Les Défricheurs d'Infini: Tome IV : L'Autre Faucon
Par Johnny Phoenix
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À propos de ce livre électronique
Le Faucon emmènera bien à bon port toute une communauté d’explorateurs, prêts à coloniser la grande Planète de Malachite. Mais il lui faudra filer droit derrière son guide. Surtout lorsqu’on sait où commence et où s’achève la compassion du samouraï.
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Les Défricheurs d'Infini - Johnny Phoenix
Les Défricheurs d’Infini
Johnny Phoenix
Les Défricheurs d’Infini
Tome IV : L’Autre Faucon
LES ÉDITIONS DU NET
126, rue du Landy 93400 St Ouen
© Les Éditions du Net, 2019
ISBN : 978-2-312-07094-0
À Laetitia
« La paix est dans le bois silencieux
Sur les feuilles en sabres
Qui coupent l’eau qui coule »
Francis Jammes
Le Doragon
C’était un monde hors-normes. Un gigantesque lac étendait les tentacules de ses rivières, à travers le paysage verdoyant. À perte de vue s’étiraient des champs de céréales. À perte de vue des vergers, enchâssés en bocages, venaient piqueter le tableau monochrome de leur joaillerie. Où fourmillaient aussi des fruits de toutes formes, gorgés d’arc-en-ciel. Et sur des ceps d’un autre âge les oiseaux, multicolores encore, aspergeaient leurs trilles de tous côtés, au milieu des treilles croulantes de raisins bleus.
Chacune des collines, qui vallonnaient la plaine fertile, était coiffée d’un château de forme semi-sphérique. Celui-ci tenait lieu de bâtiment administratif. Et autour de cet édifice, à l’esthétique fort contemporaine, étaient implantées des maisons, également en forme de champignons.
Chacun des pavillons présentait une large baie vitrée, à son unique étage sur pied. Tel un cerceau de silicium, elle offrait de façon arrogante une vaste vue panoramique sur la campagne jadoyante. Et sur le ciel à jamais ultra-bleu.
La nuit était tombée. Sans étoiles. On voyait cependant scintiller les quartiers résidentiels des villages-dortoirs. Et surtout, sis au bord du grand lac, les immeubles coniques de la Ville-Est. Pareils à de grands tipis phosphorescents, ils reluisaient au loin, sur les rives du Lac Occidental. Alcyon s’émerveillait particulièrement de cette vision enchanteresse. Il volait à vitesse réglementaire, à bord de son aéromobile de service. Il avait pourtant hâte de rejoindre le cœur de la Ville-Est, où Lili s’apprêtait à honorer leur nouveau rendez-vous.
Après avoir jeté un dernier coup d’œil sur sa rétro-caméra, il s’aperçut que, dans son village-dortoir, les pavillons fongiformes avaient depuis longtemps franchi le stade des légères méduses vaporeuses. Pour n’être plus réduites qu’à de petits coléoptères enfouis dans les buissons fuligineux de la nuit.
La Ville-Est, quant à elle, dressait pernicieusement les cornes phosphorescentes de ses immeubles, à moins d’un kilomètre de l’aéromobile. Une imposante voiture-volante transcendait juridiquement le vol linéaire de ses concurrentes, parmi les couloirs aériens matérialisés sur les écrans, par la Confrérie Des Transports : la CDT. Son gyrophare rouge signalait aux aéromobilistes la présence d’une patrouille sélène.
Il était inutile de songer à se poser sur le toit d’un quelconque immeuble, au vu de leur forme dissuasive, qui n’offrait de toute façon rien d’autre qu’un vulgaire supplice. Aussi, après avoir soigneusement choisi l’édifice affilié à son quartier résidentiel, Alcyon se laissera détecter, en franchissant un sas virtuel, retranscrit sur l’écran de son visiophone. Une entrée s’ouvrirait alors, tel un trou aveuglant, dans le mur même de la corne faite de polymétal et de silicium. Il laisserait aussitôt un guide muni de servo-capteurs s’ajuster à son appareil. Afin de le conduire à une plate-forme de stationnement.
Dans la Ville-Est, mais également dans les trois autres villes-sœurs, construites à l’instar, les derniers niveaux des immeubles ne présentaient que des services étagés pour voitures-volantes. Les plus nantis, évidemment, se réservaient les derniers étages pyramidaux.
Alcyon se retrouva bientôt propulsé, par un escalier à sustentation, dans le cœur éclatant de la ville déserte. Et tandis qu’il foulait les pavés luminescents d’une rue rétrograde, tout en s’extasiant de son architecture obsolète et factice, le nucléo-mécanicien songeait à quel point les lumières de la ville devenaient un réel substitut à l’inexistence souterraine des étoiles. Il s’étonnait que les avenues piétonnières soient si peu fréquentées, à cette heure précoce de la nuit. Les Sélénites redoutaient, peut-être, cette overdose de luminaires qui les tortureraient implacablement, durant les soixante-dix-sept longues années prévues avant d’atteindre Terrae II. Où ils seraient placés à tour de rôle en sommeil cryogénique, sous infusion d’un catalyseur chimique, composé en majeure partie d’un concentré des cellules de la fameuse cyanée immortalis.
Le Doragon avait été conçu sur cinq niveaux. À partir de son noyau central, où avait été injecté, en infinie quantité, du polymétal liquide.
Le moyeu sphérique assurait en majeure partie, autrement dit à quatre-vingts pour cent, le déplacement gravitationnel du Satellite. L’enveloppe en alliage d’hypracryogénite et d’or, qui encerclait le noyau, composait en-deçà l’une des deux parois, entre lesquelles était soutenue la fusion hélioénergétique de propulsion. Qui portait le nom de Transmutation. Cette sphère énergétique, située juste au-dessus du lest polymétallique, constituait ainsi le niveau-moins-trois.
Au-dessus de celle-ci, sur l’autre enveloppe ultra-calorifuge, venait le niveau-moins-deux, consacré essentiellement aux machineries de contrôle. Au stockage en bunkers également des principales matières premières. Ces bunkers, placés sous haute surveillance par des GS en faction, et deux douzaines de MDK, renfermaient en premier lieu les stocks inestimables d’or et d’OB.
L’Or Bleu était le sigle choisi pour l’eau extraite des nappes phréatiques les plus pures. L’or était employé, quant à lui, dans l’alliage malléable et conducteur du contenant de transformation hélio-nucléaire.
L’OB servait avant tout au processus de cryogénisation des humains. C’était au niveau-moins-deux qu’évoluait le petit monde des nucléo-physiciens, et de leurs employés : les nucléo-mécaniciens.
Le niveau-moins-un était dédié à la géosphère d’habitations découpée en quatre villes. Celles-ci matérialisaient les quatre points cardinaux fixés par le complexe gyroscopique du vaisseau. C’est à ce niveau que se trouvait à présent Alcyon.
Le niveau-un, puisqu’il n’existait pas en théorie de niveau-zéro, présentait la Stratosphère consacrée aux officiers, aux passerelles de commandes.
Le niveau-deux n’était dédié exclusivement qu’aux tourelles instrumentales, et aux belvédères de contemplation.
Par-delà l’avant-dernier niveau s’étendait l’enveloppe naturelle de la Lune, ou bouclier externe de dissimulation : la couverture de régolithe. Cette fameuse courtepointe, qui ne servait qu’à masquer l’existence monstrueuse du vaisseau, était réduite à peine à quelques dizaines de mètres d’épaisseur à présent. Elle était essentiellement maintenue en place, plus que par gravitation, grâce au bouclier magnétique de protection de la Méganef. Tissé par chacune des tourelles.
C’est sur cette couche qu’amerrissaient par ailleurs les aérospeeds. Ou plus rarement un astronef apparu de l’Hyper-Espace : la fameuse Sphérae des Incubes.
Des AGV, ou Ascenseurs à Grande Vitesse, permettaient à quelconque Sélénite lambda de passer d’une strate à l’autre. Cependant l’effet de claustrophobie, induit par leurs longs trajets verticaux, même combattu par des projections d’ambiance virtuelle, était à proscrire à la plupart de leurs usagers, affranchis par l’urgence.
Les ouvriers, surtout, préféraient, sauf pour accéder sans autorisation officielle aux belvédères panoramiques en silicium, emprunter à cet effet les couloirs ascensionnels pour aéromobiles, dont l’idiome approprié était une anastomose.
Mais l’ascension vers les belvédères de contemplation ne s’effectuait que par AGV. Cette élévation possédait elle aussi sa terminologie propre : la Métanoïa.
Et c’était là la surprise qu’avait réservé, en fin de soirée, Alcyon à sa consœur : la contemplation spatiale sous la coupole de l’une de ces romantiques tourelles.
Lili Thulea
L’horloge du bistrot affichait l’heure circadienne du vaisseau, basée sur un rythme artificiel de vingt-quatre heures. Ce quotidien était soutenu par l’ensoleillement factice des voûtes empyréennes, calqué sur le calendrier terrestre du méridien zéro.
Dix-neuf heures trente exactement. Un bonsaï trônait, tel un trophée de chlorophylle, au bout du bar en merisier véritable. Dans un aquarium de forme elliptique, des nudibranches offraient, aux yeux des quelques nucléo-techniciens attablés, leurs contorsions de danseuses écarlates.
Lili parvint difficilement à s’arracher à ce flamenco diabolique, pour se livrer à son caprice favori. Elle pencha ses narines dans l’enchevêtrement des racines-échasses. Et huma profondément la mousse fleurie. Des souvenirs de prairies boréales, tapissées de primevères, et frissonnantes de papillons multicolores, lui revinrent aussitôt en mémoire. Submergés bientôt par ceux d’un océan de sable, et d’une passoire d’ozone. Dans le brouhaha qu’entretenaient les nucléotechs, elle se surprit à saisir quelques bribes impudiques :
– Tout cela m’a l’air d’être plutôt un sacré bazar, là-haut parmi nos marionnettistes ! On prétendrait qu’un officier, indispensable aux commandes de passerelle du vaisseau, aurait été ramené en grande pompe, par toute une cohorte de scarabées.
Un rouquin courtaud et flatulent s’empressa de livrer sa répartie au grand sec à moustache, comme s’ils avaient pris le parti d’ouvrir, dans l’angle du bar, une conciergerie.
– J’ai bien cru comprendre qu’il s’agissait d’un mutant d’Extragalactique et de Terrestre !
– Tu parles de ces putains de bâtards aux yeux de démons ?
– C’est bien ce qu’on m’a raconté : un nuktal ! Apparemment un de ces derniers hybrides, à peine recensés par les nucléotechs !
– De quelle couleur sa luciférine ?
– Plus rouge que ma tignasse, Sergio ! Tu le croirais possible, ça ?
– En tout cas, pour ce qui est prouvé, Hector, c’est que ces nouveaux spécimens sont capables de scruter dans le noir total, à des distances décuplées !
– Putain, j’ai aussi appris ça, dans les news du Cosmonet !
– Attends, ce n’est pas tout ! Comme si la nature n’avait pas suffisamment gâté ses prodiges, elle les aura en plus dotés d’un squelette de métal-esprit. Aux particules vingt fois plus résilientes que celles de l’iridium lui-même.
– Sans oublier cette putain de faculté d’auto-régénération moléculaire ! Qui permet à leur organisme de se livrer à des combinaisons supérieures. À chaque fois qu’il se retrouve affecté par une attaque de nature quelconque !
– Ce qui ne les tue pas les rendrait donc réellement plus forts, comme le dirait Nietzsche !
– À tes souhaits, Sergio ! Mais trêve de baratin ! C’est