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Le Camion: Roman d'aventures
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Livre électronique185 pages3 heures

Le Camion: Roman d'aventures

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À propos de ce livre électronique

L'histoire d'un groupe de jeunes adultes en quête de liberté qui se heurte à la triste réalité du monde actuel : chômage, frontières, nature dévastée,...

C'est l'histoire d'une jeunesse, peut-être la vôtre. C'est l'histoire de jeunes gens qui ont rêvé dans leur enfance, leur adolescence, que le monde serait ouvert pour eux, qu’ils seraient libres, que tout serait possible. Ils se prennent ensuite la crise, la réalité, en pleine face ; le chômage, les frontières, la nature dévastée. On les rencontre à ce moment-là, autour d’un camion qu’on leur a prêté, avant qu’ils ne se lancent chacun de leur côté dans leurs vies, comme dans une attente de vivre. Ils sont jeunes adultes, frustrés, rêveurs, ambitieux, résignés, tous partagent l'envie d'ailleurs. Pour cela, ils ont un camion. Il ne les transporte pas loin, il tombe souvent en panne, mais il les amène à rêver de destinations lointaines : la Chine, l'Afrique, etc.
Le camion c'est comme leur propre vie, la possibilité de s'échapper, mais l'impossibilité de prendre l'élan. C'est un groupe d'amis qui aimerait voyager loin, mais la vie s'impose et les rêves passent.
Ce n’est pas un livre nostalgique, ni un road book, c’est un roman d’aventures qui se passe dans un camion qui n’avance pas très vite, mais qui va quand même plus loin que prévu.

Un roman d'initiation et d'aventure où l'on suit un groupe d'amis frustrés, rêveurs, ambitieux et résignés. Avec le camion qui leur a été prêté, ils souhaiteraient partir loin pour s'échapper, malgré les impossibilités auxquels ils sont confrontés.

EXTRAIT

Elle aime le mot kaléidoscope. Elle l’écrit sur un bout de papier, fait des dessins autour et le colle au plafond du camion. Un soir, alors qu’ils fument tranquillement un joint avec Pierre-Olivier à l’arrière, celui-ci demande s’ils savent d’où vient le mot. Ils l’ignorent, mais alors qu’il va leur expliquer l’origine du mot, Amanda le prie de ne pas le faire. Elle veut garder le mystère. Elle craint que savoir trop de choses à son propos fasse perdre sa magie au mot. Ils ont une discussion là-dessus, Amanda, Mathieu et Pierre-Olivier. Ils se demandent aussi si connaître trop bien une personne fait le même effet en fin de compte, si on perd sa magie. Il faudrait pouvoir garder son mystère, dit Amanda. Moi j’ai rien à cacher, dit Mathieu. Pierre-Olivier comprend bien qu’il n’est pas question de cacher quoi que ce soit. Mais il saisit ce que veut dire Amanda. D’un autre côté, lui, il pense que, si l’on étudie tout très profondément, il se révèle un autre sens des choses, des liens et des systèmes secrets. Le savoir remagifie le monde.

CE QU'EN PENSE LA CRITIQUE

Une lecture à ne pas manquer. Le style est fluide et percutant. Les personnages juste ébauchés au départ deviennent de plus en plus nets. Ils ont leur part d’ombre mais ils sont essentiellement lumineux, touchants. Ce roman décrit à merveille les errances d’un âge où l’on sent, où l’on sait qu’il faut enfin décider sur quel chemin partir dans la vie et où, en même temps, les doutes et les ‘pourquoi donc’ empêchent souvent le mouvement. Un roman d’initiation à conseiller vivement aux adultes qui disent ne pas comprendre « les jeunes »... - Laurence Holvoet, Blog Les Collecteurs - Co Lectores (versionlibreorg.blogspot.com)

À PROPOS DE L'AUTEUR

Neige Sinno est née dans les Hautes-Alpes en 1977 et vit aujourd'hui au Mexique. Après une thèse en littérature américaine, elle se consacre à l'écriture et à la traduction. Elle a publié un recueil de nouvelles (La vie des rats, La Tangente, 2007) et un essai sur les figures du lecteur (Lectores entre líneas: Roberto Bolaño, Ricardo Piglia y Sergio Pitol, Aldus, 2011) qui a remporté le prix Lya Kostakowsky.
LangueFrançais
Date de sortie24 avr. 2019
ISBN9782366261264
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    Aperçu du livre

    Le Camion - Julien Thèves

    l’Afrique

    I

    Ils ont un fourgon quatre portes qui a été utilisé pour faire des livraisons. Ils l’appellent le camion et s’en servent pour voyager. Ils disent qu’ils vont aller jusqu’en Inde avec. Ils ne savent pas s’ils arriveront jusqu’à l’Inde, mais le Pakistan au moins ce serait bien.

    Le camion n’est pas vraiment à eux. Il est prêté par un copain. Un type qui se dit copain et au dernier moment, après les réparations, réclame son camion.

    Au début, c’est surtout Mathieu qui fait les réparations, mais il ne s’y connaît pas trop en mécanique. Un après-midi, Jérôme vient l’aider avant d’aller prendre son quart à la caserne. Il est en formation de pompier, mais sait se débrouiller avec les machines, les outils, contrairement à Mathieu qui, le plus souvent, ne fait qu’empirer les choses. Jérôme donne un coup de main. Puis un autre. Pendant ce temps, il tchatche avec Mathieu et ils boivent des bières en contemplant le moteur. Ça devient une habitude. Quand il rentre du boulot, Jérôme fait un tour histoire de voir si Mathieu est au camion, et presque toujours il l’y trouve. Ils ouvrent alors le capot, observent, trafiquent des trucs.

    Avant d’être prêté, le camion est une carcasse sans vie. Un camion qui ne roule pas, garé au fond d’une cour, le pare-brise constellé de crottes de poules. Est-ce que c’est encore un camion ?

    Mathieu invite Jérôme à faire une partie du voyage en Afrique avec eux. Après avoir dit non, puis réfléchi, puis changé d’avis, Jérôme se motive pour l’Afrique. Avant, il avait des plans sur Marseille, mais depuis que Lola l’a quitté il se dit que c’est peut-être une bonne idée de faire un voyage, au moins un bout de voyage. Il les accompagnera jusqu’en Espagne, puis on verra.

    Ils font des aménagements. Ils collent des panneaux de contreplaqué sur les parois du camion. Ils installent des sièges qui se déplient pour faire un grand lit à l’arrière. Ils récupèrent un rectangle de mousse qu’ils découpent aux dimensions du lit. Amanda sait coudre, c’est sa cousine qui lui a appris. Elle fait une housse pour le matelas avec de vieux draps. Elle va sur le marché et choisit un tissu sur un stand où les Africaines se procurent les toiles imprimées pour leurs vêtements. Celui qu’elle achète est en coton, un coton qui s’appelle bazin, orangé lumineux avec des motifs de différents ocre, marron, rouges. C’est moins cher, lui dit le marchand. Moins cher que quoi ? elle demande. Moins cher, moins cher. Elle coud des rideaux pour toutes les fenêtres, à la main. Depuis l’intérieur, c’est vraiment joli, la lumière passe à travers les nuances, et on se croirait dans un kaléidoscope.

    Elle aime le mot kaléidoscope. Elle l’écrit sur un bout de papier, fait des dessins autour et le colle au plafond du camion. Un soir, alors qu’ils fument tranquillement un joint avec Pierre-Olivier à l’arrière, celui-ci demande s’ils savent d’où vient le mot. Ils l’ignorent, mais alors qu’il va leur expliquer l’origine du mot, Amanda le prie de ne pas le faire. Elle veut garder le mystère. Elle craint que savoir trop de choses à son propos fasse perdre sa magie au mot. Ils ont une discussion là-dessus, Amanda, Mathieu et Pierre-Olivier. Ils se demandent aussi si connaître trop bien une personne fait le même effet en fin de compte, si on perd sa magie. Il faudrait pouvoir garder son mystère, dit Amanda. Moi j’ai rien à cacher, dit Mathieu. Pierre-Olivier comprend bien qu’il n’est pas question de cacher quoi que ce soit. Mais il saisit ce que veut dire Amanda. D’un autre côté, lui, il pense que, si l’on étudie tout très profondément, il se révèle un autre sens des choses, des liens et des systèmes secrets. Le savoir remagifie le monde.

    Ils essaient d’aller en Camargue avec le camion, mais ils tombent en panne sur la nationale après l’Estaque. Un copain de Mathieu, un chauve qui a un 4X4 les remorque jusqu’à une esplanade de stationnement à flanc de colline qui surplombe la mer. On peut descendre jusqu’à une crique par des escaliers creusés dans la pierre. C’est pas si mal. Ils restent là trois jours, pour réparer. Mathieu, Jérôme et le type au 4X4 inspectent le moteur avec des visages circonspects. Belle petite machine, dit le chauve. Il fume en se grattant la barbe. Il jette les mégots par terre, à dix mètres de la garrigue. Jérôme se retient, ne dit rien, car il sait bien que l’autre leur a rendu service, mais il passe derrière lui pour écraser rageusement les mégots.

    Ils dorment dans le camion et c’est un peu comme s’ils étaient partis très loin. Ils s’allongent à l’arrière dans leurs jeans pleins de cambouis. Le soir tombe avec des bruits d’oiseaux. Ils parlent avant de s’endormir, avec des voix rêveuses, éreintées, repues, et leurs mains se touchent. Ils parlent de pays, de routes, de kilomètres. Le monde est à eux, comme un fruit mûr, tout près, au bout de la branche, à prendre, il suffit de tendre la main. Mais ils ne le disent pas. Ils disent, c’est nul, Marseille. Toujours pareil, ils disent.

    Ils préfèrent ne pas laisser le camion en ville. Ils aiment mieux lui trouver des endroits secrets, dans la périphérie, dans la nature, quitte à y aller ensuite en bus. Il reste ainsi un moment sur un autre parking non surveillé, au cap Canaille. On ne voit pas la mer depuis là où il est, mais il suffit de marcher une cinquantaine de mètres, et là on est sur les falaises, vue parfaitement dégagée, en plein vent et sans un arbre. Personne n’habite dans le camion, bien que ce soit possible, il y a tout ce qu’il faut. On y vient de temps en temps, surtout Amanda et Mathieu. Ils arrivent en fin de journée, regardent la vue, font l’amour sur le matelas à l’arrière (baiser, ils disent), restent parfois jusqu’au matin.

    Ils prêtent les clefs à des copains qui les prêtent à d’autres. C’est comme ça que Leïla connaît le camion. C’est Jérôme qui l’y fait venir. Il s’en sert pour draguer. Il habite chez ses parents, dans un petit appartement en HLM, et là-bas il n’invite jamais personne. Elle n’est pas la première fille qu’il emmène. Elle s’en doute, mais ça ne fait rien. Elle se fait un peu prier et décide finalement d’y passer la nuit. C’est la première fois qu’elle dort dans un camion, au milieu de la nature. Elle n’a même jamais campé. Au début, elle a la sensation que tout le monde peut les voir. Mais il n’y a personne, évidemment, et peu à peu elle se détend.

    C’est le soleil sur le visage qui réveille Leïla. De son côté, les rideaux n’étaient pas tirés. Jérôme par contre dort encore, protégé par les tentures multicolores, submergé par une grande fatigue. La lumière passe un peu au travers et les motifs se projettent sur lui, les jaunes, les bruns, comme des caresses. Il a l’air d’un grand bonhomme en peluche, un bonhomme pain d’épice en patchwork. Elle le trouve très beau, elle aime sa barbe blonde aux reflets roux, les boucles blondes de ses cheveux, les poils longs et bizarrement raides de ses aisselles et de son pubis, ses cils presque transparents, ses lèvres gonflées par le sommeil, sa moue désinvolte et innocente pendant qu’il ronfle allègrement, un ronflement du fond de la gorge qui racle le palais en remontant vers la surface. Elle voudrait se prendre en photo avec lui pour être sûre qu’elle n’a pas inventé toute l’histoire.

    Ça ne marche pas avec Jérôme, mais Leïla devient amie des autres. Elle fait des études de droit, ça en jette. Ses parents sont Algériens, son père est ouvrier à l’usine de jambons, elle est née à La Castellane. Elle croit à l’ascension sociale. Elle veut être de ceux qui montent l’échelle. Moi, elle dit, je ne m’arrêterai que quand je serai tout en haut.

    En haut de quoi, demande Mathieu ? Et pour quoi faire ? Pour exploiter les moins ambitieux, les fils de rien, les fumeurs de joints qui auront pas su grimper aussi vite que toi ? Tu peux pas escalader sans écraser, c’est comme ça, faut être prêt à marcher sur les gens. Mais non, dit Leïla, tu grimpes et tu tires les autres à toi.

    Une échelle, dit Amanda, c’est pour descendre et c’est pour monter, ça signifie qu’il y a un haut et qu’il y a un bas. Et si c’était faux tout ça ? Si l’avancement réel était à l’horizontale, sur les côtés ? La question serait alors de savoir comment grimper sur le côté. Ne plus chercher à s’élever, mais chercher à étendre le champ du déplacement latéral, accroître les possibles en nageant vers les bords, en repoussant les bords. Il ne serait plus nécessaire d’écraser alors, de tirer ou de pousser, il faudrait juste devenir plus habile, perfectionner la brasse et le crawl, et l’art de l’extension des bords.

    Ça serait encore progresser, dit Mathieu. Ne pourrait-on pas plutôt en rester là, immobiles, à contempler la beauté et la laideur du monde ? 

    Comme des montagnes, dit Pierre-Olivier, toi tu voudrais qu’on soit déjà de grands sages chinois, des montagnes imperturbables et dignes, hors d’atteinte de la tentation. Mais c’est pas possible mon Mathieu, on est des fourmis, des petits êtres myopes et sans patience, on n’est pas, absolument pas, et presque à aucun moment, capables de se mettre à l’abri.

    C’est aussi, ajoute Amanda, qu’observer la laideur sans rien faire est insoutenable. C’est une torture. La laideur n’est tolérable que si on s’occupe. Il y a des gens qui prennent des fusils, qui s’engagent, qui tapent dans les manifs. Et les autres, qui se mettent des trucs entre les mains pour ne pas se suicider, qui bougent dans tous les sens, qui fabriquent, qui construisent et détruisent. Même faire le ménage, laver la vaisselle, laver des chiottes est moins pire que rien. La seule exception peut-être, c’est la télé. Là, tu peux t’absorber dans l’horreur sans bouger le petit doigt, c’est pour cette raison sans doute que la télé est si proche de la mort.

    Évidemment, tout se fait sans eux, à leur insu et sans leur consentement, pas même tacite. Chez les Dogons non plus, remarque Mathieu, on leur demanderait pas leur avis. Chez les Tarahumaras, chez les Grecs anciens, on grandit dans un monde déjà fait et il faut acquiescer, essayer de se plier, si l’on peut, ou attendre les grandes épreuves que l’avenir réserve. Et si après cela on ne peut toujours pas, après le passage à l’âge adulte, l’initiation dionysiaque censée nous permettre d’imprimer dans nos chairs la lettre de nos lois, alors il reste la fuite et l’errance, la longue marche à pied sur les chemins de misère ou sur les routes, pour aller plus vite, en train, en bus, en camion. Ou bien encore : avaler la ciguë.

    Jérôme fait venir Lubna au camion. Puis Lena. Puis Louisa. Une nuit chacune. Après, c’est fini. Il n’emmène plus personne au camion la nuit, après Louisa. Il vient tout seul, dormir, après ses nuits de garde. Il vient avec son sac de couchage et il remet tout en ordre, comme après les visites des filles, il secoue les coussins, il nettoie le sol avec un balai miniature, il aère. Il dit qu’il dort mieux que chez lui. Il dort profondément, et le matin il fait des rêves.

    Pour arriver jusqu’en Inde, il faudrait faire des économies. Ou bien trouver des idées pour travailler en chemin.

    Lola aime se déshabiller. Quand Jérôme est avec une autre fille et qu’elle se laisse dévêtir ou enlève tout sans faire attention, il pense à Lola, et ça lui gâche le moment. Il pense à Lola qui aime l’idée de se déshabiller, d’être vue avant d’être nue, en train d’offrir petit à petit le privilège de se laisser voir nue. Rien de spectaculaire cependant, pas de striptease grossier. Se déshabiller comme une espèce d’interrogation philosophique, une façon de demeurer un moment dans le paradoxe du passage entre deux états très dissemblables, presque incomparables : être avec une personne habillée, puis nue. Quelque chose de palpable et indéfinissable à la fois : la nudité en tant qu’autre chose que l’absence d’habits.

    Son corps est doux, couvert d’un duvet invisible comme le chapeau d’un champignon, un bolet, blanc, molletonné, fragile, intouché. Une goutte de rosée glisse à la surface, mais il suffirait d’un rien pour la déchirer. Un doigt trop empressé, trop lourdaud, un type avec trop d’arrière-pensées, et c’en serait fini de toute cette beauté.

    Jérôme pense à cet autre type, ces autres types, qu’il ne connaît pas directement, mais qui ne peuvent qu’exister. Ça le fait rager. Ça fait monter en lui un cri semblable au silence avant la pluie, un cri méchant, plein de fiel et de menace.

    Lola ne pense à rien de tout ça. Elle perçoit son corps comme un assemblage de beaux petits pains moelleux, baguette, brioche, croissant, fougasse, éclair, pain aux raisins. Et pour couronner ce festin : sa chevelure, scintillante, douce et terrifiante comme un conte pour enfants. Quel cadeau, elle pense, quand elle se coiffe matin et soir devant un triangle de miroir. C’est un cadeau de son père, un gros monsieur roux à moustaches qui n’a pas fait long feu, un obèse aux poumons fragiles qui n’ont pas tenu, dont elle garde le visage en mémoire et la photo pliée en deux dans son portefeuille, un homme gentil et un peu triste qui aurait tellement aimé voir la belle plante qu’elle était devenue.

    Ce sont les rêves qui font venir Jérôme au camion, tout seul. Des rêves pas nécessairement agréables, mais intenses, pleins de visages et de phrases. Au réveil, il a l’impression qu’il y a quelque chose à comprendre, puis il oublie, presque tout de suite. Alors il se fait un café sur le réchaud, dehors, et il le boit dans le soleil.

    Jérôme ne sait pas conduire. Il vient au camion sur sa petite moto. Ma mob, il dit. Mathieu ou Pierre-Olivier lui rendent parfois visite l’après-midi. Ils ne lui demandent pas pourquoi il ne rentre plus chez lui. Ils se doutent que quelque chose s’est passé avec son père, qui est un gros con, un connard qui tape. Jérôme devrait partir, prendre un appart, mais il a peur de laisser sa mère. Le camion, c’est comme des vacances, comme en camping. Jérôme lave son linge dans une bassine et le fait sécher sur une corde tendue entre deux pins. Il révise son manuel de pompier en écoutant de la musique dans le poste. Ensuite, il met son casque de moto pour retourner à la caserne. Quand il arrive au boulot, il change de casque.

    Amanda ne sait pas conduire non plus. Ni Lola. Pierre-Olivier sait conduire, mais il n’a pas le permis.

    Jérôme fait des rêves qui lui donnent envie de les raconter. Mais il n’en parle à personne. Il a l’idée de s’acheter un cahier et de les noter, mais il ne le fait pas. Il reste avec ça comme une ombre autour de lui, une aura qui l’accompagne

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