pressions pour toujours produire plus et plus vite.

    Nos sociétés ont bien du mal à apprendre du passé. Depuis la catastrophe de Marcinelle, combien de morts dans les mines, combien de victimes d’accidents de travail, combien de maladies parce que la santé et la sécurité des travailleurs n’ont pas assez de valeur à côté de « l’or du monde », de la course au profit financier.

    Ce serait néanmoins mentir que de dire que rien n’a changé. Ces changements, ces progrès, nous les devons aux combats menés par les organisations syndicales. Mais, nous devons constater qu’il reste encore beaucoup de travail à faire.

    En Belgique, la législation relative à la sécurité du travail souterrain dans les mines a été revue et rendue nettement plus contraignante après la catastrophe de Marcinelle. Depuis lors, les progrès en matière de sécurité et de santé ont été réels, la situation s’est nettement améliorée mais pourtant, certaines leçons de la catastrophe ne sont pas restées gravées dans les esprits :

    - prévenir vaut mieux que guérir,

    - il ne faut pas attendre de grandes catastrophes avant de chercher à améliorer la sécurité au travail,

    - une bonne surveillance d’une bonne législation en matière de sécurité est de nature à sauver de nombreuses vies humaines.

    Pour s’en convaincre, il suffit de regarder les statistiques. Elles sont édifiantes et montrent clairement que ces dernières années, le nombre total d’accidents du travail graves n’a guère diminué. Du côté des accidents légers, nous constatons une diminution, mais la réalité du terrain nous appelle à la plus grande prudence quant à l’interprétation que l’on peut en faire. En effet, nombreux sont les cas où nous devons constater que certains employeurs préfèrent ne pas déclarer à leur compagnie d’assurance ce type d’accidents.

    En 2004, près de 14000 accidents graves dont 122 mortels ont été constatés. Si l’on y ajoute les morts sur le chemin du travail et ceux du secteur public, ce sont plus de 210 morts. Une personne par jour ouvrable ou presque, l’équivalent d’une catastrophe du Bois du Cazier tous les ans.

    Derrière ces chiffres, n’oublions pas que des familles ont été brisées. Comment expliquer à un enfant que sa maman ou son papa, parti tôt le matin, ne reviendra plus jamais ?

    Certains nous répondront : c’est la faute à la fatalité. Nous ne pouvons nous contenter de cela car nous savons qu’une politique de prévention bien menée peut permettre de réduire fortement le nombre d’accidents du travail.

    Les accidents sont une chose mais il y a également les maladies professionnelles liées aux produits ou aux conditions de travail. Nous devons constater de plus en plus la progression de nouvelles souffrances liées aux nouveaux modes de management et au stress.

    Je n’ai pas le temps de les évoquer ici, mais ces réalités méritent également toute notre vigilance de syndicaliste.

    Comme syndicalistes, notre façon de rendre hommage aux victimes du Bois du Cazier est certainement de poursuivre ce combat pour imposer l’attention qu’il faut porter à la santé et à la sécurité des travailleurs.

    L’imposer en nous battant pour ce que soit une préoccupation de tous les jours dans toutes les entreprises, grandes ou petites.

    L’imposer en poursuivant notre revendication d’instaurer des formes de représentation adaptées dans les PME.

    L’imposer en nous battant pour que plus de moyens soient donnés aux inspections du travail.

    Pour nous, un mort au travail, un blessé, un malade, sera toujours une victime de trop.

    Personne, ni syndicaliste, ni politique, ni patron, ne peut oublier les leçons de Marcinelle. En effet, les droits de l’homme, c’est aussi le droit à des conditions de travail saines et sûres. Lorsque nous travaillons, nous vendons notre travail et notre temps de travail. Nous ne vendons pas notre corps ni notre santé, car ils n’ont pas de prix.

    La catastrophe de Marcinelle aura été aussi le révélateur d’une autre question importante : les relations italo-belges et l’immigration en Belgique. Les conditions de vie et de séjour des immigrés étaient largement méconnues de la population belge.

    Nos amis de la Cisl et de l’Inas ici présents, doivent comprendre mieux que nous ce qu’est le sacrifice de l’immigration. Quitter les siens pour travailler et pour vivre dans des conditions misérables, risquer sa vie, sa santé, pour donner un avenir à ses enfants, cela relève d’un courage extraordinaire !

    Et au lieu d’en être récompensés, ces immigrés italiens, comme d’ailleurs d’autres aujourd’hui, ont vécu les vexations les plus blessantes au-delà des blessures physiques. Tout cela pour accepter le travail que les autochtones ne voulaient plus faire et donner un peu de moyens de survie à leur famille.

    Aujourd’hui, d’autres immigrés, avec ou sans papiers, venant d’autres horizons, se trouvent à la marge de la société. C’est un problème extrêmement difficile lorsque le chômage de masse frappe des centaines de milliers de travailleurs. Mais ce n’est pas une raison pour refuser le débat, ou refuser de les accueillir. A la CSC, en tout cas, ils ont leur place.

    Pour nous, syndicalistes, la solidarité ne peut pas être un mot théorique, c’est un choix de vie et d’engagement.

    A l’heure où le chacun pour soi gagne du terrain, nous croyons qu’il reste une place pour une solidarité innovante, où la finalité de la société est de réduire les inégalités, les injustices sociales, l’intolérance.

    Ni la mondialisation, ni l’individualisation, ni la démographie ne requièrent un démantèlement de la solidarité.

    Et l’expérience montre que c’est par la solidarité entre les travailleurs, par les combats qu’ils ont menés, que nous avons des conditions de vie dignes de ce nom.

    Ce combat n’est pas terminé !

    Ensemble, nous avons su faire évoluer la société, au prix de nos combats et de nos mobilisations.

    Ensemble, nous savons que nous pouvons construire un autre monde, plus juste et plus solidaire.

    Ensemble, nous allons construire cet autre monde car nous savons que c’est possible.

    Claude Rolin,

    Secrétaire général de la CSC.

    Michel

    Dumoulin

    Revisiter 1956

    A cinquante ans de distance, le retour à Marcinelle est un travail de mémoire. Et de recueillement. Il est aussi un travail d’histoire. Mais ce travail d’histoire et de mémoire ne se borne pas à reconstituer le déroulement des faits et à enregistrer l’émotion suscitée par ceux-ci¹. Comme l’écrit Carlo Emilio Gadda dans L’Affreux Pastis de la rue des Merles :

    « Les catastrophes inopinées ne sont jamais la conséquence ou l’effet, comme on voudra, d’un seul et unique motif, d’une cause au singulier, mais l’équivalent d’un tourbillon, d’un point de dépression cyclonique dans la conscience du monde : point vers lequel ont convergé toute une série de facteurs conspirants »².

    Mais notre propos n’est pas de s’interroger sur les mobiles de la catastrophe mais bien de la replacer dans son contexte dans la mesure où elle survient au cœur d’une année qui, avec le recul du temps, n’a cessé de gagner en importance au point de vue de la signification qu’elle revêt dans l’histoire de notre temps.

    Au point de vue général, l’année 1956 est marquée, au plan international, par l’esprit de la conférence de Bandoeng (avril 1955), le

    xx

    e congrès du Parti communiste de l’Union soviétique (PCUS), la crise de Suez et les évènements qui surviennent dans les démocraties populaires.

    Crise de Suez

    L’« afro-asianisme » dont la conférence de Bandœng marque la naissance constitue la manifestation d’une volonté de prise de distance du Tiers Monde – expression inventée en 1952 par le démographe Alfred Sauvy³ - par rapport aux deux Mondes dominés l’un par les Etats-Unis ; l’autre par l’URSS.

    Cette prise de distance des « non-alignés » est illustrée de manière spectaculaire par la décision de Gamal Abdel Nasser, le 28 juillet 1956, de nationaliser le canal de Suez. Les suites de cette décision sont connues. L’intervention franco-britannique tourne au fiasco, les Etats-Unis et l’Union soviétique démontrent leur capacité de régir le monde en exerçant d’insoutenables pressions sur Paris et Londres, Nasser apparaît comme le leader des « sans voix » et le prix du pétrole s’envole.

    La crise de Suez, exemplaire du « management » de leur rivalité par les deux grands, est contemporaine d’autres évènements qui marquent le camp socialiste puis, par cercles concentriques, l’Europe occidentale.

    Les « erreurs » de Staline

    La tenue, à Moscou, du 14 au 25 février 1956, du

    xx

    e congrès du PCUS, a des effets importants au plan idéologique et politique. Le Premier secrétaire du parti, Nikita Khrouchtchev, y présente un rapport dénonçant les « erreurs » de Staline mort en mars 1953. La « déstalinisation » commence. Elle est marquée par la dissolution du Kominform (17 avril 1956) et par une brève période au cours de laquelle, en Pologne et en Hongrie, l’espoir d’une évolution positive paraît possible.

    Sans s’arrêter ni à l’émeute de Poznan (23 juin 1956) qui marque les débuts de l’« Octobre polonais » ni aux évènements de Hongrie entre la fin mars et novembre 1956, il faut insister sur l’impact de la publication du rapport Khrouchtchev en Europe occidentale.

    L’impact du rapport Khrouchtchev en Europe occidentale

    Pietro Ingrao, grande figure intellectuelle du Parti communiste italien, intitulait un des ses nombreux écrits L’indimenticabile 1956⁴ [L’inoubliable 1956] afin de caractériser le choc, salutaire selon lui, de la publication du rapport soviétique sur l’évolution de la gauche italienne. Un choc intervenant au plus fort moment, selon Giorgio Amendola, de la crise politique et organisationnelle des gauches italiennes « incapables de promouvoir la politique de réformes de structures qui aurait répondu aux nouvelles exigences posées par la reconstruction et l’expansion économique naissante, tout en empêchant que sous la direction des groupes monopolistiques, cette expansion conduise à l’aggravation et au développement de toutes les contradictions de la société italienne »⁵.

    Les observations relatives au cas italien trouvent un écho ailleurs en Europe comme si la nature du phénomène était bien transeuropéenne. « Avec le recul du temps, l’année 1956 apparaît comme un moment-clé de l’histoire de la gauche française » souligne Serge Berstein. En effet, explique l’historien français, les trois composantes de la gauche française – le parti radical, la SFIO et le PCF – « connaissent une crise profonde » traduisant « l’inadaptation de ces partis aux réalités nouvelles qui se mettent en place dans la France des années cinquante ». Et d’ajouter : « Dans la crise elle-même on peut discerner la solution qui se profile, l’apparition d’une gauche nouvelle qui ne se manifeste encore que de façon latente, tant elle se trouve bloquée dans ses possibilités de concrétisation par le poids des appareils, mais qui n’en manifeste pas moins l’existence de virtualités nouvelles répondant aux situations neuves »⁶.

    Crise mais aussi esquisse d’un renouveau marquent la gauche dans d’autres pays européens. Au début de l’année 1955, André Renard déclare au Bureau de la FGTB : « L’intervention de l’Etat est maintenant plus étendue que ce n’était le cas précédemment ; cependant les holdings ne sont soumis à aucun contrôle et le rôle qu’ils jouent est tel que dans un Etat moderne, ce sont eux qui dirigent la politique ». L’année suivante, le congrès de la FGTB consacré au thème Holdings et démocratie économique⁷, exposant des ambitions plus que des moyens, illustre que les problèmes qui sont posés le sont bel et bien à l’échelle européenne.

    Dimension européenne

    Un des ces problèmes, pour ne rien dire des restructurations industrielles, est le vieillissement de l’outil. Ainsi, en Italie, où le débat est intense, en 1956, au sujet du lien entre syndicats et partis politiques, et sur l’opportunité d’actions sociales concertées entre CGIL, CISL et UIL⁸, l’unanimité paraît bel et bien exister. Le vieillissement de l’outil implique une pression inacceptable sur les travailleurs tenus de compenser ce handicap par un surcroît de travail accompagné de manquements aux règles sanitaires et de sécurité⁹.

    La productivité, au cœur des années 1950, est un autre problème important, notamment parce qu’il soulève la question de l’accompagnement, par les syndicats, de la modernisation de l’outil ainsi que des techniques de gestion, voire celle de la participation. A cet égard, le credo d’un Luigi Pastore ou d’un Mario Romani entendant à la fois faire valoir, de manière autonome, le point de vue de la CISL au sein de la Démocratie chrétienne (DC), et parvenir à un dialogue constructif avec le patronat, c’est-à-dire en sortant d’une logique d’opposition, est caractéristique de ce renouveau qui, du côté du syndicalisme chrétien n’ignore pas, à l’instar de certains intellectuels tel Felice Balbo, qu’une distance doit aussi être prise avec la hiérarchie de l’Eglise tout en étant attentif aux points de vue d’une gauche laïque soucieuse de dialogue¹⁰.

    Mais la productivité, comme la croissance, se traduit aussi en chiffres. Dans les années 1950, la croissance annuelle moyenne du Produit national place l’Allemagne (7,8%), l’Italie et l’Autriche (5,8%) largement en tête parmi les pays de l’Europe occidentale. La Belgique (2,9%) et le Royaume-Uni (2,7%) ferment la marche¹¹. Dans le même temps, le taux moyen de chômage est, en Belgique, de 4% de la population active mais de 7,9% en Italie, soit le plus élevé d’Europe dont la moyenne se situe à 2,9%¹².

    Au risque de lasser en citant des données chiffrées, il faut compléter l’information relative à la croissance et à l’emploi en insistant sur le fait que le revenu moyen par habitant en Italie se situe fort bas par rapport à celui d’autres pays. En 1955, il est estimé à 394 dollars contre 1870 aux Etats-Unis, 1010 en Suisse, 950 en Suède et 800 en Belgique¹³.

    Emigration italienne

    Chômage et faiblesse des revenus ont largement contribué à encourager l’émigration italienne ou, pour être exact, à la relancer. Mais là ne sont pas les

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