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Le Combattant: Docteur, #4
Le Combattant: Docteur, #4
Le Combattant: Docteur, #4
Livre électronique2 009 pages18 heuresDocteur

Le Combattant: Docteur, #4

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À propos de ce livre électronique

*** Ce coffret comprend The Combattent et la collection Forever. ***

 

Finn a commis l'impensable.

Il est parti.

Il m'a abandonnée, comme mes parents l'ont fait, pour vivre de nouvelles expériences.

Il m'a fallu bien du temps pour me reconstruire : je jure de ne plus jamais tomber amoureuse.

Et quoi qu'il arrive, je ne me remettrai pas avec Finn… même s'il me supplie.

LangueFrançais
ÉditeurE. L. Todd
Date de sortie20 oct. 2019
ISBN9781393144489
Le Combattant: Docteur, #4
Auteur

E. L. Todd

E. L. Todd was raised in California where she attended California State University, Stanislaus and received her bachelor’s degree in biological sciences, then continued onto her master’s degree in education. While science is interesting and a hobby, her passion is writing. After writing novels as a small child, her craft grew until she found the confidence to show her closest friends—which is how Only For You, the first installment of the Forever and Always series, and the Soul Saga series began. When she isn’t reading or writing, she is listening to indie rock music. Her current favorite artist is Mumford and Sons, whom she credits most of her inspiration for her novels. She also enjoys running and swimming, as well as working as a high school teacher. She also works as an assistant editor at Final-Edits.com. She has an unusual obsession with dogs, even though she doesn’t own one, and her favorite vacation spot is Disneyland, which she visits several times a year. The most important aspect of her life is her friends, whom contributed so much time and energy into all of her novels. According to E. L. Todd, “Without them, Only For You and Soul Catcher never would have come to fruition. I am theirs forever.”

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    Aperçu du livre

    Le Combattant - E. L. Todd

    Le Combattant

    Le Combattant

    Docteur #4

    E. L. Todd

    Hartwick Publishing

    Hartwick Publishing

    Le Combattant

    Copyright © 2019 E. L. Todd

    Tous droits réservés.

    Aucune partie de ce livre ne peut être reproduite ou utilisée sous quelque forme ou par quelque moyen électronique ou mécanique, y compris par stockage et retrait d’information, sans le consentement écrit préalable de l’éditeur ou de l’auteur, à l’exception de l’inclusion de brèves citations dans une critique.

    Table des matières

    1. Colton

    2. Pepper

    3. Finn

    4. Colton

    5. Pepper

    6. Finn

    7. Colton

    8. Finn

    9. Colton

    10. Pepper

    11. Colton

    12. Pepper

    13. Colton

    14. Finn

    15. Pepper

    16. Colton

    17. Pepper

    18. Finn

    19. Colton

    20. Pepper

    21. Finn

    22. Pepper

    23. Colton

    24. Pepper

    25. Colton

    26. Pepper

    27. Colton

    28. Pepper

    29. Finn

    Épilogue

    Je ne veux que toi

    30. Cayson

    31. Skye

    32. Cayson

    33. Skye

    34. Cayson

    35. Skye

    36. Cayson

    37. Skye

    38. Cayson

    39. Skye

    40. Cayson

    41. Skye

    42. Cayson

    43. Skye

    44. Cayson

    45. Skye

    46. Cayson

    47. Cayson

    Si t’aimer est mal

    48. Cayson

    49. Skye

    50. Slade

    51. Trinity

    52. Cayson

    53. Skye

    54. Slade

    55. Trinity

    56. Cayson

    57. Skye

    58. Slade

    59. Trinity

    60. Cayson

    61. Skye

    62. Slade

    63. Trinity

    64. Cayson

    65. Skye

    66. Slade

    67. Trinity

    68. Skye

    Je n’ai besoin que de toi

    69. Slade

    70. Trinity

    71. Skye

    72. Cayson

    73. Roland

    74. Trinity

    75. Slade

    76. Trinity

    77. Cayson

    78. Skye

    79. Trinity

    80. Slade

    81. Roland

    82. Trinity

    83. Skye

    84. Cayson

    85. Slade

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    1

    Colton

    Six mois plus tard…

    Mes poubelles étaient pleines à craquer en ce samedi matin. J’avais rechigné à les jeter tout au long de la semaine et comprimé davantage le tout pour m’épargner la corvée de les sortir. Mais aujourd’hui je n’avais plus le choix : il n’y avait même plus la place pour un pauvre petit mouchoir. Je me résignai donc.

    Armé du sac poubelle, je m'éclipsai dans le couloir en pensant me retrouver seul… Loupé : il y avait Pepper sur le pas de sa porte, en train de dire au revoir à un type que je n’avais jamais vu.

    Ne voulant pas les gêner, je m’avançai à pas de loup vers le vide-ordures, mais j’entendais toujours leurs voix derrière moi.

    — J’ai passé une excellente soirée, déclarait tout haut l’inconnu, avant de prendre Pepper par la taille et de l’embrasser.

    Vu l’étreinte, il n’avait aucune envie de retourner à ses occupations.

    — Moi aussi, répondit Pepper en l’étreignant brièvement avant d’écourter son geste en reculant d’un pas. À un de ces quatre, j’imagine…

    — Ça ne te tente pas qu’on dîne ensemble demain soir ?

    L’individu portait une veste en cuir et un jean de couleur sombre. Et il était grand. Vraiment très grand.

    — Ah… Je suis prise demain. Mais peut-être une autre fois ?

    Pepper l’envoyait paître, ça ne faisait aucun doute. Tous les hommes qu’elle rencontrait connaissaient le même sort. Elle se montrait froide, presque insensible depuis quelque temps, se prenant un nouvel amant chaque week-end avant de le bazarder sans scrupule une fois satisfaite. Ça faisait un moment que ça durait.

    — Ça marche. Je te passerai un coup de fil, abdiqua l’éconduit en s’éloignant.

    Je jetai le sac dans le conduit puis rebroussai chemin, sans manquer de reluquer cet énième amant mystère lorsqu’il eut le dos tourné. Arrivé devant Pepper, je finis par dévier les yeux du derrière du bel homme, puis soufflai tout bas à Pepper :

    — Eh bien… Il était canon celui-là !

    — Ça allait…

    Pepper portait un t-shirt ample qui lui arrivait aux genoux, et rien d’autre. Elle ne se gênait plus pour se balader à moitié à poil dans l’immeuble, malgré le risque de croiser nos voisins. Moi, ça ne comptait pas vraiment : je connaissais déjà sa morphologie par cœur. L’ayant vue nue un nombre incalculable de fois, ce n’étaient pas quelques centimètres de peau qui allaient me choquer.

    — Ça te dirait qu’on brunche ensemble ? reprit-elle, comme pour clore le sujet. Ça fait une semaine que j’ai une folle envie de gaufres aux fruits rouges.

    Mais j’étais resté bloqué sur sa réplique précédente. Le détachement dont elle faisait preuve me laissait perplexe.

    — Ça allait ? m’étranglai-je enfin. Juste « ça allait » ? Bon, j’en déduis que tu ne comptes pas le revoir…

    Elle haussa les épaules.

    — C’est pas mon genre.

    — C’est quoi ton genre, si ce n’est pas grand et beau ?

    Elle rentra chez elle sans commenter.

    — Je vais me changer vite fait, j’en ai pour dix minutes. Et c’est moi qui invite ! J’ai fait un super chiffre d’affaires cette semaine à la boutique.

    — Comment veux-tu que je refuse une telle offre de la part d’une radine qui ne paie jamais rien ?

    Elle me répondit par un doigt d’honneur puis me claqua la porte au nez.

    On opta pour notre resto-boutique préféré, qui s’était attiré notre éternelle fidélité par sa carte plus que sympathique : des gaufres légères et aériennes avec une touche beurre de noix de pécan et un jus d’orange fraîchement pressé. Mon homosexualité m’accordait l’avantage non négligeable de pouvoir exhiber à la face du monde mon amour incontesté du brunch sans que je me sente le moins du monde ridicule. Et tant mieux, car c’était devenu notre tradition du week-end.

    — Alors, raconte. Il s’appelle comment ? m’enquis-je, piqué de curiosité, tout en recouvrant ma gaufre de sirop avant de l’enfourner dans ma bouche.

    — Qui ça ? demanda Pepper, la bouche pleine.

    Elle s’était jetée sur sa nourriture comme si elle n’avait rien avalé de la semaine.

    — Le mec avec qui tu as couché hier soir…

    Lui était-il déjà sorti de la tête ?

    — Ah.

    Elle prit à son tour le sirop et en versa une telle quantité sur sa gaufre que celle-ci s’en retrouva imbibée.

    — Euh, Adam… Ou Alan. Quelque chose comme ça.

    Quelque chose comme ça ?

    — Tu ne comptes pas le revoir ?

    — Nan, répondit-elle platement en secouant la tête.

    — Nan ? Mais pourquoi ? C’est quoi le problème ?

    — Rien, fit-elle en haussant à nouveau les épaules. Mais je n’ai pas accroché.

    — Ça ne t’a pas empêchée de coucher avec lui…

    Elle se tourna vers moi en levant un sourcil, si haut, d’ailleurs, qu’il me fit penser à un pic montagneux.

    — Eh, ça suffit les jugements d’accord ? Si j’étais Zach, tu la mettrais en veilleuse. C’est hyper sexiste comme remarque ! Écoute, j’ai couché avec lui parce qu’il était beau et que j’avais juste envie de prendre mon pied. C’est bon ? On peut passer à autre chose ?

    — C’est pas ça, c’est pas parce que t’es une femme que je dis ça… C’est juste que ça ne te ressemble pas, c’est tout.

    Pepper s’était complètement effondrée au départ de Finn. Leur séparation l’avait autant affectée que notre divorce, c’est dire… Elle avait passé trois mois entiers à déprimer et à panser ses plaies, et subitement s’était remise en selle du jour au lendemain, sans prévenir. Mais au lieu de s’ouvrir aux hommes et de faire de nouvelles rencontres, elle s’était transformée en une séductrice impitoyable, qui les traitait comme des lingettes jetables. Elle couchait avec une fois, puis ne les rappelait plus jamais.

    — Comment ça, ça ne me ressemble pas ? Je vis ma vie à fond, je m’éclate. C’est ça, la nouvelle Pepper.

    De l’extérieur, elle semblait épanouie. Comme si elle s’était remise de Finn, voire l’avait définitivement oublié. Peut-être même qu’elle y croyait, à force de se le répéter. Mais cela faisait un bon moment qu’elle avait adopté cette attitude, et j’avais peur que son état n’ait empiré, en réalité, pendant ces six derniers mois. Finn l’avait brisée, anéantissant, peut-être à tout jamais, l’optimisme romantique qui sommeillait en elle. Elle en était désormais réduite à faire comme tout le monde, et à tromper sa solitude avec le premier venu.

    — Je me fais du souci pour…

    — Eh bien arrête.

    Elle souleva son jus d’orange et en prit une large rasade.

    — Purée, c’est trop bon. Ça coûte peut-être sept dollars mais ça les vaut !

    Son empressement à changer de sujet m’informa au moins d’une chose : elle ne souhaitait guère débattre de ce nouveau comportement et n’était pas prête à parler de ses sentiments.

    Toute tentative ultérieure se solderait par un échec, je le savais d’avance. Alors je n’avais d’autre choix que d’attendre patiemment qu’elle se livre d’elle-même.

    Ma bière en main, je buvais un coup avec mes amis au bar, fort pensif. La musique tonitruante en arrière-plan parvenait à peine à brouiller le grésillement des différents écrans de télévision répartis dans la salle. L’endroit grouillait de monde. Au bar comme autour des tables, la clientèle discutait allègrement de tout et de rien.

    Zach et Stella se trouvaient tous les deux en face de moi. Cette dernière ne quittait pas Zach d’une semelle, comme pour décourager toutes celles qui pourraient être tentées de reluquer son mec avec un peu trop d’insistance.

    — Elle m’inquiète en ce moment, soupirai-je après un blanc, admettant enfin ce qui me trottait dans l’esprit.

    Je n’avais plus que le nom de Pepper à la bouche, car je l’aimais de tout mon cœur. Son état me préoccupait, mais j’ignorais quoi faire.

    — Elle a encore couché avec un type hier soir, soupirai-je, et ce matin elle n’arrivait même plus à se rappeler son nom, c’est dire…

    — Et alors ? répliqua Stella. Ça te semblerait normal si on parlait d’un mec.

    — Ce n’est pas la question, me défendis-je. Si ça me froisse, c’est parce que ce n’est pas son genre. Elle n’a jamais aimé coucher à gauche à droite.

    — Et Jax alors, non ? Il compte pour du beurre ? me disputa Stella. Elle voulait que du sexe initialement, c’est lui qui insistait pour que ça aille plus loin. Écoute, Pepper est enfin heureuse et célibataire, laisse-la en profiter non ? Elle est capable de prendre ses propres décisions. Ce n’est pas parce qu’elle a décidé de relâcher un peu la pression qu’il y a matière à s’inquiéter.

    — Je suis pas convaincu, moi…

    Ce qui me chagrinait un peu plus encore, c’était que les petites aventures de Pepper ne se limitaient plus aux week-ends. Elle rencontrait aussi des mecs le mardi ou le jeudi, dans des lieux incongrus tels que la salle de gym… Salle qu’elle ne fréquentait pas, soit dit en passant.

    — Je trouve qu’elle y met beaucoup d’effort, insistai-je. Ce n’est pas comme si elle croisait ces types par hasard le vendredi soir, et qu’ils lui tapaient dans l’œil, et voilà. Non, elle les traque, je vous dis !

    — Et alors ? Je pourrais dire la même chose de la plupart des mecs, affirma Stella. Les hommes n’ont que ça en tête – baiser. C’est leur objectif ultime. Aux courses, en plein jogging, dans tous les cas ils pensent toujours qu’à ça. Pourquoi est-ce que Pepper n’aurait pas le droit de faire pareil ?

    — Non, moi je vois ce qu’il veut dire, intervint Zach, qui ne s’était pas encore exprimé. Elle est grande, elle fait ce qu’elle veut, on ne dit pas le contraire… mais c’est vrai que ce comportement ne lui ressemble pas. Jusqu’à récemment, on pouvait compter ses ex sur les doigts de la main… et voilà que tout à coup elle explose tous ses records.

    — Voilà, confirmai-je, soulagé. C’est comme si elle se servait du sexe pour aller mieux.

    Stella leva son verre.

    — Et ? Grand bien lui fasse !

    — J’avoue que je préfère encore la voir comme ça, reconnut Zach. Elle faisait peur à voir, les gars. On aurait dit un fantôme. Elle pouvait te regarder fixement pendant dix bonnes secondes sans même te calculer. C’est sûrement une phase, ça va passer, laissons-la tranquille. Mais en attendant, ça lui fait du bien.

    — Peut-être, concédai-je. En tout cas j’espère. J’ai surtout peur qu’elle fasse ça parce qu’elle a tiré un trait sur l’amour…

    — Je t’accorde que c’est une possibilité, décréta Stella. Après tout ce qu’elle a traversé, on ne pourrait pas lui en vouloir.

    Je venais tout juste de sortir un carton de pizza du frigo quand mon téléphone sonna.

    Finn.

    Les yeux rivés sur l’écran, je débattis intérieurement de la marche à suivre. Devais-je répondre ? L’ignorer ? Il avait bien tenté de me joindre depuis son départ, mais j’avais systématiquement esquivé, parce que je lui en voulais trop pour papoter avec lui comme si de rien n’était. Au bout d’un certain temps, il avait fini par baisser les bras. Du moins c’était ce que j’en avais conclu : ses coups de fil avaient cessé.

    À la troisième sonnerie, je décrochai.

    — Oui ?

    Ma voix était glaciale. Toute la hargne que j’avais accumulée au cours de ces quelques derniers mois se devinait dans ce simple mot. Il avait blessé Pepper mille fois plus profondément que je l’avais fait… Et je me voyais mal lui pardonner un jour.

    — Je ne m’attendais pas à ce que tu décroches, remarqua mon frère.

    — Moi non plus.

    Entendre la voix de Finn me coupa tout appétit, et je remis la pizza au frigo.

    — Qu’est-ce que tu veux ?

    — Je ne sais pas trop en fait, admit-il. Je m’étais préparé à te parler par répondeurs interposés.

    J’ignorai sa pique.

    — Alors, l’Afrique ? C’est bien ?

    — L’Afrique, c’est un continent. C’est comme si je te demandais si tu te plais en Amérique.

    — T’es prêt à débourser deux dollars la minute la communication juste pour faire le malin… ? constatai-je tout haut, atterré.

    — Ça les vaut, non ? rétorqua-t-il d’un ton railleur. Comment tu vas, de ton côté ? Maman m’a raconté que tu voyais toujours Tom, et c’est super. On dirait que les parents l’aiment beaucoup.

    — Comment pourrait-il en être autrement, en même temps… Et toi ? Ça va ?

    — On peut dire ça. Le Kenya et l’Ouganda, c’est vraiment magnifique. C’est vrai qu’avec les manques de ressources et la guerre civile en cours, ça crée des tensions… Et comme on n’est pas loin de la frontière congolaise, il y a beaucoup de conflits liés aux narcotrafiquants. Mais sinon, c’est top.

    Il préférait donc la guerre et la pauvreté à une vie heureuse aux côtés de Pepper ? Non mais quel débile...

    — Content d’apprendre que tu t’éclates…

    Il se tut pendant un long moment, comme s’il ne savait quoi dire ensuite. Dire qu’il payait cet appel une fortune !

    Au fond, je devinais parfaitement ce qui le taraudait, mais hors de question de lui mâcher le travail. À ma connaissance, il n’avait pas cherché une seule fois à joindre Pepper depuis son départ. Du coup, pour prendre de ses nouvelles, il ne pouvait faire autrement que de passer par moi.

    Et je n’allais pas lui faciliter la tâche.

    Quand il brisa le silence, ce fut d’une voix sérieuse, presque grave :

    — Comment va-t-elle ?

    — Qui ça ? Ton ex-fiancée ? demandai-je, histoire d’enfoncer le clou.

    — Écoute Colton…

    — Si tu l’avais simplement quittée pour aller explorer le monde, ça aurait pu passer… Mais non. Il a fallu que tu la demandes en mariage d’abord. Non mais tu te rends compte ? Tu lui demandes de passer sa vie avec toi, puis tu t’en vas comme un voleur. Comment te croire après ça ?

    — J’étais sincère…

    — On s’en fout, Finn. Elle va mieux. Elle a tourné la page. Retrouvé son équilibre.

    J’avais beau en douter moi-même, c’était ainsi que je souhaitais lui représenter Pepper. Forte, heureuse et indépendante. Histoire qu’il comprenne que le grand perdant dans cette histoire, c’était lui.

    — Sa boutique se porte bien, on brunche ensemble tous les samedis et elle a obtenu plein de rencards. Tout roule pour elle.

    Il marqua une longue pause.

    — Tant mieux… Ça me fait plaisir.

    — Elle est passée à autre chose, Finn. Mais moi… Moi, je ne te pardonnerai jamais.

    — Loyal comme tu es, ça ne me surprend pas.

    — …

    La porte s’ouvrit soudain et Pepper fit irruption chez moi, portant un jean noir qui moulait ses jambes, des talons hauts et un chemisier à fleurs.

    Le téléphone collé contre l’oreille, je me tournai vers elle, gêné d’avoir Finn à l’autre bout du fil. Elle m’alpagua aussitôt :

    — T’aurais pas du vin à tout hasard ? J’ai invité un type chez moi et je n’avais pas prévu le coup.

    Finn pouvait-il l’entendre à cette distance ?

    — Va voir dans le garde-manger, je dois en avoir quelque part.

    Finn ne souffla mot. Évidemment qu’il l’avait entendue. Sinon, il m’aurait demandé pourquoi je ne lui parlais plus.

    Elle farfouilla un moment puis se décida.

    — C’est Tom au téléphone ? Dis-lui merci de ma part pour les cookies qu’il m’a faits. J’ai pris un peu de gras aux cuisses mais ça en valait le coup.

    Une bouteille à la main, elle se dirigea vers la porte pour sortir.

    — En fait, non… C’est Finn.

    J’aurais cru qu’elle se crisperait en entendant ce nom, que ses yeux s’empliraient d’une infinie tristesse. Mais au lieu de cela elle me sourit sans broncher et ouvrit grand la porte.

    — Passe-lui le bonjour de ma part, me lança-t-elle avec désinvolture.

    Puis elle franchit le seuil d’un pas décidé et referma derrière elle.

    Je repris la conversation avec mon frère.

    — Je ne sais pas si t’as entendu, mais…

    — Oui, s’empressa-t-il de répondre. J’ai entendu… Pepper.

    2

    Pepper

    En entrant dans le bar, je repérai bientôt mes amis réunis autour d’une table haute. Je venais de recevoir une robe que j’avais commandée en ligne, et à mon grand bonheur, non seulement elle était bien coupée, mais elle rendait aussi super bien avec ma paire de chaussures préférée. C’était une robe moulante, avec une bande de mousseline transparente qui remontait le long de ma cuisse. Une coupe à la fois classe et sulfureuse.

    Stella s’en décrocha la mâchoire.

    — Meuf, tu es… Ouah !

    — Putain, je vois d’ici tes abdos à travers le tissu, renchérit Tatum. Je ferais tout pour avoir un corps comme le tien !

    — Ouais, enfin bon, ses abdos ne sont pas tombés du ciel non plus ! rétorqua Stella. Elle se démène à mon cours de fitness. Elle a transformé cinq kilos de graisse en masse musculaire pure. Elle en jette, notre jolie Pepper !

    Débordant de fierté, elle me leva son pouce. Je me rapprochai de la table et y déposai mon sac à main.

    — Mouais… Toi par contre, t’es la pire entraîneuse de tous les temps.

    — Quoi ? s’offusqua Stella. Je te demande pardon ?

    — Tu es impitoyable, expliquai-je. J’ai l’impression de mourir pendant tes cours.

    — Eh, s’énerva Stella en écrasant sa paume contre la table. C’est justement à ça qu’on voit que je suis douée !

    Colton m’étudia de la tête aux pieds d’un air approbateur.

    — Une chose est sûre, je doute que t’aies à payer la moindre consommation ce soir !

    — C’est clair, ajouta Tatum en soulevant mon sac. Je ne sais pas pourquoi tu t’es encombrée de ça.

    — Tu peux te taper n’importe qui dans cette robe-là, affirma Stella. Qu’il soit hétéro ou gay, célibataire ou marié.

    — Marié ? Non merci, je préfère encore me payer un gay…

    J’avais vu du paysage, joué sur plusieurs tableaux à la fois, mais envisager quoi que ce soit avec un homme marié ? Jamais. Certes, je n’avais plus foi en l’amour… Mais ça ne signifiait pas que je ne respectais pas celui d'autrui.

    — Je reviens. Je vais me chercher un verre, lançai-je alors à la cantonade avant de partir avec mon sac.

    Colton me rattrapa en chemin. Nous n’avions pas reparlé de son appel avec Finn depuis l’autre fois, et je n’avais aucune envie d’aborder ce sujet. Mais mon petit doigt me disait que c’était de ça qu’il voulait discuter.

    — Pepper, je voulais te parler de quelque chose…

    — Laisse-moi deviner : Finn ?

    J’arrivai au comptoir et poursuivis en attendant que le barman me remarque :

    — Comment est-ce qu’il va ?

    Son départ m’avait laissée dans un sale état, et encore, le mot était faible. Je n’avais pas travaillé pendant des semaines entières, à tel point que j’avais failli mettre la clé sous la porte. À un moment donné, j’avais versé tellement de larmes que j’avais fini aux urgences, complètement déshydratée. Et devinez qui m’avait soignée ? Layla, cette garce.

    Les premiers mois, je me prenais à me demander combien de femmes il avait pu séduire, ou s’il pensait encore à moi, parfois. S’il m’aimait assez pour avoir envie de rentrer. Mais un jour, en me regardant dans la glace, j’en eus assez de voir la personne triste et pathétique que j’étais devenue. Alors je m’étais reprise. Cet homme m’avait anéantie, oui. Mais j’en avais assez d’être brisée. Je voulais revivre. Oublier.

    Mon aplomb désarçonna Colton.

    — Euh, je crois qu’il va bien. Il ne m’a pas trop raconté.

    Je fis signe au barman, et commandai une vodka cranberry.

    — Alors de quoi veux-tu qu’on parle ?

    — Je voulais juste que tu saches qu’il m’avait contacté. C’est la première fois que je lui réponds, mais ça fait des mois qu’il essaie de me joindre.

    Pourquoi parlait-on encore de Finn ? Cet homme ne faisait plus partie de nos vies. Personnellement, je voulais oublier jusqu’à son existence et passer à autre chose, une bonne fois pour toutes.

    — Ne te sens pas obligé de l’ignorer, Colton, répondis-je. C’est ton frère. Tu devrais lui parler plus souvent.

    — Je lui en veux trop pour ce qu’il t’a fait…

    — Colt, l’interrompis-je en posant une main sur son épaule. Je suis passée à autre chose. C’est derrière nous, tout ça. Je vais mieux, et je suis sûre qu’il s’éclate, lui, de son côté, quelque part dans la jungle. Alors détends-toi.

    Il me regarda fixement, scrutant mes traits, comme pour me percer à jour.

    — Tu dis que « tu t’éclates », mais parfois j’en doute, Pepper. J’ai peur que tu utilises le sexe comme une distraction, pour apaiser la douleur. Que tu souffres encore tout au fond de toi, mais que tu refoules tout en bloc en multipliant les amants.

    — J’aime juste le sexe, Colton. Comme beaucoup de monde.

    — Mais tu n’as jamais été comme ça…

    — Je vais très bien, d’accord ? J’essaie juste de profiter de la vie et de passer du bon temps. Tu n’as aucune raison de t’inquiéter pour moi.

    — Tu sais bien que c’est plus fort que moi.

    Ses yeux ne quittaient pas les miens, comme si nous étions seuls.

    — Je crains juste que tu finisses par faire quelque chose que tu regretterais. Si ça ne va pas, tu sais que tu peux venir me voir. Je serai toujours là pour en parler. Autant que tu veux. Jusqu’à ce que tu ailles mieux.

    — Je vais mieux, Colton. C’est très gentil, mais je t’assure que ça va. Alors au lieu de gâcher notre temps à parler d’un type qui n’a plus la moindre importance pour moi, je te suggère qu’on essaie de passer un bon moment.

    Je pris mon verre sur le comptoir et le soulevai pour porter un toast.

    Colton semblait encore sceptique, mais que pouvais-je y faire ? Il n’avait qu’à me croire sur parole. Il souleva également son verre et trinqua avec moi.

    — D’accord. Aux bons moments passés ensemble…

    Colton quitta le bar une heure plus tôt car son cher et tendre l’attendait bien sagement à la maison. Stella et Zach ne s’éternisèrent pas non plus, et après tout, cela faisait un an qu’ils étaient en couple, c’était du sérieux. Ils rentrèrent donc chez Zach. Tatum, elle, avait fait la connaissance d’un homme et poursuivait la soirée avec lui.

    Désormais seule, je sirotai mon cocktail en silence.

    L’endroit était calme. La plupart des clients étaient déjà repartis chez eux. Jamais je ne me serais un jour imaginée écumer les bars en solo sans avoir mieux à faire, ni personne à rejoindre. Je me mêlais confusément à la foule éparse des solitaires, forcée de réexaminer tous mes choix de vie dans l’espoir de comprendre ce que j’avais pu faire de mal. Mon premier mariage avait pris fin parce que j’étais tombée amoureuse d’un homosexuel. Et mes fiançailles avec Finn, parce qu’il ne m’aimait pas assez.

    J’en avais passé, des heures, à tourner cette relation dans tous les sens, à me demander comment j’avais pu être si naïve. Ce que nous avions vécu Finn et moi m’avait semblé sérieux à bien des égards, sérieux, mais aussi solide et durable. Or en réalité, je n’avais été pour lui qu’un simple port d’attache, une courte escale avant son aventure suivante. Si Finn préférait dédier sa vie à d’autres loin de Seattle plutôt que d’être avec moi, cela prouvait bien qu’il ne m’aimait pas assez.

    À compter qu’il m’ait aimée tout court, bien sûr…

    Notre rupture aurait peut-être été moins douloureuse s’il ne m’avait pas demandée en mariage. Ça aurait été un simple chagrin d’amour, tout ce qu’il y a de plus ordinaire… Non, je me mentais à moi-même, j’aurais tout autant souffert, je le savais.

    Je finis mon verre puis ouvris mon sac. Il était temps de payer, de rentrer, temps de m’effondrer sur mon lit et de m’endormir comme trop souvent sans même m’être déshabillée. Plus je veillais tard, moins je parvenais à me lever tôt. Je rognais ainsi mes journées autant que possible. C’était ma façon à moi de faire passer le temps plus vite. Car je n’avais plus envie de rien.

    Je sortis deux billets de vingt, mais un homme, qui venait d’apparaître à mon côté, me devança en filant cinquante dollars au barman.

    — Je souhaiterais régler pour la jeune femme.

    Les yeux rivés sur mon argent, j’eus du mal à réprimer un sourire. Ce type devait se sentir très prévenant et classe à pouvoir débourser si flegmatiquement une telle somme pour autrui, mais il en fallait plus pour m’impressionner. Des hommes, j’en avais côtoyé ces derniers temps… et ils se ressemblaient tous.

    — Ce n’est vraiment pas la peine, vous savez, glissai-je à l’inconnu en levant le nez vers lui.

    Si les hommes se ressemblaient tous, celui-ci me tapa pourtant dans l’œil. J’avais déjà été avec des mecs baraqués, des Monsieur Muscle, mais des comme lui ?

    Sa mâchoire semblait taillée dans le granit. Elle était si anguleuse, si marquée, qu’elle lui donnait des allures de statue. Les veines de son cou étaient si proéminentes qu’on aurait dit qu’il était en permanence tendu dans l’effort. De même pour ses mains ; un réseau de méandres, des torrents sinueux. Il avait la peau remarquablement hâlée, comme s’il profitait de chaque minute de soleil dont le ciel de Seattle nous faisait grâce pour se balader torse nu dans le parc, ou s’il possédait un yacht en Méditerranée où il pouvait à loisir se dorer la pilule.

    Ses cheveux bruns et sa barbe de trois jours lui donnaient un aspect viril, presque bourru, aussitôt contrebalancé par ses lèvres pleines, d’une teinte si parfaite qu’elles paraissaient de cire. Ses yeux d’un vert vibrant, qu’il gardait assurément braqués sur moi, me déstabilisèrent.

    Cet homme n’était pas juste beau. Il semblait appartenir à une autre espèce, à la fois mortel et dieu ; un surhomme frayant avec le divin. Je me demandais ce qu’un type pareil pouvait fabriquer seul dans un bar, dix minutes avant la fermeture. Il lui aurait suffi de passer la tête par la porte pour trouver sa conquête du soir.

    Vraiment, c’était un mystère.

    Le barman prit le règlement du bel inconnu sans que celui-ci détourne les yeux. Toujours en me regardant, il m’arracha mon argent, seulement pour le remettre dans mon portefeuille.

    C’est alors que je remarquai la montre Omega à son poignet, et la matière noble de sa veste noire. En dessous, il portait un t-shirt olive qui épousait les reliefs de son torse. Il avait tout de ces riches de Manhattan, si beau qu’on devait souvent lui offrir des verres, et qu’il éclipsait même les femmes présentes.

    — Brutus, se présenta-t-il en me tendant la main.

    J’acceptai cette poignée, mais d’une main hésitante.

    — Pepper.

    Contrairement à la plupart des gens que je rencontrais, il ne fit aucun commentaire sur l’étrangeté de mon nom. Puis il retira sa main, s’adossa au comptoir.

    — Le bar va fermer. Où voulez-vous qu’on poursuive cette conversation ? Chez vous ou chez moi ?

    Il n’y allait pas par quatre chemins, celui-là ! Il savait ce qu’il voulait, et n’avait pas froid aux yeux.

    Cette offre ne m’aurait sans doute pas intéressée il y a un an, car l’ancienne Pepper avait toujours eu besoin de se sentir proche d’un homme pour coucher avec. Mais depuis, la liste de mes prérequis s’était considérablement ratatinée et je ne cherchais plus qu’à m’amuser avec un bel étalon qui saurait regonfler ma confiance en moi, en me répétant (ou mieux, en me montrant) combien il me trouvait belle. Je ne cherchais qu’un peu d’intimité et de chaleur humaine sans m’encombrer des prises de tête et déceptions qui venaient de pair avec l’amour.

    Et depuis, je me sentais nettement mieux.

    — Chez vous.

    Ce type était plein aux as.

    Comment je le savais ? Déjà, parce qu’on avait traversé la ville à bord de sa Bugatti. Je n’y connaissais rien en voiture, mais un modèle comme celui-là était loin d’être donné. Ensuite, il possédait un duplex somptueux, situé dans un immeuble de standing, surplombait la baie de Seattle. Un ascenseur partant du lobby arrivait directement dans le séjour, une pièce absolument immense dont les dimensions laissaient penser que le bien faisait mille mètres carrés.

    Que pouvait bien fabriquer un célibataire sans enfants avec tout cet espace ?

    Je fis de mon mieux pour cacher ma surprise, mais j’avais du mal à ne pas explorer chaque détail des yeux : tous ces luminaires splendides, les toiles accrochées aux murs, et ce tapis oriental, peut-être commandité auprès des meilleurs artisans du Maroc puis acheminé ici, par jet privé.

    Il se rendit dans sa cuisine pour nous verser deux verres de vin et revint rapidement. Il me dominait d’une bonne tête. Contrairement à ceux de Colton, ses yeux ne renvoyaient aucune douceur. Ils étaient sombres et perçants, d’une virilité hors-pair ; cet homme tenait plus du prédateur que de l’humain.

    En prenant un verre, j’eus soudain la boule au ventre.

    Brutus m’examinait toujours, et me vit fléchir, même imperceptiblement, détournant le regard.

    — Qu’est-ce qu’il y a ?

    Je refusai finalement le vin.

    — Je suis désolée. Je ferais mieux de rentrer chez moi.

    L’ascenseur se trouvait juste derrière moi. Une fois dehors, je pourrais appeler un Uber. Puis oublier complètement cette déconcertante soirée.

    — Pourquoi ?

    Il posa les deux verres sur la table basse derrière lui, puis reprit :

    — Qu’est-ce qui ne va pas ?

    Sa voix, pourtant feutrée, trahit sa déception. Il semblait évident qu’il ne voulait pas me voir partir, et ce, même s’il ne connaissait de moi que mon prénom.

    Je reculai d'un pas, préférant mettre de la distance entre lui et moi.

    — Je ne couche jamais avec des hommes mariés.

    Je concevais mal comment on pouvait vivre seul dans une demeure pareille. Rien ne justifiait qu’il jouisse d’autant d’espace, même s’il était riche à ne plus savoir qu’en faire. Sa femme avait dû s’absenter quelques jours en emmenant les enfants. Or je refusais d’endosser le rôle ingrat de la maîtresse, de souiller leur lit conjugal en profitant d’un homme vraisemblablement aimé. Quelqu’un d’aussi riche, avec un physique comme le sien, à la fois sexy et débordant de santé, pouvait faire chavirer le cœur de n’importe qui. Ce n’était même pas le risque que sa femme actuelle apprenne sa trahison qui me poussait à m’en aller. Je ne voulais juste pas être mêlée à tout ça.

    Il plissa confusément le front un instant, puis parut soulagé.

    — Pourquoi me crois-tu marié ?

    Je sondai la pièce du regard.

    — Tu ne partages cet endroit avec personne ? soufflai-je, sidérée. On pourrait y vivre à vingt qu’on ne serait pas à l’étroit. Pourquoi un célibataire aurait-il besoin d’autant d’espace ?

    — J’ai mes raisons, ça me regarde… Et non, je ne suis pas marié, finit-il par répondre, avant d’aller chercher nos verres pour m’inciter à en prendre un.

    Je ne connaissais pas cet homme. Il aurait pu être en train de mentir. Mais j’acceptai tout de même le verre.

    — Si tu ne me crois pas, je t’invite à fouiller tous les dressings de la maison pour voir s’il n’y aurait pas des vêtements de femme planqués quelque part. Tu peux chercher, tu ne trouveras rien. Rien qui indique que j’ai une femme que je trompe…

    Il prit une longue gorgée de vin puis pinça les lèvres en fronçant le nez, manifestement offensé par mes sous-entendus.

    — Je sais que tu ne me connais pas, mais je suis quelqu’un d’honnête, reprit-il. Si j’étais bel et bien marié et que ça te posait problème, j’irais juste trouver une femme que ça ne dérange pas.

    Il porta à nouveau son verre à ses lèvres, et en descendit la moitié. J’avais peut-être dépassé les bornes.

    — Je suis désolée… Ça m’a semblé louche, alors j’ai supposé…

    — C’est dangereux d’avoir des idées préconçues sur les gens.

    Il abandonna son verre sur la table, comme s’il s’attendait à ce que quelqu’un accoure magiquement pour ramasser après lui.

    — Mais j’admire ton intégrité. La plupart des gens se fichent de ces choses-là. Les gens ne réalisent pas les conséquences de leurs actes, le mal qu’ils font parfois aux autres ; ils sont corrompus, jusqu’à la moelle.

    Il ôta la veste de ses épaules, la laissant glisser le long de ses bras musclés. Son t-shirt serré soulignait une carrure impressionnante, et même sous les lumières tamisées des lampes d’appoint, son hâle était toujours aussi doré. La franchise de mon regard ne semblait pas le troubler. Nous n’étions pourtant que des étrangers l’un pour l’autre, et nous n’avions quasiment pas échangé, mais il faisait preuve d’une assurance infaillible. Même mes propos déplacés de tout à l’heure n’avaient pas réussi à le déstabiliser.

    Je resserrai les doigts autour de mon verre, la chaleur qui irradiait dans mon ventre n’étant en rien liée au raffinement du vin que je venais de goûter. Cet homme était secret, mais ça me plaisait, finalement. Je renonçai à lui poser toutes les questions qui m’étaient venues : ce qu’il faisait dans la vie, s’il vivait ici à plein-temps, ou quels restaurants il aimait fréquenter. Et je préférais encore ne rien savoir, trouvant une certaine beauté à préserver notre anonymat. Bon Dieu, dire que j’en étais réduite à ça… chasser la solitude en multipliant les coups d’un soir. Deux fois j’avais connu l’amour, et ça s’était toujours fini de la même manière : on m’avait quittée. Il était hors de question de me réexposer à un tel danger.

    Il fit un pas vers moi, se rapprochant de mon corps qu’il embaumait déjà de son parfum viril, puis m'effleura tendrement la nuque. D’un geste souple, il souleva mon menton puis pressa ses lèvres contre les miennes, comme pour prendre la température.

    Le verre de vin faillit me tomber des mains.

    Ses lèvres étaient si douces et délicieuses ! Il les fit érotiquement passer sur les miennes avant d’expirer son souffle chaud sur ma bouche tremblante. Puis il m’embrassa à nouveau, plus fougueusement cette fois, comme si notre premier baiser l’avait électrisé lui aussi. Une tension charnelle crépitait telle un brasier entre nous ; nos corps se répondaient d’instinct, comme deux amants épris passionnés.

    Il me débarrassa de mon verre puis m’entoura la taille de ses bras pour me serrer contre lui sans jamais quitter mes lèvres, même pas pour me regarder. Ses gestes avaient une précision d’expert.

    Je profitai de mes mains libres pour parcourir son joli corps, explorant les reliefs gravés sous son t-shirt. Il était dur comme du béton, ce qui m'arracha un gémissement. Je m’imaginais déjà faire courir ma langue sur ses abdos bien marqués…

    Mes doigts ne tardèrent pas à trouver l’ourlet de son t-shirt ; impatiente de le déshabiller, bouillonnant de désir, je le lui remontai presque au niveau de la tête.

    Il reposa d’abord son verre puis ôta complètement son haut.

    Son corps était si appétissant que je n’arrivais plus à détourner les yeux.

    — Mmm…, laissai-je alors échapper avant de mordiller ma lèvre inférieure.

    Je mourrais de faim. J’avais beau coucher avec pas mal de mecs dernièrement, mais jamais avec un étalon pareil.

    Mon désir sembla démultiplier le sien. Il étouffa un râle, enfouit une main dans mes cheveux et m’embrassa à nouveau. D’un geste assuré, il tira d’un coup sur ma robe pour la relever au-dessus de mes hanches. En dessous je ne portais rien. La coupe, et notamment la fente verticale sur le côté, avaient suffi à me dissuader d’enfiler des sous-vêtements. Lorsqu’il s’en aperçut, il grogna doucement avant de me déshabiller, révélant mon corps nu.

    Une fois que ma robe se retrouva par terre, il me poussa en arrière contre le mur. Sans cesser de m’embrasser, il posa une main ferme sur mon sein et l’autre sur mon cul.

    Je défis sa braguette, ôtai son jean ainsi que son caleçon, impatiente de libérer son incroyable corps de ce carcan vestimentaire.

    À présent, seules ses chevilles étaient encore prisonnières de son pantalon. J’en profitai pour baisser les yeux. Je me mordis involontairement la lèvre en voyant son énorme sexe. Long, épais, dur : il avait tout pour me faire passer une soirée inoubliable. C’était une vraie bite bien virile, uniquement conçue pour le plaisir des femmes.

    — Baise-moi. Tout de suite.

    Rien ne me grisait plus dorénavant que de s’abandonner entièrement au désir, d’avoir tellement envie de goûter à un corps que tout le reste se perdait dans un brouillard d’inconscience. Il devient si facile dans ces moments-là d’oublier les tracas du quotidien… D’oublier tous mes problèmes… De surcroît, l’homme que j’étreignais ce soir était à la fois beau et doué. La cure à ce mal terrible dont je souffrais.

    Il déroula une capote sur son sexe et cala une de mes jambes autour de sa taille. Puis il me pénétra, plongeant sans peine puisque je mouillais à souhait. Centimètre par centimètre il s’enfonça, doucement, jusqu’aux burnes.

    — Oui…

    Je lui passai les bras autour du cou, expirant contre sa bouche.

    Il gémit sans bouger, puis commença à me marteler de coups de reins virulents qui me plaquaient contre le mur. Cette nuit-là, je jouis plusieurs fois.

    Le lendemain matin je me réveillai dans son lit.

    À un moment donné, la veille, nous avions emprunté l’un des longs couloirs de son appartement pour nous allonger dans son lit scandinave surdimensionné. De sa chambre, la vue était à tomber. D’immenses baies vitrées s'étendant du sol au plafond donnaient sur la ville en contrebas, que le soleil matinal, perçant à travers les nuages, venait caresser de ses rayons poudrés.

    Une main sur le torse, les draps chiffonnés juste en-dessous du nombril, il dormait encore à poings fermés. Sa peau tannée, étirée sur ses muscles, ressemblait à un paysage vallonné. À en juger par sa taille en V, il fréquentait religieusement la salle de gym et n’avait plus avalé de glucides depuis le début des années deux mille.

    Là encore, la vue était splendide… mais il fallait que je file.

    Je m’extirpai délicatement des draps et me levai sans un bruit. Puis je sortis sur la pointe des pieds, repris le couloir, et mis la main sur ma robe, abandonnée par terre. Mes escarpins, quant à eux, étaient encore à mes pieds ; je ne les avais pas retirés depuis la veille. Ni quand on l’avait fait contre le mur, ni sur le canapé.

    J’avais passé une sacrée nuit.

    Les cheveux défaits et les yeux cernés de mascara, j’entrai dans l’ascenseur qui m’emporta jusqu’au lobby. Il était évident rien qu’à voir ma robe que je rentrais de chez un homme, mais j’avais tellement pris mon pied que je m’en fichais.

    En sortant mon téléphone, je vis s’afficher une demi-tonne de notifications. Colton m’avait bombardée de messages.

    Tu es debout ?

    À quelle heure penses-tu rentrer ?

    Pepper, ça va ?

    J’avais parfois du mal à croire qu’il avait un jour été mon mari ; il se comportait comme un père. Une fois dans la rue je hélai un taxi, même si je n’habitais pas très loin, parce que j’avais hâte d’ôter mes chaussures et de recharger mes batteries. Heureusement, on était dimanche et je ne travaillais pas. Je répondis ensuite à Colton. J’arrive. Je rentre dans cinq minutes. Détends-toi, bon sang.

    On se fait une journée jeux à la maison. Ça te tente ?

    Ça dépend. Il y aura à manger ?

    Il m’envoya un émoji avec les yeux au ciel.

    Oui.

    T’as pris quoi ?

    Qu’est-ce que ça peut te faire ? Tu manges de tout.

    Je veux savoir !

    Si tu insistes… Des gaufres, des bagels, du bacon (croustillant, comme tu aimes)…

    Vendu !

    Même émoji dépité.

    Ça marche. À tout de suite.

    Je passai vite fait me changer puis me rendis chez Colton.

    La table de la cuisine s’était transformée en buffet de petit-déjeuner. Tout le monde était déjà là, à manger sur les canapés, devant la télé. Des jeux de plateaux en tout genre jonchaient la table basse, comme si on avait longuement débattu pour savoir lequel choisir.

    — Ouah, génial !

    Je saisis une assiette sur lequel j’empilai une montagne de nourriture, avant de badigeonner indistinctement le tout de sirop, parce que j’étais comme ça, un peu bizarre… et vraiment accroc à ce type d’accompagnement.

    — Alors, t’as fini où hier soir ? s’enquit Stella, assise sur les genoux de Zach, dans un fauteuil.

    Comme on était dimanche, elle portait un leggings confortable et un sweat à capuche. Mais sur elle, ça faisait presque classe – elle était à tomber.

    Je m’assis à côté de Colton et Tom.

    — Ben… Contre un mur… sur un canapé… j’ai même atterri dans un lit au bout d’un moment.

    Stella s’esclaffa.

    — Ben dis donc ça va, on se fait plaisir chez les célibataires !

    « Plaisir »… C’est le mot, c’est sûr.

    Je croquai dans une tranche de bacon couvert de sirop et remarquai un éclair de déception sur le visage de Colton. Ma nouvelle appétence pour le sexe n’avait pas l’air de lui plaire. À le voir, on aurait dit que j’étais une camée qui se serait laissée dévorer le cerveau par la drogue. À la différence près que le sexe, c’était encore mieux que la drogue, et que… Oui, j’étais accroc.

    — Parle-nous un peu du type, s’enquit Zach. C’est quelqu’un qu’on connaît ?

    — Il s’appelle comment ? renchérit Colton. Enfin, si tu t’en souviens.

    J’étais sur le point de finir ma tranche de bacon, mais préférai plutôt la lui jeter à la figure.

    — Brutus.

    — Eh ben dis donc… c’est super viril ! s’extasia Stella.

    — Il n’y a pas que son prénom qui était viril, répondis-je tout en reportant mon attention sur mon assiette.

    — Tu vas le revoir, tu crois ? demanda Tom.

    — Non, m’empressai-je de répondre, peu ragoûtée par l’idée.

    Il appartenait à un tout autre monde, un monde dont jamais je ne ferais partie.

    — Qu’est-ce qui cloche avec celui-là ? insista Colton. Il est assez chouette pour que tu couches avec, mais pas assez pour un café ?

    — Colton, rouspéta Stella en le regardant droit dans les yeux. Arrête un peu ton char. C’est hyper sexiste ce que tu fais. Zach a fait la même chose un milliard de fois, mais que je sache, il n’a jamais eu droit à tes petites remarques mesquines.

    — Merci, lui lançai-je.

    — Je ne suis pas sexiste, se défendit Colton. Mais ce n’est juste pas toi, Pepper.

    — C’est la nouvelle moi. Les gens changent. Accepte-le.

    — Mais comment peux-tu n’en aimer aucun ? releva-t-il, hagard. Tu refuses de leur laisser une chance. Et si tu passais à côté de l’homme parfait ?

    — Crois-moi, lui, il ne l’est pas.

    J’étalai du fromage à tartiner sur mon bagel toasté puis croquai dedans, et explicitai :

    — Le mec, il m’a ramenée chez lui en Bugatti.

    Alors que je finissais de déguster tranquillement ma bouchée, je vis mes amis écarquiller les yeux.

    Zach faillit s’en décrocher la mâchoire.

    — Attends, t’es sérieuse ?

    — C’est une voiture qui vaut genre un million, ajouta Colton. Tu es sûre que c’était bien ça ?

    — Je ne m’y connais peut-être pas, mais je sais reconnaître un logo.

    J'enfournai une autre bouchée, mastiquant en prenant mon temps avant de reprendre :

    — Ensuite, je suis allée dans son appartement… Ou plutôt, dans son palais. Un duplex avec une immense cage d’escaliers en colimaçon. Le tout devait faire au moins mille mètres carrés, facile. Sur le coup, je me suis dit qu’il était forcément marié, alors j’ai voulu me tailler, mais il a réussi à me convaincre.

    — Pourquoi avoir pensé qu’il était marié ? fit Stella.

    — Pourquoi avoir besoin de tant d’espace si on vit seul ? rétorquai-je du tac au tac. Je ne vois aucune logique là-dedans.

    — Brutus…, marmonna Colton en se frottant le menton.

    — Alors il est blindé de thunes ? continua Zach qui n’en croyait pas ses oreilles. Et tu n’as pas envie de le revoir ?

    — Meuf, un mec comme ça, faut lui mettre le grappin dessus, me réprimanda Stella. Tu pourrais être Mme Bugatti.

    Colton, qui ne parlait plus, sortit sur son téléphone et tapa quelque chose.

    — Je ne veux pas devenir Mme Bugatti, protestai-je. Je m’en fous qu’il soit riche. Ce type n’est qu’un tombeur. Tout ce qui l’intéresse, c’est de baiser. Pourquoi est-ce que je voudrais d’une relation avec un type pareil ? De toute façon, c’est trop tard. Il n’a pas mon numéro.

    — Est-ce qu’il t’a dit quelque chose quand tu es partie ce matin ? voulut savoir Stella.

    — Nan, j’ai filé en douce.

    Je continuai à manger jusqu’à ce que mon assiette soit vide – à l’exception d’une flaque de sirop.

    — Bon sang… T’es complètement tarée ma pauvre vieille, reprit Stella, dépitée. T’aurais dû rester, et jouer de tes charmes jusqu’à ce qu’il tombe raide dingue de toi.

    J’avais aimé deux hommes dans ma vie, mais aucun des deux n’était tombé amoureux de moi. Je ne savais pas y faire. Je n’aurais guère mieux réussi avec celui-ci.

    — C’est pas mon genre de mec. Lui, il est bien pour s’amuser un coup, pas pour vivre quelque chose de sérieux. Et s’il est vraiment aussi riche qu’il en a l’air, il doit être sacrément imbuvable.

    — Est-ce qu’il l’était avec toi ? s’enquit Stella.

    — Non… Mais faut dire qu’on n’a pas beaucoup parlé.

    Il était du genre grand et ténébreux – un peu comme Finn, pour tout dire. C’était d’ailleurs ça qui m’avait incitée à garder mes distances. Je voyais venir les mecs dangereux à des kilomètres maintenant.

    Colton brandit soudain son téléphone.

    — Est-ce que c’est lui ?

    Je jetai un coup d’œil à l’écran et remarquai un homme tout à fait charmant quitter un immeuble dans un costume hyper chic. Il avait la même teinte de cheveux, la même ombre sur le menton et les mêmes mains nervurées de veines que le gars d’hier. La montre, en revanche, n’était pas la même.

    — Ouais… C’est lui.

    — Brutus Hemmingway ? s’étrangla Colton. Tu as couché avec Brutus Hemmingway ?

    — Quoi, je suis supposée le connaître ? demandai-je platement.

    Milliardaire ou non, il ne m’intéressait pas.

    — Bordel de merde ! s’écria Zach. C’est genre un des mecs les plus riches du pays. Il a ouvert une entreprise de livraison il y a une dizaine d’années. Ils arrivent à livrer les clients en quelques heures seulement. C’est complètement ouf !

    Stella lui arracha le téléphone pour mieux examiner la photo.

    — Oh la vache… Il est vraiment CA-NON, lui !

    Zach lui jeta un regard noir.

    — Quoi ? fit l’intéressée en lui tendant à son tour. Désolée, mais il est vraiment très très beau. Va pas dire le contraire.

    Zach finit par hausser les épaules puis Colton reprit son téléphone.

    — Ce type est assis sur un empire de cent cinquante milliards de dollars.

    Millions, milliards… À ce stade, quelle différence ?

    — L’argent ne fait pas le bonheur, Colton, soupirai-je. C’est de l’argent, c’est tout.

    La preuve : même avec de telles sommes, je serais toujours aussi malheureuse.

    — Ce n’est pas ce que je voulais dire, reprit-il. Ce que je veux dire, c’est que t’as couché avec un mec du gratin !

    — Et ? C’est original, c’est vrai, mais bon…, convins-je en haussant les épaules.

    — « Original » ? répéta Zach. « Trop classe », tu veux dire ! Mais pourquoi est-ce que tu n’as pas envie de le revoir ?

    Son argent ne m’impressionnait pas. À la rigueur, la seule chose qui m’avait vraiment plu chez lui, c’était son corps si ferme et ses lèvres douces. Ce que je cherchais chez un homme, c’était qu’il sache se contenter de peu, qu’il préfère aider autrui plutôt que de se faire une tonne de fric. C’est-à-dire, un homme suffisamment altruiste pour accepter de faire des sacrifices. Un homme qui sait apprécier les choses simples de la vie… Sauf que l’homme que je décrivais là était bien loin de moi désormais, à l’autre bout du monde et, sans doute, dans les lits de bien d’autres femmes. Il ne pensait plus à moi. Alors pourquoi penser à lui… ?

    — Peu importe, répliquai-je, totalement désintéressée. Des hommes, il y en aura d’autres…

    Une semaine plus tard, Brutus m’était complètement sorti de la tête. Il n’était qu’un nom de plus sur la liste de mes amants dont le souvenir s’effacerait comme celui des autres. On était déjà vendredi, et comme tous les vendredis, j’envisageais de sortir après le boulot.

    Alors que je travaillais à la boutique, Colton me rendit visite.

    Vu sa tenue – costume cravate –, il devait être en pause. Il arriva au comptoir et y posa les coudes, tout beau avec une toute nouvelle coupe de cheveux. Je notai devant lui que, même s’ils n’avaient pas tant de traits en commun que ça, Colton ressemblait tout de même à Finn.

    — Comment ça va ?

    — Ça va. Journée calme.

    — Je ne comprends pas pourquoi ce n’est pas toujours noir de monde une boutique de lingerie.

    Il sortit son téléphone pour consulter ses messages.

    — Ça te tente qu’on aille manger ensemble ? proposa-t-il. Un Mega Shake ?

    Je me passai la main sur le ventre.

    — Si tu veux, mais rien de trop lourd. J’ai beaucoup trop mangé ces derniers temps.

    — Trop mangé ? Tu n’as jamais été plus mince !

    — Mais quand je vais aux cours de Stella, mon repas de la veille fait des bonds dans mon estomac. Alors rien de trop gras ou de trop riche.

    Il tira la langue, mi-taquin, mi-déçu, soupirant :

    — Quelle rabat-joie…

    — Et si on se faisait un indien ?

    Il haussa les épaules.

    — Pourquoi pas…

    À cet instant, la sonnette de la porte tinta. Quelqu’un venait d’entrer.

    — Laisse-moi juste m’occuper de ce client d’abord.

    Peut-être que je ne vendrais rien… Mais il était rare qu’une femme pénètre dans cette boutique sans avoir une idée en tête, donc je doutais de cette éventualité. Et quand même ce ne serait pas le cas, la plupart d’entre elles finissaient par craquer sur tel ou tel article.

    — Je vais m’asseoir, fit Colton en se dirigeant vers un confortable fauteuil en cuir où il s’assit, avant de se reconcentrer sur son téléphone.

    Je levai alors la tête pour accueillir la personne qui venait d’entrer, mais mes yeux rencontrèrent un visage masculin plutôt familier. Ma stupéfaction fut telle que j’en perdis mes moyens. Mes mains n’avaient pas bougé, à plat sur le comptoir, mais sinon elles auraient tremblé.

    Carrant les épaules, le dos droit et un léger sourire aux lèvres, Brutus s’approchait d’une démarche assurée. Ses jolis yeux verts conféraient un charme tout particulier à son visage. Tout comme la dernière fois, il portait un jean et un t-shirt, mais aujourd’hui une veste bleu nuit complétait sa tenue. Les yeux rivés sur les miens, il arriva à ma hauteur et se posta devant moi, posant les mains sur le comptoir à quelques centimètres des miennes.

    J’eus beau garder la face, je ne faisais pas la fière. Notre nuit à Brutus et moi s’était soldée comme la plupart des coups d’un soir, mais à en juger l'expression qu’il me jetait, je n’aurais peut-être pas dû filer en douce.

    En voyant qu’un drôle de silence s’installait, Colton coulissa un regard dans ma direction, puis, en repérant Brutus, il écarquilla les yeux.

    Je reportai mon attention sur mon visiteur, qui n’avait pas cillé une fois depuis qu’il avait franchi le seuil de ma boutique.

    — Bonjour monsieur ! Qu’est-ce qu’il vous faut  ? Des culottes ? Des bas ? Oh, je sais : peut-être êtes-vous intéressé par notre collection de guêpières ?

    Dans un cas comme celui-ci, rien de mieux que le sarcasme.

    — Oui, oui et… avec grand plaisir.

    Ce n’était peut-être pas si malin après tout.

    — Enfin, si c’est vous qui les portez, j’entends.

    Il dégageait une telle assurance qu’on aurait pu croire qu’il possédait l’endroit. La propriétaire, c’était moi, pourtant. Sa présence me faisait l’effet d’un gros nuage de pluie, prêt à éclater à tout moment au-dessus de ma tête.

    Malgré mon désarroi, je ne laissai rien paraître. J’avais vraiment pris mon pied avec lui l’autre soir. Il m’avait baisée contre un mur, par-derrière sur un canapé, puis il m’avait fait jouir coup sur coup dans son lit, en position du missionnaire. Ceci dit, à mon avis, Brutus devait être habitué à des expériences comme celles-là – c’était grâce à lui que ça avait été si bon.

    Je me tournai vers Colton, mais ce dernier ne se révéla d’aucun secours. Il se contenta de nous regarder d’un air ahuri.

    Crotte… J’aurais préféré avoir cette conversation en privé, mais visiblement, la présence d’une oreille indiscrète ne semblait pas déranger Brutus.

    — Comment est-ce que tu m’as retrouvée ? Ou alors, c’est une coïncidence ?

    — Non, ce n’est pas une coïncidence. C’est assez rare que je flâne dans une boutique de lingerie un vendredi en milieu de journée.

    — Pourquoi, ce sont des envies qui te prennent plutôt le lundi, c’est ça ?

    L’intensité de son regard vacilla soudain, remplacée par un sourire.

    — Dînons ensemble ce soir.

    Il était si sûr de lui, comme s’il n’envisageait même pas que je puisse décliner. Encore un arrogant, ce qui ne m’étonnait pas.

    — Je ne peux pas.

    J’étais tentée d’accepter, mais j’avais déjà joué à ce petit jeu, et je m’étais bien cassé la gueule après. Les plus beaux mecs ne veulent jamais se caser. Ils abaissent leurs barrières parfois, un peu, juste assez pour vous laisser une place dans leur cœur, mais temporairement seulement. Brutus n’échappait sûrement pas à la règle. Quant à moi, seul le célibat me tentait à présent, quitte à élever seule des enfants un jour, quand mes finances me le permettraient. À quoi un homme me servirait-il ? À part à me faire jouir…

    — Dans ce cas, on se dit demain soir ?

    Non merci, les tête-à-tête, très peu pour moi. Ce n’était pas le genre d’intimité que je recherchais. Les longues conversations enflammées sur nos passés respectifs, ça ne me disait rien. Mes dialogues avec les hommes se limitaient à présent à la liste de mes cocktails ou à mes positions préférées. Hors de question d’ouvrir encore mon cœur à un homme. J’avais déjà commis assez de fois cette erreur.

    — Tu es charmant, je te l’accorde… Mais ça ne m’intéresse pas.

    Un silence de mort s’abattit sur nous. Brutus me dévisagea d’un air stoïque durant plusieurs secondes , sans qu’il ne bouge d’un poil. Sans dévier une seule fois du regard, comme s’il n’arrivait pas à digérer mon refus.

    Colton baissa son téléphone et me jeta un regard interloqué.

    — Tu es folle ou quoi ? articula-t-il sans un bruit.

    De toute évidence, cet homme n’avait pas l’habitude qu’on lui dise non. Bien que foudroyée par ses yeux de feu, je campai sur mes positions, sans flancher.

    — Puis-je savoir ce qui, en fait, ne t’intéresse pas ?

    Sa voix avait baissé de plusieurs tons.

    — D’avoir des rencards.

    — Je vois. Peut-être que tu préférerais juste baiser ?

    Certes, c’était tentant, mais c’était périlleux.

    — N’y vois rien de personnel, répondis-je calmement, mais je ne couche jamais deux fois avec le même homme.

    Cette fois, il eut l’air totalement sidéré. Colton, lui, semblait sur le point de s’arracher les cheveux.

    Sans un mot, Brutus tourna les talons et s’avança vers la sortie. Il garda le dos droit, digne comme un homme qui ne venait pas de subir deux rejets consécutifs.

    — Qu’est-ce qui ne tourne pas rond chez toi ? explosa Colton une fois Brutus parti. Il est super canon, et tu le rembarres comme ça ?

    Il s’attrapa le crâne, au bord de la crise de nerfs, puis reprit :

    — Un des hommes les plus riches du pays vient exprès dans ta boutique pour t’inviter à sortir avec lui et tu le rejettes comme un moins que rien ?

    — Je t’ai déjà dit que je me fichais de son fric !

    — Et son cul, hein, tu t’en fiches aussi ? Ses bras musclés ? Sérieux, t’es devenue complètement dingue ?

    — Je n’ai aucune envie que ça devienne sérieux.

    — Il t’a proposé un resto, pas un week-end en amoureux !

    — Même.

    Je contournai le comptoir, attrapant mon sac au vol.

    — Je les vois venir, les mecs comme lui. Confiants, peu bavards, seulement obnubilés par ce qui leur est inaccessible. Par contre, une fois leur désir satisfait, c’est fini, hop, ça ne les intéresse plus. Et moi, j’ai donné, alors non merci.

    En comprenant ma référence à Finn, Colton étouffa un soupir.

    — Je savais bien que tu ne t’en étais pas remise…

    — Comment veux-tu que je m’en remette, Colt ? Il m’a demandée en mariage, putain ! Il voulait m’épouser jusqu’au jour où on lui a proposé mieux. Et là, je n’entrais plus en compte. Il a carrément préféré s’installer dans une hutte je ne sais pas où plutôt que d’être avec moi. Non, je ne suis plus amoureuse de lui, et j’ai recommencé à vivre. Mais… ça continue à faire mal. Les relations, c’est fini pour moi. Je n’y crois plus.

    — Ne dis pas ça…

    — Les deux hommes que j’ai aimés m’ont chacun brisé le cœur.

    Son regard s’emplit de culpabilité.

    — J’en ai ma claque, c’est tout. Je ne veux plus m’engager.

    — Ça finira par aller mieux. Un jour tu trouveras le bon et…

    — Le « bon » comme tu dis, ça n’existe pas, Colton. Non, je veux juste profiter. Et un jour, si j’ai les moyens, je fonderai une famille. Seule.

    — Seule ? répéta Colton, hébété.

    — Pourquoi pas ? Les mères célibataires, ça existe depuis la nuit des temps.

    — Attends, tu brûles les étapes, Pepper. Brutus pourrait être celui qu’il te faut, mais tu ne lui as pas laissé sa chance.

    Une chose était sûre : il n’était pas celui qu’il me fallait. Un homme aussi fortuné que lui n’accepterait jamais de se contenter d’une seule femme.

    — Bon, et si on parlait d’autre chose. Tu veux toujours qu’on aille déjeuner ?

    Comprenant que je n’en démordrais pas, Colton déclara forfait.

    — Oui… Allons-y.

    3

    Finn

    Allongé dans mon appartement obscur, j’étais assailli de cauchemars. Des sons de grenades, explosant juste à côté de moi, me perçaient les tympans à répétition. Du sang giclait dans les airs, éclaboussant ma peau d’horrifiantes taches de rousseur. Mon ami agonisait dans mes bras, les yeux exorbités de terreur, sur le point d’affronter l’inconnu. Les images se succédaient, toutes plus effroyables les unes que les autres, sans aucune suite logique. Mais l’apparition subite d’une jolie brune aux yeux verts vint rendre ce cauchemar plus insoutenable encore.

    Les cheveux calés sur une épaule, elle lambinait sur mon canapé dans une robe confortable et regardait la télé avec Soldier. Elle était plus belle que jamais, absolument rayonnante, comme un diamant au soleil. Elle se tourna alors vers moi pour m’adresser le regard qu’elle me réservait toujours, où la tendresse, l’admiration et la confiance côtoyaient l’amour. Puis elle se leva, et je vis l’étoffe de sa robe s’étirer sous la rondeur de son ventre.

    Elle était enceinte.

    Mon cœur se serra d’amour devant elle, mais pour une raison étrange, une drôle de pulsion vint brouiller mon jugement. Je lui tournai prestement le dos et pris la porte, l’ignorant malgré ses appels.

    La scène me tira de mon sommeil.

    Je me redressai dans mon lit et contemplai la pièce plongée

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