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La beauté de l'imperfection
La beauté de l'imperfection
La beauté de l'imperfection
Livre électronique227 pages2 heures

La beauté de l'imperfection

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À propos de ce livre électronique

Un surprenant récit à interprétations multiples. Au fil d’une intrigue ancrée dans l’Histoire, mais aussi hors du temps aux frontières du naturel, sous des cieux où rêver était un Art des plus considérés, l’auteur mêle imaginaire, sacré et réalité.
Suite à l’invasion romaine menée par César, de nombreux Gaulois et des milliers de Belges quittent leur pays pour se réfugier outre-mer. Parmi les émigrants partis vers l’Irlande, Mandir, un jeune Éburon inspiré de rêves puissants, a reçu la charge du bâton parole, le talisman ancestral de son peuple. Un accident en cours de traversée lui fait perdre la vue. Selon la tradition druidique, la cécité est l’attribut des plus grands voyants. Tandis que ses compatriotes cherchent à s’intégrer dans leur nouveau milieu, lui même est accueilli comme élève par Taliesin, le légendaire ancien de l’île verte. Au long de deux années d’intense enseignement, le vieux maître initie son apprenti à une voie spirituelle singulière : la beauté de l’imperfection. Parallèle au destin de Mandir, celuide sa cousine, Hirondelle, restée auprès de ses grands parents sur le continent en guerre…
LangueFrançais
ÉditeurMemory
Date de sortie29 juil. 2014
ISBN9782874132230
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    Aperçu du livre

    La beauté de l'imperfection - Charles Bottin

    Première partie

    L’hirondelle et le corbeau

    Chapitre 1

    Fin du jour, grisaille, chagrin.

    Devant eux, tout était sombre et cendre. Après leur départ, le village avait été incendié.

    Épuisés, Fänd et Lâme s’étaient endormis l’un contre l’autre. La chienne veillait.

    Le monde comme écrasé semblait attendre. Au présent suspendu, le ciel de la nuit prit une inspiration. L’espace s’ouvrit. Halo en une faille à l’obscur, Mön, la déesse lunaire, se laissa espérer.

    L’air s’animait de vibrations. Graine renifla, dressa une oreille puis deux. Fänd alertée se tourna vers son ami.

    – Écoute ! La chienne a entendu ou senti au vent je ne sais pas quoi, quelque chose qui flotte autour de nous, vaguement.

    Lâme releva la tête.

    – Les tambours des rêves, du côté de la grande chantoire⁹ !

    Alors qu’ils approchaient de la grotte, les battements, après avoir changé de rythme deux fois, s’étaient interrompus : en offrande de bonne odeur aux esprits, Souffle enfumait de sauge au-tour d’elle et finissait par sa monture¹⁰. Bronde, en retrait à surveiller, les voyant déboucher du couvert, alla à leur rencontre.

    – Je m’attendais à votre retour mes tourtereaux. Vous avez fait un choix difficile.

    Ils s’éloignèrent afin d’éviter de distraire la voyageuse qui reprenait sa plongée.

    – Grand-père, les Romains ne sont pas encore là. Qui a mis le feu au village ?

    – Nos hommes : avant de passer en Germanie, Ambios et une vingtaine de cavaliers des clans de l’Est allument des incendies de tous côtés, ils devancent César. En traversant notre pays, les légions ne fouleront qu’une terre brûlée, rien sur quoi prendre plaisir à s’acharner, mais cette diversion risque de ne les tromper qu’à moitié.

    – Grand-mère et toi, vous rêvez une sorte de leurre pour mieux les mystifier ?

    – Oui, en voilant la nuit à notre façon. Nous tissons le sommeil des Romains d’illusions tellement serrées que leurs journées en resteront embrouillées ; pris dans ces troubles, il leur sera plus compliqué de dénicher ceux des nôtres qui se cachent dans les Fagnes. Les Sénons et les Carnutes remuent, la Gaule s’arme, César ne pourra s’attarder ici longtemps, mais avant son départ il fera son possible pour causer notre perte. Il leva les sourcils. L’affronter sera serré… maintenant, avec votre renfort, nous avons vraiment une chance.

    Ils rirent, un signe de bonne humeur plutôt rare par ces jours sombres ; la chienne se mêla à leur joie et à leurs jambes. Quelques secondes de bonheur sans retenue. Une série de sifflements venus du bois proche les mit encore plus en émoi : Vinobar ! Il prévenait les siens de son approche, inutile d’effrayer pour rien.

    *

    Accompagné de deux cavaliers qui lui servaient de gardes du corps, Ambios venait d’arriver aux Chantoires. Les nouvelles qu’il apportait de l’Est, bien qu’encore incertaines, étaient mauvaises, particulièrement pour Vinobar, car elles concernaient en premier son père : Indutiomar était tombé dans une embuscade, on ignorait s’il était vivant. Au désarroi de ce coup dur, l’armée trévire s’était divisée. Les hommes à pied avaient pris le maquis. Emmenant avec lui les rescapés de la cavalerie, Tarvos¹¹ galopait au-delà du Rhin en direction du pays suève ; les cohortes de Titus Labienus, le premier lieutenant de César, s’étaient lancées à ses trousses, elles allaient tôt ou tard être contraintes de le laisser filer. Pour des Romains, s’aventurer aussi loin en Germanie était inconsidéré. De son côté, l’imperator, victorieux des Ménapiens sur le littoral, avait laissé l’Ouest sous le contrôle de quatre légions. À la tête du reste de ses troupes, il avançait maintenant vers Trèves. Le mouvement d’encerclement était clair, les serres de l’aigle allaient se refermer sur l’Éburonie.

    *

    Vinobar s’était courbé. Accroupie derrière lui, sa tante, Souffle, se pencha à son oreille.

    – Mon neveu, l’incertitude n’est pas pour toi, tu as vu…

    En se redressant un peu, mais sans se retourner, il hocha doucement le chef, puis commença à parler :

    – Au moment du lever de camp, je regardais la Meuse, deux cygnes nageaient dans la brume, ils remontaient le courant comme pour m’inviter à les suivre.

    À ces derniers mots, sa voix se mit à vibrer pour devenir plus profonde :

    – Dans un éclaboussement soudain de lumière, le temps a basculé. J’étais ailleurs, ce n’était plus le fleuve devant moi, mais la rivière en crue, la vallée inondée. J’ai été aspiré, plongé, ballotté, sur, sous les lames, luttant, surnageant, puis peu à peu le flot s’est apaisé. À moyenne distance, un radeau dérivait, père, à son trépas, y était allongé. J’étais entraîné à sa suite vers l’au-delà pour assister à son passage. Une force m’avait guidé là, me portait, me poussait. Je m’approchais, le radeau s’est transformé en bûcher enveloppé d’un brouillard rouge. Au moment de le toucher, d’instinct, j’ai entonné un chant ; l’espace s’est éclairci dans un soupir de mort, un souffle blanc, et l’esquif a pris feu. C’était voir, entendre, sentir, comprendre, tout à la fois, une certitude de l’être. Je me suis retrouvé face au fleuve, les oiseaux du Sidh s’étaient envolés, le convoi hésitait encore sur son départ. Èrine est passée près de moi, elle s’est arrêtée en me dévisageant d’un air étrange, puis s’est éloignée pour revenir peu après me demander d’essayer de rattraper Fänd et Lâme sur le chemin des Chantoires.

    Vinobar marqua une pause avant de continuer :

    – Elle a deviné ce qui est arrivé. Tu sais, toi aussi, j’en suis certain.

    Toujours placée derrière lui, Souffle posa son front contre sa nuque. C’était vrai, l’au-delà l’avait également visitée, Micha, sa belle-sœur d’âme, s’était montrée et elle n’était pas apparue seule.

    – Tu as raison, mon neveu, j’ai vu ta mère, elle était accompagnée d’Aube, l’épouse de ton père. Ensemble, elles tenaient l’homme qu’elles ont aimé chacune de leur côté ; sa dépouille était dans leurs mains, partagée en deux, une avait sa tête, l’autre le reste de son corps. Vinobar, ma vision signe une double réalité, Indutiomar a été divisé¹² dans sa vie comme à sa mort : il a voulu se donner d’amour à deux cœurs de femme, il a été tué décapité par ses ennemis. Une double malédiction que ta plongée dans les eaux intermédiaires a déliée. Enfumé¹³ sur le bûcher par l’ouverture de ton imagination psychopompe¹⁴ et clarifié au feu, ton père, rendu cendre, à la lumière, a retrouvé son unité. Micha et Aube le reçoivent, rien où ils sont maintenant ne les sépare plus.

    Vinobar tourna légèrement la tête.

    Sur son épaule, une mèche de cheveux glissa et puis une autre, différente. Au parfum pénétrant qui caressa ses narines, il reconnut celui, unique, de celles qui l’avaient mis au monde : sa mère et Souffle, Micha et son accoucheuse, indissociables amies.

    La sage-femme des Chantoires laissa perler l’instant… puis elle reprit :

    – En faisant allégeance aux Romains, ton grand-oncle Cingétos a causé la perte de ton père. Il a favorisé sa capture et l’a laissé tuer. Impardonnable, mais il a aussi ordonné sa crémation libératrice, souvenez-vous en, toi et tes frères, au moment de lui rendre justice.


    9. Cavité naturelle (grotte prolongée de couloirs) creusée par les eaux d’infiltration. Ermitage et refuge occasionnel des Chantoires.

    10. Le tambour qui porte de son battement le rêveur en voyage (plongée intérieure) dans le monde des esprits pour différentes pratiques : quêtes de visions, guérisons, transferts de rêves…

    11. Prince trévire, fils cadet d’Indutiomar et de son épouse Aube.

    12. Mal-être découlant de l’impossibilité de choisir entre deux priorités de vie s’empêchant concrètement l’une l’autre ou mourir décapité. Pour le mode de pensée celte, la division est le malheur

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