Le livre des signes

Par John Peel

Score, Helaine et Pixel ont réussi à se rendre à Rawn, une
planète plus près du centre du Diadème. Leur magie y est
plus puissante, mais aussi les forces inconnues qui essaient
de les détruire. Confrontés à un ennemi qu'ils ne peuvent voir, affrontant un danger qu'ils ne peuvent déterminer, tout ce que Score, Helaine et Pixel savent avec certitude est que les apparences sont trompeuses dans cet endroit perfide. Et seul un magicien à la forme changeante peut leur ouvrir le portail du prochain monde et de la prochaine étape de leur voyage, à condition qu'ils puissent la trouver et qu'elle ne s'approprie pas leurs pouvoirs et les tue.

• Langue: Français
• Éditeur: Éditions AdA
• Date de sortie: 27 sept. 2013
• ISBN: 9782897334895

Aperçu du livre

Margolin

PROLOGUE

La magicienne cessa d’étudier sa boule de cristal et se tourna vers son démon familier pour lui dire :

— Ainsi, ils ont réussi à tuer Aranak.

Comme à son habitude, le diablotin était perché sur sa petite tour rembourrée et semblait assoupi.

— Ils sont plus dangereux que je ne le pensais, ajouta-t-elle en enroulant pensivement une mèche autour de son doigt. Tu pourrais te réveillais et te mettre un peu au travail pour une fois.

Le panda rouge ouvrit un œil et l’observa un moment.

— Je suis réveillé, répondit-il avec un bâillement.

Il lissa sa longue queue touffue et referma l’œil.

— Je ne prêtais tout simplement pas at-tention.

La sorcière émit un grognement. Le moins qu’on puisse dire, c’est que ses rapports avec Blink étaient houleux. Elle, la sorcière Sha-nara, faisait preuve d’une activité bouillonnante alors que Blink passait quatre-vingt-quinze pour cent de son temps à dormir ou du moins à essayer de le faire.

— Prêtes donc attention ! lui dit-elle d’un ton hargneux. Ces trois enfants ont tué Aranak et ils pourraient maintenant s’en prendre à moi, auquel cas tu mourrais de faim.

Avec un soupir, Blink ouvrit cette fois-ci les deux yeux. Il se releva à contrecœur et commença à faire sa toilette.

— Très bien, répondit-il avec la tête d’un innocent qui vient d’être condamné à mort. Raconte-moi ce qui s’est passé.

Shanara compta jusqu’à dix pour ne pas perdre patience. Si elle n’avait pas eu besoin de son aide, elle aurait su comment le punir car ce n’étaient pas les idées qui lui manquaient. La plupart de celles-ci auraient entraîné le trépas du panda.

— Il y a trois jeunes, dit-elle. Le premier s’appelle Score ; c’est un gamin des rues de la Terre. Le deuxième, Renald, vient d’un monde appelé Ordin. C’est en fait une fille qui s’est déguisée en garçon et qui a réussi à tromper certaines personnes, mais pas moi. Et le dernier, qui s’appelle Pixel, vient de Calomir. Les trois ont été emportés par les Bestials à Treen, où Aranak leur a enseigné la magie. Lors d’une épreuve de force, ils ont réussi à le battre et à le tuer avant de passer par le portail qui mène ici. Ils sont maintenant sur Rawn. Depuis une heure, je les observe, endormis, dans ma boule de cristal. Ils ont avec eux les pages qu’ils ont découvertes et ils savent peut-être que j’en ai une de plus. De toute façon, il est fort probable qu’ils se dirigent dans notre direction.

— Oh là là ! fit Blink en bâillant. Cela veut dire que j’aurai à travailler.

— En effet, acquiesça-t-elle. Nous devons les ralentir pour me donner le temps de concevoir un plan pour les battre.

— Où sont-ils ? demanda Blink.

— Dans les Montagnes déchiquetées, ré-pondit Shanara en étudiant leur image dans sa boule.

— Dans ce cas, compte tenu de ce qui les y attend, il n’y a pas lieu de s’inquiéter, répondit le panda.

— Ils sont plus puissants qu’ils n’en ont l’air, lui rétorqua la sorcière. Je serais naïve de me fier aux seuls dangers de ces montagnes pour les arrêter. Non, il va falloir que j’intervienne.

— Aïe ! grommela Blink. Si tu interviens, ça veut dire que j’aurai à travailler.

— Oui, convint Shanara, mais nous éliminerons une menace potentielle. Si les montagnes n’ont pas raison de ces jeunes, c’est nous qui nous en chargerons.

Après avoir esquissé un léger sourire, elle retourna à sa boule de cristal. Blink soupira et se demanda s’il aurait la possibilité de cligner une quarantaine de fois des yeux avant de devoir se mettre, oh horreur, au travail…

1

Score regarda autour de lui, partagé entre la fascination et l’épouvante. Renald — Score ne pouvait pas encore se faire à l’idée que Renald était une fille du nom d’Hélaine —, Pixel et lui avaient émergé du portail en se disant prêts, ou du moins leur semblait-il, à affronter n’importe quoi. Ils s’attendaient surtout à être attaqués ou capturés, mais personne ne les attendait.

Et ils avaient émergé au bord d’un précipice.

Ils étaient entourés de montagnes ressemblant à des dents irrégulières. Ils avaient manifestement atteint une altitude élevée, car un vent très froid les fouettait comme s’il essayait de les précipiter dans le vide. Score avait la gorge serrée. Ce gars de la ville, qui était né à New York et qui y avait toujours vécu, n’était pas habitué à la nature sauvage et encore moins aux montagnes. Et l’idée d’être coincé sur une montagne le rendait très malheureux.

Derrière lui, il y eut un petit rai de lu-mière, mais ce n’était que le portail qui se refermait, sa tâche accompli.

— Et bien, soupira Score. Nous sommes coincés ici, maintenant.

— Je n’aime pas ça, avoua Pixel, en reculant un peu de l’extrémité du gouffre. Cet endroit a l’air dangereux. Qu’en penses-tu, Renald ?

— Il l’est, répondit Hélaine, son ancien caractère ponctuant sa phrase.

Elle commençait à apprécier Score et Pixel, mais il lui arrivait encore de se montrer impatiente envers eux. Score présumait que cette attitude provenait du fait qu’elle était l’enfant gâtée d’un riche seigneur, en plus d’être versée dans les arts de la guerre. C’était la seule des trois capable de se battre, ce qui la rendait arrogante et un peu soupe au lait. Elle essayait par contre de se contrôler.

— Et appelle-moi Hélaine, s’il te plaît, je préfère mon vrai nom, maintenant que vous savez qui je suis.

— Moi, je préfère mon surnom, dit Score en frissonnant. Il fait froid et je ne suis pas habillé pour faire de l’alpinisme.

— Aucun de nous ne l’est, rétorqua Pixel, dont les dents claquaient. Nous ferions mieux de nous mettre à l’abri du vent et d’élaborer un plan.

Score jeta un coup d’œil autour de lui, essayant de ne pas avoir le mal de l’air lorsqu’il vit la précarité de leur perchoir. Au-dessus d’eux, de bas nuages s’accrochaient au sommet de la montagne, leur obscurcissant la vue. Score signala le chemin étroit sur lequel ils se trouvaient.

— Il y a une caverne en bas, dit-il, allons nous y réfugier. Nous pourrons faire un feu pour nous réchauffer.

— Bonne idée, concéda Hélaine.

Elle le dépassa pour prendre la tête. Score était sur le point de protester quand il décida que ça n’en valait pas la peine. Et si quelqu’un tombait, ce serait elle et pas lui. Ils suivirent en faisant attention l’étroit chemin qui longeait le flanc de la montagne. Ils arrivèrent enfin à la petite caverne que Score avait vue.

Ils durent se baisser pour y entrer. Cepen-dant, à l’intérieur, la caverne faisait environ trois mètres de profondeur sur deux mètres et demi de hauteur. Elle semblait, heureusement, inhabitée. Une fois que les jeunes furent rendus à l’intérieur, le vent cessa de les cin-gler, mais il le froid était toujours aussi glacial.

Score se concentra sur une roche posée sur le sol. Il visualisa une flamme qui pourrait les réchauffer. Il concentra ensuite cette image sur la roche.

— Shriker Kula prior, murmura-t-il, utilisant l’incantation pour créer le feu.

Un rideau de flammes jaillit et faillit roussir Hélaine, qui recula précipitamment en jurant.

— Ce n’était pas drôle ! lui lança-t-elle, furieuse.

— Je n’essayais pas de te jouer un tour, protesta Score, surpris.

La flamme diminua un peu, mais continua à brûler d’un vif éclat et à réchauffer la petite caverne.

— J’essayais d’allumer un petit feu, de dire Score, pas un volcan.

— C’est parce que nous sommes passés des mondes en périphérie au Circuit intermédiaire, expliqua rapidement Pixel. Souvenez-vous de ce que nous a dit Aranak. Plus nous nous rapprochons du centre du Diadème, plus forts sont nos pouvoirs. Une formule magique qui servait à allumer un petit feu sur Treen peut manifestement en allumer un plus gros ici.

Hélaine étudia pensivement les flammes.

— Et probablement un feu de forêt si nous nous rapprochons encore plus du centre de la toile des mondes, avança-t-elle. Jusqu’à ce que nous puissions déterminer exactement l’effet de nos pouvoirs, nous devrons être très prudents chaque fois que nous utiliserons la magie.

— À condition d’être en mesure de déterminer cet effet, fit remarquer Score. N’oubliez pas que quelque chose ici perturbe la source de magie et en modifie les formules.

— Je ne l’oublie pas, lui répondit Hélai-ne. Cependant, comme ce quelque chose est imprévisible, nous aviserons au cas par cas.

Elle se réchauffa les mains à la chaleur du feu.

— Bon, je me sens mieux maintenant. Il serait bon de faire le point sur ce qui est arrivé jusqu’à présent et voir si nous pouvons démêler tout ça. Mettons nos ressources en commun.

— Vas-tu arrêter de prendre le commandement ? se plaignit Score en la foudroyant du regard. Je pense que nous devrions élire un chef, et non permettre à l’un d’entre nous d’assumer automatiquement ce rôle.

— Et chacun d’entre nous votera pour soi, fit remarquer Hélaine d’un ton grognon. C’est une suggestion stupide. Écoute, je suis la personne idéale pour le rôle de chef. Je suis habituée à donner des ordres et à faire des plans.

— Et puis ? lui répondit Score d’un ton belliqueux. Ce n’est pas parce que tu étais enquiquinante dans ton monde que tu dois l’être ici. Je n’accepte pas les ordres, surtout de la part d’une fille.

— Une fille avec une épée, dit-elle d’un ton doucereux, après avoir mis la main sur la poignée de son arme.

— Arrêtez ! protesta Pixel, en se plaçant entre eux. Des discussions de ce genre ne nous mèneront nulle part. N’oubliez pas qu’Oracle nous a dit que nous devions ap-prendre à travailler ensemble.

— Tu as raison, convint Score à contrecœur après avoir pris une grande inspiration. Nous ne résoudrons rien avec un tel comportement.

Puis il ajouta en fronçant les sourcils.

— Nous n’avons aucune raison de faire confiance à Oracle. Il prétend nous aider, mais c’est certainement lui qui nous a mis dans le pétrin.

Ce personnage mystérieux les avait tous les trois trahis dans leurs mondes respectifs. Il prétendait être dans leur camp, mais il passait son temps à débiter des rimes stupides et à éviter les réponses directes à leurs questions.

Pixel fit un signe de tête affirmatif.

— Je ne lui fais pas trop confiance, moi non plus, avoua-t-il, mais il pourrait peut-être nous aider ici. On ne perd rien à le lui demander, non ?

— Je ne sais pas, répondit Hélaine. Il me donne mal à la tête.

Mais elle ajouta en haussant les épaules.

— Nous devons quand même savoir où nous nous trouvons et ce que nous sommes censés faire ici. Et s’il y a quelque chose dont nous devrions nous méfier, on ne perd rien à convoquer Oracle pour lui demander de quoi il s’agit.

— D’accord, acquiesça Score.

Il décida qu’il était temps pour lui de prendre le commandement avant qu’Hélaine ne puisse le faire à nouveau.

— Nous savons que nous pouvons le convoquer en nous concentrant sur son nom et son image, et en récitant son nom à l’envers. Faisons-le ensemble.

Il ferma les yeux et se concentra. Et Oracle leur apparut, vêtu de son costume noir.

J’entends votre appel et j’obéis

Pour voir ce qu’il vous faut aujourd’hui.

Tout en débitant ses rimes stupides, Oracle affichait un grand sourire. Il prétendait ne pas être capable de parler autrement, mais Score n’en était pas convaincu.

— Je vais te dire ce qu’il nous faut, gronda Score. De l’information. Où sommes-nous ? Qu’est-ce qui se passe ? Et comment faire pour quitter cette montagne stupide ?

Oracle observa autour de lui et se pencha ensuite pour regarder à l’extérieur de la ca-verne. Ses lèvres