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Contes: Soirées allemandes - Tome III
Contes: Soirées allemandes - Tome III
Contes: Soirées allemandes - Tome III
Livre électronique104 pages1 heure

Contes: Soirées allemandes - Tome III

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Extrait : "À la fin du XVIe siècle, lorsque les Iconoclastes désolaient les Pays-Bas, quatre frères, dont trois étaient étudiants à Wittemberg, et le quatrième prédicateur à Antwerpen, arrivèrent dans la ville d'Aachen pour y recueillir l'héritage d'un vieil oncle inconnu".

À PROPOS DES ÉDITIONS LIGARAN :

Les éditions LIGARAN proposent des versions numériques de grands classiques de la littérature ainsi que des livres rares, dans les domaines suivants :

• Fiction : roman, poésie, théâtre, jeunesse, policier, libertin.
• Non fiction : histoire, essais, biographies, pratiques.
LangueFrançais
ÉditeurLigaran
Date de sortie30 août 2016
ISBN9782335169744
Contes: Soirées allemandes - Tome III

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    Contes - Heinrich von Kleist

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    La Fête-Dieu, ou le pouvoir de la musique

    À la fin du XVIe siècle, lorsque les Iconoclastes désolaient les Pays-Bas, quatre frères, dont trois étaient étudiants à Wittemberg, et le quatrième prédicateur à Antwerpen, arrivèrent dans la ville d’Aachen pour y recueillir l’héritage d’un vieil oncle inconnu.

    Après quelques jours passés à converser sur les évènements remarquables qui venaient d’avoir lieu dans les Pays-Bas, nos quatre frères, ayant appris que les nonnes du couvent de Sainte-Cécile, situé aux portes de la ville, se disposaient à célébrer la Fête-Dieu, échauffés par le fanatisme, par la jeunesse et par l’exemple, résolurent de donner à la ville d’Aachen le spectacle d’un iconoclaste.

    Le prédicateur, qui avait déjà conduit plus d’une entreprise semblable, réunit le soir avant ce grand jour un nombre considérable de jeunes protestants de tous les états, avec lesquels il passa la nuit à boire, à manger et à maudire le papisme. Lorsque le jour commença à paraître sur les créneaux de la ville, ils s’armèrent de haches et de toutes sortes d’autres instruments destructeurs, puis sortirent pour exécuter leur projet inique, après être convenus d’un signal auquel ils devaient commencer à jeter des pierres contre les vitraux de l’église représentant les saintes figures de la Bible, et ensuite poursuivre leur ouvrage jusqu’à ce qu’il ne restât pas une pierre de la cathédrale à sa place.

    L’abbesse, ayant été avertie dès le point du jour, par un ami, du danger qui menaçait l’église, envoya prier l’officier de l’Empire qui commandait la ville, de lui accorder une garde pour le moment de la cérémonie. Mais celui-ci, ennemi du papisme, et déjà voué en secret à la nouvelle croyance, la lui refusa sous le prétexte qu’elle se créait des fantômes, et que son couvent ne courrait pas l’ombre d’un danger.

    À l’heure où devait commencer la solennité, les nonnes se rendirent à la messe, tremblantes et saisies de crainte ; elles n’étaient protégées que par le sacristain septuagénaire, qui gardait les avenues de l’église avec quelques bedeaux armés.

    Les nonnes de ce couvent étaient alors renommées pour le tact, le sentiment et la précision avec lesquels elles jouaient de toutes sortes d’instruments. L’abbesse avait ordonné que l’on jouât une messe très remarquable d’un maître italien inconnu, qui avait produit une grande sensation toutes les fois qu’on l’avait exécutée dans quelque solennité. Mais par malheur, la sœur Antonie, qui devait diriger l’orchestre, tomba malade ; elle fit dire à l’abbesse qu’elle ignorait complètement ce qu’était devenue la messe italienne, et qu’il ne fallait point compter sur sa direction pour l’exécution de ce jour.

    Cependant les sacrilèges de tous les âges et de tous les états, s’étant réunis dans l’église, avaient déjà attaqué de la manière la plus grossière les bedeaux qui gardaient les avenues, et s’étaient permis les provocations les plus indécentes contre les sœurs qui allaient et venaient, tout occupées de leur sainte affaire. Le sacristain, témoin de toutes ces choses, entra dans la sacristie, et conjura à genoux l’abbesse d’ajourner la fête, et d’aller à la ville se mettre sous la protection du commandant.

    Mais l’abbesse resta inébranlable, soutenant que la fête ordonnée pour la gloire de Dieu ne devait souffrir aucun délai ; elle lui rappela son devoir, qui était de maintenir l’ordre pendant la messe et la procession solennelle qui devait avoir lieu dans l’église ; puis elle ordonna aux nonnes de choisir un oratorio, quel qu’il fût, et de commencer aussitôt.

    Les nonnes, tremblantes d’effroi, se placèrent à la galerie de l’orgue, et se mirent à accorder les basses, les violons et les hautbois, lorsque l’on vit tout à coup paraître sœur Antonie fraîche et bien portante, mais un peu pâle, tenant sous le bras la partition de l’ancienne messe italienne dont l’abbesse avait tant désiré l’exécution.

    Elle ne répondit aux questions des nonnes, toutes surprises de la voir sitôt rétablie, qu’en leur imposant silence ; et distribuant les parties à celles qui se trouvaient auprès d’elle, elle s’assit à l’orgue, brûlante d’inspiration, pour diriger ce chef-d’œuvre musical.

    Alors toutes les saintes filles sentirent leurs cœurs pleins d’une céleste consolation, et le saisissement même qu’elles éprouvaient transporta leurs âmes comme sur des ailes dans les régions célestes de l’harmonie.

    L’oratorio fut conduit avec un talent admirable, et, pendant toute sa durée, le plus profond silence régna dans l’église : on eût dit que les assistants étaient morts.

    Les frères sacrilèges et leurs alliés ne touchèrent pas même à la poussière des murs du couvent, qui, à la fin de la guerre de trente ans, fut sécularisé en vertu d’un article de la paix de Westphalie.

    Six ans après cet évènement, qui était dès longtemps oublié, la mère des quatre jeunes gens quitta Hag, où elle vivait, pour venir à Aachen chercher quelques renseignements sur ses fils.

    Les dernières nouvelles qu’elle en avait eues étaient contenues dans une lettre écrite, le soir même avant la Fête-Dieu, par le prédicateur à son ami le maître d’école d’Antwerpen. Il y parlait avec beaucoup de gaîté et d’indifférence de l’entreprise formée contre le couvent de Sainte-Cécile ; la pauvre femme n’en savait pas davantage.

    Après beaucoup de recherches inutiles, on se souvint enfin que, quelques années auparavant, et précisément à l’époque de la date de cette lettre, quatre jeunes étrangers, dont on ignorait le nom et la patrie, avaient été enfermés à la maison des fous établie dernièrement dans la ville par l’empereur, et que leur folie semblait avoir été causée par l’exaltation religieuse.

    Tout cela ressemblait trop peu à ce que la pauvre mère connaissait de l’humeur de ses fils, pour qu’elle pût croire qu’ils fussent les individus dont on lui parlait, surtout lorsque le magistrat eut ajouté qu’ils étaient catholiques romains.

    Cependant, après s’être fait décrire leurs personnes, elle se rendit tout inquiète à la maison des fous, et demanda aux directeurs de vouloir bien lui permettre de voir les quatre infortunés privés de raison qui étaient commis à leurs soins.

    Mais qui pourrait décrire l’effroi dont elle fut saisie, lorsqu’approchant de la porte, elle reconnut ses quatre fils ?

    Ils étaient vêtus de longs talares noirs et assis devant une table sur laquelle était un crucifix, appuyés sur leurs mains, dans l’attitude de la prière. Cette femme, perdant la force de se soutenir, se laissa tomber sur une chaise, en demandant aux directeurs ce que faisaient là ses fils. Ils lui répondirent qu’ils ne s’occupaient plus que de la gloire de Dieu et de leur Sauveur ; que depuis six ans qu’ils menaient cette vie spirituelle, ils dormaient peu, mangeaient rarement et ne parlaient jamais ; qu’ils ne se levaient de leurs sièges qu’à l’heure de minuit, et qu’alors ils entonnaient, avec des accents qui faisaient vibrer toutes les fenêtres de la maison, le Gloria in excelsis. Ils ajoutèrent que ces jeunes gens se portaient parfaitement bien de corps, et qu’ils avaient même une sorte de sérénité sérieuse et solennelle.

    La pauvre mère, ne pouvant supporter la vue de ces infortunés, s’éloigna toute tremblante de cette maison. Elle se rendit le lendemain, pour consulter sur cette découverte, chez un M. Veit Gotthelf, célèbre marchand de draps de la ville d’Aachen, qui était nommé dans la lettre du prédicateur à son ami, comme un

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