Découvrez des millions d'e-books, de livres audio et bien plus encore avec un essai gratuit

Seulement $11.99/mois après la période d'essai. Annulez à tout moment.

Rouges, comme le sang: Saga d'aventures fantasy
Rouges, comme le sang: Saga d'aventures fantasy
Rouges, comme le sang: Saga d'aventures fantasy
Livre électronique245 pages3 heures

Rouges, comme le sang: Saga d'aventures fantasy

Évaluation : 0 sur 5 étoiles

()

Lire l'aperçu

À propos de ce livre électronique

Bazil poursuit son aventure vers un objectif qui semble de plus en plus trouble...

S’éloigner de la zone de conflits. Atteindre Saline. Voilà un premier but de réussi pour Bazil, mais l’est-il vraiment ? Le ciel s’obscurcit et le nuage des intrigues liées à la guerre grossit de plus en plus. Saline était-elle une destination ou une étape ? Un lieu de paix ou un lieu de conflits et de passage ?
En entrant dans la marine impériale sous les ordres du Joker et d’Elyana, ne vient-il pas de se jeter dans cette même guerre qu’il fuyait ? Nombre de nouvelles personnes lui tendent la main, de l’insolite Scratch à la belle Nifel, mais peut-il faire confiance à qui que ce soit ? Lui le sait sans en comprendre les détails, sa mission est tout autre et les ennemis apparaissent à chaque coin de rue. L’été s’achève dans la Baie des Fermiers, les masques tombent dans le sang et les larmes coulent.

Un roman d'heroic fantasy qui fait suite à La Cité Marchande. À lire sans attendre !

EXTRAIT

Bazil perdait son souffle. Ce combat, pourtant si bien engagé, virait à l’hécatombe. Le pont, fraîchement lavé, se recouvrait d’une couche visqueuse et rouge. Les pleurs remplaçaient les cris. Les ordres des deux camps s’enchaînaient sans que quiconque ne puisse savoir s’ils lui étaient destinés ou non. Le tintement des armes s’entrechoquant dominait tout ce vacarme de rage et de souffrance, il menait la danse. Aucun instrument de ce terrible orchestre ne pouvait survivre à son solo : un bruit trop puissant indiquait une personne en trop bon état, cela ne restait pas longtemps impuni. L’acharnement avait laissé place à la démence, elle-même dominée par l’épuisement des corps et des esprits.

Le bruit sourd d’une douleur étincelante retentit dans le crâne de Bazil. Un éclat de bois carbonisé venait de lui perforer l’avant-bras gauche. Il fut forcé de mettre genou à terre pour laisser passer l’éclair de souffrance. Sa halte ne fut que de courte durée. La lame de son assaillant finissait déjà sa courbe dans les airs pour se rapprocher de son but ultime. Bazil roula sur le côté, évitant de justesse le coup mortel. Il fallait en finir. Sa main tremblait. Le poids de son épée devenait de moins en moins supportable. Il sentait que la force lui manquerait pour parer la prochaine attaque.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Anton Gauthier est né en juillet 1994. Durant sa vie, pourtant courte, il a touché à de nombreux domaines autant scientifiques (classe préparatoire PCSI-PC au lycée Fénelon à Paris), qu’hôteliers (restauration), qu’artistiques comme la musique (Schola Cantorum) et l’écriture (série : Le Démon de Sang). Écrivant soit en musique et de nuit, soit dans un café londonien, il s’efforce d’exploiter au plus son propre environnement pour décrire son univers et faire ressentir les différentes ambiances. C’est un adepte des recherches annexes, soit de vocabulaire, soit purement techniques afin de rendre son récit le plus crédible et cohérent possible.
LangueFrançais
ÉditeurPublishroom
Date de sortie10 août 2017
ISBN9791023606287
Rouges, comme le sang: Saga d'aventures fantasy

Lié à Rouges, comme le sang

Titres dans cette série (2)

Voir plus

Livres électroniques liés

Fantasy pour jeunes adultes pour vous

Voir plus

Articles associés

Catégories liées

Avis sur Rouges, comme le sang

Évaluation : 0 sur 5 étoiles
0 évaluation

0 notation0 avis

Qu'avez-vous pensé ?

Appuyer pour évaluer

L'avis doit comporter au moins 10 mots

    Aperçu du livre

    Rouges, comme le sang - Anton Gauthier

    Remerciements

    Je remercie mes proches pour leur précieuse aide, ainsi que N°197 Firestation Chiswick pour m’avoir accueilli et m’avoir fourni un lieu de travail non conventionnel.

    Mes pensées vont plus particulièrement à Serge Gauthier-Pavlov pour son soutien et ses corrections, à Roman Carrasco pour ses idées et son travail sur les illustrations, et à Hugues Rimpot sans qui Bazil n’aurait jamais vécu cette histoire.

    Chapitre 1 :

    Coup d’estoc

    Le soleil resplendissait haut dans le ciel. Ses rayons, libres de tout nuage, se reflétaient sur l’eau azur de la Palonde et réchauffaient l’air qui montait en colonnes. Ces courants aériens étaient d’autant plus stables que le vent d’altitude était régulier. Un albatros planait dans une de ces cheminées d’air chaud. Son élégance et sa massivité accentuées par son plaisir évident de voler donnaient à ce tableau une teinte irrésistible de liberté et de sérénité.

    Un virage à gauche, une spirale sur la droite. Ses plumes blanches vibraient en raison de la vitesse tandis que ses ailes étaient portées toujours plus haut. Non, ce n’était vraiment pas une mouette qui survolait l’immense étendue d’eau douce, c’était le roi des oiseaux marins en personne et nul ne pouvait contester son règne. Un bruit lui parvint. Qui osait donc troubler sa gracieuse parade ? Qui osait ennuyer de la sorte le souverain ? L’albatros piqua à la fin de sa courbe, s’éloignant à regret de la chaleur. Son œil perçant ne prit que quelques secondes pour trouver l’origine du vacarme : des humains. Ces animaux stupides oscillaient lourdement sur deux de ces constructions abjectes qu’ils appelaient des bateaux. Le fier oiseau en était désormais sûr : ces créatures ne comprenaient rien à l’élégance. Au lieu d’apprécier le soleil, ils faisaient du bruit. Un bruit désagréable et violent, celui de la guerre.

    Bazil perdait son souffle. Ce combat, pourtant si bien engagé, virait à l’hécatombe. Le pont, fraîchement lavé, se recouvrait d’une couche visqueuse et rouge. Les pleurs remplaçaient les cris. Les ordres des deux camps s’enchaînaient sans que quiconque ne puisse savoir s’ils lui étaient destinés ou non. Le tintement des armes s’entrechoquant dominait tout ce vacarme de rage et de souffrance, il menait la danse. Aucun instrument de ce terrible orchestre ne pouvait survivre à son solo : un bruit trop puissant indiquait une personne en trop bon état, cela ne restait pas longtemps impuni. L’acharnement avait laissé place à la démence, elle-même dominée par l’épuisement des corps et des esprits.

    Le bruit sourd d’une douleur étincelante retentit dans le crâne de Bazil. Un éclat de bois carbonisé venait de lui perforer l’avant-bras gauche. Il fut forcé de mettre genou à terre pour laisser passer l’éclair de souffrance. Sa halte ne fut que de courte durée. La lame de son assaillant finissait déjà sa courbe dans les airs pour se rapprocher de son but ultime. Bazil roula sur le côté, évitant de justesse le coup mortel. Il fallait en finir. Sa main tremblait. Le poids de son épée devenait de moins en moins supportable. Il sentait que la force lui manquerait pour parer la prochaine attaque.

    Une voix dans sa tête lui dicta son prochain mouvement. L’entité qui lui donnait sa magie avait peur, peur que son pion ne se fasse manger sur l’échiquier. Dans un sursaut de survie, Bazil saisit une corde tendue sur sa gauche et attira d’un coup sec son adversaire à lui. Tout mouvement sur le pont se figea. Sa fatigue et jusqu’au tumulte du carnage se firent lointains. Il ne percevait que sa main, crispée sur la lame salement fichée jusqu’à la garde dans le torse ennemi. Au moment où un flot de sang, aussitôt absorbé, recouvrit le métal magique ; Bazil sentit son corps se régénérer tandis que sa victime s’effondrait.

    Le monde vacilla. Bazil tomba à plat ventre en crachant un liquide au goût métallique. La tache rouge noircit instantanément et les couleurs se firent ternes dans ses iris. Le vainqueur n’était pas bien différent du vaincu dans sa posture. Seuls ses yeux regardant au ras du pont et son cœur en train de battre le gardaient dans le royaume des vivants. Il ne sentait plus rien qu’une fatigue écrasante. Malgré tout, une ultime pensée s’encadrait dans son esprit : « Nifel, Elyana, Kerlinor… étaient-ils encore en vie ? » Sa joue s’affaissa mollement dans le sang laissant sa vue unique témoin de la suite du combat.

    Une personne se tenait dos à dos avec un chaffe-souris. Ses cheveux, habituellement soyeux, étaient hérissés à l’instar de la fourrure de son compagnon animal. Les traits de son visage étaient crispés tout comme la créature qui exhibait ses crocs menaçants. Elyana et Krein hurlaient à l’unisson, ils hurlaient de rage. Autour d’eux, leur faisant face, une demi-douzaine d’hommes en uniforme rouge s’apprêtaient à l’assaut. Tout en eux reflétait la haine envers cette fougueuse qui avait exterminé tant des leurs.

    Une ombre se rapprochait à grands pas de cette scène. Ses trois dagues prêtes à trancher quelconque opposition. La troisième, tenue par sa queue, mordait au passage dans le cou d’un esclavagiste. C’était Scratch, le Skaven, qui volait à la rescousse de ses amis. Il ne les avait rencontrés que trois semaines auparavant, pourtant sa fidélité était déjà inébranlable. Il avait consacré du temps à ces quelques individus montés sur son navire. Ses rats espions avaient mémorisé leurs odeurs et leur compagnie les avait bien amusés. Ils avaient même des anecdotes à raconter… Un début d’histoire en commun.

    Bazil se glissa sur le flanc. Il n’avait pas encore la force de se relever et ce simple effort lui donna la nausée. Pourtant, il se devait de voir les autres.

    Un riche habit bien ajusté traînait près d’un cordage. Les manchettes déchirées pendaient lamentablement aux poignets du mage qui se tenait le flanc en grimaçant. Valinor avait été un des premiers à réaliser la difficulté de la bataille. Sans réussir à lancer plus de trois sorts, il avait été touché par un carreau d’acier. Le métal noir anti-magie avait perforé le coton blanc immaculé et Bazil avait senti tous les pouvoirs de son compagnon s’éteindre comme une lanterne tombant à la mer. Valinor avait survécu à la blessure, mais à quel prix ? À présent, Bazil doutait du fait qu’il retrouverait cet elfe ronchon aimant la bonne cuisine.

    Une armure noire scintillait au soleil, en première ligne de la dernière charge contre les esclavagistes. Les pointes habituelles de ses épaulettes avaient été remplacées récemment par des griffes d’acier et la personne dans l’armure avait laissé derrière elle ses aspirations à la magie. C’était Nifel, accompagnée d’une bonne dizaine de marins, qui suivait Kerlinor dans un ultime effort pour remporter la victoire. Un trait de feu percuta son avant-bras. Elle releva la tête, indemne, et se rua sur le mage à cape rouge qui avait osé essayer de la tuer. Bazil sourit. L’initiation à l’anti-magie allait bien à son amie. Il l’avait accepté et l’y avait même encouragé. De ce fait, la transition s’était faite facilement et leur attachement réciproque n’avait cessé de grandir malgré leur nouvelle différence.

    Une clameur retentit. Bazil se releva le temps de joindre sa voix à celle de ses camarades. Ils avaient finalement remporté la victoire. Il essaya de faire un pas mais se ravisa bien vite, son équilibre ne s’étant pas complètement rétabli. Il attendit donc accroupi qu’Elyana parcoure les quelques pas qui les séparaient. Elle le prit par le bras, écrasant un flot d’injures pour le maintenir debout.

    –Eh bah, se reprit-elle. Faut pas que ça devienne une habitude de se reposer sur les femmes !

    –Ce n’est que la deuxième fois, répondit Bazil en faisant la moue.

    –La deuxième fois en comptant les entraînements au sauvetage en mer ? Tu te fous de moi j’espère !

    Leurs rires sincères firent se retourner une bonne partie des survivants. Bazil aimait ces taquineries qu’Elyana et Nifel avaient pris l’habitude de lui envoyer. Elles tombaient toujours au pire moment et déclenchaient un rire purement nerveux mais cent fois plus reposant qu’une nuit de sommeil. Ces quelques secondes leur permettaient d’oublier la gravité des situations, la fatigue et les efforts à venir. Nifel les rejoignit et les serra dans ses bras en prenant bien garde à ce que ses griffes d’acier ne les touchent. Elle prit un air faussement grave.

    –Elyana, Bazil… Je suis au regret de vous annoncer… que notre amitié va pouvoir continuer. Et franchement, c’était pas gagné !

    –On s’est complètement fait avoir par la taille de l’embarcation, ajouta Kerlinor d’un ton exaspéré. Ils n’étaient pas plus d’une quarantaine mais quelle quarantaine… La « Voile Pourpre » ? Des troupes d’élite sous le commandement de Mogk’Tall, aussi loin sur la Palonde ? Quelle connerie ! Heureusement qu’on a vaincu… le seul problème c’est qu’on a également gagné une grosse vingtaine de morts et une quarantaine de blessés dont certains dans un état critique. Anthor va avoir du pain sur la planche en tant que nouvel apothicaire. Et nous, on est bon pour des funérailles, un retour sans tarder à Saline, plusieurs permanences de nuit à l’infirmerie et un réarrangement des quarts… Vous en avez de la chance de ne pas être lieutenant.

    –Ne t’inquiète pas Kerlinor, intervint Elyana. Je t’aiderai autant que je le peux et ce n’est pas que parce que je suis sous-lieutenante.

    –TOUT LE MONDE SUR L’INCENDIAIRE !! ! Ramassez nos morts et nos blessés et sabordez-moi ce rafiot de malheur ! Quart deux, mettez ces pleutres aux fers dans la cale ! Allez, on se bouge, un dernier effort !

    Bazil se fit la réflexion que la voix du capitaine ne portait plus aussi loin que dans la matinée, néanmoins elle restait ferme et autoritaire. Il avait, dès le début, apprécié le capitaine Muguet. C’était un vétéran de la marine ayant monté tous les échelons pour atteindre, la quarantaine passée, le commandement d’une frégate. Il était juste et franc tout en montrant de l’amitié et de l’affection envers son équipage. Bazil observait le vieux loup de mer prendre un mort sur l’épaule et soutenir un blessé sur son chemin pour l’Incendiaire. Cet homme, si dévoué, lui inspirait le plus profond respect.

    Son avant-bras lui faisait mal. Une boule de feu avait explosé non loin de lui et un éclat de bois était passé au travers, déchirant le muscle mais laissant intact l’os. La magie du sang que possédait Bazil lui permettait une régénération rapide mais pas instantanée. En fait, plus sa régénération était accélérée, plus elle laissait de traces. Il pouvait s’attendre à une belle cicatrice un peu en dessous du poignet.

    Se replier sur l’Incendiaire… Bazil suivait d’un pas lent les derniers hommes qui empruntaient la passerelle après avoir sabordé la Voile Pourpre. La petite frégate allait sombrer au fond de la Palonde sans que quiconque en retrouve trace.

    La chasse n’avait commencé que trois heures auparavant. Elyana venait d’informer l’équipage qu’ils allaient couper la route d’un navire esclavagiste de petite taille. Le vent étant favorable, le capitaine Muguet avait réglé leur trajectoire pour une interception facile permettant deux tirs de baliste avant l’abordage. Jusque là, tout s’était déroulé comme prévu. Mais, une fois la Voile Pourpre à portée de sort ou même de flèche le combat s’était corsé. Les arbalétriers esclavagistes avaient de meilleures armes et plus d’entraînement. Leurs carreaux touchaient juste tandis que les flèches de l’Incendiaire étaient victimes des sorts de protection du petit navire.

    Le capitaine Muguet, voyant les pertes se multiplier sur son pont, avait ordonné un abordage rapide et risqué. Il lui avait coûté la vie d’une première vague d’hommes se heurtant à une riposte bien trop organisée. En revanche, la deuxième vague réussit à créer une brèche dans les rangs et la mêlée avait éclaté.

    Bazil jeta un dernier coup d’œil sur la voile rouge qui dépassait encore un peu de l’eau. C’était une sale bataille qu’il laissait derrière lui ainsi que nombre de personnes avec lesquelles il n’avait pas eu le temps de faire connaissance. Ses amis, plus entraînés, avaient tous survécu. Parmi eux, Valinor… Une question s’imposait : pourrait-il un jour faire à nouveau usage de sa magie ? Bazil pressa le pas vers l’infirmerie.

    Une activité folle y régnait. Une grande majorité de l’équipage s’y trouvait soit pour aider soit pour recevoir des soins. Anthor se démenait pour essayer de gérer un capharnaüm de plaintes et de demandes au milieu d’une odeur écœurante de sang et de sueur. Seules les blessures importantes pourraient être traitées, et les marins ayant une entaille comme celle de Bazil au bras devraient oublier leur mal-être et concentrer leurs forces restantes aux opérations les plus pressantes.

    Valinor et Kerlinor étaient assis au sol, le visage morne. Bazil comprit au silence du chasseur que le carreau était resté trop longtemps en contact avec le sang. L’elfe ensorceleur, dont une larme solitaire coulait sur la joue, avait définitivement perdu toute trace de magie. Bazil ne savait quoi dire. Perdre sa magie était la pire chose qu’il aurait pu imaginer, même perdre la vue ou l’usage de la parole eurent été moins graves. Les pouvoirs d’un mage, en particulier d’un ensorceleur, étaient l’aboutissement de sa vie. Il y travaillait dès sa tendre enfance et percevait chaque seconde de son existence par leur intermédiaire.

    Nifel avait aussi perdu l’accès à la magie, mais, n’étant pas pratiquante, l’influence de l’acier ne l’avait pas plus dérangée qu’un contact avec la laine rêche. Elle s’y était vite accoutumée. À l’inverse, Valinor ne pourrait jamais s’y habituer. Son corps et ses veines s’étaient développés pour un usage quasi permanent de la magie. Adulte, son corps ne pourrait jamais se réadapter. Toute sa vie il sentirait ce manque comme une dépendance dont il ne pourrait se défaire.

    Bazil sortit prendre l’air. Anthor aurait vite besoin de ses talents pour certaines opérations… mais pas tout de suite. Bazil se sentait le besoin de respirer un bon coup avant de se lancer dans la chirurgie. Le navire était à l’arrêt et le troisième quart s’affairait à remettre de l’ordre sur le pont. Les morts, posés en ligne à tribord, allaient y rester jusqu’à ce que ceux qui ne pourraient être sauvés les rejoignent et que l’on fasse des funérailles. D’ici là, l’équipage côtoierait les vestiges de leurs compagnons, de leurs amis. Les hommes essayeraient bien d’éviter le contact avec les corps, avec le sang, mais ils ne pourraient en fuir la vue, ou l’odeur. C’étaient ça les horreurs de la guerre, ces images traumatisantes que les soldats ramenaient chez eux, gravées à jamais dans leurs mémoires, ressurgissant la nuit.

    Bazil monta sur le gaillard avant. Elyana et Krein s’y tenaient déjà, occupés à panser leurs plaies. Celle de Krein, à une de ses pattes postérieures, cicatriserait vite, le carreau qui s’y était fiché ne contenant pas de fer. Ils levèrent les yeux à son approche. Bazil haussa les épaules et secoua la tête en unique réponse avant de s’asseoir lourdement sur le sol. Il sortit sa pipe et un reste de tabac.

    Quelle idée de s’engager dans l’armée… Ils devraient relater ces événements au Joker dès leur arrivée. Bazil voyait déjà la scène. Le Joker les écouterait soigneusement en tripotant les pompons de ses habits burlesques… Peut-être ferait-il l’effort de ne pas partir trois fois pendant le rapport comme à son habitude. Puis, il demanderait à Valinor de sortir prendre l’air. Il exposerait alors le fait qu’un ensorceleur sans magie était un poids mort et que malgré l’attachement que pouvait avoir Elyana, elle se devrait de le renvoyer de son unité au plus vite. Elle murmura quelque chose au sujet de Valinor et Bazil lui demanda de répéter.

    –J’espère que le Joker ne me demandera pas de l’abattre. Il risque d’être renvoyé de notre unité et il sait beaucoup de choses…

    –C’est une pratique courante ? demanda Bazil en chuchotant.

    –Habituellement non. Mais quelque chose se trame à Saline, quelque chose d’envergure. La Voile Pourpre ne transportait pas des soldats d’élite de Mogk’Tall, ça c’était l’image qu’ils voulaient donner. Si tu avais dû mordre la main d’un homme pour sauver ta vie, tu aurais vu qu’ils portaient un tatouage de tour sur le poignet. Ces soldats étaient certes des troupes d’élite, mais sous les ordres de Garh de la Tour. Le même pion qui avait commandité mon assassinat. Ce n’est qu’une coïncidence cette fois mais… ne tire pas cette gueule… Notre couverture n’est pas compromise, ils ne nous ont pas reconnus. Mais, c’est moi qui ai donné l’information sur la Voile Pourpre, du coup je ne sais pas ce qu’il va se passer… Ce qui est sûr c’est que Garh va redoubler d’efforts dans ses sombres projets et que les forces de Rachess vont commencer à se manifester dans Saline…

    Sur ces mots, Elyana se secoua les mains pour en faire tomber les gouttes de sang et s’attaqua au bandage final de Krein. Bazil profita du silence pour tout remettre en place dans sa tête. Comment expliqueraient-ils à Valinor qu’il a perdu sa magie contre des hommes du même Cercle d’Espoir auquel il appartenait ? Ils n’avaient pas dit mot de leur altercation avec les six espions de Garh. Devaient-ils garder les affaires internes de leur faction secrètes ? Garh de la Tour essayerait-il de venger la mort de ses hommes ? Elyana était un pion au même niveau que lui, pourtant Bazil doutait fort du fait que ledit grade apporterait une quelconque sécurité, tout semblait pointer vers le contraire.

    Il n’eut pas le temps de réfléchir longtemps. La brise apporta un parfum qu’il reconnut instantanément malgré l’odeur tenace de sang qui l’accompagnait. Nifel était montée sur le gaillard avant. Elle lui donna une tape sur l’épaule.

    –Laisse-nous donc entre filles… Ils ont besoin de toi à l’infirmerie.

    Chapitre 2 :

    Doutes

    Il pleuvait. Les rayons de l’aube étaient masqués par les nuages comme si la nuit refusait de partir. Des gouttes grosses comme des noisettes crépitaient sur le pont au-dessus de Bazil. Son petit-déjeuner l’attendait devant lui, pourtant il n’arrivait pas à l’entamer.

    Il s’était engagé dans l’unité d’Elyana par manque évident de choix. Depuis, les choses avaient changé. Il s’était fait à l’idée d’être un agent double aux ordres de la belle fougueuse. Il avait commencé à apprécier ses compagnons. Il avait rencontré Nifel, Scratch, le capitaine Muguet… tant de gens qui lui inspiraient confiance. Mais tout avait changé depuis quelques jours. La guerre avait forci et résonnait désormais au sein du Cercle d’Espoir. Valinor n’était que le premier à en faire les frais. Le doute avait

    Vous aimez cet aperçu ?
    Page 1 sur 1