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Micmac au bioparc: Polar
Micmac au bioparc: Polar
Micmac au bioparc: Polar
Livre électronique245 pages3 heures

Micmac au bioparc: Polar

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À propos de ce livre électronique

Un homme est retrouvé mort dans la fosse au rhinocéros, tandis que des troupeaux de brebis se font massacrés.

Qui est cet homme dont on a retrouvé le corps sans vie dans la grande vallée des rhinocéros noirs au sein du Bioparc de Doué-la-Fontaine ? Personne ne semble le connaître.
L’enquête des gendarmes est au point mort. D’autant qu’ils ont une autre affaire sur les bras : le massacre nocturne et répété de dizaines de brebis dans les exploitations agricoles des environs. La psychose gagne les éleveurs de moutons qui se sentent abandonnés par les pouvoirs publics. Ils parlent de chien errant, de « bête grise à tête de loup ».
En ce mois de juillet, Julie Lantilly, journaliste au Courrier Ligérien de Saumur, est très sollicitée professionnellement. Elle doit suivre, entre autre, les deux affaires, mais peut-être y a-t-il un rapport entre elles ?

Accompagnez Julie Lantilly dans ces deux affaires sans lien apparent. Mais si, au final, tout était lié ?

EXTRAIT

Quand l’adjudant-chef Orjubin et le gendarme Labat garèrent leur véhicule sur le parking ombragé, ils aperçurent une foule de gens amassés devant l’entrée du zoo. Plusieurs dizaines de voitures et deux cars étaient déjà garés. Les deux gendarmes descendirent du véhicule et mirent leur casquette. Ils avaient à peine fait quelques pas qu’ils croisèrent un couple accompagné de trois enfants qui regagnait sa voiture.
— On n’a pas de chance, dit le père de famille, un grand type à l’allure sportive, faut que ça tombe juste le jour de notre passage.
— Ils auraient pu au moins nous dire ce qu’il s’est passé, reprit la mère, une petite blonde toute bronzée.
— Ils ont parlé d’un accident technique, je ne sais pas ce que c’est mais ça doit être grave pour qu’ils n’ouvrent pas.
— On ne va pas voir les lions ? demanda la petite fille.
— Non, ma chérie, dit la dame, le zoo est fermé. Nous reviendrons une autre fois.
Les gendarmes continuèrent leur progression et traversèrent la route sur le passage clouté. Ils scrutèrent les touristes aux tenues bigarrées qui s’étaient groupés devant les portes vitrées du zoo. Ils étaient nombreux et se tournèrent tous vers les deux gendarmes, le regard interrogateur comme s’ils s’attendaient à ce qu’ils prononcent une allocution.
Un groupe de touristes asiatiques restait rassemblé dans un coin. Ils se parlaient entre eux mais sans manifester aucune impatience. Nombre d’entre eux téléphonaient.
On remarquait un second groupe, composé de touristes français portant tous un bob de couleur jaune citron marqué du logo de l’agence de voyage qui les véhiculait. Certains parlaient fort et semblaient commencer à protester. Des dames d’un certain âge s’étaient réfugiées silencieusement à l’ombre d’un palmier.

CE QU'EN PENSE LA CRITIQUE

Voilà une authentique intrigue policière, dans la belle tradition du roman d'enquête. Une héroïne aussi intrépide que charmante, des situations énigmatiques, des personnages fort suspects, un mort et des incidents à répétition, l'affaire ne manque ni de péripéties ni d'hypothèses à suivre. [...] Pour son nouveau roman, Gino Blandin nous a concocté un très bon suspense, qui se lit avec grand plaisir. - Action-Suspense

À PROPOS DE L'AUTEUR

Gino Blandin est enseignant. Auparavant, il a été foreur pétrolier. Auteur de plusieurs ouvrages sur l’histoire de Saumur, dont L’Histoire du Centre Hospitalier de Saumur (Prix Politi 1996), il écrit aussi des romans policiers dont le cadre est la région saumuroise.
LangueFrançais
Date de sortie31 janv. 2019
ISBN9791035304225
Micmac au bioparc: Polar

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    Aperçu du livre

    Micmac au bioparc - Gino Blandin

    micmac

    au Bioparc

    Collection dirigée par Thierry Lucas

    © 2015 – Geste éditions – 79260 La Crèche

    Tous droits réservés pour tous pays

    www.gesteditions.com

    Gino BLANDIN

    MICMAC

    AU BIOPARC

    du même auteur

    De l’or sous les verrous de Fontevraud, 1999

    Mauvais plan au Puy-Notre-Dame, 1999

    Terminé Balzac !, 1999

    ça grippe à Angers, 2001

    Meurtre au Cadre Noir, 2002

    Bons baisers de Saumur, 2004

    Mort sur la Loire, 2007

    Fenêt sur cour, 2009

    Les heures noires du duc de Berry, 2011

    Chapitre 1

    L’homme et la femme quittèrent l’espace des tigres, ravis d’avoir vu en réalité des animaux que d’ordinaire ils voyaient à la télévision. Ils regrettaient toutefois que les félins ne se fussent pas montrés plus coopératifs pour la séance photos mais enfin, ils auraient quand même quelques clichés à montrer à leurs amis à leur retour. Les deux touristes portaient des lunettes de soleil de stars qui leur mangeaient toute la figure. Ils affichaient un embonpoint prononcé que leurs tenues d’été ne dissimulaient en rien. Leurs tee-shirts XXL de couleur vive ne les avantageaient pas vraiment. Lui portait une casquette de base-ball et elle un chapeau de paille avec un ruban multicolore. Ils avançaient d’une démarche un peu pachydermique en faisant crisser le sable de l’allée sous leurs sandales. Ayant plusieurs sites touristiques à visiter dans la journée, ils avaient commencé tôt par le zoo de Doué-la-Fontaine. Ils devaient même être les premiers visiteurs. La fraîcheur matinale n’avait pas encore fait place à la chaleur qui s’annonçait par cette belle journée d’été.

    Les deux touristes passèrent devant l’enclos des hippopotames pygmées. L’homme s’approcha du bassin et surprit deux ongulés qui prenaient un bain matutinal. Le bassin possédait une paroi de verre qui permettait de voir évoluer les animaux dans l’eau. La dame descendit les marches de bois du petit amphi avec précaution.

    — Putain, Thérèse, regarde comme ils sont balaises, commenta l’homme en mitraillant les animaux de son appareil photo.

    — Je croyais que c’était plus gros que ça un hippopotame, dit la femme en s’asseyant sur une marche. À la télé, ils donnent l’impression d’être plus imposants.

    — Ouais moi aussi, je croyais que c’était plus gros. Ce sont peut-être des petits qui n’ont pas fini de grandir.

    L’homme s’approcha de la pancarte d’information.

    — Qu’on est con, Thérèse, lança-t-il. C’est des hippopotames pygmées ! Ce sont des nains.

    — Je savais pas que ça existait, commenta la dame en s’éventant avec son chapeau.

    — Moi non plus avoua le type en cherchant le bon angle de visée. Ils sont moches. Ils sont gros et gras comme des gorets.

    — Je sais pas si c’est bon à manger ? demanda la femme.

    — S’ils étaient bons à manger, répondit son mari, y’a belle lurette que les gars de là-bas les auraient tous bouffés.

    Sur ces mots, l’homme remit l’obturateur sur son objectif, signifiant par-là que la séquence photos était terminée et qu’il fallait repartir. La femme se leva, tira sur sa jupe et ils reprirent leur marche. Lui arborait un imposant appareil photo japonais retenu autour de son cou épais par un cordon rouge ; elle tenait d’une main un petit sac en paille et de l’autre un plan qu’on lui avait remis à l’entrée du zoo.

    Le zoo de Doué-la-Fontaine est installé dans une ancienne carrière de falun. Ledit falun est une roche sédimentaire d’origine marine, de couleur jaune orangé, composée de débris de coquilles, le tout mélangé à du sable et de l’argile. À partir du xviiie siècle, cette roche très friable fut extraite du sous-sol à grande échelle pour en faire de la chaux grasse, celle-ci servant traditionnellement d’engrais naturel. Cette industrie a laissé le sous-sol de Doué criblé de trous comme un gruyère. Abandonnées pendant plusieurs dizaines d’années, les carrières ont été naturellement envahies par une végétation luxuriante aux allures exotiques. Les créateurs du zoo ont su tirer parti de ces espaces creusés dans le sol aux parois verticales à ciel ouvert. Ils y ont adjoint des tunnels et des cascades créant ainsi un cadre naturel remarquable. Aux essences de la région et aux fougères, sont venus s’ajouter les bambous, les palmiers, les bananiers, renforçant ainsi la richesse de la flore et contribuant par là même à l’immersion du visiteur dans un autre monde. Chaque enclos a été conçu pour recréer un décor naturel autour des animaux, conjuguant le bien-être animal et le plaisir des visiteurs.

    Le couple de touristes arriva devant l’enclos des guépards. Ici la végétation était beaucoup moins luxuriante que chez les hippopotames. Un carré d’herbe rase et quelques arbres morts semblaient suffire à ces superbes félins. Plusieurs animaux se prélassaient aux rayons du soleil. A l’approche des visiteurs, un mâle se redressa majestueusement. Il présenta sa face au museau court marquée par deux traces noires partant des yeux, puis il s’écarta du groupe sur ses longues pattes fines.

    — T’as vu ça ? dit l’homme à l’intention de sa femme. Tu as vu comment il est taillé le matou ?

    — Il est beau mais il doit être méchant, commenta la femme. Heureusement qu’il n’y en a pas chez nous. J’oserais plus me promener dans la campagne.

    — J’aimerais pas rencontrer un lascar comme celui-là quand je vais aux champignons, renchérit l’homme en réglant la netteté sur son appareil photo. Il paraît qu’ils sont capables de courir à plus de cent à l’heure.

    À cet endroit, il n’y avait ni ombre ni place pour s’asseoir aussi le couple ne s’attarda-t-il pas. Quand le monsieur eut réalisé une dizaine de photos, ils reprirent leur marche. Dans ce coin du zoo nouvellement aménagé, il n’y avait pas encore beaucoup de verdure. Les deux visiteurs débouchèrent rapidement dans la grande vallée des rhinocéros noirs. Cette immense fosse n’est pas un souvenir de l’exploitation du falun, elle a été creusée exprès pour accueillir les pachydermes africains qui ont besoin de beaucoup d’espace. Les deux visiteurs furent impressionnés par la dimension du lieu. Ils descendirent doucement le pan incliné de l’allée dans l’espoir de surprendre les animaux mais ils eurent beau regarder partout, ils n’aperçurent pas de rhinocéros. Quelques gazelles effarouchées cessèrent de brouter l’herbe rare de l’enclos à l’arrivée des deux touristes. Des volatiles divers et colorés, oies d’Égypte, oies armées de Gambie et pintades de Numidie ne leur prêtèrent quant à eux aucune attention, continuant leurs ablutions dans une petite mare.

    — Je vois pas de rhino, constata l’homme.

    — Moi non plus, rétorqua la dame, ça doit être pourtant bien gros ces bêtes-là.

    — Ils sont peut-être pas levés.

    — A cette heure ? Faut pas se foutre du monde, s’insurgea la visiteuse. Au prix où on paie l’entrée, faudrait voir à ce que les rhinos soient debout.

    — Moi je pense qu’ils se planquent. Ils sont comme nous, ils aiment bien se mettre à l’ombre. On va descendre. Je suis sûr que plus bas, on va les voir.

    Les deux touristes descendirent l’allée. Ils passèrent devant les panneaux d’information sans les lire. A cette heure, l’endroit était encore désert. Il n’y avait aucun employé du Bioparc en vue. Ils étaient les premiers arrivés. Ils regardaient tout autour d’eux. Il s’avancèrent sur un appendice rocheux qui avait été volontairement maintenu afin que les visiteurs puissent avoir une meilleure vue dans la fosse. Un petit troupeau de gazelles Dorcas détala quand elles entendirent du bruit. Les deux visiteurs scrutaient la carrière mais aucun rhinocéros n’était visible.

    — Y’en a combien ? demanda la femme. Parce que s’il n’y en a qu’un, on risque de l’attendre longtemps. Il a de quoi se planquer ici.

    — Je sais pas, dit le monsieur. Ils ont pas creusé une fosse pareille pour y mettre qu’un rhino, je pense.

    — On va pas passer la matinée-là. Y’a même pas un employé pour nous renseigner. C’est mal organisé ici.

    — Dis, Thérèse, et si tu grimpais sur le talus ? Je pourrais faire une photo de toi superbe.

    Tout en parlant, le monsieur indiqua à son épouse l’endroit où il voulait qu’elle grimpe : le talus qui borde la fosse.

    — Tu veux que je monte là ?

    — Ouais, tu grimpes sur le banc et tu poses le pied là et tu y es.

    — Et mais y’a pas le droit, ça doit être interdit.

    — Bien sûr, mais y’a personne. Juste le temps d’une photo.

    — Faut pas que je me casse la figure dans le trou. Je tiens pas à me faire bouffer par un rhinocéros.

    — Y’a pas de risques, ça bouffe que de l’herbe.

    — Peut-être mais je préfèrerais pas me retrouver nez à nez avec ce genre de bestiau.

    Aidée de son mari, la dame monta sur le banc et posa un pied sur le talus puis elle se hissa sur celui-ci.

    — Ouh ! cria-t-elle en se mettant debout. C’est pas large ici. Norbert, grouille-toi de faire ta photo parce que j’ai les jetons.

    L’homme s’activa à faire les réglages qui s’imposaient. Le déclic de l’appareil se fit entendre en rafale.

    — Norbert ! hurla soudain la dame. Tu vois ce que je vois ?

    L’homme détacha son œil de l’appareil photo et regarda son épouse. Cette dernière semblait s’être transformée en statue de sel. Du doigt elle indiquait un endroit en contrebas de la fosse.

    — Qu’y a-t-il ? lança-t-il en se retournant prestement.

    — Là … articula la dame en montrant toujours du doigt un endroit précis.

    L’homme, d’où il était, avait du mal à voir ce que lui indiquait sa femme plus haut perchée.

    — Putain, il est beau, reconnut l’homme.

    En effet, un imposant rhinocéros mâle venait d’apparaître. Malgré sa masse volumineuse et ses jambes grosses et courtes, il semblait se mouvoir avec aisance. Sa peau épaisse et brune était si plissée au niveau du cou et des jambes qu’elle donnait l’impression d’un blindage. Il venait droit sur eux. La femme criait toujours les deux poings contre la bouche.

    — Crie pas comme ça, Thérèse, dit l’homme. Là où il est, il va pas te foncer dessus.

    Mais le rhinocéros continua sa course et disparut bientôt en contrebas à la vue de l’homme. Celui-ci détacha alors l’œil du viseur de son appareil photo et comprit. Ce que sa femme lui désignait n’était pas le rhinocéros qui venait de passer mais le corps d’un homme qui gisait au pied de la paroi rocheuse. Étendu sur le sol, la face contre terre, il ne bougeait pas.

    Quand l’adjudant-chef Orjubin et le gendarme Labat garèrent leur véhicule sur le parking ombragé, ils aperçurent une foule de gens amassés devant l’entrée du zoo. Plusieurs dizaines de voitures et deux cars étaient déjà garés. Les deux gendarmes descendirent du véhicule et mirent leur casquette. Ils avaient à peine fait quelques pas qu’ils croisèrent un couple accompagné de trois enfants qui regagnait sa voiture.

    — On n’a pas de chance, dit le père de famille, un grand type à l’allure sportive, faut que ça tombe juste le jour de notre passage.

    — Ils auraient pu au moins nous dire ce qu’il s’est passé, reprit la mère, une petite blonde toute bronzée.

    — Ils ont parlé d’un accident technique, je ne sais pas ce que c’est mais ça doit être grave pour qu’ils n’ouvrent pas.

    — On ne va pas voir les lions ? demanda la petite fille.

    — Non, ma chérie, dit la dame, le zoo est fermé. Nous reviendrons une autre fois.

    Les gendarmes continuèrent leur progression et traversèrent la route sur le passage clouté. Ils scrutèrent les touristes aux tenues bigarrées qui s’étaient groupés devant les portes vitrées du zoo. Ils étaient nombreux et se tournèrent tous vers les deux gendarmes, le regard interrogateur comme s’ils s’attendaient à ce qu’ils prononcent une allocution.

    Un groupe de touristes asiatiques restait rassemblé dans un coin. Ils se parlaient entre eux mais sans manifester aucune impatience. Nombre d’entre eux téléphonaient.

    On remarquait un second groupe, composé de touristes français portant tous un bob de couleur jaune citron marqué du logo de l’agence de voyage qui les véhiculait. Certains parlaient fort et semblaient commencer à protester. Des dames d’un certain âge s’étaient réfugiées silencieusement à l’ombre d’un palmier.

    Beaucoup de parents en tenue estivale et de grands parents à cheveux gris essayaient de garder le contrôle sur des enfants et des petits enfants turbulents qui couraient dans tous les sens, indifférents à ce qui préoccupait les adultes. Il y avait déjà plusieurs poussettes dont les occupants étaient dissimulés par des serviettes éponge destinées à les protéger de l’ardeur des premiers rayons du soleil. Des mamans assises sur un banc attendaient patiemment à l’ombre.

    Tout ce petit monde s’agitait devant les portes closes. Deux hommes en bras de chemise, les chauffeurs des autocars sans doute, menaient d’âpres discussions avec un homme au tee-shirt de couleur café au lait marqué du monogramme du Bioparc. Les gens s’écartèrent à l’arrivée des deux gendarmes. Le regard de l’adjudant-chef Orjubin croisa celui du type du zoo qui lui adressa un vague sourire.

    — Bonjour Damien, lança le gendarme Labat.

    L’homme répondit d’un petit signe et s’effaça devant les deux représentants des forces de l’ordre. Ils franchirent les portes vitrées et se retrouvèrent dans la boutique du zoo, un vaste hall très haut, couvert de chaume où régnait un parfum de paille exotique. L’endroit était désert. À l’accueil, derrière la caisse, une jolie jeune fille brune portant un tee-shirt orange leur adressa un sourire mi-figue, mi-raisin. D’un geste de la tête, elle leur indiqua la direction à prendre. Ils franchirent une nouvelle porte vitrée pour se retrouver à l’extérieur. La terrasse du snack bar était vide. Une camionnette de pompiers d’un rouge rutilant occupait déjà le terre-plein, garée au beau milieu de l’allée, elle n’avait pu franchir l’arche de falun. Les gendarmes descendirent la rampe en pente douce sous le regard des girafes. En passant devant un bosquet de bambous verts, l’adjudant-chef Orjubin se dit que ces végétaux feraient d’excellentes cannes à pêche.

    Ils ignorèrent le sanctuaire des okapis et l’ascenseur de verre. Ils gravirent prestement un escalier. Ils n’eurent pas un regard pour les tortues géantes des Seychelles. Arrivés sur le terre-plein, ils passèrent devant la buvette déserte. Les deux lionnes et le lion les virent passer d’un œil indifférent. Les loutres naines se figèrent, un peu méfiantes quand même. Ils ne prêtèrent aucune attention au chant pourtant curieux des varis roux. Mais déjà les deux militaires dévalaient l’allée vers la grande vallée des rhinocéros. Il y avait là un petit groupe de personnes, des pompiers, des employés du zoo et des gendarmes. L’adjudant-chef Orjubin se dirigea aussitôt vers un jeune gendarme filiforme qui, à l’ombre d’un arbuste, s’essuyait le front trempé de sueur.

    — Salut Bernard, le Parquet a été prévenu ? demanda-t-il.

    — Oui, chef, fit le gendarme en hochant de la tête, le proc’ est en route, nous l’attendons d’un moment à l’autre. J’ai eu du mal à les joindre, ils sont lève-tard au Parquet d’Angers. J’ai fini par obtenir le numéro du domicile du substitut du procureur. C’est une femme.

    — Je le sais, fit l’adjudant-chef Orjubin. J’ai déjà eu affaire à elle. Comment ça se présente ?

    — Ce n’est pas très joli à voir, dit le jeune gendarme en regardant en direction de l’enclos des rhinocéros.

    — Il n’y a pas de risque ? On peut descendre ?

    — Oui, le rhinocéros mâle est rentré dans ses appartements. Maintenant il n’y a plus que les pompiers et quelques gazelles mais ils ne sont méchants ni les uns ni les autres.

    — Il n’y a qu’un seul rhino ?

    — Non, il y a aussi deux femelles mais elles sont séparées du mâle. Elles sont dans l’autre enclos là-bas. On ne le voit pas comme ça à première vue mais la carrière est divisée en deux.

    — D’accord, on y va.

    Prenant son courage à deux mains, l’adjudant-chef Orjubin, toujours suivi du gendarme Labat, gravit un petit escabeau qui avait été placé là pour atteindre le talus. Le talus où quelques heures plus tôt la dame s’était faite prendre en photo. Une échelle en aluminium permettait de descendre dans la fosse. Arrivé sur le sol, le chef Orjubin jeta un regard méfiant autour de lui pendant que son collègue le rejoignait. Il se dit qu’en temps normal, il n’aurait pas fait bon se promener en ces lieux avec les locataires qui les occupaient. En quelques pas, les deux gendarmes furent au pied de la paroi rocheuse ocre où trois pompiers semblaient veiller autour d’un corps couché.

    Le cadavre gisait sur le ventre dans une curieuse position. On eut dit un pantin désarticulé et jeté là par quelque enfant capricieux. L’adjudant-chef Orjubin détailla longuement le corps, celui d’un homme de couleur assez frêle. Il était vêtu d’un tee-shirt noir et d’un pantalon sombre également. Il était pieds nus. Le corps reposait dans une mare de sang coagulé. Des mouches essayaient de se poser sur le cadavre mais un jeune pompier s’efforçait de les chasser systématiquement à l’aide d’un journal.

    Soudain, se fit sentir un brusque mouvement au-dessus de leurs têtes. Alors que jusqu’à maintenant, tout s’était déroulé dans un relatif silence, on entendit des éclats de voix. Orjubin tourna la tête dans la direction du bruit et vit un homme corpulent qui descendait avec précaution l’échelle d’aluminium. Il le connaissait bien, c’était Gérard Prochwiez, le médecin légiste, il n’avait jamais dû prendre le temps d’apprendre à faire un nœud de cravate correctement. Les quelques centaines de mètres qu’il avait parcourues depuis l’entrée du Bioparc l’avaient essoufflé. Il marqua une pause devant le cadavre histoire de reprendre son souffle.

    — Bonjour la compagnie, dit-il enfin en posant sa sacoche sur un rocher.

    Tous les autres lui rendirent son salut. Puis il se pencha au-dessus du cadavre et prononça son expression favorite avec laquelle il entamait toute action et qui lui avait valu son surnom : « oui, oui ».

    — Votre première conclusion ? demanda l’adjudant-chef Orjubin sans attendre.

    — Il est mort, dit le médecin d’un air goguenard en se tournant vers le gendarme.

    — Ça, toubib, on n’avait pas besoin de vous pour s’en apercevoir, fit l’adjudant-chef.

    — Il est mort et il s’est fait tamponner par un char d’assaut.

    — Dans cet ordre ?

    — Oui, il était déjà mort quand le char d’assaut l’a écrasé. À quel animal a-t-on affaire ?

    — À un rhinocéros noir, je crois, un animal qui vit en Afrique centrale.

    — Connais, dit le gros homme.

    — Ah bon ? s’étonna le gendarme. Vous avez souvent affaire à ce genre de bétail ?

    — Apprenez jeune homme, fit le gros homme en se redressant, que j’ai fait mes classes en Afrique. L’intervention humanitaire avant l’heure, le Congo belge. Ça évoque encore quelque chose à quelqu’un le conflit du Congo Belge ? Patrice Lumumba, Joseph Kasa-Vubu, Moïse Tshombe ? Ces noms vous disent quelque chose, bande de jeunots ?

    — C’est de l’histoire qui commence à dater, fit Orjubin.

    — Moi, ça m’évoque Tintin au Congo, intervint le gendarme Labat.

    Le légiste poussa un profond soupir de désolation et se pencha à nouveau sur le cadavre.

    — Ces

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