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On ne peut pas mourir dans ce monde
On ne peut pas mourir dans ce monde
On ne peut pas mourir dans ce monde
Livre électronique313 pages3 heures

On ne peut pas mourir dans ce monde

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À propos de ce livre électronique

On ne peut pas mourir dans ce monde, l’auteur décrit un personnage typique ouzbek du xxe s., le prénom du personnage principal convient parfaitement à Botir firqa, c’est un homme courageux (Botir-signifie en ouzbek : courageux, brave et audacieux), une personne qui connaît le mal et le bien, qui est un fonctionnaire, qui est un firqa. Il reconnaît toujours ses affaires, ses actes qui sont absurdes et indignes, mais, d’après l’exigence de la situation, il ne ménage pas les autres et même lui-même pour réaliser la politique du régime de l’époque. A la fin du siècle les convictions auxquelles il avait cru sont devenues absurdes, les monuments qu’il avait construits avec ses mains commencent à s’écrouler l’un après l’autre. A ce moment-là, l’auteur exprime avec un grand talent inattendu les processus qui se passent dans sa psychologie et son sort, à la manière tragi-comique. Ce roman de l’auteur devient un incroyable monument littéraire constitué par la magie des mots au moment de la fin du despotisme et au début de l’indépendance.
LangueFrançais
Date de sortie28 janv. 2016
ISBN9782312041551
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    Aperçu du livre

    On ne peut pas mourir dans ce monde - Togay Mourod

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    On ne peut pas mourir dans ce monde

    Togay Mourod

    On ne peut pas mourir dans ce monde

    Roman

    Traducteur Jahongir Sanakulov

    Adaptation Michel Beucher

    LES ÉDITIONS DU NET

    22, rue Édouard Nieuport 92150 Suresnes

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    © Les Éditions du Net, 2016

    ISBN : 978-2-312-04155-1

    Togay Mourod – écrivain remarquable

    Togaymourod Mengnorov, dit Togay Mourod, est apparu dans le domaine de la littérature dans les années 70 avec son talent original, unique.

    Togay Mourod est né le 3 février 1948 dans le village Khodjasoat, district de Denov,  région de Sourkhandarya. Il étudie à l’école N°43 de ce village. Pendant ses études à l’école il écrit des petits contes.

    Il est diplômé de la faculté de journalisme de l’université d’Etat de Tachkent. Ensuite il fait son service militaire.

    Il travaille pendant quatre ans comme rédacteur à la radio de la république (1972-1976).

    Plus tard il devient traducteur dans le journal « O`zbekiston fizkulturachisi - Le gymnaste de l’Ouzbékistan » (1976-1978).

    Ensuite il devient rédacteur en chef du journal « Science et Vie » (1982-1984).

    Il continue ses études à l’institut de Littérature de Moscou (1985-1987).

    Au début, il écrit des petits récits. En 1976 après la publication de son premier récit « Les étoiles brillent éternellement » dans l’édition littéraire d’Ouzbékistan « Sharq Yulduzi - Astre de l’Orient » il devient très populaire. Ce récit qui décrit artistiquement le sujet de la lutte nationale rapportée au monde actuel a été reconnu comme la meilleureœuvre de l’année. Ensuite les récits « La nuit où le cheval hennit » (1979), « Les gens marchant sous le clair de lune » (1980), « La chanson de la terre natale » (1985) sont publiés un par un. Chacune de ses œuvres qui étincellent comme le tonnerre du ciel dans la littérature, a immédiatement attiré l’attention du grand public et a provoqué un débat houleux. Pour ces récits Togay Mourod reçoit le prix « Oybek » donné par l’union des écrivains de la république.

    En 1985-1991Togay Mourod a travaillé sur son premier roman « Les champs hérités par mon père ». En 1993 le roman a été publié, d’abord, dans le journal « Yoshlik-Jeunesse » et tout à coup a causé un émoi parmi le public littéraire. En 1994 le roman a reçu le prix d’Etat « Abdoulla Khodiri » commele premier exemple de maturité de la littérature ouzbèke de l’époque de l’indépendance.

    En 1999 Togay Mourod est décoré du titre de l’écrivain populaire d’Ouzbékistan.

    La nouvelle prose ouzbèke débutée par Abdoulla Khodiri a enrichi principalement la langue en diverses expressions dans les années 60-70 du dernier siècle selon les conclusions de cet écrivain, de Khodiri. Mais par contre la façon de s’exprimer dans les œuvres de Togay Mourod est très particulière, se compose d’une autre manière. C’est vrai que Togay Mourod a créé un nouveau style dans la littérature ouzbèke.

    Le deuxième et le dernier roman de Togay Mourod est « On ne peut pas mourir dans ce monde », il l’a écrit entre 1994 et 1998. Ce roman publié en 2001 a reçu une récompense annuelle donnée par l’union des écrivains pour les meilleures œuvres de l’année.

    Togay Mourod s’est occupé de la traduction littéraire. Il a traduit en ouzbek avec un grand talent les contes et le drame « La fille de l’homme riche » de Jack London, le fameux livre sur les animaux « Le cheval sauvage » d’Ernest Thompson.

    L’écrivain a travaillé efficacement et sans arrêt sur les mots, sur la création du style durant  toute sa vie qui a été très courte. La luminosité de l’image, la beauté de la langue se caractérisent  par un texte musical. Le style et la langue des œuvres de cet auteur ensorcèlent toujours les lecteurs par des textes à la musique  extraordinaire.

    Dans le roman « On ne peut pas mourir dans ce monde » l’auteur écrit une autre vue de la tragédie de la croyance soviétique dans la pensée des gens formés au cours de l’empire soviétique. Il décrit un personnage typique ouzbek du XXè s, le prénom du personnage principal convient parfaitement à Botir firqa, c’est un homme courageux (Botir-signifie en ouzbek : courageux, brave et audacieux), une personne qui connaît le mal et le bien, qui est un fonctionnaire,  qui est un firqa. Il reconnaît toujours ses affaires, ses actes qui sont absurdes et indignes, mais, d’après l’exigence de la situation, il ne ménage pas les autres et même lui-même pour réaliser la politique du régime de l’époque. À la fin du siècle les convictions auxquelles il avait cru sont devenues absurdes, les monuments qu’il avait construits avec ses mains commencent à s’écrouler les uns après les autres. À ce moment-là, l’auteur exprime avec un grand talent inattendu les processus qui se passent dans sa psychologie et son sort, d’une manière tragi-comique.

    Selon les paroles de Lev Tolstoï le dernier roman « On ne peut pas mourir dans ce monde » de Togay Mourod convient parfaitement aux exigences de l’humanité et de l’immortalité.

    Togay Mourod est mort le 27 mai 2003 à Tachkent.

    Selon les paroles du grand savant de la littérature Oumarali Normatov ces deux romans complémentaires qui racontent la tristesse des siècles deviennent un incroyable monument littéraire constitué par la magie des mots au moment de la fin du despotisme et au début de l’indépendance dans l’histoire de la littérature et de la nation ouzbèke.

    La tragédie inattendue de ce personnage qui est en bonne forme, qui peut servir encore pour le travail de la communauté avec son expérience incroyable acquise au fil des années, selon nous, ne laissera jamais indifférent tout le monde, y compris les lecteurs français.

    De la part du traducteur.

    1

    Cela lui a monté à la tête.

    Botir kouchtchi, l’arrière petit-fils de Qodir qul, le petit-fils de Kholmat malay et le fils d’Eson xizmatkor, revint du district d’une étrange humeur.

    Kouchtchi posa le pas fier comme Artaban. Il écarta ostensiblement les bras. Il haussa ses sourcils courbés.

    Il s’arrêta devant le bureau du kolkhoze. Il jeta un coup d’oeil avec orgueil sur le toit du bureau. Il grimpa sur le toit sans un mot.

    Il posa ses mains sur ses fesses sur le toit. Il déambula tout au long du toit. Il marchait, hautain, jetant prudemment des coups d’oeil aux alentours.

    Soudain il se figea comme une statue. Il fit signe vers le bas avec son index. Il répéta son signe. Il appela son gardien avec son geste.

    Le gardien vint tout de suite. Il s’étonna, au pied de l’échelle, de ce signe. Il regarda en mettant sa main comme un pare-soleil sur ses sourcils.

    – Vous m’avez appelé ? demanda-t-il.

    Kouchtchi déclama comme un gouverneur.

    – Que le peuple se réunisse ! ordonna-t-il. – Réunissez le peuple !

    Kouchtchi reprit sa marche, les mains en arrière. D’abord il marcha vers l’Occident. Puis il se tourna vers l’Orient.

    Le gardien considéra cette demande comme une plaisanterie.

    – Bien sûr, le peuple viendra ! répondit-il. – J’avais déjà dit, le peuple va venir bientôt !

    – J’ai dit que le peuple se réunisse !

    Le gardien s’étonna, il s’irrita… et finit par se fâcher :

    « Toi, tu es juste un kouchtchi. Qui t’a permis de monter sur le toit », voulut-il dire.

    Mais il mordit sa langue.

    – Que faites-vous le peuple ? demanda-t-il. – Voilà, je suis un représentant du peuple, dites-moi ce que vous avez à raconter !

    – Non, que le peuple se réunisse !

    À ce moment cinq-six paysans apparurent devant la porte. Les paysans se réunirent au pied de l’échelle. Ensuite ils lui lancèrent un mélange de boutades :

    – Nous sommes venus du champ en voyant votre statue !

    – Que se passe-t-il au district, racontez nous ?

    – Eh bien, rapportez-nous les nouvelles du district ?

    Kouchtchi descendit du toit. Il marcha le long du bassin. Il se dressa sur un talus d’argile qui était au bord du bassin. Il mit ses mains en arrière. Il poussa devant son maigre ventre. Afin de pousser devant son maigre ventre… il se courba en arrière. Son maigre ventre sembla gonfler. Ses fesses disparurent. Il se courba encore plus en arrière !

    Kouchtchi fit signe aux paysans avec son index.

    – Restez comme ça ! dit-il.

    Les paysans furent réunis à côté du talus d’argile.

    Kouchtchi montra le talus d’argile.

    – Asseyez vous ! dit-il.

    Les paysans s’assirent sur le talus. Ils s’assirent en tailleur.

    Kouchtchi mit ses mains sur la taille. Il empoigna son dos. Il poussa à nouveau son maigre ventre. Ses fesses disparurent à nouveau en arrière.

    – Mais non ! dit-il. – Dites moi, qui suis-je ?

    Les paysansse regardèrent. Ils secouèrent la tête en disant oui. Ils sourirent légèrement en plaisantant :

    – Qui êtes-vous, eh bien, vous êtes notre Botir kouchtchi, répondirent-ils.

    Botir kouchtchi repoussa à nouveau son maigre ventre.

    – Non ! répondit-il. – Mais non, vous n’avez pas trouvé !

    Les paysans sourirent tournant leur visage de côté. Les paysans sourirent cachant leur bouche.

    – Quand le kolkhoze a-t-il été fondé ? demanda le kouchtchi. – Quand deviendrez-vous intelligents ? Devinez qui je suis ?

    Le sourire disparut sur les visages des paysans. Ils réfléchirent tous. Enfin ils ne supportèrent plus ce silence.

    – Alors, dites le nous vous-même ?

    – Nous sommes des paysans qui travaillent dans les champs jour et nuit, nous ne sommes pas au courant des nouvelles ?

    – Vous étiez au district ce matin, alors racontez nous vous-même ?

    Kouchtchi mit ses deux mains sur la poitrine. Il bomba le torse.

    – C’est moi… suis-je ? dit-il. – C’est moi. Devinez vous, si c’est moi, qui serai-je ?

    Les paysans se regardèrent à nouveau.

    – Oui, c’est vous… c’est vous ! répondirent-ils.

    – Alors, c’est un ordre pour vous : allez, demandez aux gens, qui suis-je !

    Kouchtchi descendit du talus d’argile en donnant cet ordre. Puis il reprit sa route pour s’en aller.

    Un paysan se lança sur les traces du kouchtchi. Il empoigna par le bras le kouchtchi.

    – Ecoute moi, Botir, dit-il. – J’ai vu ton père, il était très pauvre, j’ai rencontré ta mère, son talon était déchiré. Ton père et ta mère étaient pauvres comme Jésus, pourquoi es-tu au septième ciel ? Descends un peu en bas, descends !

    Kouchtchi retourna sur ses pas. Il mit son doigt sur sa poitrine.

    – Je suis ! dit-il avec fierté. – Je suis Botir firqa, Botir firqa !

    Les paysans se regardèrent à nouveau.

    – Qui êtes-vous ? demandèrent-ils.

    – En bref : je suis Botir firqa !

    Kouchtchi marcha tout le long du talus d’argile. Il avança en regardant les paysans.

    – En un mot comme en mille, je suis Botir firqa depuis aujourd’hui ! En même temps, je suis le chef du soviet du village ! dit-il. – Si quelqu’un ne m’appelle pas Botir firqa, ne me contrariez pas !

    Les paysans furent stupéfaits.

    2

    Il y avait des gens qui ne voulaient pas appeler le kouchtchi Botir firqa.

    L’un ne dit rien, ne comprenant pas le mot « firqa ». Un autre s’habitua au mot kouchtchi. Encore un autre ne l’appella pas firqa en se disant que le mot ne convenait pas au kouchtchi.

    À ce moment Botir firqa… se fâcha tout rouge.

    Kouchtchi réduisit le salaire d’un paysan. Il coupa le courant d’eau pour le jardin de quelqu’un. Il ne donna pas de foin aux bêtes des autres.

    Il traitait les gens « d’ennemi du peuple » s’ils n’ajoutaient pas le mot « firqa » à son prénom.

    Plus tard, le kouchtchi devint Botir firqa – en un seul mot.

    3

    Après des études politiques de six mois, Botir firqa revint de Samarcande, la capitale de l’Ouzbékistan.

    4

    L’an 1933 arriva.

    Le pain devint très précieux. Le pain coûta très cher.

    Le père échangea son fils contre une galette de pain de sorgho.

    La mère échangea sa fille contre une poignée de son.

    Les humains mangèrent même du tourteau.

    5

    La mère tendit ses paumes à un passant qui était à dos d’âne.

    – Emportez cette jeune fille, quand elle sera grande, elle fera votre ménage ! dit-elle. – Je l’échange contre une poignée de son, juste une poignée !

    Le passant sembla de ne pas l’entendre. Il ne demanda même pas le prix pour marchander. Il ne demande pas si l’enfant était en bonne santé.

    La mère regarda à droite, ensuite à gauche. Il n’y avait personne dans le marché à part la mère.

    Ensuite la mère éclata en sanglots en regardant sa fille. Elle sanglota désespérement en regardant sa fille.

    La mère se pencha. Elle courba la tête. Elle voulut porter sa fille sur son dos.

    Mais sa fille recula. Elle fit « non » de la tête.

    Alors, la mère donna des tapes sur le dos de sa fille.

    Sa fille pleura de douleur à haute voix.

    La mère insulta sa fille, vociférant :

    – Tais-toi, une perte de marché ! Ne pleure pas… une galette de sorgho !

    Puis la mère gifla sa fille.

    Enfin la gifle réchauffa sa joue. Elle se leva brusquement. Elle s’accrocha inopinément au dos de sa mère l’enserrant par le cou.

    La mère mit une chose attachée au bout de son foulard sous le bras. Elle tint avec précaution le rouleau sous le bras. Hop, elle bougea de sa place. Elle chancela en se levant. Elle s’équilibra et fit quelques pas.

    La mère prit la route avec sa fille sur le dos. La mère avança avec le rouleau sous son bras.

    La fille s’accrocha au cou de sa mère. Elle voulut pleurer à haute voix. Elle eut peur de sa mère. Elle craignit d’être pincée à la fesse. Elle n’émit que des gémissements.

    Malgré tout, la mère pinça la fesse de sa fille pendue sur son dos.

    La mère injuria sa fille, elle vociféra à nouveau :

    – Tais-toi, une perte de marché ! Ne pleure pas, malheureuse, ne pleure pas !

    La fille arrêta ses gémissements.

    La mère suivit le sentier. Elle avança vers le village par ce sentier.

    Le village apparut que tout proche, mais il était un peu loin.

    Elle traversa un sentier infesté de serpents.

    Soudain elle s’arrêta. Elle tressaillit. Elle recula.

    À ce moment, sa fille, sur son dos, se balança. La fille tomba persqu’à terre.

    La mère retint sa fille par les pieds.

    Elle consola sa fille. Elle ne bougea pas jusqu’à la fin du bruit des herbes sur le chemin pleinde serpents. Elle se releva.

    Ensuite elle reprit sa marche.

    La fille serrait ses bras autour du cou de sa mère.

    – Maman, je veux manger du pain… dit-elle.

    La mère ne fit pas attention. Elle marcha lentement.

    La nuit tombait.

    La mère accéléra. Par contre elle ne marcha pas longtemps. Elle fut prise de vertiges. Ses yeux tourbillonnèrent.

    – Maman, du pa-ain…

    Un chien aboya au loin. Qui aboyait-il ? Pourquoi ?

    La mère arrêta sa marche.

    « Le chien m’aboie ! pensa-t-elle. – Le chien a senti l’odeur de quelque chose. Le chien a senti l’odeur du pain, du pain. Le chien va nous rattraper ! »

    La mère s’en prit à sa fille… l’aboiement du chien.

    « Ma fille dit du pain, du pain. Le chien a entendu le mot « pain » », pensa-t-elle.

    – Ne dis pas le pain, qu’elle extermine ! Elle pinça les jambes de sa fille en disant ces paroles. – Le voilà, le chien arrive, ne dis pas le pain !

    Sa fille eut peur des paroles de sa mère.

    La mère continua son chemin.

    Le chien aboya encore.

    La mère comprit qu’elle marchait vers le chien. Ensuite elle pensa tourner à gauche.

    Mais qu’il n’y avait qu’un seul chemin. Le sentier n’avait qu’une seule direction.

    La mère pensa : « Le chien a senti l’odeur du pain. Dieu nous protégera il ne nous attaquera pas ».

    – Maman, du pa-ain…

    La mère voulut tourner à gauche du sentier. Elle fit cinq ou six pas. Mais ses pieds s’accrochèrent aux cuscutes et aux luzernes sauvages.

    Elle eut peur de marcher comme ça et de tomber avec ses pieds accrochés. Le pire… elle prit peur de marcher sur un serpent venimeux caché dans les herbes.

    La mère reprit son chemin. Elle tenait solidement son rouleau sous son bras.

    – Maman, du pa-ain…

    La mère haussa ses épaules. La mère secoua sa fille. Elle la gronda. Elle lui donna des tapes sur les fesses.

    – Ne dis pas le pain ! dit-elle. – Ne dis plus le pain !

    La mère marchait toujours à pas prudents.

    Elle pressentait que le chien les attaquerait.

    Le soleil se couchait.

    L’ouest devint tout vermeil. Et le soir répandit de l’air frais. La nuit tomba du ciel.

    – Maman, du pa-ain…

    Le chien s’approchait d’elles.

    La mère changea prudemment son rouleau… de son aisselle droite – l’aisselle du côté du chien et elle le mit avec précaution… sous son aisselle gauche. Elle se calma un peu. Elle avança bravement.

    Sa fille se plaignit, morte de faim :

    – Maman, du pa-a-ain… du pa-a-ain…

    La mère passa à près de cinquante-soixante pas de chien. Elle passa tranquillement. Parce que le chien… était attaché.

    Ce fut le crépuscule.

    La mère arriva à la cabane. Elle s’accroupit devant le foyer.

    Sa fille descendit en glissant de son dos. La mère s’assit sur place. Sa fille marcha à quatre pattes. Elle se mit debout. Elle avança. Elle fit ses premiers pas. Elle commençait à marcher. Elle marchait sur ses pieds. Elle regarda aux alentours : où est le pain ?

    La fille fouilla tous les endroits. Elle souleva la nappe. Elle regarda sous les grandes assiettes retournées. Elle regarda la nappe enroulée…

    La mère était exténuée. Elle respirait en haletant. Elle s’en remit.

    Puis elle enleva le rouleau de son aisselle. Elle l’étala devant le foyer : dans le rouleau il y avait un morceau de pain de sorgho !

    Elle se tendit et prit l’aiguière. Elle versa deux gouttes par le bec sur la terre. Elle leva le bec de la cruche. Elle prit de l’eau. Elle prit de l’eau à perdre haleine.

    La mère se tourna à gauche… avec le pain de sorgho. Elle mangea un grand morceau de pain. Elle mâcha très vite le pain. La mère avala très vite le pain…

    Il ne resta pas même une petite miette de pain !

    Ensuite… elle se tourna à droite.

    Sa fille cherchait toujours du pain… sous les grandes assiettes !

    – Viens ici ! dit la mère. – Viens ici, voilà le pain !

    Sa fille vint tout de suite.

    La mère serra sa fille contre sa poitrine. La mère mit son téton… dans la bouche de sa fille. Elle donna le sein à sa fille.

    6

    Les mères… étaient assises comme un chapelet enfilé dans le marché.

    Une mère tendit sa main à un passant.

    – Emportez cette fillette, elle sera comme votre fille ! dit-elle. – Je l’échange contre une petite galette de pain, une petite galette de pain !

    La mère montra sa fille à un autre passant.

    – Je l’échange contre un pain de sorgho ! dit-elle. – Un morceau de pain de sorgho est suffisant pour moi !

    Ce passant… était Botir firqa. Il ne fit pas attention. Il passa négligemment.

    Après cinq ou six pas il s’arrtêta. Parce qu’il semblait que la voix lui était connue. Il regarda derrière. Il revint devant la mère.

    La vérité éclata. La mère assise avec sa fille… était la veuve de Mirzakhodjaboy.

    Botir firqa mit ses mains dans le dos. Il regarda la veuve.

    La mère baissa la tête. Elle était assise en tenant sa fille sur ses hanches, entourant de ses bras le dos de sa fille, son front sur la tête de sa fille, cachant son visage.

    – Qu’elle me suive !

    En disant ses mots, Botir firqa continua sur son chemin.

    La mère bougea de sa place. Elle nettoya les vêtements de sa fille : des brins tombèrent de sa fille. De la poussière tomba de sa fille. La fille… remplie d’une poussière volumineuse !

    La mère arrangea ses vêtements. Elle chassa la poussière du bas de sa robe. Elle se couvrit le visage avec son voile, tenant sa fille par la main.

    Botir firqa marchait sans regarder derrière lui. Il avançait, les yeux fixés sur son chemin.

    Il ralentit son pas. Il discuta avec la mère sans la regarder.

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