Quai Conti, dans la « grande salle des séances » au deuxième étage de l’Institut de France, Molière, Corneille, Racine et d’autres forment une ronde. Statues ou bustes, tous tendent leur oreille de pierre – Molière tient même un carnet à la main. Dans cette enceinte, habituée à n’abriter que de savantes envolées, ce 4 octobre règne l’agitation. L’Académie des beauxarts, sous la houlette de son secrétaire perpétuel, le chef d’orchestre Laurent Petitgirard, offre l’asile à l’assemblée générale des bouquinistes de Paris. Une AG sous la Coupole? Les prémices d’un chambard. Assis sur leurs chaises au velours vert, des académiciens, rosette à la boutonnière, et la délégation d’une quarantaine de bouquinistes portant vestes froissées et vieux sacs de toile. Si les tenues indiquent l’appartenance à l’institution ou la marge bohème, les propos sont univoques, un ballet d’augustes références pour exprimer l’émoi collectif.
L’affaire date de l’été. Afin d’accueillir la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques le 26 juillet 2024, la préfecture de police de Paris a décidé, conformément à l’article L. 226-1 du code de la sécurité intérieure, de démonter les « boîtes » des bouquinistes. Pas toutes, environ 570 boîtes sur les 800 assises à califourchon sur les parapets de la Seine. La mesure scandalise ces 240 vendeurs de livres anciens ulcérés d’être chassés du paysage, alors que 2 milliards de téléspectateurs regarderont le spectacle et qu’une cohue de touristes doperait leurs ventes. La cérémonie privée de leurs boîtes