Des siècles de beauté: Entre séduction et politique
Par Sylvie Bailly
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À propos de ce livre électronique
Mettre du rouge à lèvres peut paraître être un acte anodin que des millions de femmes font tous les jours sans se poser plus de questions. Pourtant, selon le contexte politique, religieux dans lequel on vit, cette façon de rehausser la couleur naturelle de ses lèvres peut être interprétée comme un acte de séduction, de revendication politique… La beauté souvent assimilée à une « arme de séduction » permet, en effet, de s’affirmer en tant que femme et de faire contrepoids à la force physique ou militaire des hommes. Ce n’est pas un hasard si tout au long de l’histoire, les religions, les régimes dictatoriaux ont tenté de garder sous contrôle cette beauté considérée comme un danger. La résurgence de l’obligation du port du voile en Orient, mais aussi pour les musulmanes d’Occident rend plus que jamais d’actualité cette question du supposé danger de la beauté féminine.
Un bel ouvrage qui retrace les modes selon les époques.
EXTRAIT :
La recherche de la beauté est-elle innée chez les premiers hommes, ou n’est-elle que la conséquence de nécessités pratiques telles que l’adaptation au climat ou des questions d’hygiène, qui auraient ensuite abouti à une véritable démarche esthétique ? Nul ne peut répondre…
Les premiers idéaux de beauté féminins semblent liés à des besoins utilitaristes, tels que la survie de l’espèce ; mais il faut aussi s’interroger sur la place de la femme dans le groupe à l’époque préhistorique, et sur la liberté qui lui était laissée pour toute recherche ou première tentative afin de mettre son corps en valeur.
Le critère de survie de l’espèce est un facteur central qui explique très certainement les premiers essais de mise en valeur des femmes qui, par des moyens artificiels (maquillage, habillement), tentent d’émettre le signe qu’elles sont fertiles. Ce qui expliquera, plus tard, les réticences de certaines religions ou civilisations face à ce qu’elles assimilent à des mises en scène de signes d’excitation sexuelle ; une façon de tromper son partenaire.
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Aperçu du livre
Des siècles de beauté - Sylvie Bailly
celle-ci.
LE MYSTÈRE DES ORIGINES
La recherche de la beauté est-elle innée chez les premiers hommes, ou n’est-elle que la conséquence de nécessités pratiques telles que l’adaptation au climat ou des questions d’hygiène, qui auraient ensuite abouti à une véritable démarche esthétique ? Nul ne peut répondre…
Les premiers idéaux de beauté féminins semblent liés à des besoins utilitaristes, tels que la survie de l’espèce ; mais il faut aussi s’interroger sur la place de la femme dans le groupe à l’époque préhistorique, et sur la liberté qui lui était laissée pour toute recherche ou première tentative afin de mettre son corps en valeur.
Le critère de survie de l’espèce est un facteur central qui explique très certainement les premiers essais de mise en valeur des femmes qui, par des moyens artificiels (maquillage, habillement), tentent d’émettre le signe qu’elles sont fertiles. Ce qui expliquera, plus tard, les réticences de certaines religions ou civilisations face à ce qu’elles assimilent à des mises en scène de signes d’excitation sexuelle ; une façon de tromper son partenaire.
L’approche darwinienne admettra, quant à elle, que la recherche de beauté est un moyen d’être sélectionné au détriment des plus faibles ou des moins beaux¹. D’où la quête éperdue de beauté de nombreuses femmes ou hommes prêts à tout pour plaire.
Cette approche n’est cependant pas totalement exacte, d’autres critères de sélection ayant existé, comme l’ont démontré récemment des anthropologues. Ce ne sont pas toujours les plus beaux et les plus forts qui sont sélectionnés.
Dans son livre The Consuming Instinct², Gad Saad émet, lui aussi, l’hypothèse que les comportements de consommation humains prennent racine dans l’évolution de l’espèce. Mais il se situe, avant tout, sur un plan médical. Selon lui, la beauté est un indice de fertilité. Au fil des siècles, des critères universels de beauté se sont forgés. Parmi les plus importants figure la symétrie du corps.
L’histoire des cosmétiques pourra aussi être comprise comme une tentative des femmes d’imiter des signes d’excitation sexuelle et de bonne santé déjà cités plus haut. Si les femmes ont peut-être, au départ, usé de ces artifices consciemment, plus tard elles ne feront que poursuivre quasi instinctivement des rituels devenus millénaires. Les hommes, quant à eux, se feront pousser des barbes censées être des marques de virilité³.
Différents subterfuges seront utilisés par les femmes pour plaire aux mâles reproducteurs qui perçoivent ces messages instinctivement et se laissent parfois abuser. Ainsi, l’anthropologiste américain Desmond Morris explique que les femmes ont toujours mis en valeur leurs lèvres. Tandis que celles des hommes deviennent plus fines à l’âge adulte, celles des femmes demeurent plus charnues. En les teignant en rouge, elles leurs donnent une connotation sexuelle car elles s’apparentent ainsi aux lèvres génitales⁴. Ce critère s’applique aussi aux joues rouges destinées à montrer que l’on est en bonne santé, en état d’excitation, ou à simuler de la pudeur. Cette fertilité passe, par ailleurs, par une simulation de la jeunesse ; les lotions, les crèmes antirides servent à rendre la peau lisse, le teint frais. Enfin, grâce aux crayons et aux fards, il est possible de recréer une parfaite symétrie du visage.
Gad Saad insiste aussi sur le fait que la majorité des femmes qui ont de l’acné ont des problèmes ovariens qui nuisent à leur fertilité. L’acné ainsi que les autres problèmes de peau ont toujours agi comme des répulsifs, car c’est un signe de maladie. Selon cet auteur, les femmes s’épilent parce qu’elles savent instinctivement qu’une pilosité fournie n’est pas un signe de fertilité, une sécrétion d’œstrogène faible et d’androgène forte en étant la cause. Autre signe de fertilité, les femmes qui ont des cheveux brillants et fournis sont en bonne santé.
À certaines époques, lorsque la nourriture était plus rare, les femmes bien en chair, aux hanches larges, étaient considérées comme de bonnes reproductrices, car elles pouvaient mieux porter les enfants.
Enfin, signe de fertilité suprême : les seins. Leur forme varie au fil de l’histoire, mais des seins volumineux ont souvent prévalu dans l’imaginaire en tant que symbole de bonne santé et de nourriture.
Les humains ont aussi très rapidement utilisé des parfums pour manipuler l’instinct de leur partenaire. Des recherches ont montré que les odeurs dégagées par quelqu’un donnent des indications sur son patrimoine génétique. Instinctivement et instantanément, l’on peut savoir si cette personne est compatible avec soi et peut assurer une descendance en bonne santé. Les parfums permettent donc de voiler cette carte d’identité olfactive.
Il n’est pas question, ici, de faire une théorie générale de la beauté en fonction des religions ou régimes politiques en place, mais plutôt de comprendre le degré de liberté qu’ont eu les femmes pour se mettre en valeur en fonction de certaines époques historiques, et d’en tirer quelques lignes directrices. Une approche chronologique qui met en évidence les pratiques des grandes civilisations permet aussi de mettre en évidence les influences culturelles réciproques du phénomène de la beauté, et le poids qu’il a eu sur l’Histoire.
Comme la symbolique de l’escargot sur le fil du rasoir, la beauté servira d’outil d’émancipation et de transgression pour les femmes. Mais, dans le même temps, l’arme de séduction deviendra l’artisan de leur malheur, car cet attrait exercé sur le sexe opposé doit, souvent, rester sous contrôle.
Il est possible de s’orienter selon un certain cadre de réflexion qui servira de fil conducteur pour
Comprendre, dans des contextes historiques différents, le contrôle de la beauté et du pouvoir de séduction qui en résulte.
Le maquillage ou la mise en beauté, comme on a pu le voir, peuvent permettre de simuler des signes de fertilité ou de bonne santé. Dès lors, certaines cultures rejetteront ces pratiques, d’autres au contraire les favoriseront.
Tout d’abord, une distinction s’impose entre les sociétés dans lesquelles la sexualité est un tabou, et celles où ce n’est pas le cas. Dans les premières, les maquillages même les plus extrêmes sont tolérés, mais on trouve aussi des cas où la séduction ne repose pas seulement sur l’attrait physique et où les femmes sont appréciées pour d’autres qualités et restent donc naturelles. Par contre, dans les sociétés où la sexualité des femmes est assimilée à un péché, l’apparence féminine sera plus contrôlée.
D’autres critères viennent affiner cette distinction : ceux de l’égalité homme/femme et de l’autonomie financière des femmes. Plus une femme aura une position égalitaire, plus elle aura d’autonomie dans sa prise de décision.
1. Théorisée au XIXe siècle, la sélection naturelle a dû attendre les années trente pour être réellement prise en compte. La théorie de la sélection naturelle tente d’expliquer et de comprendre comment l’environnement influe sur l’évolution des espèces et des populations en sélectionnant les individus les plus adaptés.
2. GAAD S., Consuming Instinct : What Juicy Burgers, Ferraris, Pornography, and Gift Giving Reveal About Human Nature, New York, Prometheus Books, 2011.
3. Les poils sont marqueurs de testostérone, qui est l’hormone du désir sexuel, de l’agressivité et de la dominance à la fois sociale et physique. Comme le rappelle Sébastien Bohler dans son dernier ouvrage, Sexe et Cerveau, ces caractéristiques très mâles sont inconsciemment recherchées par les femmes. Les poils au menton reflètent sur le visage cet afflux hormonal, attirant à condition qu’il soit bien dosé. De plus, il semblerait que les poils agiraient comme des indicateurs de masculinité qui avertiraient la femme de la bonne résistance physique de son prétendant et de sa plus grande dominance. BOHLER S., Sexe et Cerveau : et si tout se passait dans la tête ?, Aubanel, 2009.
4. MORRIS D., The Naked Woman : A Study of the Female Body, New York, Thomas Dunne Books, 2005.
LA PRÉHISTOIRE
LA BEAUTÉ PRÉHISTORIQUE
À l’origine de l’humanité, l’organisation prédominante semble avoir été proche de celle des grands singes. Un mâle dominant qui avait plusieurs compagnes exerçait son pouvoir sur le groupe grâce à la force physique. Ces mâles de rang supérieur choisissaient donc leurs femmes au détriment de mâles de rang inférieur, qui avaient donc une descendance moins nombreuse.
Plus tard, à l’ère paléolithique, la répartition du pouvoir reposant sur un système matrilinéaire semble s’être généralisée. Après une concurrence intense en vue de s’accoupler, une structure familiale semble s’être mise en place. Dans ce type de système, c’est par la femme que se crée la famille, sans pour autant lui donner un pouvoir hiérarchique ou politique. Certains chercheurs ont même émis l’hypothèse d’un pouvoir prédominant de la femme au travers de sociétés matriarcales organisées autour d’un culte de la déesse mère. Ces théories s’appuyaient sur des statuettes représentant des femmes nues, très en chair, aux hanches larges et aux seins généreux, symbolisant de bonnes reproductrices, qui semblent avoir été l’idéal de beauté au Paléolithique.
La Vénus de Willendorf est certainement la représentation la plus célèbre de cet idéal féminin. Cette statuette datant de 23 000 ACN peut aussi être comprise comme une démarche mystique afin d’attirer la fécondité. D’où l’hypothèse que certains éléments (ventre, seins, hanches) aient été délibérément exagérés afin d’accentuer les bénéfices de ce rituel incantatoire.
L’idéal de beauté découle ainsi en droite ligne d’un besoin utilitaire quasi instinctif : la reproduction. Mais d’autres critères liés au vivre-ensemble ont aussi contribué à le faire évoluer.
Comme ont tenté de le démontrer les recherches récentes de Serguey Gravilets, de l’université du Tennessee, contrairement à ce que l’on pouvait imaginer, ce sont les femmes qui ont très rapidement choisi leur compagnon. Elles ne prenaient pas le mâle dominant, mais plutôt celui qui allait le mieux s’occuper de leur progéniture : souvent des hommes de rang inférieur, les faibles qui n’excellaient pas au combat. Ces derniers devaient donc employer d’autres stratégies pour plaire aux femmes.
Selon Gravilets, les combats et la concurrence acharnée pour les femelles, qui affaiblissaient à long terme le groupe, ont été, au fur et à mesure, remplacés par le couple qui était le mieux à même d’assurer la survie de la progéniture, et donc de l’espèce.
Cette évolution progressive vers une structure familiale tendant vers la monogamie a entraîné de nombreuses transformations psychologiques, sociales et physiques. Dans ce contexte plus stable, les femmes ont participé à la création artistique et artisanale. À partir de besoins utilitaires et spirituels, les hommes préhistoriques ont développé un sens esthétique. Le passage de la forme utilitaire à la forme symbolique semble, selon de nombreux chercheurs, s’être effectué au Paléolithique moyen (100 000 ans ACN).
Avant cette période, durant le Paléolithique inférieur, c’est avant tout une démarche utilitaire qui a dominé. Il est d’ailleurs difficile de donner une signification à l’art paléolithique. Des explications liées à une approche mystique ou chamanique, ou encore à « l’art pour l’art », ont tenté de donner une signification à cet art. Il est difficile de répondre à cette question. Ce qui est certain, c’est qu’une démarche créative a commencé à exister dès cette époque. Dans la vallée de Côa, au Portugal, des dessins datant du Paléolithique supérieur (de 22 000 à 10 000 ans ACN) montrent qu’un art systématique de l’ornementation semble s’être développé, dans les grottes mais aussi sur toutes les parois rocheuses à l’air libre.
En ce qui concerne le paraître, les femmes qui avaient des cheveux crépus ont appris à les discipliner en créant des coiffures tressées. La dame de Brassempoy datant de 25 000 ACN est un buste représentatif de ce type de tressage serré. On peut, d’après cet exemple, émettre l’idée qu’elles étaient assez libres de déterminer leurs premières tentatives de mise en beauté.
Les peaux de bêtes servaient surtout à se couvrir. Pourtant, très rapidement, les hommes préhistoriques ont dû apprendre à les tanner afin d’éviter leur pourrissement. Ils ont utilisé l’ocre pour les teinter. Une véritable mode préhistorique s’est ensuite développée dans les différentes régions du monde. Des parures en os, corne, plume, ou coquillage ornaient aussi bien les torses des hommes que des femmes, des bracelets et bagues complétaient ces ensembles déjà très élaborés. Les vêtements étaient recouverts de lanières de cuir, de perles d’os de mammouth…
Des maquillages en ocre dans des nuances jaunes à rouges couvraient les visages et les corps dès 100 000 ACN. Des fouilles dans la caverne de Bombas, en Afrique du Sud, ont mis à jour un atelier de fabrication d’une pâte colorée composée d’ocre et de charbon de bois, ainsi que d’os de mammifères chauffés et broyés. Cette mixture, que l’on pourrait considérer comme étant le premier fond de teint de l’histoire, est une avancée primordiale pour les chercheurs. Selon le professeur Christopher Henstilwood, de l’Institut sur l’évolution humaine de l’université de Witwatersrand, à Johannesburg,
« ce mélange (d’ingrédients) n’est pas dû à la chance, c’est de la chimie […]. Cette découverte représente un jalon important dans l’évolution des processus mentaux complexes humains, en ce qu’elle montre que ces hommes avaient la capacité conceptuelle de trouver, combiner et stocker des substances ensuite éventuellement utilisées pour améliorer leurs pratiques sociales […]. Ceci suggère des capacités conceptuelles et probablement cognitives qui sont l’équivalent de celles de l’homme actuel¹. »
On peut déjà en déduire une réelle volonté d’ornementation, sans pouvoir encore en déduire avec certitude une finalité : séduction, rites, détermination du rang social… Cette période durant laquelle les hommes tentaient surtout de survivre et se sont sédentarisés dura en définitive plusieurs centaines de milliers d’années (300 000 à 2800 ACN). C’est avec la généralisation de l’usage du métal que les sociétés se sont structurées et que les inégalités sont apparues.
1. HENSHILWOOD, C.S., « A 100,000-Year-Old Ochre-Processing Workshop at Blombos Cave, South Africa », sciencemag.org, 14 octobre 2011.
L’ÂGE DE BRONZE
L’âge de bronze est celui de l’apprentissage de la métallurgie qui devait permettre de transformer des métaux¹. Parallèlement, le développement du commerce et des profits devait entraîner, à partir de cette époque, la convoitise entre cités afin de conquérir ces richesses.
Les civilisations de l’âge de bronze allaient principalement se construire sur le modèle du patriarcat, dans lequel les femmes devenaient soumises à l’autorité masculine. En effet, la nécessité de protéger les richesses allait entraîner la création de forces de défense. Ce sont les hommes, physiquement plus forts, qui allaient désormais s’arroger le pouvoir politique. Les femmes avaient leur beauté comme seul contrepoids. Cela devenait la force de leur sexe². Cet archétype devant perdurer pendant plusieurs millénaires et façonner l’histoire de l’humanité.
Ces premières civilisation devaient, à partir de 3000 ACN, se développer progressivement dans différentes parties du monde : en Asie, en Mésopotamie (Summer, empire d’Akkad, période paléo-babylonienne), en Chine (dynastie Shang) en Europe (Grèce des Cyclades), en Afrique, en Égypte (IVe dynastie), pays dans lequel le maquillage et l’hygiène étaient liés à des préceptes religieux.
Le statut des femmes était lié à la puissance des hommes, et c’est à cette époque qu’apparurent les premières formes de maquillage qui n’avaient plus une dimension tribale ou guerrière, mais la séduction comme objectif. Les femmes devant, dès lors, se conformer à des règles religieuses et morales pour leur apparence. La séduction était donc sous contrôle, mais ces règles ont aussi souvent codifié des impératifs hygiénistes et ont eu une dimension médicale.
Dans les rares sociétés où le statut des femmes était plus égalitaire, elles ont eu une plus grande liberté de choix de leur apparence. La femme égyptienne, ainsi que celle de la dynastie Shang et plus tard les femmes de l’âge de bronze danois, semblent avoir été des exceptions car une certaine égalité entre les hommes et les femmes existait. Le maquillage avec une forte recherche d’ornementation devait être créé par la civilisation égyptienne dans laquelle il était porté par des femmes et des hommes ; parallèlement, en Asie, les Shang développèrent un art raffiné du teint mais aussi des fards. Les Scandinaves ont, quant à eux, préféré le naturel. Les autres civilisations seront bien plus strictes au sujet du maquillage.
LA MÉSOPOTAMIE
La civilisation mésopotamienne représentait un ensemble de plusieurs peuples³. Les Sumériens, dont on ne connaît pas la provenance et dont le nom signifie « ceux venus d’en haut », et les Akkadiens qui étaient sémites. Ces populations qui vivaient entre le Tigre et l’Euphrate se mélangèrent progressivement. La Mésopotamie, à l’origine une théocratie de plusieurs cités-États qui se combattaient perpétuellement, semble avoir été le premier modèle de patriarcat. Ce type de structure autoritaire se répandra, par la suite, dans le reste du monde. La légende dit que la déesse civilisatrice Tiamet avait été détrônée par le dieu Enlil qui était descendu du ciel pour enseigner la civilisation aux créatures esclaves, les humains. À l’origine, l’homme était un être de glaise qui avait reçu un souffle de vie. Les Sumériens ont réussi à créer une société qui allait permettre à l’homme de sortir de l’âge de pierre. Une civilisation élaborée allait émerger. La religion, la technique (irrigation, constructions en pierre…), les arts allaient éclore dans cette région qui se situe dans l’Irak actuel.
Les Sumériens avaient inventé une religion avec des dieux qui leurs ressemblaient. Elle devait tenir une grande place dans cette société. Cette religion influencera d’ailleurs les premiers chapitres de la Bible, l’islam et la religion hébraïque.
Ils vivaient dans un univers guerrier avec des conditions de vie difficiles. Leurs dieux avaient besoin des hommes dans les temples. Ils devaient les nourrir, les baigner, les parfumer, leur créer une atmosphère agréable avec des chants, des danses et des cérémonies. Pour eux, tout malheur, toute épreuve de la vie résultait d’une offense aux dieux. D’où le recours à la magie et aux incantations pour les apaiser.
Les Sumériens obéissaient à une certaine morale, pas seulement pour honorer les dieux mais aussi pour s’assurer une vie en commun supportable et pour éviter, bien sûr, le courroux des divinités. L’idée d’une vie dans l’au-delà ne les effleurait pas et la mort ne pouvait donc représenter le moment d’un jugement ou la promesse d’une rédemption. Les Akkadiens, l’autre peuple de cette région, adopteront par la suite la religion sumérienne.
Dans cette première forme de société patriarcale, le statut de la femme n’était cependant pas totalement inégalitaire. Mais, dans cet univers masculin, la femme, mariée dès le plus jeune âge, ne devait jouer qu’un rôle de second plan. Elle pouvait posséder des biens, être prêtre, mais ne pouvait pas être instruite. Il semble qu’une curieuse morale entourait les temples, puisque les prêtres devaient faire l’éducation sexuelle des futures mariées et vivaient du proxénétisme des prostituées sacrées.
Dès 3000 ACN, le mariage par contrat paraît avoir été instauré. Celles qui devaient être de bonnes épouses n’avaient que des droits restreints. Elles pouvaient néanmoins détenir des biens et signer des contrats. Cette société, dans laquelle le pouvoir politique était détenu par les hommes, était certainement consciente de cette inégalité homme/femme. En effet, une fois par an, lors d’une fête, les femmes se déguisaient en guerriers et les hommes en femmes. Ce rite autour de la déesse Ichtar a été décrit en détail par une orientaliste allemande, Brigitte Gronenberg.
Au fil des siècles, la situation des femmes se détériorera et c’est certainement aux époques babylonienne et assyrienne que leur situation sera la plus dégradée.
Dans cette société sumérienne, avec une structure familiale destinée à assurer la stabilité de la famille, un double