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Planète dévastée
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Livre électronique524 pages7 heures

Planète dévastée

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À propos de ce livre électronique

Né à Tours en 1965, Planète Dévastée est son premier roman, tome 1 de la trilogie du Cycle de la Terre.
LangueFrançais
Date de sortie27 déc. 2012
ISBN9782312007014
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    Aperçu du livre

    Planète dévastée - Laurent Jeauneau

    978-2-312-00701-4

    Avant-Propos

    Je ne suis bien sûr pas ici pour incriminer ni donner des leçons à quiconque mais simplement pour décrire un futur que j’abhorrerai voir survenir.

    Ce roman a été écrit sans aucune prétention de respect des cycles écologiques ni des théories de physique ou exactitude historique.

    J’essai à mon niveau d’être aussi respectueux que possible de l’Environnement mais je constate qu’il est parfois difficile de rester l’écologiste que je souhaiterai demeurer. Je ne suis pas exemplaire, loin de là, mais qui l’est vraiment ?

    Cette histoire et les héros qui la font vivre n’existent que dans les lignes qui suivent et qu’au travers de mon imagination.

    Enfin, ce livre est dédié à tous ceux qui croient encore que la Terre possède un avenir et que l’homme en sera la clé.

    Introduction

    Les livres d’histoire sont remplis de fabuleux héros légendaires ou ordinaires, qui peuplent encore aujourd’hui l’imagination des enfants, y compris en cette année de commémoration du 60éme anniversaire de la Grande Insurrection de 2042 qui fit basculer le monde dans les ténèbres. On apprend encore aux enfants que cet événement tragique, que certains n’hésitent pas à qualifier de ‘4e Guerre Mondiale’, fut déclenchée par les peuples eux-mêmes, ne croyant plus aux mensonges de leurs dirigeants. Ce peuple dont les biens étaient confisqués par une poignée d’hommes sans scrupule, ceux dont le niveau et l’espérance de vie ne cessait de reculer malgré des progrès technologiques édifiants. On disait aussi depuis longtemps que les réserves naturelles de notre planète ne suffiraient pas à cause de leur surexploitation et que le niveau de pollution des villes devenait chaque jour plus alarmant.

    C’est en effet en ce 1er juin de 2042 que plus de 80 % des hommes de la planète se rebellèrent spontanément, destituant par la force et en quelques semaines seulement les gouvernements et abolissant les frontières.

    Bien sûr, les armées et les polices furent supprimées et tous voulurent profiter de cet air de liberté mais le remède fut pire que le mal… Sans guide pour les amener vers la lumière, les 6 années qui suivirent furent très sombres pour tous les hommes et le chaos se propagea partout. Certains profitèrent de cette triste situation en se lançant dans des trafics en tous genres, de biens, de nourritures et même d’êtres humains.

    Pourtant, pendant l’année 2048, quelques hommes plus courageux que d’autres ou peut-être plus téméraires, réussirent à rassembler les peuples de la Terre et ainsi formèrent l’embryon de ce qui allait devenir le Gouvernement Mondial. Ce gouvernement composé initialement d’utopistes et d’hommes généreux, fut très vite remplacé par d’autres, plus pragmatiques et efficaces mais aussi plus vénaux. Un nouveau système politique fut une nouvelle fois mis en place, s’appuyant sur des bases plus individualistes et instaurant ainsi les toutes nouvelles polices privées et le système judiciaire correspondant. Ces procédés de maintien de l’ordre furent toutefois surveillés par un service dépendant du Gouvernement, constitué d’hommes intègres et courageux, le Bureau National de Sécurité. Inévitablement, des moyens de répression et de détention furent nécessaires et après un premier essai infructueux d’une prison spéciale détruite par des terroristes fanatiques, des Centres hautement sécurisés furent construits à proximité des plus grandes cités.

    Certes, une paix précaire régna pendant plusieurs décennies, permettant à l’industrie de se réorganiser et à la recherche de redémarrer afin de rattraper à marche forcée plus de 30 années de stagnation, mais les besoins de plus en plus urgents en ressources et les rejets toujours plus toxiques, terminèrent d’empoisonner l’atmosphère. En quelques années, un brouillard toxique enveloppa et demeura au dessus de la quasi-totalité de la planète, forçant ses habitants à porter en permanence des masques respiratoires pour leur survie à l’extérieur et les poussa à protéger leurs demeures par des moyens de plus en plus contraignants.

    Malgré cela, la population humaine connut une nouvelle poussée démographique, aggravant encore l’état de la biosphère déjà mourante de la Terre. Le Gouvernement aidé par certaines multinationales dut alors construire toujours plus de logements collectifs, toujours plus hauts et toujours plus exigus. Avant la fin des années 2080, l’ensemble des terres arables avait presque totalement disparues, remplacées par de gigantesques serres autonomes gérées par d’immenses groupes agro-alimentaires, bâties afin de nourrir la population toujours plus nombreuse.

    Partie I

    NewWest

    Chapitre N° 1

    Mylo Speed

    « Notre Monde est malade… très malade. Certain disent même qu’il est mourant. La Terre est pourtant encore vivante et le cancer qui la ronge lentement est paradoxalement aussi le remède qui pourrait la sauver, l’homme. »

    Mylo Speed, laboratoire de recherche de Bio-Nutrition

    19 janvier 2102

    Depuis toujours, l’homme a recherché de façon désespérée la meilleure manière de se détruire lui-même, en s’imaginant naïvement pouvoir progresser vers la connaissance de son environnement, ou de façon plus arrogante encore, en s’imaginant pouvoir le contrôler. Des millénaires de découvertes, la plupart fortuites, d’hypothèses purement théoriques et d’expérimentations plus ou moins hasardeuses, ont totalement convaincu l’humanité de sa propre perfection. Mais bien sûr tout ceci n’était que pure illusion.

    Ce n’était évidemment pas les quelques 12 milliards d’habitants humains de cette pauvre planète à l’agonie, parqués dans des tours de plus en plus hautes et ne vivant que derrière des visages de plastiques, qui diraient le contraire. Pas plus d’ailleurs que la faune ou la flore, ravagées, ne survivant à l’état sauvage que dans quelques très rares régions encore viables ou sinon en captivité dans des grands cirques couverts et surpeuplés, appelés réserves. On appelait cette planète encore la Terre… mais pour combien de temps encore ?

    Pourtant, dans ce monde désolé, aride et presque entièrement pollué, certains recherchaient avec acharnement un moyen de sauvegarder, ou tout au moins de prolonger la vie de ses occupants. C’étaient des petits groupes de personnes aux idées arrêtées et décidées à faire ce qu’il fallait pour ça, y compris par des méthodes souvent à la limite des règles strictes décrétées par le Gouvernement Mondial.

    Au sein de ce Gouvernement Commun, qui était établi depuis plus de 50 années et qui rassemblait l’ensemble des peuples de la terre, subsistait bien un ministère dit de l’Ecologie et de la Biodiversité mais, englués dans des conflits internes et des scandales financiers ou moraux, les responsables pensaient plus à leurs propres carrières personnelles qu’à s’accorder et imaginer des solutions pour sauver leur planète.

    Parmi les hommes qui espéraient encore, peu étaient prêts à risquer leurs propres existences pour que celles des générations à venir soient meilleurs que la leur, même s’ils ne manifestaient pas d’aptitudes particulières ni n’occupaient pas de postes à décision. Ils essayaient néanmoins de mettre en œuvre au mieux de leurs possibilités, leurs idées généreuses par des solutions de bouts de ficelles, qui étaient loin de suffire.

    Mylo Speed faisait partie de ces hommes. D’apparence plutôt simple et banale, à part ses cheveux courts et roux, couleur qui ne passait pas inaperçue, il était de la génération 2070, celle à partir de laquelle il n’y avait pas d’Avant, c’est-à-dire avant que la Terre perde son atmosphère respirable, ses terres riches et fertiles et ses animaux en liberté. Non, pour ceux-là et les générations suivantes, le monde n’était vu qu’à travers leur masque respiratoire, indispensable à l’extérieur des appartements ou bureaux pressurisés et purifiés, et pour qui la nourriture insipide provenait soit de la culture forcée et uniforme, soit fabriquée par des synthétiseurs. Était-ce des générations perdues ?

    Comme malheureusement trop peu de ses compatriotes, Mylo avait réussi à trouver un emploi, comme assistant dans un laboratoire de recherche, spécialisé dans l’étude de plantes ultra-résistantes aptes à se développer dans l’environnement pollué des champs extérieurs, une technologie prometteuse mais balbutiante. Il avait cruellement conscience que l’agriculture moderne demandait un rendement toujours plus effrayant aux végétaux comme aux animaux d’élevage mais pour lui, la solution n’était pas celle-là. Son rêve était de reconquérir les terres que les hommes avaient peu à peu abandonnées au désert et la pollution, pour leur redonner l’état quelles avaient auparavant. Ce n’était malheureusement qu’une illusion qu’il partageait avec bien peu de gens.

    En plus de ses activités professionnelles, Mylo possédait un autre talent, moins avouable mais bien plus efficace pour aider les autres et notamment les enfants abandonnés à survivre.

    Mylo vivait seul dans un appartement parfaitement identique aux 250 autres, dans une tour d’habitation de 50 étages, située dans la banlieue extérieure nord de la mégalopole de 35 millions d’habitants, appelée NewWest. Cette partie de la ville jouxtait un ancien quartier promis à la démolition, habité seulement que par des squatters. Depuis l’abolition des frontières mais surtout après la réunification de 2048, la plupart des grandes villes de la Terre avaient été totalement recomposées en s’interconnectant entre elles et quelques fois même déplacées, elles avaient très souvent changé de nom. Celle où vivait Mylo Speed se situait dans la partie Est de l’ancienne Europe et s’était développée autour d’une ville qui s’appelait autrefois Bucarest, capitale historique de la Roumanie aujourd’hui disparue.

    Petit mais fonctionnel, son appartement ne possédait qu’une seule pièce principale de forme rectangulaire, sorte de salle à vivre où les murs avaient chacun une fonction dédiée. Le premier renfermait une chambre totalement escamotable, avec un lit et quelques placards et accessoires astucieusement disposés. Même s’il avait peu de place pour ranger ses vêtements, cela lui suffisait. Le deuxième mur n’était pas escamotable mais mettait à disposition des distributeurs de nourriture et boissons, que Mylo devait approvisionner régulièrement à prix d’or, avec des produits tout prêts comme des boissons et barres alimentaire, mais aussi avec une pâte nutritive couteuse et que le distributeur pouvait adapter sous différentes formes et couleurs, mais dont le gout ne variait guère. Ce genre d’appareil était devenu standard suite à l’interdiction formelle de cuisiner à l’intérieur des logements, comme stipulé dans les contrats et pour des raisons douteuses de sécurité. Mylo n’était pas loin de penser que certaines grosses industries agroalimentaires avaient dû exercer de fortes pressions sur les services gouvernementaux de normalisation pour faire adopter ces règlements stupides. Le 3e mur était lui-aussi repliable et donnait accès à un coin toilette muni d’une douche à air pulsé ionisé, d’un petit lavabo limité au 1/2 litre d’eau réglementaire par jour, de toute façon hors de prix et de toilettes biochimiques. Avec l’arrivée des douches à air et leurs particules nettoyantes, l’hygiène corporelle put enfin être à la portée de tous, ou presque. Elles étaient simples, plus rapides et plus économiques mais surtout plus écologiques, avec leur système de recyclage autonome et leur très faible consommation d’énergie. Enfin, le dernier mur était certainement le plus utilisé de tous car il offrait la seule ouverture vers l’extérieur, par une grande toile-écran suspendue. Elle servait à la fois d’écran pour se connecter au monde par les réseaux de communication, mais elle permettait aussi de voir la ville, par un astucieux dispositif de caméras simulant une fenêtre.

    Fatigué de sa longue semaine de travail et par quelques sorties nocturnes… Mylo avait déployé son lit et s’était couché comme d’habitude, entièrement nu sous une couverture moelleuse à hygiène active. Depuis déjà des décennies, les semaines de travail étaient de 6 jours sur 7, pour ceux qui avaient la chance d’avoir un travail régulier et les jours de congés étaient au bon vouloir des employeurs.

    En ce dimanche matin du 19 janvier 2102, un bruit désagréable retentit dans l’appartement.

    « Beep beep beep ! Beep beep beep ! »

    – Hum… oh non Eva, s’il te plaît laisse-moi dormir encore un peu.

    – Excuse-moi Mylo mais je n’y suis pour rien, c’est toi qui a réglé le beeper hier soir.

    Ce beeper était l’une des choses qui avait traversé les années, sans modification notable. C’était un petit appareil électronique, fabriqué à l’ancienne sans nano-processeur et qui étonnamment ne faisait qu’une seule tâche… celle de réveiller toute personne située à moins de 5 mètres de sa déplaisante sonnerie. Improbable dispositif à l’heure où la plupart des humains étaient continuellement connectés au monde par leurs Assistants Personnel, ou PDA[1].

    Mylo ouvrit péniblement les yeux et regarda vers le haut. Le senseur optique du beeper détecta son regard et projeta l’heure au plafond en affichant de grands chiffres bleu pale qui indiquaient 7h45.

    – Pourquoi ai-je réglé ce foutu engin si tôt ? Maugréa-t-il. C’est mon jour de repos et j’ai tout mon temps !

    Eva répondit avec sa voix douce et sensuelle.

    – Je croyais que tu voulais faire un peu d’exercice ce matin ? Si tu traines trop longtemps au lit, les salles d’entrainement seront difficilement accessibles.

    Il étira longuement ses bras et resta quelques minutes supplémentaires au lit, profitant de ce trop rare moment de calme, il se décida enfin.

    – C’est bon, je me lève. Tu as raison ma puce, les pistes sont souvent bondées le dimanche et l’attente est généralement interminable pour accéder aux Entraineurs Personnels.

    Ce genre de salle de sport était en fait d’immenses halles couvertes, souvent en sous-sol, pouvant accueillir des centaines de personnes sur plusieurs pistes superposées, sur lesquelles différentes activités sportives pouvaient être pratiquées. De la course à pied à la danse, en passant par des exercices de musculation ou de stretching, il y en avait pour tous les gouts et pour toutes les bourses, seules les activités aquatiques avaient été interdites pour des raisons écologiques que tout le monde comprenait aisément. Mylo fit quelques mouvements de cou pour se décontracter les muscles et demanda.

    – Eva, quelles sont les nouvelles ce matin ?

    C’était une question rituelle à laquelle elle fit sa réponse coutumière.

    – Le monde va aussi mal qu’hier…

    Cette fois-ci, elle ne termina pas sa phrase comme elle en avait l’habitude par un déprimant, « mais sûrement mieux que demain », mais par quelque chose de plus insolite.

    – … mais aujourd’hui il y a une chose curieuse… il fait exceptionnellement beau, la température est de -5° Celsius et le ciel a été dégagé par un vent de nord.

    Mylo se leva d’un bond !

    – Quoi, tu plaisantes ? Il fait 5 degrés au dessous de zéro ?

    – Absolument, les prévisionnistes sont même plutôt confiants et annoncent que la température sera négative toute la journée.

    Sans réaliser qu’il était nu, Mylo se dirigea vers l’écran principal et ordonna.

    – Extérieur !

    Le rideau-écran s’éclaira et un paysage surprenant s’afficha, comme vu à travers une fenêtre du 50e étage d’une tour. La nuit n’avait pas encore fait place au jour mais déjà le ciel commençait à se teinter d’orange, une couleur d’habitude masquée par la grisaille des brouillards toxiques. Mylo n’en crut pas ses yeux et se demanda si tout cela était réel ou si l’image avait été maquillée.

    – Je ne comprends rien à ce qui se passe aujourd’hui !

    Il se rendit alors compte que son regard portait bien plus loin que d’habitude et que les limites de la ville-pieuvre étaient parfaitement visibles, il distinguait même certains champs périphériques du nord de la ville.

    – Eva, niveau de pollution s’il te plaît ?

    – Niveau vert annoncé pour la matinée et jaune cet après-midi, l’atmosphère est à priori respirable.

    Rares étaient les journées où le niveau extérieur de pollution descendait au dessous de la couleur rouge, signe de danger important pour les humains après seulement quelques minutes sans protection efficace, et de mort pour les enfants et les personnes faibles. Mylo se gratta la tête pour trouver une explication à ce phénomène.

    – Hier soir nous étions pourtant au rouge, tu as une explication ?

    La réponse d’Eva fut étonnamment moins précise qu’à l’accoutumée.

    – Sur les forums de WorldNet beaucoup se posent la même question que toi, mais je n’ai trouvé aucune réponse fiable concernant la chute de température.

    – WorldNews !

    À cet ordre, l’écran passa de l’image fixe de la ville à celle beaucoup plus colorée d’une magnifique jeune femme brune, avec une peau et un maquillage trop parfaits, que Mylo supposa être certainement une présentatrice de synthèse. Celle-ci s’agitait devant un globe en 3 dimensions représentant la Terre et ses continents. Une grande partie de l’hémisphère nord était représentée avec une teinte bleutée alors que le rouge dominait les autres régions, donnant ainsi une idée de l’ampleur de cet épisode atmosphérique singulier. Des messages d’alertes défilaient continuellement au bas de l’écran, exhortant les gens à ne pas sortir sans équipement. Mylo écouta avec attention la remuante présentatrice.

    « D’après les experts que nous avons consultés, cette vague de froid rarissime pourrait se prolonger pendant quelques jours, au moins dans la partie de l’hémisphère nord touchée par ce phénomène. »

    Elle s’adressa à un homme.

    « Paul, pourriez-vous nous décrire ce que vous voyez d’où vous êtes ? Je rappelle à nos téléspectateurs que Paul Damon se trouve actuellement sur le toit de la plus haute tour de la ville, l’EliteTower, qui culmine à plus de 600 mètres d’altitude, au 128e étage. »

    Dans une petite fenêtre, en haut et à droite de l’écran, un homme portant une chaude veste claire et muni d’un minuscule micro lui répondit.

    « Gina, c’est tout bonnement incroyable… voyez vous-même ! »

    La présentatrice fut remplacée par une vue époustouflante de la ville qui pivota sur 180° pour faire découvrir le panorama. Bien plus déconcertante que la vue depuis son propre immeuble, la vue procurait ainsi à Mylo une impression d’infinie et permettait de se rendre compte du gigantisme de la mégalopole.

    « Nous voyons toute la ville avec une netteté surprenante ! Je suis persuadé que la tour elle-même, pourtant construite il y bientôt 40 ans, n’a jamais connu un ciel si dégagé ! »

    L’image revint sur Gina, qui paraissait sincèrement bouleversée.

    « En effet Paul, c’est incroyable ! »

    L’homme se positionna face à la caméra et demanda avec un très grand sérieux.

    « Gina, pourriez-vous nous expliquer pourquoi le niveau de pollution est aussi faible ? »

    Le réalisateur revint sur la présentatrice en un gros plan révélant une beauté… trop parfaite.

    « En fait, lui répondit-elle, comme Monsieur Dan, un éminent climatologue, l’a développé tout à l’heure dans notre édition de la nuit, les trois facteurs réunis en ce moment pourraient être à l’origine de cet événement unique… les températures basses, la couche nuageuse très faible et le vent assez fort. Il semblerait que… «

    – Terminé !

    L’image disparut à l’ordre de Mylo et l’écran reprit une couleur jaunâtre, identique à celle des peintures murales.

    – J’en ai assez de leur babillage, ils parlent pour ne rien dire.

    Il se dirigea vers le mur cuisine et commanda son petit déjeuner.

    – Un thé, deux barres de céréales et un verre de jus d’orange.

    Moins de cinq secondes plus tard, une ouverture apparut dans le mur et un plateau glissa vers lui, qu’il prit pour venir s’asseoir directement sur le sol devant la petite table du salon. Mylo semblait songeur.

    – Eva, sais-tu depuis quand nous n’avons pas eu de températures si basses ?

    Avant qu’elle réponde, elle s’amusa avec lui.

    – Mylo, tu réalises que tu es tout nu ! Tu devrais enfiler quelque chose ou tu vas prendre froid.

    – Ah, ah… très drôle, dit-il en frappant des mains, et puis ce n’est pas comme si tu me voyais pour la première fois dans cette tenue !

    Elle resta muette.

    – Bon ok, je vais passer un short et un tee-shirt.

    Elle commença son explication dès qu’il fut un peu plus habillé.

    – En fait, à part en quelques endroits près des pôles, la dernière vague de froid remonte à 2079 où il a fait -1 degré pendant deux jours. Depuis 23 ans, il fait rarement moins de 12 degré, même en plein hiver. Il est admis par tous que l’effet de serre généré par le brouillard de pollution, est évidemment la cause principale de ce réchauffement climatique et d’après les statistiques, c’est seulement la 5e fois en 20 ans que le niveau passe au vert.

    Mylo resta à grignoter pendant quelques minutes son petit déjeuner en réfléchissant.

    – Eva, je pense que c’est une bonne journée pour aller courir… je veux dire à l’extérieur pour profiter du beau temps.

    – À l’extérieur ? Mais, tu n’y penses pas… même si le niveau est vert, c’est sûrement très dangereux !

    Mylo sentit autre chose que l’habituelle fidélité d’un PDA envers son propriétaire… il y décela aussi de l’inquiétude, oui, une réelle inquiétude.

    – Tu l’as dit toi-même ma puce, l’air est respirable, cette occasion ne se représentera peut-être jamais !

    Eva resta silencieuse pendant quelques secondes puis elle insista.

    – Mylo, si tu tiens vraiment à sortir, je ne peux que te conseiller d’emporter ton masque… s’il te plaît.

    – Ne sois pas si inquiète, je suis peut-être fou mais pas idiot.

    Il termina son thé, qui n’avait de thé que le nom et avala la dernière bouchée de sa barre hyper nutritive en buvant son jus de fruit. Il fit une grimace en finissant son verre, essayant de ne pas penser à la composition de cette boisson, certes vitaminée mais sans aucun produit naturel. Il passa ensuite rapidement sous la douche ionique et s’habilla pour sa sortie. Il essaya alors de se souvenir de quand remontait sa dernière sortie sans protection et se rappela qu’il ne devait avoir pas plus de quinze ans, dans le parc près de la maison familiale. Même si cela n’avait duré que quelques minutes et sous la surveillance étroite de son père, il avait ressenti alors une incroyable liberté ! En repensant à ce moment, il fut tout à la fois excité et inquiet. Il mit ensuite ses vêtements de sport habituels, collant noir et tee-shirt serré, tous les deux faits de tissu micro-respirant, ainsi que ses chaussures automatiques.

    – Sport !

    À ses mots, les contours de ses chaussures changèrent alors lentement, passant d’une forme pointue assez conventionnelle à talons plats, en une forme plus ronde avec une semelle épaisse.

    – Voilà qui est mieux.

    Il fouilla dans un des placards dissimulés dans le mur pour trouver sa veste thermique.

    – J’espère que les batteries sont encore chargées, ça fait des années que je ne l’ai pas mise.

    Le petit voyant vert sur son col confirma son bon état de fonctionnement et l’état de charge de sa batterie.

    – Parfait ! Eva, tu viens avec moi ?

    – Bien sûr, répondit-elle avec une voix qui indiquait un vrai soulagement, ainsi je pourrais veiller sur toi.

    Mylo ouvrit alors une petite boite et en retira un minuscule patch qu’il colla derrière son oreille droite, au niveau du lobe temporal. Ainsi disposé, il était totalement invisible à quiconque ne savait pas où regarder.

    – Eva, tout est ok ?

    « Oui Mylo, la connexion est parfaite. »

    La voix d’Eva arriva maintenant directement à son cerveau.

    « Mylo ? »

    – Oui ma puce ?

    Elle lui répondit par ondes sonores.

    – Je suis heureuse de sortir avec toi, merci de m’emmener.

    – Tout le plaisir est pour moi. Tu sais bien que je ne peux plus me passer de toi !

    Il termina en mettant quelques affaires dans un sac à dos, des barres nutritives, un tube désaltérant et son masque puis il enfila son bracelet multifonctions à son poignet gauche.

    – On y va ? demanda-t-il avec enthousiasme.

    – Je veux bien mais tu n’oublies pas quelque chose ?

    Eva avait dit cela sur un ton plein d’espièglerie.

    – Oh, excuse-moi ma puce… je suis tellement impatient de sortir !

    Il s’avança vers la table sur laquelle était posé un petit boitier clignotant et tira du bout des doigts sur la minuscule biocarte qui dépassait à peine. Il souleva ses vêtements et chercha une marque presque invisible sur sa poitrine, sorte de petite cicatrice près du cœur. Il tira légèrement sur la peau qui étonnamment s’ouvrit pour former une petite poche, cachant un connecteur placé sous sa peau. Il enficha alors la carte bioélectronique et replaça l’épiderme pour dissimuler et étanchéifier complètement la petite fente.

    Sur cette carte, magie de la bioinformatique moderne, était inscrit un nom, formé de trois lettres blanches… E.V.A.

    Chapitre N° 2

    Sonja Kané

    « Samedi 9 décembre 2101, 19h15, NewWest - secteur 10. Après plusieurs heures de surveillance devant la société NutriTech, le suspect, Monsieur Mylo Speed est sorti pour récupérer son glisseur anti-gravité… Je l’ai interpelé mais j’ai dû le relâcher pour une affaire plus urgente… «

    Extrait du rapport d’intervention de la Détective Stagiaire Sonja Kané

    – Ada… comment est la communication ?

    – Tout semble ok Sonja, je reçois parfaitement le signal de la guêpe qui est en attente au dessus de l’entrée.

    – Bien, il nous reste à espérer que Speed ne tardera pas à sortir car je meure de froid !

    Sonja Kané fit instinctivement quelques mouvements pour se réchauffer, tapant le sol avec ses pieds et en bougeant ses bras. Sonja était une jeune détective fraichement promue, tentée par une belle récompense. Ce métier n’était pas de tout repos et évidemment dangereux mais les primes promises pour la capture de malfaiteurs pouvaient être intéressantes. Elle avait mis son dévolu sur un petit voyou sans envergure, qu’elle traquait depuis déjà plusieurs semaines en attendant le moment propice pour l’arrêter. Elle avait toutefois encore quelques doutes sur les véritables activités de cet homme, avec son allure élégante et sa belle gueule.

    Originaire de l’ancienne Afrique, les ancêtres de Sonja lui avaient légué sa silhouette féline, sa peau noire et son incroyable beauté. Elle avait aussi hérité de leur sensibilité au froid !

    – Je ne comprends rien à ce temps ! Pourquoi fait-il si froid ce matin ? Et pourquoi ça m’arrive à moi, et surtout aujourd’hui ?

    Ada, le PDA avec une personnalité masculine qu’elle avait reçu pour l’aider dans ses missions, cru que Sonja s’adressait à lui et essaya de lui répondre du mieux qu’il put.

    – Voilà 50 ans, ces températures étaient normales pour un 19 janvier dans cette partie continentale… vous avez perdu l’habitude, voilà tout.

    – Qu’est-ce que tu en sais toi ? dit-elle d’une voix blessante, tu n’as même pas six mois d’existence !

    – Oui c’est vrai… veuillez excuser mon impertinence.

    Elle s’en voulut immédiatement d’avoir réagit si brutalement avec lui, sachant que cette réaction était l’une des caractéristiques classiques des PDA standards modernes, sans véritable caractère affirmé, elle s’excusa.

    – Non Ada… c’est moi qui ne devrais pas me laisser aller comme ça… c’est à cause de ce froid qui me glace jusqu’aux os.

    Elle le remercia quand il remonta d’un cran la température de la veste de synthocuir de sa patronne.

    Mylo Speed se manifesta quelques secondes plus tard…

    – Sonja, je détecte l’ouverture du sas d’entrée de Mr Speed.

    Elle s’agenouilla, essayant d’oublier le froid et la buée sur son masque transparent pour se concentrer entièrement sur son objectif. Elle se dit que cet homme était vraiment prévisible et d’une insouciance surprenante. Elle avait aussi remarqué et cela l’étonnait beaucoup, qu’il ne portait apparemment jamais de PDA mais un simple bracelet multifonctions juste bon à lui donner l’heure.

    – Ça bouge enfin ! Tu es prêt à activer la guêpe dès qu’il sortira ?

    – Oui, tout est en ordre.

    La porte du sas s’escamota et un homme en sortit. Sonja se cacha derrière le coin de l’immeuble qui lui servait d’écran et activa le petit moniteur qui recevait le signal que leur mouchard envoyait.

    – Activation de la guêpe… dit la voix d’Ada dans les récepteurs du masque, elle est en vol stationnaire à trois mètres au dessus de Mylo Speed et parfaitement indétectable.

    Sonja régla la réception et vit nettement leur cible de par-dessus.

    – Parfait… Maintenant, il s’agit de ne plus le lâcher. Ada, on passe en mode de communication direct.

    Les experts de l’agence et notamment un petit homme de type asiatique avaient expliqué à Sonja que ce mode de communication, d’une discrétion absolue, était basé sur la transmission des ondes cérébrales interceptées par des capteurs ultra-sensibles en contact direct avec son Assistant Ada. Cette toute nouvelle technologie, qu’on lui avait demandé de garder secrète, semblait prometteuse mais lui avait réclamé de longues heures d’apprentissage.

    Sur son moniteur, elle vit l’homme mettre une sorte de sac de syntho-laine sur sa tête, cachant totalement ses cheveux courts jusqu’à ses oreilles, puis il enfila une paire de gants chauffant. Elle commençait à bien connaitre Mylo pour avoir étudié consciencieusement son profile… 28 ans, de taille moyenne, sportif, il avait la peau étonnamment blanche et les cheveux d’une couleur de roux peu commune. Il travaillait comme assistant chez NutriTech, une société privée de recherche en bio nutrition, une chose qu’elle trouvait étrange car il ne possédait pas le moindre diplôme supérieur en Biotechnique. Elle le vit ensuite faire quelques mouvements avec ses bras et ses jambes.

    « Pourquoi sort-il s’il a aussi froid ? », demanda-t-elle.

    Ada répondit en s’adressant lui aussi directement au cerveau de Sonja.

    « Je ne pense pas que ces mouvements soient contre le froid mais paraissent plutôt être une séance d’échauffement musculaire, il semble qu’il s’apprête à courir. »

    « Quoi ? Là, dehors par ce temps ? »

    Elle se demanda qui pouvait bien être cet homme, avec des idées aussi ridicules. Elle pencha alors la tête au dessus du petit moniteur, comme pour mieux distinguer ce qu’elle venait de remarquer puis elle s’étonna.

    « Oh, ce type est cinglé, il n’a pas mis son masque ! »

    « En effet… « , lui répondit Ada, « … il semble qu’il ait entendu les prévisions météorologiques fournies par WorldNews ce matin. »

    Avec la surprise, elle répondit à haute voix.

    – Quelles prévisions ?

    « Que le niveau de pollution est passé au vert ce matin. », fit Ada en continuant sur le mode furtif.

    Comment avait-elle fait pour manquer une telle information !

    – Pourquoi ne m’as-tu pas prévenue ?

    « Désolé, je pensais que… «

    Elle repassa au mode de communication direct, qui était plus neutre que par la voix, elle avait en effet remarqué que ce mode évitait de faire passer trop d’émotions et que c’était quelquefois pratique pour cacher un état psychique.

    « Bon… ce n’est rien, mais tu crois que je pourrais moi aussi retirer le mien ? »

    « Théoriquement oui, mais ce n’est pas recommandé. »

    – Au diable ! Si Speed l’a fait, pourquoi pas moi !

    À 26 ans, Sonja Kané s’apprêta à accomplir un geste qu’elle n’avait jamais imaginé faire un jour, et c’est avec le cœur battant à tout rompre qu’elle tira légèrement sur son masque autoforme pour laisser entrer un peu d’air de l’extérieur. Des doutes l’assaillirent soudain et elle retint alors son souffle quelques secondes de plus avant de se décider.

    Ada, qui vérifiait sans cesse son métabolisme par les capteurs situés sur son corps, détecta immédiatement des signes alarmants et essaya de la dissuader.

    « Remettez-le ! C’est peut-être dangereux ! »

    En voyant Mylo Speed toujours en train de faire des mouvements, elle se décida enfin de le retirer complètement, tout en conservant les émetteurs plaqués sur sa tête. À bout de souffle, elle prit enfin une grande inspiration et l’air s’insinua par sa bouche et ses narines et atteignit ses poumons. Contrairement à ce qu’elle avait craint, elle ne ressentit aucune irritation ni douleur, seulement une forte odeur de pourriture.

    – Pouah ! Ça put ! Qu’est-ce que c’est que cette odeur ?

    Instinctivement elle se pinça le nez mais c’était trop tard et les effluves avaient déjà envahi son organisme.

    « Je suis désolé Sonja, je ne suis pas équipé de capteurs olfactifs… Peut-être des éléments en décomposition. »

    Sonja essaya de retrouver une respiration régulière et son rythme cardiaque ralentit, rassurant d’autant son Assistant.

    « Comment vous sentez-vous Sonja ? », demanda-t-il sincèrement inquiet.

    « Ça va… pas de problème, juste cette odeur très désagréable, mais je pense m’y habituer. »

    Après ce moment d’une forte tension émotionnelle, elle essaya de se re-concentrer sur son moniteur pour voir que Mylo s’était mis à courir. Elle admira alors sa course régulière et puissante ainsi que les petits nuages qu’il rejetait par sa bouche à chaque foulée, comme si pour lui, respirer l’air extérieur était la plus naturelle des choses. Elle se rendit immédiatement compte de sa stupidité… bien sûr que c’était une chose naturelle, c’était le propre de l’homme et cela depuis la nuit des temps !

    Ada confirma qu’elle était en sécurité toute relative.

    « Après analyse, je ne détecte pas de particules nocives, ni dans l’air ni dans votre organisme. Seulement, le sol est très contaminé et il serait très dangereux de vous en approcher. », puis il fit une courte pause et ajouta avec assurance, « J’ai une hypothèse sur l’odeur. »

    Sonja connaissait bien le petit défaut inhérent à ce type d’Assistant Personnel, ils avaient la fâcheuse tendance à toujours vouloir expliquer les choses, tel un maitre d’école face à un élève indiscipliné et souvent avec une pointe d’arrogance. Cela ne la dérangeait pas, au contraire elle s’amusait avec lui.

    « Vas-y, je t’écoute. »

    « Depuis votre naissance vous ne respirez que de l’air purifié et aseptisé dont tous les éléments nocifs ont été éliminés et toutes les odeurs neutralisées. Celle de l’air extérieur doit sûrement être normale, due à la multitude d’éléments organiques, végétaux ou minéraux présents en grandes quantités. La pollution ne doit évidemment rien arranger. »

    Sonja réfléchit pendant quelques secondes, tout en surveillant la course de Mylo Speed sur son moniteur. Ada devait avoir raison, l’homme avait perdu sa propre humanité depuis des décennies et n’était même plus capable de reconnaitre l’odeur de la terre… de sa terre.

    Elle se rendit compte tout à coup que respirer l’air ambiant ne la dérangeait quasiment plus, au contraire elle prenait un réel plaisir à inspirer profondément sans être entravée par ce morceau de plastique transparent qu’elle portait depuis toujours. Sonja essaya de chasser ces idées qui la détournaient de son objectif principal… Speed ! Elle grimpa alors sur son glisseur anti-gravité, l’activa et il se souleva de quelques centimètres au dessus du sol. Elle accéléra dans un silence presque total en manœuvrant habilement le petit véhicule afin de suivre à bonne distance la progression de sa cible.

    Chapitre N° 3

    Des traces étranges

    « La terre n’est pas morte… elle cherche seulement le moyen de se débarrasser de nous ! »

    Mylo Speed à son amie Eva.

    Mylo Speed

    Mylo profitait de chaque inspiration avec délectation en humant les odeurs qui l’entouraient. Lorsqu’il était sorti de son immeuble pressurisé quelques minutes plus tôt, il avait ressenti comme une énorme claque, une gifle qui avait terminé de le réveiller. Toutes les senteurs étaient arrivées en même temps à ses narines et ce fut presque trop fort pour lui. Il avait reconnu l’odeur forte de la terre humide, quoique légèrement gâchée par quelques relents âcres provenant sans doute de quelques poches de gaz polluées qui ne s’étaient pas totalement dispersées avec le vent. Mylo ressentait vivement ce vent froid qui lui fouettait le visage, lui rappelant que l’homme était né pour être libre, comme dans sa jeunesse lorsqu’il avait ressenti cette incroyable impression durant les quelques minutes à l’extérieur.

    Grâce à son travail au laboratoire de bio-nutrition, il avait l’habitude de toucher et de sentir la terre, même si celle-ci était rarement pure. Il aimait plonger sa main dans les bacs d’humus dans lequel quelques fous essayaient de faire pousser des légumes de façon ‘naturelle’. Des fous oui, car la méthode générale courante de production de végétaux reposait depuis des dizaines d’années sur une technique appelée ultraponie[2], culture forcée utilisant les ultrasons afin de vaporiser des solutions nutritives. Cette vieille technique du XXIe siècle était tout particulièrement adaptée aux cultures modernes sous serres géantes et au développement rapide des fruits et légumes, qui n’étaient malheureusement consommés que par les plus fortunés. La majorité de la population ne pouvait en effet s’offrir que les aliments synthétisés par des distributeurs individuels ou collectifs.

    Mylo avait eu beaucoup de chance de trouver cet emploi, aidé pour cela par son ami Philip et quelques petits mensonges sur son CV. Ce travail lui tenait vraiment à cœur, non pas qu’il aimait particulièrement cultiver ces plantes pour les rendre résistantes, mais c’était surtout le sentiment de se sentir utile en essayant de faire changer les choses, qui lui permettait de supporter ce monde désolant.

    Outre la qualité surprenante de l’air, Mylo s’extasia sur la vision du monde qui l’entourait. Comme depuis le toit de l’EliteTower, ici aussi tout prenait une dimension irréelle. La fine couche de givre blanche sur le sol et les voies de circulation, pour une fois presque désertes, donnait à son quartier qu’il croyait pourtant bien connaitre, une atmosphère totalement féerique. Le plus déstabilisant pour lui était l’impression d’infini, que l’absence de l’éternel brouillard avait masqué depuis si longtemps, et les rues étaient maintenant visibles à perte de vue. Tout en trottinant il leva la tête et aperçut le sommet des hauts immeubles aveugles d’habitation, aux concepteurs desquels il reprocha de n’avoir prévu aucune fenêtre, aucune vue sur ce magnifique paysage. Il tourna ensuite son regard vers le nord, vers les limites de la ville, où les tristes constructions humaines faisaient place aux paysages stériles qui l’entouraient. Il décida de prendre cette direction en enfonçant son bonnet de laine un peu plus sur ses oreilles.

    Il fut ramené à la réalité par la voix mélodieuse d’Eva.

    « Mylo, nous sommes suivi. Je détecte un mouchard de type guêpe au dessus de nous qui nous a pris en chasse depuis que nous sommes sortis. »

    Ils avaient décidé d’utiliser le type de communication directe pour ne pas éveiller le moindre soupçon, Mylo ne voulait absolument pas fournir le moindre indice sur la présence d’Eva. Malgré cette présence non désirée, il n’eut besoin que de quelques secondes pour prendre sa décision, qui fut comme souvent d’ignorer les petits tracas de cette nature.

    « Ce n’est rien ma puce, fais comme si de rien n’était. C’est sûrement cette jeune femme noire qui continue à nous espionner, comment s’appelle-t-elle déjà ? »

    « Détective privée Sonja Kané. »

    « Oui c’est ça, Sonja… on s’occupera d’elle plus tard, j’aimerai d’abord profiter de ce moment unique. »

    Avec le jour naissant et les premiers rayons d’un soleil pale d’hiver, les couleurs semblaient bien plus vivantes. Il courait en s’amusant à faire craquer la fine couche gelée sous ses pieds… comme quand il avait 15 ans. Plus rien d’autre ne comptait et il était heureux.

    Eva

    En voyant Mylo si joyeux,

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