Découvrez des millions d'e-books, de livres audio et bien plus encore avec un essai gratuit

Seulement $11.99/mois après la période d'essai. Annulez à tout moment.

Roulette charentaise: Polar régional
Roulette charentaise: Polar régional
Roulette charentaise: Polar régional
Livre électronique239 pages3 heures

Roulette charentaise: Polar régional

Évaluation : 0 sur 5 étoiles

()

Lire l'aperçu

À propos de ce livre électronique

Le meurtre soudain d'un directeur de casino ébranle la quiétude de la Charente...

À l’aube d’une journée comme les autres, le directeur du casino de Chassenon est retrouvé assassiné entre deux poubelles sur l’aérodrome de Brie-Champniers. Cet événement tragique répand une onde de choc sur tout le département de la Charente. Peu de temps après, dans un train en Italie près de Vérone, un voyageur originaire de la Charente et connu pour son passé louche se donne la mort. Un lien va alors être établi entre ces deux meurtres et c’est la commissaire de police d’Angoulême, Anne-Marie Saint-Angeau, « un mélange de Catherine Deneuve et de chien truffier », qui va prendre en charge l’enquête. Celle-ci va mettre la lumière sur toutes les histoires de magouilles dans lesquelles les élus locaux, les hommes d’affaires étrangers et même les commerçants sont de mèche avec la pègre locale. Sur fond de trafic de stupéfiants, Anne-Marie Saint-Angeau devra mener une équipe franco-italienne, gérer les intrusions d’un journaliste qui s’invite dans l’enquête pour le compte d’un quotidien régional et rétablir l’ordre dans la commune où les habitants sont mis en danger par cette affaire.

Démêlez les fils des nombreuses magouilles locales et étrangères en compagnie d'Anne-Marie Saint-Angeau, dans ce roman policier régional sur fond de trafic de stupédiants.

EXTRAIT

Marsac était estomaqué.
– Vous voyez que notre aire de recherche est déjà beaucoup plus délimitée que tout à l’heure, fit observer Donald.
Marsac ne put retenir son admiration.
– Compliments, dit-il. Compliments. J’ai l’impression que nous avons eu raison de vous associer à cette enquête.
Il attrapa son imperméable mastic.
– Partons, commanda-t-il, l’album coincé sous le bras. En descendant, je demanderai à la concierge si elle a vu quelqu’un pénétrer chez Balland.
– Ça m’étonnerait, dit Donald. La maladresse serait énorme de la part du meurtrier. Or, j’ai le sentiment qu’il s’agit de quelqu’un de précis, d’intelligent et de subtil.
Marsac posa un doigt sur sa tempe.
– C’est aussi mon avis, reconnut-il.
– Il ne faut pas se disperser. Notre priorité est de recenser les personnes qui assistaient aux deux soirées au cours desquelles les deux photos manquantes ont été prises, puis d’éliminer de nos recherches les personnes qui figuraient sur les photos demeurées dans l’album. Ensuite, parmi les personnes n’apparaissant pas sur les photos demeurées dans l’album mais présentes sur les photos que nous aurons retrouvées, il faudra s’intéresser à celles qui ont pu entretenir des relations, à un titre ou à un autre, avec Jérôme Balland.
Marsac, un peu perdu, commençait à être agacé par l’esprit raisonneur du journaliste. Il poussa le jeune homme sur le palier, puis dans l’escalier, le conduisit ensuite jusque dans le bureau de la commissaire divisionnaire AMSA. Donald Marchenet refit sa démonstration devant la commissaire qui examina longuement, très longuement les photographies. Elle restait interloquée. À la fin, elle sortit de sa torpeur et s’écria :
– Eh bien, Marsac ! Il faut que ce soit le pigiste d’un canard de province qui vous apprenne le métier ?

À PROPOS DE L'AUTEUR

Alain Mazère est né en 1951, en Charente. Après des études à Angoulême puis à Paris, docteur d'État en droit, il a exercé des fonctions administratives et juridiques dans l'industrie. Membre de l'Académie d'Angoumois, il consacre ses loisirs aux activités culturelles. Roulette charentaise est son premier roman policier.
LangueFrançais
Date de sortie23 août 2019
ISBN9791035305666
Roulette charentaise: Polar régional

Auteurs associés

Lié à Roulette charentaise

Livres électroniques liés

Thriller policier pour vous

Voir plus

Articles associés

Catégories liées

Avis sur Roulette charentaise

Évaluation : 0 sur 5 étoiles
0 évaluation

0 notation0 avis

Qu'avez-vous pensé ?

Appuyer pour évaluer

L'avis doit comporter au moins 10 mots

    Aperçu du livre

    Roulette charentaise - Alain Mazère

    Roulette charentaise

    Collection dirigée par Thierry Lucas

    © Geste éditions – 79260 La Crèche

    Tous droits réservés pour tous pays

    www.gesteditions.com

    Alain Mazère

    Roulette charentaise

    Geste éditions

    À ma femme,

    pour la changer des polars américains.

    Principaux personnages

    Jérôme Balland, jeune dealer, homme de paille.

    William Benbow, homme d’affaires britannique résidant en Charente.

    Maurice Canuet, élu local, adversaire politique d’Henri Roussac.

    Gennaro Castellano, policier italien.

    Emmanuel Dalle-Vidal, homme d’affaires charentais.

    Donald Marchenet, journaliste à Avenir Charente.

    Antoine Marsac, inspecteur principal à Angoulême.

    Tiburce de Mortefonds, délégué à l’éthique du Parti des réformes républicaines (PRR).

    Henri Roussac, docteur-vétérinaire, maire, conseiller général, ancien sénateur.

    Madeleine Roussac, épouse du précédent, personnalité locale.

    Anne-Marie Saint-Angeau, dite « AMSA », commissaire divisionnaire à Angoulême.

    Maxime Serrier, écrivain régionaliste.

    Hans Zaackpoot, homme d’affaires hollandais résidant en Charente.

    Chapitre 1

    Le soleil couchant de Charente limousine dorait les thermes de Cassinomagus. L’automobiliste contourna le site gallo-romain, longea ensuite le rutilant casino implanté à proximité, à Chassenon, comme dans toute ville d’eau – même antique en l’occurrence – qui se respecte. Quelques kilomètres plus loin, il traversa un faubourg de Chabanais et s’engagea ensuite prudemment dans la rue principale de cette petite ville.

    Son attention fut attirée par un vieillard voûté, famélique, mal fagoté, qui semblait perdre l’équilibre sur le trottoir, comme s’il glissait sur une déjection canine ou sur une théorie d’escargots. Machinalement, l’automobiliste freina à hauteur du vieil homme, qu’il observa. Le frêle individu titubait. Main droite crispée sur sa poitrine, il grimaçait de douleur. Il émit soudain un long râle, puis s’effondra sur le trottoir. Son petit chapeau ridicule roula dans le caniveau humide.

    L’automobiliste appela les pompiers à l’aide de son téléphone portable, tandis que trois passants se précipitaient vers la forme inerte recroquevillée sur le sol. Le petit vieux avait cessé de respirer. Son regard fixait l’éternité.

    La sirène des pompiers se fit entendre, de façon de plus en plus rapprochée. Deux hommes en uniforme sombre jaillirent du camion rouge. Ils coururent se pencher sur le corps inanimé. Pendant qu’ils procédaient aux premières constatations, le correspondant local du quotidien départemental Avenir Charente surgit à son tour. C’était un gaillard moustachu en jean et santiags. Stylo et appareil photo alternativement en main, il sautilla autour du cadavre jusqu’à l’embarquement de celui-ci dans le véhicule des pompiers qui démarra en trombe, avertisseur hurlant, vers l’hôpital de Confolens. Le moustachu enfourcha sa moto et prit la même direction.

    Le papier du journaliste local parut le lendemain, dans la première édition d’Avenir Charente. Ce qui éveilla l’attention non seulement des abonnés, mais également de la compagnie de gendarmerie de Confolens, ce furent les précisions apportées brutalement par le journaliste : le vieillard décédé, théoriquement nécessiteux, portait sur lui une liasse de trente mille euros en grosses coupures.

    La compagnie de gendarmerie de Confolens comprend une centaine de militaires affectés à cinq communautés de brigades (Confolens, Roumazières-Loubert, Ruffec, Mansle et Rouillac), au peloton de surveillance et d’intervention de Ruffec et à la brigade de recherche judiciaire basée à Confolens. Ce fut la brigade de Confolens, en la personne d’une gendarmette – chignon mais pas revêche - secondée par un collègue plus âgé, qui se livra à la traditionnelle enquête de voisinage. Il en résulta que la victime de l’infarctus, malgré ses vêtements élimés et sa grande discrétion, était connue pour une addiction au jeu supposant la possession de moyens matériels. Tous les jours, à midi, le vieillard prenait une navette qui assurait la liaison entre Chabanais et le casino de Chassenon. « Je ne joue que vingt euros par jour », répondait-il habituellement aux curieux. Il avait déménagé naguère d’Angoulême pour venir habiter un deux-pièces à Chabanais, à proximité du casino, et ainsi s’adonner facilement à sa folie des tapis verts, dépendance qu’il n’avait pas pu dissimuler longtemps à ses voisins.

    L’écart entre ces vingt euros joués quotidiennement et la liasse de trente mille euros qui gonflait la poche intérieure du veston du retraité cardiaque conduisit les deux gendarmes à rendre visite à la direction du casino de Chassenon.

    Le casino, de création ancienne, résultait d’un habillage juridique audacieux. L’ouverture de ce type d’établissement étant liée, légalement, à l’existence d’une ville d’eau, la présence de thermes antiques avait servi de prétexte à la délivrance de l’autorisation. Jamais personne n’avait contesté ce montage grossier, tant ses retombées économiques profitaient à tout le monde. Le consensus autour de ce temple du jeu incluait même les responsables des affaires culturelles en raison de la notoriété qui rejaillissait sur le site gallo-romain voisin, générant un afflux significatif de visiteurs. Tous les élus et les représentants de l’État avaient soutenu cette situation dérogatoire. À défaut, leur carrière personnelle eût été compromise définitivement.

    Les troupeaux de belles vaches limousines paissaient désormais à l’écart, dans des prés plus éloignés où le succès du casino de Chassenon les avait relégués. Des lotissements avaient poussé comme des champignons autour de l’établissement de jeux.

    Les vestiges des thermes de Cassinomagus, sur la commune de Chassenon, comportent un ensemble de parois construites en impactites, roches produites par le choc d’un météorite avec la Terre. Avec leur mosaïque de teintes diverses : jaunes, rougeâtres, vertes, violacées, bleutées, ces parois constituent autant de tableaux pointillistes ou d’art le plus contemporain. Une merveille millénaire, dont l’exploitation touristique, boostée par le conseil général, bénéficiait aussi au casino de Chassenon. Celui-ci profitait d’un autre atout, plus important que la proximité du site antique, dont le prestige est pourtant international : son monopole du jeu en Charente. Le succès du casino de Chassenon était même interdépartemental : Deux-Sèvres, Haute-Vienne, Dordogne drainaient vers les bandits manchots charentais une foule de veuves oisives, d’agriculteurs fortunés et de retraités plus ou moins aisés.

    Soirées, événements, expositions, restauration… Assez vite, il avait fallu diversifier l’activité du casino, pour enrayer un début de concurrence apparu avec le développement des sites de jeux en ligne sur Internet. Le poker électronique avait éveillé plus que des curiosités. Outre une politique de renouvellement régulier des machines à sous par les modèles les plus récents présentés au salon annuel spécialisé de Londres, d’expérimentation des écrans tactiles et de la possibilité de miser directement par carte électronique, toute une logistique charentaise avait dû être mise en place pour permettre au casino de Chassenon de promouvoir des offres complémentaires. L’affairisme régnait. Les mandataires, les intermédiaires divers, français comme Emmanuel Dalle-Vidal ou étrangers comme Hans Zaackpoot ou William Benbow, se partageaient les marchés générés par ce qui était devenu un pôle très lucratif, une sorte de petit Las Vegas charentais. De la même façon qu’Angoulême avait son festival international de la BD, Cognac son cognac, Aubeterre son église souterraine, La Rochefoucauld son auteur des Maximes, Chassenon, site gallo-romain, avait son casino, LE casino de Charente.

    L’immeuble du casino avait été récemment modernisé, réaménagé. Situé à la sortie du village de Chassenon, sur la route de Chabanais, c’était une bâtisse imposante et élégante à la fois, construite le plus possible dans le style du pays mais avec des allures cossues. Elle comportait, en son milieu, une rotonde à laquelle on accédait par trois marches demi-circulaires. La façade était crépie en beige clair. Les tuiles du toit étaient romaines. Le vaste vestibule de l’entrée, patrouillé en permanence par des vigiles, était occupé pour partie par un comptoir d’accueil et par le vestiaire. Au-delà se trouvait un autre comptoir, où étaient délivrés ou encaissés les jetons et les plaques de valeurs diverses. À droite, le bar et le restaurant où scintillaient des dizaines de bouteilles plus ou moins translucides, dorées par la lumière des spots fixés aux murs bleu nuit. Quasiment vingt-quatre heures sur vingt-quatre, par roulement, trois maîtres d’hôtel, six barmen et une volée de serveuses accueillaient les clients. À gauche, deux salles de machines à sous clinquantes et cliquetantes, avec des rangées de joueurs attentifs au moindre signe que leur ferait la chance ou une nouvelle martingale. Immédiatement après l’entrée, un ascenseur et un escalier conduisaient à l’étage où étaient installées les tables de roulette, de baccara et autres chemins de fer. Dans un angle étaient aménagés les bureaux de la direction générale et ceux de la sécurité. Leurs parois étaient incrustées de batteries d’écrans permettant de visualiser et d’enregistrer tous les faits et gestes des joueurs et du personnel.

    Les deux gendarmes gravirent les marches de la rotonde, pénétrèrent dans le casino et foulèrent l’épaisse moquette à ramages qui recouvrait entièrement le sol de l’établissement. Leur présence en uniforme faisait se retourner les clients qu’ils croisaient. Bien que l’on fût un jour de semaine, les salles étaient pleines de joueurs, en majorité d’un certain âge. Scotchés pour la plupart devant les rouleaux bariolés des machines à sous qui se dévidaient en mouvements saccadés, sans cesse ils abaissaient le bras de leur machine après avoir misé en piochant dans une réserve d’euros calée devant eux. Cliquetis métalliques et ritournelles constituaient le fond musical de leurs gestes mécaniques. Ce monde de zombies était un peu étrange aux yeux des deux gendarmes.

    Dans son bureau à lumière tamisée, équipé de deux écrans renvoyant les images du vestibule grouillant de clients et des salles de jeu effervescentes, le directeur général les reçut. C’était un homme d’environ quarante-cinq ans, mince, soigné, au visage émacié, au regard un peu fixe en rapport avec son sourire figé, vêtu d’un costume gris anthracite impeccable. Il écouta posément les gendarmes. À la fin de leurs propos, écartant les bras, s’abritant derrière le nombre croissant d’individus qui franchissaient chaque jour les portes de son établissement, il déclara ne pas connaître la victime de l’infarctus. Les gendarmes demandèrent alors à s’entretenir avec l’encadrement qui patrouillait, physiquement ou par vidéosurveillance, dans les différentes salles du site. Le directeur général, dissimulant mal un geste d’agacement, appela l’un de ses proches collaborateurs. Celui-ci, responsable du contrôle des jeux, indiqua que le vieillard décédé était bien un fidèle des lieux, qu’il jouait environ mille euros chaque après-midi, que ce n’était pas un cas exceptionnel puisque plusieurs clients étaient dans ce cas.

    Sur leur demande, le directeur général fit passer les deux gendarmes dans le bureau voisin dédié spécifiquement à la surveillance des salles. Lentement, il leur désigna, sur un écran, une dizaine de flambeurs discrets, qui ne payaient pas de mine, sauf deux femmes âgées restées coquettes. Fascinés, les gendarmes observèrent longuement ces individus qui faisaient avaler, en continu, des euros à des machines étincelantes.

    Un échantillon de joueurs compulsifs, présumés suspects, fut déterminé par le responsable du contrôle des jeux. Lorsque chacun de ces joueurs se rendit à la caisse pour remplir son seau d’une dégringolade d’euros, un cadre du casino s’approcha de lui, ou d’elle, et l’invita discrètement à pénétrer dans un bureau situé à proximité immédiate. Un aparté lui fut ménagé avec les deux gendarmes qui relevèrent son identité puis, si les réponses aux questions posées confirmaient le caractère louche des opérations, le convoquèrent pour le lendemain au siège de la compagnie de gendarmerie de Confolens.

    À Confolens, après de brefs préliminaires, au cours desquels chacun put jauger l’autre, les échanges entre gendarmes et individus convoqués se déroulèrent sur un mode plutôt coopératif. Les personnes questionnées affichaient une forte addiction au jeu sans pour autant être d’opulents industriels à la retraite. Les résultats des interrogatoires furent rapides et éloquents. À la question principale : « Qui vous remettait les enveloppes d’argent à blanchir ? », les réponses convergèrent de façon homogène vers la description d’un blondin blondasse d’une vingtaine d’années. Son portrait-robot fut dessiné par un expert travaillant pour la gendarmerie.

    Le scénario décrit par les personnes auditionnées était toujours le même : elles rencontraient le jeune homme blond séparément, dans des lieux différents, chaque mois, pour recevoir leurs trente mille euros qu’elles devaient blanchir à raison de mille euros par jour. Elles se rémunéraient par les gains éventuels. Elles avaient bien intégré que l’intérêt de tous était de ne pas entrer en contact les unes avec les autres pour éviter d’intriguer leur environnement, et de mettre en péril le système qui leur permettait de se livrer sans retenue à leur addiction au jeu.

    Le petit vieux effondré sur un trottoir de Chabanais venait, vraisemblablement, de toucher son enveloppe mensuelle et était excité à la pensée de la dépenser sans tarder, lorsque son cœur lui a rappelé son intolérance aux enthousiasmes violents.

    La gendarmette avait fait un calcul rapide : à raison de trente mille euros dépensés chaque mois par une dizaine d’accros au jeu, c’était environ trois millions d’euros que le casino de Chassenon blanchissait chaque année.

    Le portrait-robot du blondin blondasse, hélas, ne parlait pas aux gendarmes de Confolens. Ils se rapprochèrent du commissariat de police d’Angoulême, au titre de la récente décision interministérielle de mutualisation des données des fichiers de police et de gendarmerie. L’initiative fut heureuse. Les services de police d’Angoulême ne mirent pas longtemps à identifier l’individu comme étant Jérôme Balland, déjà fiché pour usage de stupéfiants.

    Le commissariat d’Angoulême transmit la photo scannée de Jérôme Balland aux gendarmes de Confolens. Ceux-ci la montrèrent aux joueurs que l’addiction au jeu avait transformés en auteurs de blanchiment de fonds dont la provenance restait à déterminer. Les joueurs reconnurent, sans ambiguïté, l’interlocuteur mensuel qui leur remettait à chaque rencontre, dans les environs de Chassenon : à Exideuil, à Étagnac, à Lesterps, à Brigueil, à Manot, à Saint-Maurice-des-Lions…, de la main à la main, des liasses totalisant trente mille euros.

    Vu cette confirmation d’identité, le commissariat d’Angoulême s’enquit du lieu où se trouvait le nommé Jérôme Balland. Celui-ci, objet d’une surveillance régulière par la brigade des stupéfiants, fut localisé en Italie. Le commissariat d’Angoulême, en liaison avec la compagnie de gendarmerie de Confolens, organisa ensuite le renforcement de cette surveillance en prenant contact avec la police italienne.

    À l’aube du 10 octobre, deux femmes de ménage découvrirent, affalé entre deux hautes poubelles en plastique, le corps sans vie d’un homme qui baignait dans son sang. Ses vêtements l’apparentaient à un cadre supérieur ou à un chef d’entreprise. Éperdues, elles coururent prévenir leur hiérarchie, qui informa aussitôt, simultanément, la direction du petit aérodrome de Brie-Champniers et le commissariat d’Angoulême, territorialement compétent, l’aérodrome étant situé dans la grande banlieue angoumoisine. Les policiers, aidés des services de la compagnie d’aviation, identifièrent rapidement ce passager, délesté de son portefeuille, qui n’avait pu prendre l’avion sur lequel il avait retenu une place pour se rendre en Angleterre. Il s’agissait du directeur général du casino de Chassenon, poignardé en plein cœur.

    Le lien, immédiatement supposé, du meurtre du directeur général du casino de Chassenon avec le blanchiment d’argent par des clients de ce même casino, conduisit Anne-Marie Saint-Angeau, commissaire divisionnaire rue Raymond-Poincaré à Angoulême, à prendre en main la coordination gendarmerie-police-parquet et la centralisation des éléments de l’enquête.

    La commissaire divisionnaire Anne-Marie Saint-Angeau, dite « AMSA », énergique et sympathique, était ce qu’on appelle familièrement une « vedette ». Fille de commissaire principal, petite-fille de gardien de la paix, la police nationale, dont elle était médaillée, constituait sa vocation. Quarante-huit ans, un mètre soixante-douze, soixante-cinq kilos, yeux bleu foncé, cheveux châtains, AMSA était mariée à un médecin du travail féru de statistiques, avec qui elle avait eu deux jumeaux de vingt-quatre ans, enseignants, l’un dans le public, l’autre dans le privé. AMSA était dotée d’un esprit clair qui ne répugnait pas au détour. Elle savait manier les concepts le cas échéant mais elle était surtout pragmatique ; et toujours, elle avançait, ayant une forte confiance en elle. Elle aimait le rock et les BD, dévorait les magazines ; elle lisait aussi tous les ans le Goncourt qu’on lui offrait à Noël, curieuse de voir où en était la littérature depuis qu’elle avait quitté l’école. Globalement, AMSA était un mélange de Catherine Deneuve et de chien truffier. Le shaker avait été bien secoué, le résultat était équilibré. Les évaluations professionnelles de la commissaire divisionnaire étaient toujours très positives. Sa notice biographique était rappelée périodiquement dans la presse locale car son statut de femme policier de niveau hiérarchique élevé, joint à un caractère affirmé, intriguait toujours un peu. Elle obtenait d’excellents résultats, notamment en s’appuyant sur la solidarité féminine entre policières et gendarmettes qui facilitait grandement la conduite des enquêtes dispersées sur le territoire du département. Dans ce réseau féminin, pas de friture sur la ligne : policières et gendarmettes usaient naturellement d’un même logiciel invisible qui leur permettait de s’affranchir entre elles des clivages traditionnels administratifs, politiques et culturels.

    Après avoir vérifié que le dispositif de filature de Jérôme Balland en Italie se mettait en place, la commissaire divisionnaire AMSA décida de rendre visite aux gendarmes de Confolens : le contact direct lui avait toujours paru plus fructueux que les relations entretenues à distance. Avant de quitter son bureau, elle informa le procureur de la République des faits survenus au cas où celui-ci estimerait

    Vous aimez cet aperçu ?
    Page 1 sur 1