Les ratés les plus profitables: Origine d'objets du quotidien
Par Jacques Braibant et Alain Leclercq
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À propos de ce livre électronique
Si beaucoup d’inventions ou de découvertes réalisées par l’Homme aboutirent, certaines sont dues à des tentatives échouées, des erreurs ou simplement le fruit de la sérendipité, et sont pourtant devenues extraordinaires ou utiles au quotidien !
Découvrez, entre autres,…
- l’histoire de cette tarte cuisinée par les sœurs Tatin, qui s’est renversée au moment d’être servie et qui donna naissance à la célèbre tarte du nom des deux dames !
- le chocolat envoyé aux enfants en Italie pour lutter contre la malnutrition accablant le pays qui, après avoir fondu, fut mis en pot et devint le Nutella, la pâte à tartiner la plus mangée à l’heure actuelle !
- l’histoire du Coca-Cola, ce médicament raté qui est devenu une des boissons les plus consommées au monde !
- ce petit bout de papier recouvert d’une colle ratée et inutile… Jusqu’à ce que quelqu’un se rende compte que le fait qu’il puisse être repositionné est un atout et qu’il le baptise « post-it » !
- la bière, résultat d’une fermentation de grains d’orge et de houblon dans une cuve d’eau, dans laquelle ils étaient tombés par simple mégarde !
Grâce à cet ouvrage, découvrez l'origine, parfois comique et souvent hasardeuse, de nombreux objets qui vous sont utiles au quotidien.
EXTRAIT
Il est bien près de renoncer quand un jour, il pose par mégarde sur le four un morceau de latex recouvert de fleur de soufre et le produit s’enflamme. Il jette le tout par la fenêtre pour éviter un incendie. Le matin suivant, en ramassant le morceau, il constate que celui-ci possède une grande élasticité. Il vient par hasard de découvrir le processus de vulcanisation, qui consiste à cuire le caoutchouc avec le soufre. En incorporant un agent vulcanisant (le soufre en l’occurrence) à un élastomère brut (le caoutchouc), il se forme des ponts entre les chaînes moléculaires. La plasticité y perdra ce que l’élasticité y gagnera. C’est la chaleur de la cuisson qui apportera l’énergie nécessaire à l’établissement des liaisons chimiques entre le soufre et les chaînes moléculaires. Goodyear constatera par la suite que le dosage du soufre est essentiel.
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Aperçu du livre
Les ratés les plus profitables - Jacques Braibant
Leclercq
Avant-propos
Il sera souvent question dans ce livre de sérendipité. Ce nom assez improbable est tiré d’un conte de Cristoforo Armeno écrit en 1557 et portant le titre de « Les aventures des trois princes de Serendip », dans lequel les héros trouvaient toujours par accident ce qu’ils ne cherchaient pas. Après l’avoir lu, l’écrivain anglais Horace Walpole inventa le terme sérendipité, ne l’utilisa qu’une seule fois dans une lettre, et l’oublia aussitôt.
Il fut exhumé par divers auteurs qui devaient estimer que l’utilisation de pareil vocable devrait nécessairement impressionner leurs lecteurs.
En fait, la sérendipité consiste à trouver quelque chose par hasard, souvent alors que l’on cherchait autre chose. Les Français étant souvent enclins à refuser l’utilisation de mots d’origine anglo-saxonne (jumbo-jets = avions gros porteurs), Jean-Louis Swiners proposa un néologisme d’inspiration voltairienne : la zadigacité, soit « la capacité à reconnaître intuitivement et immédiatement – et à exploiter rapidement et créativement – les conséquences potentielles heureuses et les opportunités offertes par un concours malheureux de circonstances ».
Nous, on veut bien, mais les aventures des princes de Sérendip restant définitivement oubliées, et Zadig, un des contes philosophiques de Voltaire, n’étant plus lu que par quelques amateurs distingués, l’utilisation des deux vocables n’est conseillée qu’à ceux qui souhaitent faire impression lors de dîners de cons.
Une des illustrations les plus connues de la sérendipité reste la découverte de la gravitation universelle par Isaac Newton (1643-1727). Malheureusement, l’histoire est fausse. L’inventeur de la mécanique classique, qui était aussi créateur, avec Leibnitz, du calcul infinitésimal, n’avait pas besoin de recevoir une pomme sur la tête pour inventer la théorie de la gravitation universelle. Il découvrira également que la lumière n’est pas blanche, mais composée d’un spectre coloré. La fameuse histoire de la pomme a été rapportée 25 ans après la mort du génial mathématicien par un de ses amis, William Stukeley.
Quoi qu’il en soit, cette fable a été l’occasion pour le génial Marcel Gotlib de créer pour la BD un de ses plus fameux personnages.
Les découvertes dues au hasard sont cependant nombreuses et avérées. En voici quelques-unes qui risquent de vous étonner.
Dans les champs de l’observation,
le hasard ne favorise que l’esprit préparé.
Louis Pasteur
Le tourisme de masse
Inconnu, ou presque, à la fin des années 40, le secteur du tourisme a connu un essor qui a fait de lui un des acteurs majeurs de l’économie mondiale. Certains pays sont largement tributaires de lui pour un pourcentage important de leur produit intérieur brut (PIB). Le concept de tourisme de masse est récent, et le nom de son inventeur en surprendra plus d’un.
Kraft durch Freude
L’image d’Hitler revêtu d’un paréo de Gentil Organisateur en train de juger un concours de genoux cagneux à Trifouillis-les-Oies ne saute pas immédiatement aux yeux.
C’est pourtant le Führer en personne qui inventa le concept de la croisière de masse, celui des forfaits et celui des installations spécialement construites pour offrir des vacances à bon marché à ses travailleurs, ses soldats et à leur famille.
Cette improbable histoire commence avec la création de l’institution qu’il avait imaginée : Kraft durch Freude : la Force par la Joie.
Dans les années 30, Kraft durch Freude est, et de très loin, le plus grand opérateur touristique du monde.
Mais avec Hitler et sa bande de sociopathes aux commandes, il y avait évidemment un agenda caché derrière cette joyeuse initiative.
L’idée était d’imposer un décervelage uniformisé à tout un peuple. Les Allemands travailleraient tous en uniforme dans des usines et des bureaux semblables, conduiraient tous la même voiture, et prendraient leurs vacances dans un environnement hautement sécurisé sur mer, au pays ou à l’étranger, toujours sous l’œil vigilant de « Big Brürhrer ».
L’homme qui avait la haute main sur le programme KdF était un individu glauque nommé Robert Ley. Il n’était pas seulement arrogant, incompétent et complètement saoul la moitié du temps, il était également sujet à des sautes d’humeur et à des explosions de violence consécutives à des dommages cérébraux, des séquelles de blessures reçues en France en 1917.
Pareil profil aurait amené n’importe quel employeur sensé à refuser de l’engager, mais il était parfaitement à sa place dans le système nazi.
C’est Ley qui porta sur les fonts baptismaux la partie vacances du programme KdF d’Hitler, en achetant ou en faisant construire des immeubles, réservés dans un premier temps aux nazis bon teint, dans des pays sympathisants comme l’Italie, l’Espagne et certains pays nordiques. Tout le personnel, de la cave au grenier, était sous la coupe de sbires de la Gestapo, chargés de recueillir d’éventuels commentaires, peu amènes pour le régime, qui auraient été proférés par des vacanciers ayant abusé de la bière et du schnaps.
Cet engouement pour le tourisme servait également de couverture à des bandes de jeunes Aryens blonds et athlétiques, que l’on retrouvait campant souvent aux alentours de sites militaires dans les pays limitrophes, et c’est également par la voie touristique que furent acheminés les renforts militaires envoyés participer à la guerre civile d’Espagne, comme en témoignent les mémoires d’Adolphe Galland, devenu plus tard le patron de la chasse allemande. Galland a participé à la guerre civile d’Espagne et il est parti sous le couvert d’une organisation touristique.
Ley mit également en chantier la première ligne de bateaux de croisière. Les passagers utilisaient depuis longtemps les grands steamers pour se rendre d’un port à un autre, mais personne n’avait jamais pensé à utiliser ces paquebots comme points de rendez-vous où chacun revenait à son point de départ, après un périple sur mer et l’un ou l’autre séjour à terre.
Entre 1936 et 1938, la ligne KdF transporta plus de cinq millions d’Allemands, et parmi eux la jeune Eva Braun, maîtresse et très éphémère épouse d’Hitler. Les films qu’elle prit de sa croisière existent toujours dans les archives.
Cet extraordinaire succès fut copié après la guerre par de nombreuses compagnies maritimes, et quelques consternantes séries télévisées s’étendent encore sur ces croisières où l’on est censé s’amuser.
La principale préoccupation des responsables de la ligne était de s’assurer qu’ils disposaient d’auditeurs forcés pendant la croisière. Les bâtiments étaient équipés de la proue à la poupe de haut-parleurs diffusant en permanence de la musique wagnérienne, entrecoupée de discours de Hitler et de morceaux choisis de propagande.
Même les dos des menus et brochures portaient des messages politiques, telles les nouvelles dispositions des lois raciales de Nuremberg, rappelant aux passagers d’éviter tout rapport sexuel avec les éléments de races inférieures qu’ils pouvaient être amenés à rencontrer lors des escales de la croisière.
Les navires amiraux de la KdF étaient le Wilhelm Gustloff et le Robert Ley, deux prestigieux navires de croisière de grandes dimensions qui furent lancés à Hambourg, le premier en mai 1937, et le second en mai 1938. Ils mesuraient tous deux plus de deux cents mètres et jaugeaient 26 000 tonnes. Ils transportaient 1 500 passagers en traversée commerciale avec 420 hommes d’équipage. Ils ne comportaient pas de classe de luxe.
Au début de la guerre, ils sont réquisitionnés comme navires-hôpitaux et connaîtront tous deux une fin tragique.
Le Wilhelm Gustloff lève l’ancre pour la dernière fois le 30 janvier 1945 avec à son bord plusieurs milliers de soldats et réfugiés civils, espérant rejoindre un des ports de la Baltique qui ne sont pas encore occupés par les troupes russes. Le nombre de passagers est incertain, mais 4 000 enfants ont embarqué. La route du paquebot croise celle du sous-marin soviétique S13, placé sous le commandement d’Alexandre Marinesko. Bien que le bateau portât clairement les marques d’un navire-hôpital, trois torpilles sont lancées. Le Wilhelm Gustloff coule en moins de 50 minutes. Seuls 996 passagers sont secourus, mais plus de 8 000 personnes périssent dans le naufrage, qui sera le plus coûteux en vies humaines que le monde ait connu.
Le Robert Ley sera coulé dans le port de Hambourg par la RAF, en mars 1945.
Le camp de vacances cauchemardesque de Prora
Ley choisit sur l’île de Rügen, la plus grande de la Baltique, un site pour y construire des immeubles sur une grande échelle. Conçu en 1934, il s’agissait d’un complexe de 100 blocs d’appartements à six étages, chaque immeuble étant relié aux autres par des corridors. L’ensemble pouvait accueillir 20 000 personnes à la fois.
Les constructions commencèrent en 1936.
S’étendant sur 5 kilomètres de côtes, ce camp de concentration pour touristes n’était pas conçu pour permettre à ses occupants de s’adonner aux joies du farniente.
S’inspirant des plans des cabines des bateaux de croisière, les chambres mesuraient deux mètres sur quatre et étaient pourvues de deux lits individuels.
Hitler ne voulait pas que ses cobayes traînent au lit dans leurs chambres, mais qu’ils restent dehors pour y subir un lavage de cerveau en règle.
Car non seulement tous les bâtiments étaient amplement pourvus de haut-parleurs, mais l’extérieur en était également truffé : ils étaient censés garder les malheureux vacanciers informés des prochains événements, soigneusement planifiés, de la liste des « réjouissances ».
Un immense auditoire avait été prévu, capable d’accueillir l’ensemble des 20 000 vacanciers, où ils seraient bombardés de passionnantes conférences sur le génie du Führer, agrémentées de discours de propagande.
Heureusement pour les populations, le début du conflit mit fin à la construction du projet, alors qu’il était presque achevé. Les immeubles restèrent vides, offrant la même vue cauchemardesque que celle des interminables suites de blocs d’appartements sans âme, que les constructeurs de HLM érigèrent après le conflit un peu partout en Europe.
Alors, Kracht durch Freude ? Une curieuse vision de la force par la joie des psychopathes nazis, mais pas plus que celle du travail, que l’on retrouvait à l’entrée des camps de concentration : « Arbeit macht Frei ». Le travail rend libre...
Postérité du tourisme de masse
En avril 1950, le Belge Maurice Blitz dépose les statuts d’un nouveau concept.
Il loue à Palma de Majorque un terrain sans eau ni électricité, sur lequel il plante 200 tentes achetées dans un surplus américain.
Il reçoit ses premiers clients avec une idée simple : abolir, le temps des vacances, les concepts d’argent et de classes sociales : le séjour est un forfait tout compris. Le tutoiement est obligatoire et les activités sont centrées sur le sport et la vie au grand air.
En 1953, il contacte une société française qui fabrique des tentes et du matériel de camping : Trigano. Le fils aîné, Gilbert, entre rapidement dans la société, qu’il dirigera à partir de 1963.
Le Club Med est né, avec ses cases, ses paréos, ses colliers-bars et ses Gentils Organisateurs parmi lesquels on relève la présence de futures pointures du show-business comme Anne Roumanoff, Élie Kakou, Jean-Luc Reichman, Patrick Bruel, Kad Merad, Vincent Lagaf’, etc.
Une success-story qui prendra un peu de plomb dans l’aile quand seront oubliés les grands fondamentaux des pères fondateurs.
Le Club Med sera largement imité dans de nombreux pays.
La voiture du peuple
Hitler avait fait construire des centaines de kilomètres d’autoroutes, dont la destination finale était d’assurer un transport rapide des troupes allemandes pendant la guerre qu’il comptait livrer. Les longues lignes droites étaient également prévues pour être utilisées par son aviation de chasse.
En attendant, le spectacle