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Confitures
Confitures
Confitures
Livre électronique230 pages2 heures

Confitures

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À propos de ce livre électronique

Cet ouvrage est composé d’une suite d’ instants souvenirs de la chanteuse et réalisatrice Elaine Kibaro : Son enfance radieuse à La Goulette ou Tunis et son adolescence exaltante à Strasbourg, à travers lesquelles elle décrit sa découverte d’un état d’amour et d’harmonie souvent générateur de prodiges au quotidien. Chaque chapitre de ce livre peut aussi être lu indépendamment des autres, d’où son titre « Confitures ». « La vie est un voyage sans fin: regarder et retenir en pensée, comprendre et expliquer, définir et mettre les évènements dans des bocaux, tels des confitures; coller une étiquette sur chacune d’elles... Et quand un ami viendra demander un remède ou un peu de douceur sur sa tartine, j’ouvrirai un de mes pots: rose, prune, orange, choisis, c’est pour toi. On trouve tous les parfums chez moi...II serait navrant d’empêcher la matérialisation de certaines pensées, cela nous priverait de quelques confitures... »
LangueFrançais
Date de sortie1 févr. 2016
ISBN9782312041605
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    Confitures - Elaine Kibaro

    cover.jpg

    Confitures

    Elaine Kibaro

    Confitures

    LES ÉDITIONS DU NET

    22, rue Édouard Nieuport 92150 Suresnes

    © Les Éditions du Net, 2016

    ISBN : 978-2-312-04160-5

    I « Yasmine »

    « A Elodie »

    « La vie pour Love est un voyage sans fin: regarder et retenir en pensée, comprendre et expliquer, définir et mettre les évènements dans des bocaux, tels des confitures; coller une étiquette sur chacune d'elles...

    Et quand un ami viendra demander un remède ou un peu de douceur sur sa tartine, j'ouvrirai un de mes pots: rose, prune, orange, choisis, c'est pour toi. On trouve tous les parfums chez moi...II serait navrant d'empêcher la matérialisation de scertaines pensées, cela nous priverait de quelques confitures... »

    (« God Mystère » de Elaine Kibaro)

    img1.png

    Illustrations de Mikaël de Vinci

    Chapitre I

    Confitures de Grenades

    Il doit être près de cinq heures et un silence de plomb semble d’étendre sur la ville…La mer elle-même s’est tue. Dans la maison, il fait noir, soudain, et Nora allume des bougies.

    Un coup de tonnerre ébranle le vieil immeuble. Là-haut, sur le minaret crient les mouettes.

    C’est un orage de fin d’automne, comme il n’en sévit que dans la Sud, chargé de mystère et de violence contenue.

    La petite ne parle plus. Elle a presque deux ans et elle écoute chaque bruit, chaque coup de vent qui frappe à la porte, qui siffle et se glisse par-dessous, finalement, dans la fente entre le bois et le pavé.

    – Le courant a sauté, dit Nora en posant deux chandelles sur la table.

    Il y a toujours un rire éclatant dans le verbe haut de Nora : devant les petits comme les grands, elle semble vouloir conjurer la peur.

    Elle prend l’enfant par la main et l’entraîne dans la cuisine :

    – Viens, Yasmine, je vais préparer des tartines grillées.

    Nora allume le four, passe les tranches de pain sur le grill. Un éclair passe.

    – Attention, dit Nora, bouche-toi les oreilles.

    Et Yasmine, pressée contre la jupe en nylon cloqué de sa sœur, met ses paumes sur ses oreilles, rentre la tête dans ses épaules en riant.

    Roulement de tambour.

    – C’est fini, claironne Nora.

    Elle sort les tartines du four, les badigeonne d’huile d’olive et les frotte avec une gousse d’ail…

    Yasmine se délecte encore plus de l’odeur du pain grillé mélangée à celle de la terre mouillée, que du reste, semble-t-il. Elle renifle tout, tel un jeune chat.

    Brusquement, l’électricité revient ; la lampe crue s’allume au plafond ; les nuages se dissipent, et avec eux, la magie de ce jour-là.

    Toc-toroctoc-toctoc, on toque, et Nora ouvre la porte, non sans jeter au passage un coup d’œil à la glace piquée, au-dessus de la commode peinte…Ses dents trop grandes et trop blanches, prêtes à dévorer le monde, ses lèvres recouvertes de carmin, une plaie ouverte, perdue dans ce visage au teint foncé…Nora passe sa main avec rage dans ses courtes boucles noires : elle trouve ses cheveux crépus, et tire dessus, chaque jour, avec une brosse.

    Nora a dix-huit ans et la beauté du diable, comme disent les anciens.

    Dans la chambre d’entrée, la famille est au complet, et volent les baisers.

    – Thérésa, tu veux goûter ma ta-tine ? demande Yasmine.

    – Tartine, reprend Thérésa qui rentre de l’école.

    – Taâtine…

    Yasmine n’arrive pas à prononcer les R, mais elle ne s’inquiète pas.

    Ce sera comme pour marcher, pense-t-elle, je m’exercerai en cachette et je leur ferai la surprise.

    En fait, elle n’aime être observée qu’au moment où elle réussit.

    img2.png

    Les murs de la véranda sont peints à la chaux et la chaleur trop forte les craquelle. Yasmine ne s’en plaint pas : elle vient d’inventer un nouveau jeu. Il s’agit de décoller des lambeaux entiers de chaux, de les broyer dans le creux de la main, d’y ajouter quelques gouttes d’eau en grimpant sur le tabouret devant le lavabo : à ce moment-là, la poussière de chaux devient une pâte  que l’on peut pétrir des heures ; Yasmine s’y occupe consciencieusement.

    – Où est Yasmine ? Demande la mère.

    – Ici, dans la salle à manger ! Je fais du Pâti-belli.

    – Du quoi ?

    – Du pâti-belli.

    Un coup d’œil jeté aux murs révèle à Maya la provenance des silences de sa fille. Ses autres enfants eurent des distractions plus banales : Thérésa préférait les débordements du bidet tandis qu’y voguait un bateau en papier.

    – Il ne faut plus éplucher mes murs ! Crie-t-elle.

    Pour Maya, la parole ne se conçoit pas sans le cri. Cela est courant chez les gens de petite taille : afin de ne pas se laisser dominer par les plus hauts qu’eux, ils deviennent des monstres d’autorité. Leurs vociférations  fatiguent tant que chacun cède plus ou moins rapidement.

    Maya, brune éclatante, chante du matin au soir dans sa cuisine. Sa beauté l’a toujours sauvée de la misère. Bonne preuve, cet homme magnifique, de vingt-cinq ans plus âgé qu’elle, qui lui a donné Thérésa et Yasmine et un troisième en cours.

    Il s’appelle Charles, mais Maya l’appelle Papa, devant les petits, pour leur apprendre, prétend-elle, comment l’on nomme un père.

    Charles en profite pour l’appeler Maman à son tour.

    Visiblement, ils n’en sont qu’au début de leurs amours…

    Charles, émerveillé d’avoir une épouse si jeune, explique à ses amis que le manque d’instruction de celle-ci le repose après son travail.

    Maya, elle, se gonfle de fierté devant ses voisines. Petite couturière affairée, elle ne vit aujourd’hui que pour le plaisir de son aristocrate de mari. Elle s’habille maintenant comme une reine : une capeline pour chaque jour.

    Yasmine adore le sommeil dans le lit de sa mère, au creux des bras et du cou, là où la peau est si douce. Elle ne s’ennuie jamais, même dans le train qui va de plage en plage : elle emploie son temps à embrasser le visage et le décolleté de Maya. 

    – T’es belle, Maman, chuchote-elle.

    Et dans le wagon les gens admirent le joli tableau. Après avoir détaillé la mère, on regarde la fille au teint si blanc par rapport à celui de Maya…Infailliblement, Yasmine devine que quelqu’un va parler de la tache marron glacé qui orne un coin de son visage.

    Et comme d’habitude, certains disent « lorsqu’elle sera grande, on pourra l’effacer…La chirurgie esthétique commence à faire des miracles."

    Mais Yasmine pense que toujours elle la portera : un cadeau du Ciel ! Si drôle !!!!

    Maya va bientôt expliquer qu’elle a eu pendant sa grossesse une envie inassouvie de glace au caramel…

    Un vieux Monsieur ajoute alors que la tâche forme une sorte de corne d’abondance sur la tempe de Yasmine.

    C’est exactement cela, pense la petite.

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    Confitures de Jujubes

    Nora, chaque jour davantage, devient le pôle d’attraction des garçons de la plage. Elle n’accepte leurs invitations que lorsqu’ils correspondent à ses goûts. Autrement, elle prétend que ses terribles parents lui interdisent toute sortie même l’après-midi. Pourtant si l’un d’eux détient une allure assez virile, elle sait toujours prendre Yasmine par la main et annoncer à Maya que la petite a besoin d’air pur. C’est ainsi que Yasmine se retrouve assise aux côtés d’un beau-jeune-homme, sur un haut tabouret de bar. Evidemment, on achète son silence en lui payant des glaces.

    Yasmine s’enorgueillit à la pensée d’avoir à garder un secret. Thérésa, elle, a charge de mystère plus souvent, car elle est le chaperon de la plus âgée des deux filles : Diane.

    Et Yasmine, de nature jalouse, boude lorsque Thérésa lui raconte ses sorties secrètes avec Diane.

    – Et pouquoi pas moi ? C’est toujou toi qui a des glaces !

    – Tu es trop petite pour savoir garder un secret, répond Thérésa glaciale.

    Mais aujourd’hui, Yasmine tient sa revanche, et quelle revanche !

    Outre la glace à la pistache, elle découvre non loin du bar désert, en ce début d’après-midi sur Khérédine assoupi, une extraordinaire cheminée en carton-pâte.

    Cette cheminée, construite comme une maison, ouvre sa porte sur une salle de séjour miniature.

    Yasmine à quatre pattes, pénètre dans cet univers à sa mesure. Enfin, elle se sent chez elle…

    Les deux amoureux peuvent discuter à leur gré, la petite vit dans un autre monde.

    Lorsqu’il est temps de rentrer, Yasmine, qui n’a pas l’habitude de manifester ses chagrins, emporte dans sa tête la merveilleuse image de la maison de poupée…Le rêve, après tout, ne vaut-il pas la réalité ?

    Chaque nuit les yeux fermés, Yasmine sait rejoindre son domaine enchanté.

    img3.png

    La famille réunie pour le repas de midi contemple Yasmine, consternée : elle ne peut rien avaler. Pour Maya, qui passe ses journées à la cuisine, ne pas manger est la plus grande des offenses.

    Yasmine n’ouvre pas la bouche, elle sanglote… enfin, on arrive à comprendre ces mots :

    – On a tué ce poulet pour le manger, j’ai envie de vomir !

    Diane saisit la raison de ce dégoût subit :

    Yasmine a vu, du haut de la balustrade qui longe le patio de l’immeuble, la longue cérémonie arabe où l’on tue les moutons. Un à un égorgés, ils sont dépecés, découpés, et les pieds du bourreau trempent dans le sang chaud. Les gosses crient et plongent en riant leurs petites mains dans les flaques rouges, puis courent les appliquer contre les murs blancs. La trace de leurs cinq doigts protégera la maison :

    Hramsa ou Hrmiss, disent-ils, Le rouge gagne (traduction inventée par Maya !).

    Yasmine en demeure malade pendant quinze jours, refusant toute matière animale ; mais les piaillements de Maya, ses démonstrations nébuleuses sur l’utilité des protéines, ont peu à peu raison de sa résistance…Chacun sait que la soupe et le bifteck font pousser les enfants comme des plantes, et il faut bien grandir !...Que voulez-vous…

    La saison des pluies efface les peines de Yasmine ; le soleil se radoucit, la mer se calme, satisfaite de murmurer, le sable ne brûle plus les pieds, et la terre embaume. Alors, les escargots sortent, on ne sait d’où.

    Avec Thérésa, Yasmine part à la cueillette de jolies coquilles. Elles les mettent dans une boîte en carton percée de trous, pour les ramener à la maison. Face à la mer, sur la véranda, unique privilège de leur habitation, elles déposent les escargots sur une ligne de départ imaginaire.

    Chacun mise sur les siens propres.

    Certains oublient qu’ils traversent un champ de course et se promènent en zigzagant ; d’autres se refusent à laisser leur sillage brillant sur le carrelage…Dans le tas, il existe toujours un fonceur qui va jusqu’au bout, droit devant, encouragé par les bravos des fillettes.

    Au bout de deux jours, il est grand temps de les relâcher dans la nature, car leur salive détrempe le carton de leur camp, et leur odeur ne tarde pas à déclencher les foudres de Maya.  

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    Confitures de Coings

    Thérésa et Yasmine passent leur matinée à la pêche, de neuf à onze heures, période pendant laquelle Maya ne craint pas trop les insolations pour ses filles, et ne désire pas les avoir dans les jambes en plein ménage.

    Pour attraper les poissons, Charles prétend qu’il suffit de mettre du sel sur leur queue : cela les arrête immédiatement dans leur course. Lorsqu’il soutient de telles thèses, Yasmine se fâche :

    – Tu racontes toujours des blagues, Papa ! On ne peut pas leur saler la queue puisque le sel fond dans l’eau !

    Mais Charles adore maintenir ses opinions pour le plaisir de discuter avec ses filles comme avec de grandes personnes, jusqu’à ce que Maya intervienne :

    – Regarde comme tu l’énerves ! Arrête-toi, Papa, sinon elle sera trop excitée cette nuit pour dormir ! Tu bourres trop le crâne de ces enfants !

    Le patriarche aux cheveux déjà blancs, trouve un autre sujet :

    – Bon, alors Yasmine, veux-tu que je te raconte l’histoire du Marramamaou ?

    – C’est une histoire qui fait peur ?

    – Oui.

    – Alors raconte.

    Charles prend chaque fille sur un genou et commence sa terrible légende tissée de pénombre et de monstres hurlants sur les collines. Yasmine se mord le coin des lèvres et Thérésa ouvre des yeux plus que noirs…

    Les dimanches et jours de fête, Charles s’occupe de sa tardive progéniture ; il aime par-dessus tout, sous la surveillance de Maya, qui veille au grain, savonner les petites dans la grande baignoire derrière le paravent vert.

    Charles a voulu le confort moderne pour cet appartement de plage. Il n’a pas trouvé d’autre endroit prédisposé à recevoir une salle de bains, que ce coin de séjour…A côté, il a exigé un lit étroit pour ses nuits d’abstinence. A son âge, dormir chaque soir au coin d’une femme, lui vaudrait sans doute un trop grand nombre d’enfants…

    – Papa, j’ai les doigts-fèves, annonce Yasmine.

    Traduction : la vapeur du bain a plissé le bout de mes doigts.

    – Moi aussi, dit Thérésa qui a compris.

    Elle montre ses mains à Maya qui observe la scène, assise au bord du lit.

    Charles admet qu’elle inspecte son travail, mais entend qu’elle n’y participe pas, car elle a droit à du repos…Il ne sait pas, le pauvre, que Maya se fatigue encore plus à le voir travailler.

    – J’ai du savon dans les yeux, pleurniche Thérésa.

    – Moi aussi, ça pique ! Ajoute Yasmine.

    – Attends, je vais t’aider à les sortir du bain, intervient Maya.

    Et Charles

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