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Moi Louis XVI, Roi: Mémoires apocryphes
Moi Louis XVI, Roi: Mémoires apocryphes
Moi Louis XVI, Roi: Mémoires apocryphes
Livre électronique524 pages6 heures

Moi Louis XVI, Roi: Mémoires apocryphes

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À propos de ce livre électronique

Moi Louis XVI, Roi approfondit l’Individualité de Louis XVI au travers de sa famille et de son éducation. Il réunit les facteurs prédisposant la Révolution tels les Parlements, les lois du pays, l’économie et la météorologie, l’environnement culturel des penseurs, des arts et des sciences.
Il met en évidence la personnalité des intervenants, des proches, des responsables influents ainsi que les transformations du système en place grâce à divers projets de réforme, de même que les obstacles dressés contre ces projets.


À PROPOS DE L'AUTEUR


Les goûts de Baudouin de Keghel sont partagés entre l’histoire et la philosophie. Abasourdi à la lecture des minutes du procès de Louis XVI, il n’a dès lors eu de cesse de consulter des ouvrages relatifs à son calvaire. Sa volonté de réformes, entravée par des obstacles conduisant inexorablement à la Révolution, l’a poussé à approfondir sa personnalité à travers ses choix, son mode de vie depuis son enfance.
LangueFrançais
Date de sortie27 juil. 2023
ISBN9791037791597
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    Aperçu du livre

    Moi Louis XVI, Roi - Baudouin de Keghel

    Avant-propos

    Tout passé est le sol du présent

    Ce livre se voudrait agréable et utile. Chacun y trouvera de quoi s’informer sur la vie du Roi Louis XVI. Cet ouvrage n’exige aucune lecture suivie : il est conçu pour distraire et instruire d’un Roi fort malmené et dont l’histoire a été souvent manipulée selon les besoins du moment. Saurons-nous échapper à ces tendances ?

    Cette lecture permet de puiser de quoi analyser la vie d’un homme et une époque qui ont façonné la France d’aujourd’hui ! Ce Roi, en refusant la violence, a facilité celle de ses adversaires, en réalité peu nombreux dans les débuts de la Révolution de 1789. Les temps sont ceux d’un besoin de changements infiltrés dans les esprits, dans celui même du Roi, n’étant en rien le souhait d’un bouleversement. Les cahiers de doléances en attestent, les Français voulaient voir disparaître les injustices que la tradition avait établies, mais toujours sous l’autorité de leur Roi.

    La proximité de Paris et l’agitation de quelques meneurs décidés, sinon financés, ont eu raison des vents de réformes. L’ambition et la violence en ont fait autrement, en basculant dans la terreur dès lors que le Roi et l’Assemblée furent pris en otage.

    La volonté de quelques-uns aura conduit au procès de Louis XVI dans le but, non de juger, mais de tuer le Père afin que de ses cendres puisse naître une République. Le choix du mode de scrutin en atteste.

    D’un tempérament certes introverti, Louis XVI était curieux de tout et sa mémoire ne laissait pas de surprendre ainsi que sa remarquable culture. S’il est fort répandu que ses goûts allaient vers la ferronnerie, sa curiosité allait vers les sciences, la géographie, l’histoire, les langues étrangères qu’il possédait pour certaines.

    Il est heureux que Louis XVI n’ait pas connu les affres de la dictature ni de la guerre civile qui ont suivi sa chute, devant faire perdre à la France nombre de ces sujets tout autant que sa place dans le monde, ouvrant la voie aux usurpateurs.

    Louis XVI est devenu un symbole des victimes de l’arbitraire. C’est à travers sa mémoire que nous voulons défendre les injustices, toutes les injustices.

    Quand l’histoire et la philosophie se rejoignent, il est fait le constat que le temps n’a aucun sens, ni cause ni effet, qu’il n’a pas de but et n’est donc qu’un chaos. La vie n’est qu’une loterie et l’histoire un tripot.

    Friedrich Nietzsche

    Rien de ce qui soit si bien établi, qui ne soit compromis, rien de si préparé ni de prévu qui ne soit de fait incertain. L’histoire est une raillerie déjouant tous les calculs et culbutant tout projet.

    En une telle loterie même le pire n’est pas sûr !

    Alexis de Tocqueville

    De mon ultime message

    « Ma nature mon éducation et mon siècle, m’avaient laissé croire en l’homme. »

    Nous voilà arrivés… Si je ne me trompe. CAR JE VAIS MOURIR.

    Ces tambours !

    Jamais plus je ne reverrai ma famille. Dernière vision, face au palais des Tuileries, cette sombre silhouette, machine pour laquelle j’avais donné mon aval afin de ne pas prolonger inutilement les exécutions capitales par les maladresses du bourreau.

    Ah ces tambours !

    Unique réconfort : cet abbé de Firmont. Il a accepté de prendre tous les risques en m’accompagnant sur le chemin du ciel au milieu de si nombreux enragés.

    Encore ces tambours !

    Mais tous ces gens ne sont pas hostiles. Certains fidèles savent combien leur Roi les a aimés et a œuvré pour garantir leur bonheur dans l’équité… Ceux qui se réjouissent de mon sort n’ont pas compris : ma mort va précéder la leur. La tourmente engendrée les emportera à leur tour. Ils n’ont pas saisi qu’en me sauvant ils pouvaient se sauver eux-mêmes. Trop confiant en la nature humaine, Je n’ai pas assez aimé l’autorité.

    Toujours ces tambours !

    Mais avons-nous des nouvelles de Monsieur de La Pérouse ?

    Quel bruit ces tambours !

    Ce matin Je n’ai pas voulu revoir ma famille. J’avais cependant promis de leur dire un dernier adieu mais il m’était impossible de raviver leur peine par une nouvelle et ultime séparation. Leur présence et leur affection m’ont été d’un immense réconfort. Ce bonheur d’une famille aimée et aimante, cette joie que le voyage à Montmédy m’avait fait apprécier si brièvement, ce temps, qui n’appartient pas aux Rois, est fini pour toujours.

    Vite, je cours à la balustrade, faisant signe aux tambours de s’arrêter je leur crie : « Je meurs innocent de tous les crimes qu’on m’impute. Je pardonne aux auteurs de ma mort. Je prie Dieu que le sang que vous allez répandre ne retombe jamais sur la France ».

    Reprennent les tambours !

    On se saisit de moi… Je bascule…

    Ces tamb…

    10 heures et 22 minutes

    CCO Paris Musée/Musée Carnavalet – Histoire de Paris

    Chapitre 1

    De moi-même

    Je suis né le 23 août 1754.

    « J’aime à prendre pour réflexe l’opinion publique. Diverses causes, au nombre desquelles on doit placer la situation des finances à mon avènement au trône, et les frais énormes d’une guerre honorable, soutenue longtemps sans accroissement d’impôt, ont établi une disproportion considérable entre les revenus et les dépenses de l’État. Frappé de la grandeur du mal, je n’ai pas cherché seulement les moyens d’y porter remède, j’ai senti la nécessité d’en prévenir la nature. J’ai conçu le projet d’assurer le bonheur de mes peuples sur des bases constantes et d’assujettir à des règles invariables l’autorité même dont je suis dépositaire. J’ai appelé autour de moi la Nation pour l’exhorter. »

    **

    Les malheurs de mon frère aîné Bourgogne font que je suis amené à le rejoindre malgré mes 6 ans. Une chute entraîne une opération ; il se met à boiter et une grosseur apparaît à sa hanche. Très vite, sa santé se dégrade : les médecins diagnostiquent une tuberculose aux poumons et à l’os de la hanche. Sa mort survient très rapidement, réel nouveau malheur ! J’intègre ses appartements vides, sans pour autant recevoir plus d’affection de mes parents : l’esprit vif de mon frère Provence retient leur préférence.

    **

    Je deviens le deuxième dans l’ordre de succession au trône de France mais mon père contracte une forte fièvre au mois d’août 1765, suivie d’une rapide et violente aggravation. Durant plus d’un mois, à l’âge de 36 ans, son agonie le conduit à la mort le 20 décembre, tandis qu’il résidait à Fontainebleau.

    Mon Grand-Père, orphelin à l’âge de deux ans, est aujourd’hui âgé de 55 ans et je n’ai que 11 ans !

    Dans mon métier de Roi, je n’ai aucun confident, je n’y ai jamais été porté. Être Roi c’est faire mon devoir et je le fais jusqu’au bout, jusqu’au 21 janvier ! Mon frère Provence est d’un naturel jovial qui me fait apprécier notre intimité familiale mais rien de plus. Ce sont surtout Monsieur de Maurepas et Monsieur de Vergennes en qui j’ai le plus confiance et avec lesquels j’aime à m’entretenir.

    En ce qui concerne mes nobles je leur reproche une tendance à manifester une certaine opposition au travers des parlements ; la petite noblesse se désespère entre une bourgeoisie de plus en plus riche, dont l’objet est de rallier la noblesse à son tour, et le monde paysan qui s’enrichit peu à peu. Quant au peuple, c’est un monde de travailleurs susceptible de subir l’influence de ceux qui ont les moyens financiers pour les pervertir et même les soulever.

    Je règne sur des États qui ne sont pas formellement français. Jus soli : sur le sol du royaume selon le droit féodal. Jus sanguinis : par filiation.

    Lorsque les Amériques m’envoient des émissaires chargés de me solliciter, je me remémore les malhonnêtetés des Anglais. En pleine paix, ils attaquent nos navires de commerce pour s’emparer des biens transportés et des hommes qui sont à bord. Certains de nos vaisseaux faisant route vers le Canada ont ainsi été bombardés.

    **

    À l’âge de sept ans, je « passe aux hommes » ; cela signifie que je quitte ma gouvernante pour être désormais confié à Monsieur Antoine de Quélen de Stuer de Caussade duc de La Vauguyon, militaire fait duc et pair de France en reconnaissance de ses faits d’armes. S’il me donne une bonne formation dans les langues et les sciences, il néglige ma formation militaire. Il m’enseigne les préceptes de Monsieur Fénelon. Les encyclopédistes ne sont pas de son fait et il ne m’en instruit guère. Aidé de précepteurs, de lecteurs (dont Monsieur l’Abbé de La Ville qui a 40 ans de service aux affaires étrangères), des ouvrages de Monsieur Le Blond pour les mathématiques, de Monsieur l’Abbé Nollet pour la physique et les mathématiques ainsi que d’officiers. Le maître de géographie est Monsieur Philippe Buache, hydrographe de la marine. Monsieur de La Vauguyon dirige la formation des trois frères puisque Provence et Artois bénéficient du même encadrement que moi. Seules les finances font défaut à notre formation. J’ai une grande admiration pour le philosophe anglais Monsieur David Hume et Monsieur de La Vauguyon développe mon penchant pour la controverse et la réflexion. Il conforte en moi la foi inébranlable dans la monarchie de droit divin et l’autorité incontestable du Roi dont le premier devoir est de faire le bonheur de son peuple. Il s’agit bien d’un contrat entre ma conscience et Dieu.

    De Monsieur Jean Gilles de Coëtlosquet, précepteur de mon frère Bourgogne, je reçois l’enseignement du latin des auteurs profanes et sacrés, ainsi que celui de la religion, L’abbé Claude François Lizarde de Radonvilliers m’enseigne le latin, l’anglais et l’italien.

    Revenu d’exil en tant que jésuite, le Père Berthier vient prendre la charge de mon enseignement. Ma mère ne prend pas en bonne considération les idées trop libérales à son goût. Par réaction, elle augmente ma pratique religieuse.

    Ces maîtres m’inspirent tous une méfiance instinctive envers « l’opinion éclairée ». Mais « je dois regarder tous les hommes comme égaux et indépendants par le droit de la nature ». « La liberté est un des droits de l’homme ; le gouvernement a été établi pour le conserver ».

    Nos résultats sont contrôlés par nos parents qui suivent notre travail de près, puis par ma mère seule après le décès de mon père. L’emploi du temps est très bien rempli pendant sept heures par jour : physique et langues en guise de récréation et en études droit, droit administratif suivi d’histoire. Mon père fait même vérifier mes capacités par un de ses amis, père dans la société de Jésus. Son appréciation sur mon goût des études se traduit par le commentaire « sur la solidité de mon jugement et mes qualités de cœur ». Généralement mes professeurs me considèrent assez brillant et passionné.

    La pratique de l’escrime et de l’équitation vient compléter ma formation d’une façon très agréable. Mais je ne reçois toujours aucune formation militaire.

    Par ailleurs, ma timidité et ma myopie entravent un peu mon confort relationnel. Mes dents ne sont pas très bien ajustées et ma voix un peu haute est qualifiée par certains de nasillarde.

    La religion préoccupe beaucoup nos parents, notre foi est au centre de leurs pensées. Ondoyé à ma naissance, je reçois le baptême à l’âge de sept ans avec pour parrain mon Grand-Père maternel Auguste III de Pologne, et pour marraine ma Tante Marie-Adélaïde de France. À douze ans vient le moment de ma communion.

    Heureusement la chasse qui se pratique en calèche avec mes frères s’accompagne de l’autorisation d’une partie à cheval. Vient l’habitude de partager les sorties avec le Roi Louis XV, une dépense physique réelle dans cet exercice !

    Lorsque j’atteins l’âge de 13 ans, mon éducation est considérée comme aboutie, du moins pour la morale mais pas pour l’action ! La formation concernant le gouvernement n’a pas eu sa place, mon Grand-Père n’a pas jugé utile de m’y préparer. J’ai toujours été tenu à l’écart des Conseils sans doute en raison de mon très jeune âge.

    Puis la maladie survenant, la proximité du Roi Louis XV m’est interdite, il en va de même pour toute la famille, hormis ses sœurs qui le veillent. Nous sommes contraints de quitter Versailles et de nous rendre à Choisy. La nouvelle de sa mort me saisit ! Pour les mêmes raisons, je ne puis avoir aucune approche avec les ministres ayant eu un contact avec le malade. Le besoin d’un conseil se fait impérieusement ressentir. Je fais appel à un ancien ministre, membre du Conseil pendant plus de dix années, Monsieur Jean-Frédéric Phélipeaux, comte de Maurepas.

    Une cassette m’est remise selon les recommandations de mon Grand-Père, elle contient notamment le conseil de prendre l’aide de Messieurs Machault ou Maurepas. Mon choix se porte sur le second à qui je précise qu’il n’est pas appelé comme Premier ministre, mais comme conseiller, je souhaite assumer personnellement le gouvernement de mon royaume. J’ai à peine vingt ans et l’opinion est très en ma faveur.

    Nous ne rejoignons Versailles qu’au mois de septembre, où nous prenons l’habitude de nous retrouver entre frères et épouses.

    Je deviens Roi d’un royaume à l’image vieillie, celle de mon Grand-Père. Des réformes sont nécessaires pour correspondre à la jeunesse que j’apporte, afin de répondre aux attentes de mon peuple. Je veux abolir la torture, le servage royal, le péage des juifs d’Alsace, procéder à un édit de tolérance pour les protestants, remplacer la taille par un impôt égalitaire. Mais des réformes ne sont possibles que si l’adhésion des ordres est obtenue : le Roi ne possède pas les « pleins pouvoirs » !

    Au château je choisis de conserver pour mon usage la chambre de mon ancêtre Louis XIV donnant sur la cour de marbre, dans la plus ancienne partie des bâtiments. J’y fais installer une salle de bain peinte de blanc, et carrelée au sol. J’aime prendre un bain par jour et même deux les jours de chasse.

    **

    À l’âge de treize ans, je suis orphelin, ma mère contractant la tuberculose de mon père s’éteint à 35 ans le 13 mars 1767. Je note sur mon carnet : « mort de ma mère à huit heures du soir ».

    Ayant atteint l’âge de la majorité, je suis aussi à la fin de mon parcours d’instruction. De mon propre chef, je fortifie mes connaissances historiques et renforce mes pratiques linguistiques.

    Le ministre de mon Grand-Père, Monsieur le Duc de Choiseul, met tout en œuvre pour me marier ; j’ai atteint l’âge me dispensant d’une régence. À l’origine du rapprochement diplomatique avec l’Autriche, il tient à convaincre mon Grand-Père de la nécessité de me faire épouser « Antoine d’Autriche ».

    Des ragots de Cour établissent mes soi-disant relations féminines avec d’une part la belle fille du Lieutenant Général de Grasse et d’autre part la dame Lambriquet, chambrière ; de l’une serait né un enfant illégitime !

    Nul besoin ne me vient d’avoir quelque maîtresse à la façon de mes aïeux : ce sont des situations que j’ai assez souffertes et je ne souhaite pas en imposer de semblables à ceux qui m’entourent.

    **

    Sachant que mon épouse a été inoculée à Vienne avant de venir me rejoindre en France, il est fait le choix de suivre l’exemple et de nous inoculer mes frères et moi-même en même temps. Certains y voient un grand risque pour la dynastie, donc pour la Nation, car en ce temps je n’ai pas encore d’enfant et celui de mon frère Artois n’a pas trois ans. De bon matin, dès notre arrivée à Marly le 18 juin 1778, tout est en place pour pratiquer. La piqûre effectuée, aucun trouble ne se manifeste ni ne vient entraver mon travail qui se poursuit normalement.

    **

    La fin de la guerre des Amériques et les succès non négligeables devraient me réjouir, ce n’est pas le cas. En vérité, je suis affligé de voir que ma marine aussi bien équipée est si mal dirigée par la faute d’officiers irresponsables et insubordonnés.

    J’ai par ailleurs de bonnes raisons d’être heureux : nous avons un fils. Un Dauphin ! Louis Joseph Xavier François né juste après la victoire de nos troupes sur mer et sur terre à Yorktown.

    Pour marquer les « relevailles » de mon épouse, je fais donner une grande fête et le 21 janvier 1782 il nous est offert un grand concert à l’Hôtel de Ville de Paris. Notre retour à Versailles est ponctué d’applaudissements et d’acclamations.

    La naissance de mon second fils Louis Charles duc de Normandie, me procure à nouveau beaucoup de joie. Cependant notre présentation à Notre-Dame de Paris est suivie de quelques déceptions : dans cette période des libelles calomnieux commencent à circuler, plus particulièrement dirigés contre mon épouse. Je fais arrêter les auteurs de ces violences. Certains plaisantent sur une opération que je devrais subir pour réaliser l’acte conjugal, d’autres accusent mon épouse d’avoir le goût des femmes !

    **

    De ma santé, je me souviens d’avoir eu la rougeole au mois de mai 1775 et de m’être trouvé fort malade. On m’a dit que les premiers mois de ma vie avaient été marqués par un tempérament faible et valétudinaire, nécessitant le remplacement de ma nourrice par une Madame Mallard. Mon frère Provence et moi sommes envoyés à l’air pur de Meudon, au château de Bellevue. Mais de façon générale, seules quelques indigestions rares ponctuent ma vie, ainsi que quelques rhumes et un érysipèle. Bien que frappé d’une certaine myopie, je ne souhaite pas paraître affublé de besicles car il y a à cela un caractère humiliant dans notre société.

    **

    Adolescent on ne me trouve pas avenant, mais mon côté sérieux est apprécié. De mon physique, certains me rapprochent de mon Grand-Père bien que nous ayons des yeux de couleur contraire, lui foncés, moi clairs. Nos fronts sont semblables, nos expressions diffèrent par la bouche, la mienne ne traduisant aucune inquiétude. Ma taille est nettement plus importante.¹

    Ma tendance à une certaine prise de poids est un souci, on me conseille l’usage de l’eau de Vichy et de l’exercice. Le poids reste stable sans changement notable, mon appétit pour les aliments carnés reste prononcé. Je préfère nettement les sauces citronnées plutôt que vinaigrées.

    Mon rire dérange beaucoup par sa spontanéité et sa brusquerie, quant à mes petites plaisanteries elles n’ont pas l’heur de toujours séduire ceux qui m’approchent : comme mon Grand-Père, il m’arrive d’en bousculer certains sous les arrosages…

    Régulièrement nous sommes tenus d’assister aux cérémonies importantes, mariages ou enterrements et parfois même d’être présents à des visites de souverains étrangers ou d’hommes d’Église.

    La philosophie n’est pas mon domaine de prédilection (hormis Monsieur Hume), c’est la personnalité de certains de ses adeptes qui me séduit. Je sais apprécier leur forme d’esprit ; raison qui m’amène à choisir parmi leurs représentants deux ministres qui sont Messieurs Turgot et de Malesherbes. Si la religion devient l’objet de critiques ou de moqueries, je réagis pour la protéger ; lorsque les remarques dans les écrits de Messieurs Voltaire et Diderot me choquent je fais procéder à l’arrêt des ventes et à la saisie des éditions hasardeuses car j’ai prêté serment lors de mon sacre de porter protection à la religion. Ces préoccupations ne sont pas du domaine des motivations des autres souverains tels le Roi de Prusse, l’Impératrice de Russie ou mon Beau-Frère. Partisan de la liberté de la presse, je proclame le droit de publier (ce qui donne naissance aux quotidiens) et supprime les droits d’importation sur les livres.

    Pour le service des offices je me rends le plus souvent à la Chapelle du château et pour mes Pâques régulièrement dans la paroisse Notre-Dame de Versailles. Le Saint Sacrement est au château, là où j’ai toujours résidé avec mes parents.

    **

    Mon sacre n’a pas lieu aussitôt après mon avènement. Pour des raisons économiques, il m’est conseillé de le faire à Paris mais le Rite est à Reims. Je suis investi d’une mission divine et transiger dans mes engagements serait pécher !

    **

    Me discernant mal, mon frère Provence dit de moi que « Je suis comme deux boules huilées qu’on s’efforce en vain de tenir ensemble ». Je ne m’autorise pas l’excès de fermeté tranchante, je ne souhaite pas intimider ceux qui m’approchent, j’aime la bonté, en un mot j’aime le pardon ! Mais le pardon ne doit pas être l’oubli.

    Dès mon adolescence je m’oblige à mépriser ceux qui affichent le « vice » et considère que les princes ne doivent pas utiliser le despotisme pour agir sur les consciences. C’est en dessous de notre dignité et odieux dans l’esprit.

    Parfois il m’arrive de circuler dans les rues de Paris, soit à cheval et quelquefois même à pied, mais plus rarement.

    **

    Concernant notre éducation de princes, le travail manuel est par tradition un enseignement complémentaire au métier de Roi. Mon ancêtre Henri IV s’est passionné pour les constructions et les plans, le Roi Louis XIII s’est investi dans la composition musicale, Louis XIV a suivi les goûts de son Grand-Père, y ajoutant la danse et la musique les premières années de son règne, et mon aïeul Louis XV s’est plu à la cuisine entre amis et au travail du tour sur l’ivoire et le bois. Sa formation a été assurée par son institutrice du nom de Mademoiselle Maubois, une spécialiste réputée en la matière.

    Pour ma part le dessin et les cartographies sont mes premières passions, celles-ci représentent le vaste monde et les mers dont je ne vois qu’un petit coin des côtes de France à Cherbourg, j’en établis moi-même et en peins certaines, fais des acquisitions que je collectionne. Mon plaisir est de les admirer au mur de ma bibliothèque. L’évolution de la cartographie doit beaucoup aux travaux de Monsieur Cassini aidé de Jean Rodolphe Perronet et de Monsieur de Montigny. La première cartographie de la France étant le fruit de son travail destiné au Roi Louis XV. Les cartes conservent encore beaucoup de zones blanches qui me fascinent ! L’expédition de Monsieur de La Pérouse est un véritable « rêve » dont la préparation se fait en consultant les routes suivies par le capitaine Cook, à base de cartes du monde océanique.

    Faute de temps, il ne m’a pas été donné de visiter mon royaume. Le seul déplacement important s’effectue à Cherbourg, ce qui me fait découvrir la Normandie où l’accueil est extrêmement chaleureux. Ma passion pour la mer me fait apprécier au plus haut point les « revues maritimes » ; celles-ci me donnent plus de joies que les habituels et mornes défilés de troupes à Versailles.

    M’évader dans mon petit atelier de forge situé sur la cour des cerfs, me donne le plaisir de profiter de l’aide du maître en serrurerie Monsieur François Gamain. Parfois je m’attarde dans l’atelier de menuiserie de mon Grand-Père afin d’y faire quelques travaux ; il est situé deux étages plus bas que ma forge. L’horlogerie nous attire mon épouse et moi pour le magnifique travail fruit d’artisans merveilleux.

    Passionné de lecture, scientifique ou non, je lis environ deux à trois ouvrages par semaine. Au Temple, je lis 257 volumes… La lecture est un partage entre délassement et travail car j’y joins les journaux de France et d’Angleterre, pratiquant parfaitement la langue anglaise. C’est la raison qui m’amène à traduire le livre d’Horace Walpole concernant le règne de Richard III, travail effectué sur plusieurs années, notamment vers la fin de ma courte vie. À Versailles deux bibliothèques sont à ma disposition, l’une disposée près de ma chambre et l’autre à proximité de mes petits cabinets dans les étages.

    Mon goût pour l’entretien avec ceux qui m’approchent me vaut d’être comparé favorablement à mon Grand-Père, de nature silencieuse. Sans avoir la prestance de Louis XV, je suis d’un naturel plus joyeux.

    Dans les premiers jours de mon règne, il m’est conté que mon Grand-Père a été heureux du fait d’être seul maître de ses actions ; la présence autour de moi de nombreuses femmes fait planer le doute sur ma liberté de décision. Mon siècle ne juge pas favorablement la gent féminine et plus particulièrement ma femme, mes sœurs, mes belles-sœurs et mes trois tantes. Mon désir de réformer l’État n’est en rien altéré pour autant, afin de rompre avec la politique menée par mon prédécesseur, je choisis de nouveaux ministres.

    **

    Se devant d’être vu car il appartient à son peuple, le Roi ne peut rester caché ; aussi suis-je attaché à la pratique des repas publics traditionnels. Je ne tiens pas à les rendre trop fréquents afin de ne pas obérer les repas en famille qui me sont chers ; ces dîners et soupers sont l’occasion de converser librement et de se rapprocher les uns des autres. Mes frères sont ravis de partager ces moments mais n’en ont pas l’exclusivité. Parfois ce sont des hôtes de marque, princes ou rois, à qui je réserve cette intimité.

    Les plats qui me sont présentés le sont sous forme de menus parmi lesquels je fais mon choix, mes invités également. Garnies de la portion retenue accompagnée des couverts, les assiettes nous sont apportées ; alors les vins sont-ils versés. Je ne bois le vin que rallongé d’eau et de glace, pour ce je dispose d’une bouteille proche de moi. Lorsque je déjeune en cérémonie de Grand couvert, cela nécessite la présence d’une division de la « Bouche » destinée au service. L’importance de nombreux plats justifie l’emploi d’un très grand nombre de personnes.

    Il va de soi que lors des repas dans les petits cabinets ou des repas de chasse, la Bouche n’est pas constituée d’autant de personnel.

    Concernant ma frugalité, mon confesseur m’écrit : « Vous êtes sobre Monseigneur, aussi je n’aurai pas besoin de vous donner les conseils qu’on donne habituellement aux princes ». En vérité je prends l’assiette qu’on me présente et la rends sans pousser plus loin la dégustation. Plutôt mince les premiers temps de ma vie, je ne suis pas d’un naturel glouton.

    Par nature je n’aime pas le désordre car c’est un sujet de trouble pour le travail ; de tout temps et en toute chose l’ordre doit régner pour assurer la bonne régulation de mes activités. Épris du bien public je désire avant tout le bonheur de mes peuples. Je désire faire des Français ma préoccupation et non l’inverse, donnant à la bonté la primauté sur la force. Le comportement des branches cadettes de notre maison m’apparaît comme un fléau pour le pays de par leur propension à l’opposition.

    **

    Les réformes envisagées en accord avec Monsieur de Calonne me semblent les meilleures pour le bonheur du royaume, donc de mes sujets. À la suite de notre échec face aux ordres établis, je reprends les mêmes idées avec Monsieur de Brienne. L’état d’insoumission des parlementaires, leur volonté de voir porter mes demandes devant la Nation me laissent croire que j’ai peut être engagé quelque injustice. De fait, le drame qu’est la mort de mon fils, l’immense douleur pour ma famille se confrontent à l’indifférence de l’Assemblée. Et lorsqu’un de ses membres en la personne de Monsieur Bailly insiste pour me rencontrer, je ne puis m’empêcher de lui déclarer : « Il n’y a donc pas de père dans cette chambre du Tiers ? »

    **

    Le Roi en sa personne est par définition l’objet des fidélités des hommes. Les révolutionnaires vident ma souveraineté de tout son sens en la transposant à la Nation, donnant de moi une image de tyran destinée à mieux développer haine et mépris à mon égard. Au seul mot de Nation les élus et chefs de clubs attisent les larmes d’émotion, mais derrière ce mot qu’y a-t-il sinon l’État et rien d’autre ?

    **

    L’assemblée établit une Constitution, celle-ci prévoit des rôles et des fonctions ; considérant que ceux-ci doivent être clairement respectés j’informe ladite Assemblée que les fleurs de lys et mon trône, derniers signes de déférence à mon égard, doivent être présents comme symboles de la royauté. Sachant qu’un décret supprime les appellations de « Sire et Majesté », je ne me rendrai sur place qu’à la condition que les signes y soient présents.

    Lorsque j’adopte des principes, je les applique sans faillir. Mon épouse traduit cela par sa réflexion : « on ne peut pas discuter avec lui, puisqu’il n’est pas convaincu par ce qu’on lui dit. »

    Et lorsque l’Assemblée essaie de me pousser à partir, sinon à changer mes orientations, je leur écris : « Jamais on ne me fera composer sur la gloire ou les intérêts de la Nation, recevoir la loi des étrangers ou celle d’un parti ».

    **

    Dans les idées de réforme, l’Assemblée ne semble pas vouloir tenir compte de nos engagements avec nos alliés. Puisque la guerre ne préoccupe pas ces messieurs, je me sens responsable de la paix. Pour les élus nos engagements auprès de l’Espagne ne sont pas une priorité. La défense dépend de moi mais l’Assemblée propose de la confier à un comité chargé d’établir un plan, me reléguant à un rôle de délégué pour exécuter les volontés nationales. Plus la Constitution avance dans sa rédaction, plus ma fonction de Roi est dépouillée. Dans le but de la séparation des pouvoirs, l’Assemblée s’empare de plus en plus de mes prérogatives. Sans se saisir de la totalité du pouvoir de décision, elle retient la formule selon laquelle « la guerre ne pourra être déclarée que par décret du corps législatif rendu sur la proposition formelle du Roi ».

    Au mois d’août, je suis contraint de demander aux armées de mettre un arrêt aux désordres organisés et occasionnés par des sujets malintentionnés. Face à ces insubordinations, je préfère inviter les perturbateurs à revenir dans le rang moyennant quoi je promets une amnistie générale si la réponse est positive avant le mois d’octobre.

    Par suite des malversations et atrocités perpétrées, je fais parvenir à nos voisins frontaliers de Vesoul, un avis de refus de droit d’asile aux coupables.

    Je fais savoir que « je ne consentirai jamais à laisser dépouiller et mon clergé et ma noblesse. Si la force m’obligeait à sanctionner, alors je céderais mais il n’y aurait plus en France ni monarchie ni monarque. »

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    Le Marquis de Villette se plaît à manifester bruyamment en faveur de notre installation à Paris. Ce seigneur aux goûts démocrates et aux orientations sexuelles fort diverses est irrévérencieusement moqué par le journal de Rivarol « Du côté que Villette les voit, les hommes sont tous égaux ».

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    Mon pouvoir exécutif est transféré aux ministres, eux-mêmes soumis à la responsabilité devant l’Assemblée, facteur les conduisant à refuser d’obéir à mes ordres. Par mon ascendant, mon autorité naturelle, je parviens toutefois à me faire écouter d’eux. L’Assemblée devant son incapacité à me convaincre de déclarer la guerre trouve le moyen de mettre mes ministres en accusation, envoyant l’un d’eux devant la Haute cour. On m’impose que toute désignation de ministre se fasse au sein de la majorité. Malgré ces conditions je parviens à entretenir avec ces messieurs des relations personnelles de travail souvent favorables.

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    Curieuse et triste affaire que celle de Monsieur Thomas de Mahy marquis de Favras, militaire de belle carrière ayant débuté chez les mousquetaires, premier lieutenant chez les Suisses de Monsieur avec rang de colonel. Natif du château de Favras près de la ville de Blois, il fait carrière aux armées et participe à de nombreuses campagnes, il est reçu Chevalier dans l’ordre de Saint Louis. Ce gentilhomme rencontre la fille d’un prince d’Allemagne, Caroline d’Anhalt cousine par alliance de l’impératrice Catherine II de Russie, et en devient l’époux sans être fortuné. Il quitte les armes sans perte de grade, pour s’installer modestement à Paris. Présent à Versailles en octobre lors de l’arrivée des hordes de femmes et d’hommes déguisés en femmes, il tente d’organiser une résistance avec l’appui de Monsieur de Saint-Priest qui ne le connaît pas ; ce dernier ne donne pas suite à ses demandes de chevaux pour charger la foule et s’emparer de ses canons. Il reproche à Monsieur de La Fayette d’avoir échoué à freiner le départ de Paris et avoir emboîté le pas avec ses gardes, ce qui est exact ! Rendu à Paris en même temps que nous, il tente d’organiser un « enlèvement » de ma personne pour me soustraire aux agitateurs et me conduire à Metz, tandis que Monsieur de Mirabeau souhaite me voir m’installer à Rouen. Ses démarches attirent l’attention de personnes qui l’aident à se compromettre pour mieux le faire saisir ; c’est Monsieur de La Fayette qui l’arrête et le remet à la justice. Incarcéré avec son épouse, il est condamné à mort sans dénoncer aucun complice. Ayant reçu des subsides sous forme de prêt de la part de Monsieur, mon frère doit se justifier auprès des juges et m’en avertit en mon palais. Sa bonne foi est acquise auprès des messieurs de l’Hôtel de Ville.

    Monsieur de Favras est conduit Place de Grève où il est pendu.

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    La Constitution reconnaît ma liberté, ce qui m’autorise à quitter les Tuileries quand bon me semble afin de me rendre où mes désirs me conduisent. Le maire de Paris prend des dispositions contraires, faisant afficher dans Paris que je prépare mon

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