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Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et Convention européenne des droits de l'homme
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Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et Convention européenne des droits de l'homme
Livre électronique290 pages3 heures

Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et Convention européenne des droits de l'homme

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À propos de ce livre électronique

En leur temps, l’élaboration jurisprudentielle d’un droit communautaire des droits fondamentaux et la proclamation de la Charte des droits fondamentaux de l’Union n’ont pas manqué de poser la question d’une complémentarité et/ou d’une concurrence avec le système de la Convention européenne des droits de l’homme. Mais les termes du débat semblent désormais renouvelés depuis que l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne a fait sortir la Charte de la catégorie des textes déclaratoires et engagé l’Union à adhérer à la Convention. La place et le poids de ces deux instruments s’en voyant modifiés, la période invite à repenser les relations entre les deux systèmes de garantie des droits de l’homme dans l’espace européen. Aussi l’ouvrage veut-il davantage s’intéresser à la théorie de l’équivalence des protections, à la fois comme élément de cohérence matérielle (dans le contenu des garanties offertes par la Charte et la Convention) et comme instrument d’articulation fonctionnelle (entre les contrôles respectivement assurés par la Cour de justice de l’Union européenne et par la Cour européenne des droits de l’homme), en intégrant une réflexion sur ce que pourrait ou devrait impliquer à cet égard l’adhésion en termes d’ajustement de leurs compétences. En prise sur les développements les plus récents, l’ouvrage se propose ainsi de jeter un nouveau regard sur l’avenir de la protection juridictionnelle des droits fondamentaux en Europe. Il intéressera les praticiens, confrontés aux problèmes de la coexistence et de l’articulation entre droit de l’Union et droit de la Convention, les professeurs, les chercheurs et les étudiants du troisième cycle.
LangueFrançais
ÉditeurBruylant
Date de sortie3 sept. 2012
ISBN9782802738947
Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et Convention européenne des droits de l'homme

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    Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et Convention européenne des droits de l'homme - Bruylant

    couverturepagetitre

    © Groupe De Boeck s.a., 2012

    EAN : 978-2-8027-3894-7

    Cette version numérique de l’ouvrage a été réalisée par Nord Compo pour le Groupe De Boeck. Nous vous remercions de respecter la propriété littéraire et artistique. Le « photoco-pillage » menace l’avenir du livre.

    Pour toute information sur notre fonds et les nouveautés dans votre

    domaine de spécialisation, consultez notre site web : www.bruylant.be

    Rue des Minimes, 39 • B-1000 Bruxelles

    Table des matières

    Couverture

    Titre

    Copyright

    Table des matières

    Avant-propos

    Partie I - La cohérence des contenus

    LA COHÉRENCE ASSURÉE PAR L’ARTICLE 52§3 DE LA CHARTE DES DROITS FONDAMENTAUX DE L’UNION

    LE PRINCIPE D’ALIGNEMENT SUR LE STANDARD CONVENTIONNEL POUR LES DROITS CORRESPONDANTS

    I. – Les vertus du mécanisme des droits correspondants

    II. – Les insuffisances du mécanisme des droits correspondants

    L’HYPOTHÈSE DU DÉPASSEMENT DU STANDARD CONVENTIONNEL

    I. – Un horizon a priori indépassable

    II. – Un horizon ponctuellement « dépassable »

    LA COHÉRENCE ISSUE DE LA JURISPRUDENCE EUROPÉENNE DES DROITS DE L’HOMME

    I. – L’équivalence multiple ou l’ajustement de l’interprétation conventionnelle sur un standard composite

    II. – L’équivalence élémentaire ou l’ajustement de l’interprétation conventionnelle sur le standard communautaire

    Partie II - L’articulation des contrôles

    LE BILAN DES « AJUSTEMENTS SPONTANÉS »

    LE MODE D’AJUSTEMENT DE LA COUR EUROPÉENNE DES DROITS DE L’HOMME AU DROIT COMMUNAUTAIRE

    I. – L’équivalence, un mode limité de contrôle sur l’Union

    II. – L’équivalence, un facteur relatif de quasi-immunité pour les États

    LA MÉTHODE D’AJUSTEMENT DE LA COUR DE JUSTICE DE L’UNION EUROPÉENNE : QUAND INDÉPENDANCE RIME AVEC ÉQUIVALENCE

    I. – L’équivalence de la jurisprudence

    II. – L’indépendance du juge

    LES DIFFICULTÉS DES « AJUSTEMENTS ORDONNÉS »

    L’EXIGENCE DE PRESERVATION DE L’AUTONOMIE DE L’ORDRE JURIDIQUE DE L’UNION EUROPÉENNE DANS L’ADHÉSION À LA CONVENTION EUROPÉENNE DE SAUVEGARDE DES DROITS DE L’HOMME ET DES LIBERTÉS FONDAMENTALES

    I. – La préservation de l’autonomie de l’Union dans le temps court : fondement d’adaptations techniques

    II. – La préservation de l’autonomie de l’Union dans le temps long : creuset d’interrogations systémiques

    LA NÉCESSITÉ D’UNE REDÉFINITION DE LA CONDITION D’ÉPUISEMENT DES VOIES DE RECOURS INTERNES ?

    I. – La règle de l’épuisement des voies de recours internes à l’épreuve de l’adhésion

    II. – La nécessité non pas d’une redéfinition de la condition de l’épuisement des voies de recours internes mais d’une autre approche de la règle

    CHARTE DES DROITS FONDAMENTAUX ET CEDH

    Avant-propos

    par

     Caroline Picheral

     et

     Laurent Coutron

     Professeurs à l’Université Montpellier I,

     IDEDH (EA 3976)

    L’élaboration de la Charte des droits fondamentaux de l’Union, puis son incorporation dans le traité établissant une Constitution pour l’Europe ont déjà donné lieu à de nombreux réflexions et commentaires¹. Son utilité et sa légitimité ont pu être discutées, au regard notamment de la Convention européenne des droits de l’homme comme instrument constitutionnel de l’ordre public européen des droits de l’homme – la dualité des instruments juridiques laissant aussi bien envisager une concurrence qu’une complémentarité². Par contraste avec ces débats fournis, la place faite à la Charte dans la jurisprudence communautaire est cependant restée longtemps modeste : si les Avocats généraux ou le Tribunal de première instance s’y sont abondamment référés, pratiquement dès sa proclamation³, la Cour de justice en revanche n’y a guère cherché d’appui avant 2006. De ce point de vue, l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, qui confère à la Charte valeur de droit primaire et la fait sortir de la catégorie des textes déclaratoires, marque indubitablement un tournant⁴. Certains arrêts récents, tels l’arrêt DEB du 22 décembre 2010 ou l’arrêt Scarlet Extended du 24 novembre 2011, laissent penser qu’elle a vocation à devenir la pierre angulaire de la protection des droits fondamentaux dans l’Union, le juge n’hésitant pas à reformuler les questions préjudicielles qui lui sont soumises pour statuer sur son fondement. Mais parallèlement, le traité de Lisbonne a fourni la base juridique nécessaire à l’adhésion de l’Union à la Convention européenne des droits de l’homme, qui, de source dite matérielle des principes généraux du droit communautaire, pourrait donc devenir une source formelle, au respect de laquelle les institutions seront tenues de la façon la plus officielle qui soit. Dans ces conditions, la question de la complémentarité ou de la concurrence entre les deux instruments se pose avec une acuité renouvelée⁵.

    Au-delà de la confrontation des textes, la dialectique invite plus fondamentalement à s’interroger sur les rapports de systèmes, en vue de juger de leur cohérence globale dans un espace largement commun. C’est précisément autour de cette problématique « systémique » que l’Institut de droit européen des droits de l’homme a organisé, le 21 octobre 2011, une Journée d’étude sur les relations entre la Charte et la Convention au sein de la Faculté de droit de Montpellier. L’enjeu consistant en une appréciation des garanties de cohérence respectivement fournies par le droit de l’Union et le droit de la Convention, les réflexions se sont cristallisées autour de la figure de l’équivalence des protections, à la fois comme élément de convergence matérielle (dans le contenu des droits consacrés par la Charte et la Convention) et comme instrument d’articulation fonctionnelle (entre les contrôles respectivement assurés par la Cour de justice de l’Union européenne et par la Cour européenne des droits de l’homme), en cette période charnière qui permet un premier bilan mais doit intégrer la perspective de l’adhésion.

    Sur le terrain substantiel des droits consacrés, les règles établies par la Charte, concernant sa propre interprétation, suggèrent en effet une volonté d’équivalence, comme moyen d’assurer une coexistence harmonieuse avec la CEDH. On songe naturellement au premier chef au mécanisme des « droits correspondants », qui détermine une similarité de sens et de portée, sans cependant empêcher une protection plus étendue. Mais se pose alors doublement la question de l’autonomie du juge de l’Union : d’une part, parce qu’au regard des développements constructifs de la jurisprudence européenne des droits de l’homme, l’identification même des droits correspondants peut s’avérer malaisée ; d’autre part, parce que la réalité ou la probabilité d’un dépassement du standard conventionnel doit être interrogée tant l’autonomie interprétative du juge de l’Union pourrait bien ne pas se trouver là où on l’attend…

    À renverser les perspectives (comme le voulait la logique des travaux), une seconde question était au demeurant de savoir si l’équivalence est autant recherchée du point de vue de la Convention, qui par définition ne comporte elle-même aucune règle d’articulation avec la Charte. Aussi convenait-il de déterminer si, dans le phénomène de « globalisation des sources »⁶ de la Cour européenne des droits de l’homme, la Charte et la jurisprudence de la Cour de justice se voient conférer une place particulière.

    Cependant, en l’état actuel, c’est plutôt sur le terrain fonctionnel des mécanismes de contrôle et à l’adresse du système de l’Union, qu’une exigence d’équivalence a été formulée. Deux nouvelles séries d’interrogations s’imposent alors : tandis que les premières portent à la fois sur les effets de la jurisprudence Bosphorus dans le système européen des droits de l’homme et sur l’attitude conséquente ou parallèle de la Cour de justice – en tant que modes d’« ajustement spontané » entre le juge de l’Union et le juge de la Convention –, les secondes se fondent sur les aléas du processus d’adhésion – en tant que voie d’« ajustement ordonné ». En empruntant ainsi aux expressions et à la grille d’analyse du président Bruno GENEVOIS⁷, il s’agit en somme de confronter les mérites d’une cohérence fonctionnelle empirique aux difficultés d’une cohérence fonctionnelle négociée ; d’apprécier le passage d’une situation de prise en compte mutuelle des contrôles européens à une situation de prise en compte obligée de la compétence de la Cour de justice dans l’organisation de celle de la Cour européenne des droits de l’homme à l’égard de l’Union (au nom de l’autonomie de son ordre juridique, et au regard notamment de la condition d’épuisement des voies de recours interne avant saisine du juge européen).

    1- Voy. notamment F. BENOÎT-ROHMER (dir.), La Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, RUDH, 2000, vol. 12, n° 1-2 ; J.-Y. CARLIER et O. DE SCHUTTER (dir.), La Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, Bruxelles, Bruylant, 2002 ; G. BRAIBANT, La Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, Paris, Seuil, coll. « Points », 2001 ; J. DUTHEIL DE LA ROCHÈRE, « La Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne : quel apport à la protection des droits ? », in Mélanges Jeanneau, Paris, Dalloz, 2002, p. 91 ; M.-Ch. PONTHOREAU, « Le principe de l’indivisibilité des droits. L’apport de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne à la théorie générale des droits fondamentaux », RFDA, 2003, p. 928 ; L. BURGORGUE-LARSEN, A. LEVADE et F. PICOD, Traité établissant une Constitution pour l’Europe. Partie II, La Charte des droits fondamentaux de l’Union. Commentaire article par article, Bruxelles, Bruylant, 2005, tome II ; G. COHEN-JONATHAN et J. DUTHEIL DE LA ROCHÈRE (dir.), Constitution européenne, démocratie et droits de l’homme, Bruxelles, Bruylant-Némésis, coll. « Droit et justice », n° 47, 2003 ; J.-F. FLAUSS, « Les droits fondamentaux dans la Constitution européenne : la constitutionnalisation de la Charte des droits fondamentaux », RAE, 2001-2002/6, p. 703 ; F. TURPIN, « L’intégration de la Charte des droits fondamentaux dans la constitution européenne », RTDE, 2003, p. 616 ; L. BURGORGUE-LARSEN, « Ombres et lumières de la constitutionnalisation de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne », CDE, 2004, p. 663 ; J.-P. JACQUÉ, « La Constitution pour l’Europe et les droits fondamentaux », L’Europe des libertés, 2004-14, p. 9.

    2- O. LE BOT, « Charte de l’Union européenne et Convention européenne des droits de l’homme : la coexistence de deux catalogues de droits fondamentaux », RTDH, 2003/55, p. 781 ; G. BRAIBANT, « De la Convention européenne des droits de l’homme à la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne », in Libertés, Justice, Tolérance. Mélanges en hommage au Doyen Gérard Cohen-Jonathan, Bruxelles, Bruylant, 2004, t. 1, p. 332.

    3- L. BURGORGUE-LARSEN, « La force de l’évocation ou le fabuleux destin de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne », in L’esprit des institutions, l’équilibre des pouvoirs. Mélanges en l’honneur de Pierre Pactet, Paris, Dalloz, 2003, p. 78.

    4- Sur l’apport du traité de Lisbonne, B. FAVREAU (dir.), La Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne après le traité de Lisbonne, Bruxelles, Bruylant, 2010.

    5- B. GENEVOIS, « La Convention européenne des droits de l’homme et la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne : complémentarité ou concurrence ? », RFDA, 2010-3, p. 437.

    6- F. SUDRE, « La motivation et le style des décisions de la Cour européenne des droits de l’homme », in L. COUTRON (dir.), Pédagogie judiciaire et application des droits communautaire et européen, Bruxelles, Bruylant, 2012, p. 135.

    7- B. GENEVOIS, « La Convention européenne des droits de l’homme et la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne : complémentarité ou concurrence ? », préc.

    Partie I

    La cohérence des contenus

    LA COHÉRENCE ASSURÉE

     PAR L’ARTICLE 52§3 DE LA CHARTE

     DES DROITS FONDAMENTAUX DE L’UNION

    LE PRINCIPE D’ALIGNEMENT

     SUR LE STANDARD CONVENTIONNEL

     POUR LES DROITS CORRESPONDANTS

    par

     Romain Tinière

     Professeur de droit public à l’Université de Grenoble

     IDEDH (EA 3976)

    Lorsque l’Union s’est, enfin, décidée à se doter d’un catalogue de droits fondamentaux qui lui soit propre, lors de la réunion du Conseil européen des 3 et 4 juin 1999, la question de son articulation avec la Convention européenne des droits de l’homme s’est doublement posée.

    D’une part, il semblait difficile de tourner le dos à la principale source d’inspiration des principes généraux du droit, fondements de la garantie des droits fondamentaux dans l’Union depuis le début des années 70¹. Ce d’autant plus que la Convention et la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme sont passées entre temps du statut de simple source d’inspiration à celui de source matérielle directe des droits fondamentaux protégés dans l’Union, le passage par les principes généraux du droit s’avérant souvent n’être que formel². Il arrive ainsi fréquemment que la Cour de justice s’appuie directement sur le droit de la Convention – le texte de la Convention tel qu’interprété par la Cour européenne des droits de l’homme – comme elle l’a fait, par exemple, dans les arrêts K.B. à propos du droit au mariage des transsexuels³ ou Parlement/Conseil du 27 juin 2006 à propos du droit au respect de la vie familiale⁴. L’adoption d’un catalogue propre à l’Union semblait, logiquement, devoir s’inscrire dans la continuité de cette prise en compte du droit de la Convention.

    D’autre part, pour que l’adoption de ce texte, visant à rendre les droits plus visibles pour les citoyens de l’Union ne se traduise pas par une plus grande insécurité juridique du fait de la coexistence en Europe et au sein des ordres juridiques nationaux de deux corpus de protection potentiellement contradictoires, il fallait assurer l’harmonie des droits garantis par la Charte et la Convention. En effet, la principale motivation juridique de la rédaction de la Charte était de rendre les droits garantis au sein de l’Union plus lisibles, afin que les particuliers puissent plus facilement les faire valoir devant les juridictions nationales et la Cour de justice de l’Union européenne⁵. Les motivations politiques ayant conduit à la rédaction de la Charte sont d’ailleurs sensiblement identiques⁶. Si ce texte se veut être un outil censé rapprocher l’Union des citoyens et s’inscrire dans un processus de constitutionnalisation de l’Union, il ne doit pas être perçu comme un élément de complexification de la protection des droits.

    Or, la situation était déjà passablement complexe avant l’adoption de la Charte. En effet, les actes des autorités nationales sont alors, de façon générale, susceptibles de faire l’objet d’un double contrôle du point de vue de la protection des droits fondamentaux. Un contrôle national d’abord, à l’aide des instruments de protection nationaux et de la Convention européenne des droits de l’homme. Un contrôle européen ensuite au travers de la saisine de la Cour européenne des droits de l’homme dont la décision s’impose aux autorités nationales. Il existe donc deux référentiels de protection dont l’articulation est fondée sur la subsidiarité de l’instrument européen et sa primauté.

    Lorsqu’est en cause une mesure nationale entrant dans le champ d’application du droit de l’Union, le juge national est confronté à une situation potentiellement délicate. Il doit se comporter en juge communautaire de droit commun, en posant éventuellement une question préjudicielle à la Cour de justice sur l’interprétation ou la validité de la norme communautaire en cause afin de lui permettre de répondre à l’allégation d’atteinte aux droits fondamentaux. Mais il n’est pas pour autant exonéré de ses responsabilités vis-à-vis de la Convention européenne des droits de l’homme. « Véritable plaque tournante de la protection des droits fondamentaux en Europe », selon les termes de Johan CALLEWAERT⁷, le juge national peut être confronté à des obligations, sinon frontalement contradictoires, du moins divergentes⁸. Il est important de souligner qu’il ne s’agit là que d’une possibilité qui ne s’est que rarement réalisée, notamment parce que la jurisprudence de la Cour de justice en matière de protection des droits fondamentaux s’appuie largement sur celle de la Cour européenne des droits de l’homme. Mais, le fait que cette possibilité ne soit qu’hypothétique n’enlève rien à l’enchevêtrement des protections et à l’image brouillée qui en découle.

    C’est dans cet ensemble que la Charte devait s’insérer en s’efforçant de ne pas le complexifier davantage. L’idéal, du point de vue de la lisibilité du système, et à partir du moment où la simple adhésion de l’Union à la CEDH avait été écartée, aurait été une entrée en vigueur de la Charte accompagnée d’une dénonciation de la CEDH, ce qui aurait permis de conserver une protection nationale associée à une protection communautaire. Il n’est pas certain que le niveau de protection des droits en soit sorti grandi mais la situation aurait été plus lisible pour le citoyen.

    Le pire, toujours du point de vue de la lisibilité du système, aurait été de ne rien prévoir et de laisser les juridictions nationales et européennes se débrouiller avec deux textes de protection au niveau européen, prenant le risque de voir la Cour de justice développer une interprétation autonome de son catalogue de droits qui s’écarte progressivement de celle de son homologue strasbourgeois

    Ce n’est cependant ni l’une ni l’autre de ces deux options qui a été choisie, mais une voie médiane permettant une coexistence harmonieuse entre les deux catalogues européens. Cette voie médiane s’exprime d’abord par plusieurs références appuyées à la Convention dans le texte de la Charte. Ainsi, le préambule rappelle que le contenu de la Charte s’inspire en partie de la Convention et de la jurisprudence de la Cour européenne. D’ailleurs, la formulation de certains droits constitue la reprise directe ou quasi directe d’articles de la Convention : c’est le cas de l’article 4 de la Charte sur l’interdiction de la torture et des peines ou traitement inhumains ou dégradants ou encore de son article 11 consacré à la liberté d’expression. Mais cet arrimage est aussi et surtout concrétisé par deux mécanismes inscrits à l’article 52, paragraphe 3, et 53 de la Charte.

    L’article 52, paragraphe 3, prévoit que « [d]ans la mesure où la présente Charte contient des droits correspondant à des droits garantis par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, leur sens et leur portée sont les mêmes que ceux que leur confère ladite convention. Cette disposition ne fait pas obstacle à ce que le droit de l’Union accorde une protection plus étendue ».

    Quant à l’article 53, il vise à établir un niveau de protection minimum commun à l’espace européen en disposant que l’interprétation ou la limitation des droits inscrits dans la Charte ne peut porter atteinte « aux droits de l’homme et libertés fondamentales reconnus, dans leur champ d’application respectif, par le droit de l’Union, le droit international et les conventions internationales auxquelles sont parties l’Union, la Communauté ou tous les États membres, et notamment la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ainsi que par les constitutions des États membres ».

    De ces différents procédés employés pour permettre la coexistence harmonieuse entre Charte et Convention, le mécanisme institué par l’article 52, paragraphe 3, mécanisme dit des droits correspondants, est incontestablement le plus important. En effet, s’il n’est pas inutile de rappeler que la Charte n’est pas le résultat d’une génération spontanée mais plutôt d’une lente maturation de l’Union au contact du droit de la Convention, encore fallait-il prévoir un mécanisme opérationnel permettant l’articulation effective de ces deux catalogues de droits pour maintenir la convergence initiale, malgré les interprétations souvent constructives auxquelles peuvent se livrer les Cours européennes. C’est la fonction dévolue à ce mécanisme.

    Élaboré par les rédacteurs initiaux de la Charte il y a plus de dix ans, ce mécanisme n’a pu commencer à produire ses effets qu’à partir de l’accès de la Charte à la force juridique contraignante, c’est-à-dire lors de l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne le 1er décembre 2009. Cela ne fait donc que deux ans que ce mécanisme est appliqué par la Cour de justice de l’Union européenne. C’est avec ce recul à la fois conséquent – dix ans d’existence – et modeste – deux ans d’application et quatre arrêts de la Cour de justice le mentionnant expressément – qu’il est possible de présenter un bilan de ce mécanisme des droits correspondants. Permet-il réellement d’assurer une cohérence des contenus entre la Charte des droits fondamentaux et la Convention européenne des droits de l’homme ?

    La réponse doit être nuancée, ce qui conduira à dire quelques mots des vertus (I) de ce mécanisme et de ses vices (II).

    I. – Les vertus du mécanisme des droits correspondants

    La principale vertu du mécanisme mis en place par l’article 52, paragraphe 3, de la Charte est de permettre à l’Union de disposer de son propre catalogue de droits fondamentaux, tout en préservant l’harmonie des droits fondamentaux protégés en Europe. Déclinaison du principe de protection équivalente, ce mécanisme des droits correspondants fonctionne en deux temps. Le premier est celui de l’identification des droits dits « correspondants », c’est-à-dire du droit garanti par un article de la Charte et par son homologue dans la Convention européenne des droits de l’homme. Une fois les deux droits déterminés, il faut attribuer au droit garanti par la Charte le même sens et la même portée que ceux que leur confère la Convention.

    A. – L’identification des droits correspondants

    L’article 52, paragraphe 3, de la Charte est relativement discret sur cette identification. Il est alors nécessaire de se référer aux explications accompagnant la Charte. L’importance de ces explications est soulignée par l’article 6, paragraphe 1, TUE, qui indique que « [l]es droits, les libertés et les principes énoncés dans la Charte sont interprétés conformément aux dispositions générales du titre VII de la Charte régissant l’interprétation et l’application de celle-ci et en prenant dûment en considération les explications visées dans la Charte, qui indiquent les sources de ces dispositions ».

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