Faire le deuil des vivants: Solve et Coagula

Par Jean-Pierre Mailhan

Jean-Baptiste, haut fonctionnaire charismatique, réussit tout ce qu’il entreprend dans la France des années 2050-2060. Clairvoyant dans le cadre de décisions techniques, il n’a pas su anticiper la désagrégation de sa famille. Ses trois enfants, recourant à une nouvelle réglementation permettant de devenir le descendant d’autres personnes, voire d’opter pour un statut d’orphelin volontaire, renieront leurs parents. Le traumatisme infligé à ces derniers sera d’autant plus douloureux qu’ils apprendront la disparition de leur plus jeune fils parti combattre aux USA déchirés par une nouvelle guerre de Sécession. Toutefois Jean-Baptiste bénéficie de l’amitié de femmes et d’hommes lumineux, notamment de celle du truculent et premier président de la République noir et antillais. Cette garde rapprochée d’amitié lui sera d’une aide déterminante pour aller à la rencontre de lui-même, faire la paix avec lui-même, puis autour de lui. Cette rédemption lui ouvrira d’autres portes de succès, non liés à la matérialité, et réveillera une intelligence du cœur en hibernation.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Juriste de formation, Jean-Pierre Mailhan a fait carrière dans l’assurance. Parisien d’origine, il a choisi, pour sa retraite, un joli village de l’Uzège où il conjugue une vie épicurienne avec diverses activités associatives. Faire le deuil des vivants est son troisième roman.

• Langue: Français
• Éditeur: Le Lys Bleu Éditions
• Date de sortie: 13 nov. 2020
• ISBN: 9791037714381

Aperçu du livre

Préface

J’ai toujours eu une profonde admiration pour ces conteurs, bâtisseurs d’histoires, de fictions, de romans qui par la simple magie de leurs écrits nous emmènent loin dans l’imaginaire.

Des mots couchés sur le papier et qui, par une belle alchimie, vont pour quelques heures nous immerger dans des mondes inaccessibles, nous faire aimer ou détester des personnages, nous émouvoir, nous attrister ou nous amuser.

Préfacer le dernier ouvrage de Jean-Pierre Mailhan m’offre l’opportunité, grâce à un vigneron émérite, Patrick Chabrier, de témoigner de mon admiration pour ces auteurs qui nous offrent toutes ces émotions.

Être auteur, c’est être singulier et curieux. Jean-Pierre Mailhan semble mériter les deux qualificatifs.

À l’aridité que pourrait imposer le monde de l’assurance où il a réalisé une belle carrière, il a laissé prospérer son goût des gens, de la vie mais aussi, c’est une qualité dans le Pays d’Uzes, du bon vin¹.

Son nouveau roman, immergé en politique, va, j’en suis sûr, nous emmener loin dans la fiction et nous faire aimer ses élus tant décriés, car qu’est-ce qu’un politique finalement, sinon un citoyen engagé qui veut servir et écrire sa petite part d’histoire, dans le beau roman de son territoire.

Fabrice Verdier

Ancien député et Président de la Communauté de Communes Pays d’Uzès, conseiller régional et maire-adjoint d'Uzès

Première partie

Solve

Chapitre 1

Rétrospection

Paris/Grand Lutèce 2059

Jean-Baptiste Massonier, surnommé familièrement JBM2 (son père se prénommait Jacques-Bernard), relut avec attention son rapport.

C’était le premier travail qui lui avait été confié par le club des « Trente-Trois » au sein duquel il avait été récemment coopté.

Les clubs dénommés des Trente-Trois étaient en réalité des satellites du Conseil Constitutionnel, qui souhaitait regrouper dans des structures apolitiques des personnalités issues de divers horizons, afin de fédérer des réflexions nouvelles et désintéressées sur l’évolution de la société.

En sa qualité de secrétaire d’État aux Ressources publiques, relevant du ministère de l’Économie, JBM2 espérait secrètement être approché par l’un de ces clubs. Celui portant le nom de « Lumière de Lutèce », qui comptait très peu de hauts fonctionnaires parmi ses trente et un membres, sollicita JBM2 et compléta son effectif par un chirurgien et professeur de médecine réputé.

Le Président lui avait demandé de réfléchir sur la question suivante : pourquoi toute société, dans laquelle évoluent nécessairement des hommes éclairés et clairvoyants, des experts et spécialistes dans tous domaines, anticipe rarement ses propres évolutions et celles des autres pays ?

Afin d’illustrer cette constatation et pour introduire ses propres réflexions, JBM2 rappela quelques évènements des XXe et XXIe siècles dont la survenance n’avait nullement été envisagée:

JBM2 hésita à évoquer la politique du CPT (Choix Personnel Total), traduction approximative du nom d’une philosophie révolutionnaire apparue dans les pays scandinaves en 2043, car cette évolution sociétale spectaculaire était relativement récente et pas encore complètement digérée dans tous les pays occidentaux.

En 2045, la France avait pleinement adhéré à ce mouvement à l’exception de quelques sectes chrétiennes régulièrement poursuivies par les autorités pour non-respect de la neutralité religieuse à l’égard des enfants, ces derniers devant déterminer leur choix ou leur athéisme à l’âge de vingt ans après avoir reçu des enseignements sans prosélytisme de toutes les religions.

Le CPT justifiait également le recours massif à la chirurgie esthétique car les individus n’avaient pas à assumer les imperfections d’un corps qu’ils n’avaient pas choisi ni son vieillissement. Pour les mêmes raisons, l’utilisation de substances destinées à lutter contre la perte de tonus sexuel et de libido devint banale et même prise en charge au titre des prestations sociales.

La réticence de JBM2 à rappeler le CPT se justifiait en réalité par ses propres épisodes familiaux.

Fondé sur le fait que toute personne n’avait pas demandé à naître et encore moins choisi ses géniteurs, le CPT permettait à tout citoyen ayant atteint l’âge de vingt et un ans de refuser civilement d’être le fils ou la fille de ses propres parents et, le cas échéant, d’en choisir, dans la limite d’une seule fois, d’autres. Ces enfants de substitution n’étaient pas identifiables car ils portaient le nom de leurs nouveaux parents. Quand ils renonçaient à leur famille biologique, sans pour autant devenir des enfants substitués, ils pouvaient conserver leur prénom mais devaient choisir un autre patronyme, voire un matricule.

Le lien familial était devenu, en quelque sorte, un banal produit de consommation

Or ce CPT auquel JBM2 avait adhéré sans conviction avait laminé sa propre famille puisque sa fille, Claudia, et ses fils, Jimmy-Georges et Jacques-Emilien, avaient résilié leur filiation.

Le thème de réflexion imposé par le président de sa nouvelle association lui rappelait sa double impéritie dans son devoir de clairvoyance en tant que citoyen averti et en qualité de père.

JBM2 ressentit une remontée d’amertume dans son œsophage et renonça à évoquer le CPT dans son rapport.

En éteignant son ordinateur, il réussit à effacer momentanément de sa mémoire le souvenir de ses trois enfants.

Chapitre 2

Claudia

Claudia naquit en 2028.

Fillette attachante et adolescente épanouie, elle ne soucia guère ses parents. La rencontre avec Jane-Clémentine Doret fut déterminante dans son chemin de vie.

Elles se connurent au conservatoire et leur amitié fusionnelle les orienta vers le piano à quatre mains qui leur permit de prolonger artistiquement leur complicité. Claudia adorait évoquer avec son père les problèmes économiques et la vie politique. Ils parlaient parfois jusqu’à une heure avancée de la nuit. Mais JBM2 s’aperçut rapidement que jamais il n’obtiendrait de sa fille les regards aussi intenses et profonds que ceux qu’elle échangeait avec Jane-C. La banalisation et le développement de l’homosexualité féminine l’avaient conduit rapidement à soupçonner des relations amoureuses entre les deux filles mais il sut rapidement qu’il faisait fausse route.

Claudia abandonnait de plus en plus le domicile familial pour découcher chez Jane-C ou y passer le week-end.

La maison de son amie n’était ni plus grande ni plus confortable, mais Jane-C avait aussi un papa contre lequel JBM2 ne pouvait rivaliser. Sacha Doret, auteur-compositeur talentueux et connu, captivait son auditoire et ses invités par son humour, son érudition et sa classe. Il conquit rapidement Claudia qui lui voua une affection sincère et admirative.

En janvier 2054, Claudia invita ses parents dans un restaurant réputé. Elle évoqua avec sa gaîté naturelle les moments agréables de son enfance et de son adolescence en ponctuant tous ces épisodes par de grands éclats de rire.

Ses parents ignoraient qu’en réalité elle mettait en scène une cérémonie