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Fabriquer le savoir enseigné: Guide pédagogique
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Livre électronique203 pages2 heures

Fabriquer le savoir enseigné: Guide pédagogique

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À propos de ce livre électronique

À travers la présentation et l’analyse de cours variés qu'il a observés en détail lors de diverses recherches et dans différentes institutions d’enseignement supérieur, l’auteur présente une série de constats qui lui permettent d’ébaucher une vision neuve et enthousiasmante de ce que signifie « construire un cours et/ou un savoir » pour un enseignant.

Les questions posées dans ce livre dépassent largement le seul cadre de l'enseignement supérieur et ouvrent des pistes de réflexion sur l'enseignement en général.

À PROPOS DE LA COLLECTION LE POINT SUR... PÉDAGOGIE

Destinée aux étudiants en sciences de l'éducation, aux futurs enseignants et aux enseignants du terrain, de la maternelle au supérieur, cette nouvelle collection fait le point sur les recherches et les pratiques en pédagogie.
- Des synthèses précises et ancrées dans les recherches les plus récentes.
- Des thèmes classiques qui constituent des incontournables.
- Des problématiques communes aux pays de la francophonie...
LangueFrançais
Date de sortie17 mars 2017
ISBN9782804169565
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    Aperçu du livre

    Fabriquer le savoir enseigné - Jonathan Philippe

    propos.

    Introduction

    La question « qu’est-ce que le savoir enseigné ? » s’est imposée à nous comme le passage obligé pour en aborder d’autres, élaborées dans le cadre de travaux distincts.

    La première part d’une évidence concernant l’enseignement, qui consiste à penser que « un enseignant qui s’intéresse véritablement à sa matière est susceptible de l’enseigner mieux qu’un autre ». Personne parmi les enseignants, les étudiants ou les élèves, les chercheurs en sciences de l’éducation ou toute personne ayant passé un peu de temps dans une école ne semble mettre cette opinion en doute. Elle mérite pourtant d’être questionnée : si elle semble faire l’unanimité, que signifie-t-elle vraiment ? Pourquoi, bien que si simple à énoncer, est-elle si peu « utilisable » ? Et peut-on exiger d’un enseignant qu’il « s’intéresse à sa matière » ?

    Sous les dehors simples de l’évidence, ce constat banal touche à tout un ensemble de points sensibles de ce que signifie enseigner. Chacun des termes qu’il mobilise pose question. Que signifie, pour un enseignant, le fait de « s’intéresser à sa matière » ? Qu’est-ce que la « matière » d’un enseignement ? Comment déterminer qu’un enseignant « enseigne mieux qu’un autre » ?

    La seconde question est plus précise et plus technique. Elle a commencé à se développer lors d’une recherche consacrée à l’échec dans l’enseignement supérieur. Le parti pris était d’envisager l’échec, non dans ses aspects psychologique (mécanismes cognitifs mobilisés par les étudiants dans le travail) ou sociologique (rôle du bagage culturel/social des étudiants dans leur éventuel échec), mais à travers une étude de la nature des savoirs enseignés et de leurs éventuelles difficultés intrinsèques. Pour ce faire, une investigation a été initiée en vue de circonscrire et de préciser ce que recouvre la notion de « savoir enseigné ». Cette étude a mis à jour que cette expression bien pratique recouvre en réalité quelque chose de nébuleux et complexe, qui se trouve au point de rencontre de déterminations très hétérogènes. La présentation des conclusions de cette recherche est l’objet du premier chapitre. De ce travail, articulé autour de la notion de pratiques, ont découlé des questions s’entraînant les unes les autres en série.

    Tout d’abord, l’étude des pratiques au sein de l’enseignement a nécessité de mettre au clair le rapport entre cette notion et celle de théorie, mais également de questionner le clivage classique entre les « savoirs théoriques » et les « savoirs pratiques ». C’est l’objet du chapitre 2. La réflexion portant sur la production des savoirs théoriques et sur leur nature textuelle a mené à l’investigation des rapports difficiles qui existent entre cette nature textuelle des savoirs et la présence d’enjeux dans les savoirs qui sont transmis par les enseignants. Cette question des enjeux et de l’intérêt des savoirs est présentée dans le chapitre 3.

    La question de l’intérêt des savoirs va de pair avec celle des différents types d’intérêt que portent à leurs disciplines les enseignants qui les transmettent. Cette question, développée dans le chapitre 4, est centrale puisqu’elle lie les différentes pratiques des enseignants au caractère intéressant du savoir qu’ils enseignent.

    Le chapitre 5 analyse, sur base des cas présentés en détail dans les chapitres précédents, la manière dont les enseignants fabriquent un cours en répondant à la double exigence de (1) construire un discours répondant à des contraintes didactiques et (2) de maintenir vivants dans leur cours des enjeux de la pratique dont ils sont les représentants.

    Les chapitres 6 et 7 présentent, comme conséquence de cette manière de concevoir les savoirs enseignés, la nécessité de réexaminer et/ou de reformuler certaines conceptions classiques de la pédagogie. Tout d’abord le clivage entre le « contenu » d’un cours et la méthode didactique mobilisée pour le transmettre et, ensuite, la manière de concevoir la dévolution dans un enseignement.

    On entrevoit à travers ce plan comment la question de l’intérêt des enseignants pour les matières qu’ils enseignent se transforme en un projet de généalogie des savoirs enseignés. Qu’est-ce qu’un savoir qui est enseigné ? Comment est-il construit par l’enseignant et comment ce dernier parvient-il, dans son cours, à en rendre l’intérêt ? Par quels processus concrets l’éventuel intérêt propre de l’enseignant passe-t-il dans le savoir enseigné ?

    Pour pouvoir aborder ces questions, il était nécessaire d’aller observer différentes situations d’enseignement. En outre, si l’intérêt des enseignants est véritablement constitutif de leur enseignement, il s’imposait également de questionner ce que signifie pour les enseignants en question « s’intéresser » à leur discipline. Rendre compte de tout cela requiert de passer par la description détaillée de situations concrètes qui montrent comment, de manière parfois très contrastée, des savoirs se construisent effectivement. Ainsi des « morceaux choisis » parmi le vaste matériau de comptes-rendus de cours et d’entretiens menés avec leurs enseignants sont présents dans le livre.

    Ce travail se distingue en deux temps qui, en fait, s’entremêlent en des allers et retours incessants entre observation et affinage conceptuel progressif : l’observation de situations d’enseignement d’abord, afin de fabriquer les outils permettant d’en rendre compte et de caractériser ce que l’on appelle le « savoir enseigné » dans chacun de ces cours. Ensuite vient l’élucidation des causes et la tentative de répondre à la question : « Pourquoi donc le savoir qui est enseigné dans ce cours est-il précisément comme cela, et pas autrement ? » Ce deuxième temps est celui de la généalogie des savoirs enseignés ; celui où l’on remonte le long des différents fils qui tissent l’agencement que constitue une situation concrète d’enseignement. Ainsi, les deux temps de la démarche se rejoignent : les outils permettant de décrire et de mettre à jour les processus en jeu dans une situation d’enseignement se précisent au fur et à mesure que se révèlent les facteurs présidant à la constitution même des savoirs qui y sont transmis.

    Les observations qui sont évoquées dans ce livre ont été réalisées dans l’enseignement supérieur. Ce choix s’explique par plusieurs raisons. Tout d’abord, la recherche dont est issue la problématique portait sur l’enseignement supérieur. Mais, après analyse, ces observations se sont révélées particulièrement intéressantes du fait que les situations de l’enseignement du supérieur mettent en évidence un certain nombre de traits qui sont bien plus discrets et difficile à repérer dans l’enseignement obligatoire, primaire et secondaire.

    L’une des spécificités du supérieur est que les enseignants y entretiennent, outre leur activité d’enseignement proprement dite, une autre pratique de la discipline qu’ils enseignent – les liens et la proximité entre cette autre pratique et l’enseignement variant énormément selon les cas.

    L’observation de situations d’enseignement dans le supérieur permet ainsi de se forger des outils qui permettent de poser différemment la question de la construction des savoirs enseignés. Si la construction de ces outils est facilitée du fait de spécificités de l’enseignement supérieur, la nouvelle perspective qu’ils ouvrent sur la fabrication du savoir enseigné n’est pas sans questionner également l’enseignement obligatoire.

    Chapitre 1

    Du savoir enseigné aux pratiques

    SOMMAIRE

    1 Qu’est-ce que le savoir enseigné ?

    2 Pratiques et contraintes

    3 Remarques générales sur les notions de « pratique » et de « contrainte »

    4 Le savoir enseigné est l’agencement singulier de pratiques hétérogènes

    1 Qu’est-ce que le savoir enseigné ?

    Rendre compte du lien entre l’intérêt des enseignants pour leur « matière » et ce qu’ils transmettent à leurs étudiants est passé par le fait d’aller voir comment, concrètement, leurs cours se construisent et se déroulent.

    Dans la recherche d’éléments de réponse aux questions de départ – l’intérêt d’un enseignant pour le savoir qu’il enseigne est-il constitutif de ce savoir ; et si oui comment ? –, il faut être prudent et ne pas se laisser enfermer par des phrases toutes faites ; par une manière de poser les questions qui nous coincerait dans une vision étriquée. Avant de se demander, par exemple, si les intérêts des enseignants pourraient « avoir une influence sur les savoirs enseignés », il convient d’examiner de près ce que l’on entend par « savoir enseigné » : à quoi cela correspond-il dans la réalité des situations d’enseignement ? S’agit-il bien d’une chose telle qu’elle soit capable d’être influencée ? Par quel type d’influence ?…

    De manière plus radicale, le « savoir enseigné » est-il un concept utile et fonctionnel pour rendre compte de situations d’enseignement ? En fait, bien plus qu’une question de prudence ou de précaution méthodologique, cette question s’impose d’elle-même – de manière surprenante – dès que l’on essaie de décrire un peu minutieusement ce qui se passe, en pratique, dans une salle de cours.

    Que faut-il entendre par « savoir enseigné » ? Cette locution peut être définie, de manière très large, comme l’ensemble de ce qui est transmis par un enseignant à ses élèves. Cette définition est la seule qui paraisse valable, bien que peu précise quant à ce qu’elle recouvre réellement. En effet, ce qu’un enseignant transmet à ses élèves est hétérogène, multidimensionnel, bref, difficilement réductible à un seul type d’information ou résumable à un contenu circonscrit. Une notion qui recouvre quelque chose de si large ne semble pas être un grand apport conceptuel…

    Que des « savoirs » existent dans nos vies semble une chose évidente – en particulier lorsque l’on parle d’école¹. Mais bien que ce terme soit utilisé quotidiennement sans poser problème, il se révèle totalement inefficace à saisir la réalité dès qu’il s’agit de décrire ce qui se passe dans une salle de cours. Pour le dire autrement, il est impossible dans une salle de cours de cerner ce qu’y serait le savoir enseigné, impossible même d’en identifier l’existence. Où est le savoir qui est enseigné dans un cours ? Est-ce la parole de l’enseignant ? Est-ce l’ensemble des supports écrits qu’il distribue (syllabus polycopié, documents divers) ; ou les écrits auxquels il renvoie (bibliographie évoquée au cours) ? Est-ce aussi ses gestes et intonations de voix qui indiquent l’importance de certains propos ? Le savoir enseigné serait-il également l’ensemble des habitudes intellectuelles progressivement acquises par les élèves grâce à l’enseignement reçu ?

    Comprend-il ce que l’enseignant demande aux élèves de faire par eux-mêmes ; les compétences acquises lors du travail personnel ou lors des séances d’exercices ?

    Lorsqu’on est face à une situation d’enseignement concrète, la notion de « savoir enseigné » apparait rapidement comme un concept fourre-tout, absolument non fonctionnel. Si cette notion doit être conservée, alors oui, il s’agit bien de « l’ensemble des choses » qui auront été transmises à un élève au terme d’un enseignement (y compris les « choses » qui auront été construites par l’élève lui-même grâce à ce qui se sera passé dans le cadre de l’enseignement proprement dit).

    Si l’on ne trouve jamais un « savoir » en tant que tel dans une salle de cours, on y fait par contre bien des rencontres : des enseignants ; des étudiants ; des groupes de taille variable ; des locaux variables également dans leur configuration et leur équipement ; des disciplines diverses ; des approches de ces disciplines variant elles aussi en fonction, notamment, du parcours de l’enseignant ; des plages horaires plus ou moins longues et des cours s’étalant sur beaucoup de temps alors que d’autres ne totalisent qu’une dizaine d’heures… Tous ces éléments ont, à leur manière, à voir avec le savoir enseigné. Plus profondément que cela, le savoir enseigné dans un cours ne peut être envisagé comme un élément ayant une existence autonome. Il est ce qui se constitue à la rencontre d’éléments multiples : un cours est la rencontre de différentes pratiques.

    2 Pratiques et contraintes

    Ces pratiques, en faisant valoir les exigences et les contraintes qui les définissent respectivement, contribuent à la construction du cours et de ce qui est transmis aux étudiants.

    Le concept de pratique parvient bien mieux à rendre compte de ce qui est réellement en jeu dans la construction d’un cours que la notion même de savoir enseigné. Ce que l’on voit lorsqu’on entre dans un auditoire, c’est un ensemble de pratiques qui se rencontrent, se télescopent brutalement parfois, mais finissent par se composer pour donner lieu à ce qui se passe dans la classe, s’agencer dans le processus de transmission, et ainsi devenir ce qu’on appellera in fine le savoir enseigné.

    Voici un certain nombre de ces pratiques qui se retrouvent plus ou moins visibles et affirmées dans les cours. Cette présentation typologique devrait commencer à rendre perceptible ce à quoi ce concept renvoie².

    2.1 Logistique, ou pratique de gestion des établissements d’enseignement

    La logistique renvoie au fait de « faire tourner » une école ou une université, moyennant des exigences financières, pédagogiques, légales, logistiques, et à l’ensemble des contraintes qui en découlent. Ces aspects peuvent sembler triviaux lorsqu’on parle de didactique ou de pédagogie. Cependant, la logistique recèle des contraintes qui ont plus d’influence qu’on ne pourrait le croire sur le savoir qui est enseigné dans les cours. Qu’un professeur soit placé dans une salle où il doit hausser le ton pour se faire entendre, et il y a peu de chances pour qu’il ait l’occasion d’entamer un dialogue avec l’auditoire : le cours se fera probablement de manière ex cathedra, avec un ton de voix constant et élevé, sans bénéficier de possibilités qui pourraient par contre être exploitées dans un environnement plus intime, avec un groupe d’étudiants plus restreint. De même, un professeur qui se voit attribuer quinze heures de cours pour enseigner une matière abordera cette dernière très différemment de ce qu’il ferait s’il avait quarante-cinq heures pour la donner.

    Si les conséquences de la logistique et de ses contraintes sont généralement moins excitantes à étudier pour un didacticien, leur importance n’en est pas moins réelle³.

    Il est intéressant de noter que l’intervention de la logistique dans un cours se fait sans que cette pratique ne soit représentée par un praticien : le directeur de l’école n’est pas présent en chair et en os au sein de la situation d’enseignement pour manifester la présence de la contrainte logistique. En fait, la manière dont les contraintes logistiques contribuent à créer la situation didactique ne peut souvent être que devinée, ou perçue a posteriori à partir du savoir qui est enseigné – ou encore en s’entretenant avec l’enseignant.

    Prendre conscience du rôle joué par la pratique logistique dans la construction du savoir a comme intérêt de faire comprendre que les véritables acteurs qui fabriquent le

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