À propos de ce livre électronique
Elle n'a jamais eu de choix à faire. Il pourrait bien tout remettre en question...
Lucy ne s'attendait pas à voir son petit-ami mettre un genou à terre en pleine garden-party. Mais elle sait ce que sa mère attend d'elle. Elle doit sourire et dire "oui". Alors pourquoi s'évanouit-elle devant tous les invités ? Et pourquoi ces fiançailles la font-elle paniquer à ce point ?
Quand un oncle dont elle ignorait l'existence l'invite en Corrèze, Lucy a beau détester la campagne, elle saute sur l'occasion et s'évade loin du stress des préparatifs du mariage. Mais, une fois sur place, la petite princesse lyonnaise cumule les catastrophes et a bien du mal à trouver ses marques. Pour couronner le tout, l'ami de son oncle, l'acariâtre – mais diablement sexy –James prend un malin plaisir à bousculer ces certitudes…
Lucy sortira-t-elle indemne de ce séjour en Corrèze ou y laissera-t-elle quelques plumes ?
*************************************************
ILS ONT AIME
"L'histoire d'une princesse des temps modernes qui a un avenir tout tracé dans la tradition familiale qui, le temps d'un été apprend à vivre (...) J'ai adoré l'intrigue, les rebondissements inattendus, les secrets de famille. J'ai adoré découvrir la Corrèze à travers les yeux de son auteure. Et j'ai aussi adoré les personnages secondaires, mention spécial pour James of course!" (Alice au pays des livres)
"Léger, avec tout de même de la réflexion, de l'amour, de l'humour et du soleil ! (...) C'est délicat et bien tourné. C'est drôle et charismatique. (...) C'est plein de vie, de tourments et de retournements de situation. On suit pleins de petites histoires et c'est un régal." (L'instant des lecteurs)
"D'intrigues en rebondissements, on est tenu en haleine mais aussi on se laisse embarquer avec ravissement dans cette magnifique histoire auréolée d'amour." (Myriam, livre passion 06)
"C'est une très belle histoire remplie de rebondissements avec des situations cocasses, drôles, tendres et parfois tristes, des remises en question, des revirements à 190 degrés, mais surtout une belle leçon de vie que cette Lucy vivra à travers le temps passé et présent et à travers plusieurs événements, découvertes et d'apprentissage." (Mille et Une Pages)
Autres titres de la série Laisser l'oiseau s'envoler ( 3 )
Laisser l'oiseau s'envoler: Lucy Loiseau, #1 Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationLa ritournelle de l'hirondelle: Lucy Loiseau, #2 Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationTelle une plume au vent: Lucy Loiseau, #2.5 Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluation
En savoir plus sur Sam De Luca
Comment j'ai sauvé Noël (et ruiné ma réputation) Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluation
Lié à Laisser l'oiseau s'envoler
Titres dans cette série (3)
Laisser l'oiseau s'envoler: Lucy Loiseau, #1 Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationLa ritournelle de l'hirondelle: Lucy Loiseau, #2 Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationTelle une plume au vent: Lucy Loiseau, #2.5 Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluation
Livres électroniques liés
Le tour d’Edmonde en 80 jours: Biographie imaginaire Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationAnna au fil de l'Art: Souvenirs en garde à vue Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationNoëlle Deschambault Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationMa vie en horoscope Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationFucking quarantaine Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationQuand le karma s'en mêle ! Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationNuits D’été moites Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationLes multipliants du Tonkin Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationUne amitié éternelle et sacrée Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationDouceur et sucreries Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationGardienne avertie ! 05 : Pas de relâche pour l'été Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationL'envers de Catherine Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationL'ambre de tes yeux Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationTête de brume Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationBulle de savon Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationPrintemps 1968 Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationLady Lacoste Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationIndélébile Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationLes choco-noisettes sont meilleurs au petit matin Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationJ'ai épousé un millionnaire Évaluation : 3 sur 5 étoiles3/5Jeu de Mains: L'amour est une révolution Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationLa peau de l'autre: Polar Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationDanse avec moi: Couples à la dérive Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationUne autre histoire de famille 02 : L'auberge Inn Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationAh mère tu’ m: Adieu l'enfance Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationFrédérique s'autoconstruit Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationMarquée du sceau de l'épreuve: Récit d'une histoire vraie Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationGrain de sable à St-Pierre-Quiberon: Un polar au dénouement inattendu Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationÉté 1966 Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationUn simple grain de sable: Une enquête du commandant Perrot - Tome 10 Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluation
Comédie romantique pour vous
L’Héritage : Tout ce qu’il Désire Évaluation : 5 sur 5 étoiles5/5Les Possédés Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationTeste-moi si tu peux Évaluation : 5 sur 5 étoiles5/5Rêves Érotiques 5 - Histoires Erotiques Très Chaudes: Dix Histoires De Sexe Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationLe Joueur Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationRêves Érotiques 4 - Histoires Erotiques Très Chaudes: Dix Histoires De Sexe Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationJ'ai l'intention d'être le partenaire idéal d'un tyran Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationSecrets des coeurs romantiques Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationTout ce qu’il désire (L’Argent de mon Lait) Évaluation : 4 sur 5 étoiles4/5Rêves Érotiques 7 - Histoires Erotiques Très Chaudes: Dix Histoires De Sexe Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationDes Frères en Uniforme : Noël Chez la Famille Bryson: Des Frères en Uniforme, #4 Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationUn Démon et sa Sorcière: Bienvenue en Enfer, #1 Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationRêves Érotiques 3 - Histoires Erotiques Très Chaudes: Dix Histoires De Sexe Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationContes de sagesse: Au coin du feu comme au coin de la rue Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationLa Quête du Lion: Le Clan du Lion, #12 Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationPrise Dans Les Glaces: Agence de Rencontres Paranormales, #7 Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationSex&love.com: Petite parodie des sites de rencontres ! Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationQuand Un Oméga Craque: Le Clan du Lion, #3 Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationQuand un Alpha Ronronne: Le Clan du Lion, #1 Évaluation : 4 sur 5 étoiles4/5Quand un Lion Rugit: Le Clan du Lion, #2 Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationJack O'Lion: Le Clan du Lion, #15 Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluation
Catégories liées
Avis sur Laisser l'oiseau s'envoler
0 notation0 avis
Aperçu du livre
Laisser l'oiseau s'envoler - Sam DeLuca
LAISSER L’OISEAU S’ENVOLER
Sam DeLuca
Laisser l’oiseau s’envoler
ROMAN
Les personnes et les événements dans ce roman sont fictionnels. Toute ressemblance avec des personnes ou des événements réels ne saurait être que fortuite.
Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction, intégrale ou partielle réservés pour tous pays. L’auteur ou l’éditeur est seul propriétaire des droits et responsable du contenu de ce livre.
Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayant droit ou ayant cause, est illicite et constitue une contrefaçon, aux termes des articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Design couverture : Sam DeLuca
Crédits photos :
Couverture : Bedya sur Adobe Stock (#83773332)
Photo de l’auteur : Clément Berthet
ISBN : 9798678614926
Dépôt légal : septembre 2020
À tous les oiseaux
qui se sont envolés trop tôt…
Il était une fois…
dimanche 3 juin 2018
Je sais que j’ai dit oui. Comme toujours.
Mais on a le droit de changer d’avis.
Non ?
Je ne suis pas à ma place, ici ! Quelle idée ai-je eu de m’infliger pareille torture ?
Le jour où je croise celui qui a eu l’idée d’inventer les garden parties, il va m’entendre. Car il me paraît impensable qu’une femme ait eu une telle idée. Pourquoi voudrait-on se retrouver dans un jardin pour manger, debout, les talons hauts enfoncés dans l’herbe, alors qu’on pourrait être confortablement installé à l’intérieur, à l’abri de toutes ces satanées bestioles ?
Bzzz… Bzzz…
Ah, non, mais ça suffit ! Déjà les mouches, c’était pénible, si maintenant les guêpes s’y mettent, j’extirpe mes Louboutin de la terre et je file chez moi. Il n’y a que pour mon parrain que j’accepte de supporter ce genre d’épreuves. Et c’est bien parce que cette lubie ne le prend qu’une fois par an, pour son anniversaire ! L’autre avantage : il organise toujours ça un dimanche après-midi, ce qui me permet d’occuper cette journée que je déteste car il n’y a rien à faire – entendez, aucun magasin où flâner. C’est d’ailleurs aussi pour cette raison que ma sortie hebdomadaire avec ma meilleure amie est fixée à ce soir-là pour éviter le blues du dimanche soir…
C’est vrai aussi qu’avec l’arrivée des beaux jours, tout le monde est en général ravi de cet intermède au vert.
Tout le monde, sauf moi.
Je n’aime pas la campagne, ses petites bêtes (encore moins les grosses) et ses odeurs indéfinies.
Heureusement, la maison de Jean-Louis n’est pas réellement
à la campagne, au sens littéral du terme. Il n’habite pas dans une ferme (Dieu merci !) au milieu des champs. Il a acheté ce petit manoir à quinze minutes de Lyon, il y a une vingtaine d’années, pour ses week-ends et parfois ses vacances. Je n’avais que cinq ans à l’époque et, en parrain dévoué et attentif, il avait tenté de me convertir aux joies de la vie en plein air. Mais il avait bien dû se résigner quand il m’avait retrouvée hurlant à la mort parce qu’une araignée avait fait sa toile sur le vélo qu’il m’avait acheté à un anniversaire. Cette rencontre des plus traumatisantes dont je garde, encore aujourd’hui, un souvenir vif, avait sonné la fin de mon apprentissage rural et de ma carrière de cycliste.
Cela ne fait que trente minutes que nous sommes arrivés et déjà, je rêve du moment où nous pourrons repartir. Le temps de trouver Jean-Louis, de discuter un peu et de lui faire une bise pour ses soixante ans. Les réceptions huppées, j’ai l’habitude, le cadre bucolique, nettement moins.
J’essaie de me rassurer en me disant que ce n’est qu’un mauvais moment à passer. Si tout se passe bien, dans moins d’une heure, nous pourrons quitter ce lieu prétendument idyllique et je pourrai retrouver Camille qui m’attend pour m’annoncer une grande nouvelle
. Je me demande bien de quoi il s’agit… Peut-être a-t-elle, elle aussi, enfin rencontré le grand amour ?
En parlant de grand amour, j’effectue un scan à 360 degrés autour de moi pour voir où a bien pu passer Laurent. Cela fait presque dix minutes qu’il est parti nous chercher une coupe de champagne et j’aimerais beaucoup utiliser ce réconfort alcoolisé pour me calmer les nerfs. Je suis une fille de la ville. Ici, je n’ai plus de repères, un peu comme un poisson hors de l’eau.
Finalement, j’aperçois Laurent près de l’escalier qui mène à la terrasse, en grande discussion avec une femme vêtue d’un tailleur vert foncé. Elle me tourne le dos mais je reconnaîtrais entre mille la stature droite et fière de l’Impératrice. Ce chignon banane châtain zébré de mèches plus claires, juste ce qu’il faut pour faire croire que le soleil a fait son effet. Ne surtout pas montrer que ce résultat nécessite 175 euros et deux heures chaque mois.
Quand je m’approche d’eux, Laurent fait un discret signe de tête à son interlocutrice qui se retourne, me gratifie d’un sourire qui n’atteint pas ses yeux et me scanne des pieds à la tête.
— Ah, Lucy ! C’est un choix plutôt audacieux, cette robe. On dirait un drap noué par des ceintures… remarque-t-elle avec sarcasme.
— Bonjour Maman, réponds-je avec calme.
La vendeuse m’avait assurée que ce créateur était le prochain Christian Dior… La prochaine fois, je reste sur une valeur sûre !
— Chéri, je reprends à l’adresse de Laurent, tu devais nous trouver deux coupes de champagne.
Laurent vient se placer tout contre moi et dépose un léger baiser au coin de mes lèvres. Pas d’effusion en public. C’est la règle pour ce genre d’événements.
— J’ai rencontré ta mère en chemin, j’y vais de ce pas, chérie. Caroline, je vous en ramène une aussi ?
Ma mère secoue la tête :
— Non, je vous remercie Laurent. Jean-Louis semble avoir oublié les règles de la bienséance. Il propose une soupe de champagne, répond-elle avec une grimace. Comme si les gens avaient envie de boire quelque chose que l’on sert avec une louche ! Pourquoi ne pas tremper directement un gobelet dans le saladier, tant qu’on y est…
Je réprime un sourire et fais signe à Laurent de déguerpir tant qu’il est temps.
— Je voudrais bien une eau gazeuse, néanmoins, si vous en trouvez.
Laurent prend congé et se dirige vers le buffet tandis que ma mère me prend le bras pour m’attirer à l’écart du groupe.
— Lucy, tu devrais faire plus attention à Laurent. Vous n’êtes pas encore fiancés, et déjà, tu le laisses filer au milieu de concurrentes potentielles. Sans compter qu’on te dirait tout droit sortie du lit habillée ainsi…
— Maman…
Je la rabroue pour la forme, sachant pertinemment qu’elle ne va pas lâcher le morceau.
— On a bien le temps !
— Justement non, rétorque-t-elle. Tu es en train de perdre un temps que tu n’as pas. Il est presque déjà trop tard. Tes belles années, elles sont maintenant, pas dans cinq ou dix ans. À ton âge, j’étais déjà mariée et mère, je te le rappelle.
— Oui, et tu n’allais pas tarder à être veuve d’ailleurs !
Ma mère s’arrête de marcher et me jette un regard noir. Ça non plus, ce ne sont pas des choses qui se font en public. Qu’il s’agisse de tenir tête à sa mère ou d’évoquer un drame.
— Je te présente mes excuses, je n’aurais pas dû dire ça, dis-je avec remords.
— Passons, reprend ma mère. Toujours est-il que tu as presque trente ans, Laurent et toi vous fréquentez depuis plus d’un an. Il serait temps d’arrêter de te faire désirer et accepter tes responsabilités. Quand Laurent aura pris la direction du Château, il aura besoin de toi à ses côtés.
Voilà mon avenir tout tracé : un mariage avec le futur directeur de la chaîne d’hôtellerie de luxe que Jean-Louis a fondée avec mon père. Laurent y a fait ses premières armes, Jean-Louis l’a pris sous son aile et c’est là-bas que nous nous sommes rencontrés. Une rencontre des plus mythiques d’ailleurs, qui s’est soldée par l’intervention des pompiers.
— Et puis, reprend-elle, tu ne vas pas vivre aux crochets de ta mère toute ta vie, quand même…
Cette fois, c’est moi qui m’arrête et la dévisage :
— C’est toi qui n’as pas voulu que je cherche un travail ou un appartement, car c’était, toujours selon toi, un répulsif à bons partis.
— Et je le pense toujours. Un jeune homme de bonne famille comme la nôtre aura été élevé dans l’idée que c’est à lui de subvenir aux besoins de sa famille. Il n’a pas envie d’une femme qui l’émascule avec son indépendance féministe.
Si quelqu’un écoutait notre conversation, il pourrait croire que nous sommes en 1950. Mais non, nous sommes en 2018 et ma mère pense toujours qu’une femme se doit d’être là pour son mari qui, lui-même, est là pour la protéger et l’entretenir. J’ai grandi avec cette conception de ce que doit être un couple. C’était l’image que me renvoyaient mes parents, même si je n’ai que peu de souvenirs d’eux ensemble. Je n’avais que six ans quand mon père est décédé. Depuis, ma mère ne s’est pas remariée et je doute même qu’elle ait eu de nouvelles aventures sentimentales. Elle doit se plaire dans son rôle de veuve qui fait passer le bonheur de sa fille avant le sien. Car si Caroline Loiseau, née de la Pellière, a un objectif en tête, c’est bien celui de me trouver un bon parti à épouser pour sécuriser mon avenir. Elle n’y peut rien, elle-même a été formatée ainsi par sa propre mère.
C’est ainsi que, près de dix ans après mon baccalauréat, j’habite toujours chez ma mère. Pas avec ma mère, je précise. Elle m’a fait aménager, il y a quelques années, un petit duplex dans l’hôtel particulier que mon père et elle ont acheté à leur mariage. L’Impératrice a toutefois limité mon indépendance puisque je dois passer par la porte principale pour accéder à mon appartement. Et si je dispose d’une cuisine équipée, j’avoue préférer me reporter sur les bons petits plats que Jacques, le majordome, concocte chaque jour ou sur les livraisons à domicile.
— Laurent est vraiment le meilleur parti possible, Lucy. Après tous les minables que tu as récoltés… conclut-elle, satisfaite.
J’ai longtemps cherché mon prince charmant comme dans les contes de fées que je dévorais étant enfant. J’ai rencontré des modèles machos, pingres, dépressifs, dépendants… Mais le vrai prince charmant, j’ai mis longtemps à le trouver. Celui qui n’a que des défauts mignons, comme par exemple porter des chaussettes South Park à chaque moment important de sa vie. Et celui qui recèle des qualités inestimables : Laurent ne ronfle pas, n’appelle pas sa mère trois fois par jour, ne me dit jamais que j’ai l’air grosse dans ma nouvelle robe alors que je viens de m’enfiler l’équivalent du budget du Nigeria en junk food. Il me traite comme une princesse, m’emmène faire du shopping, regarde les films à l’eau de rose avec moi, ne me dit jamais non et s’appelle réellement Charmand. Cela ne peut pas être une coïncidence…
D’ailleurs, le voilà qui revient avec deux coupes de champagne en équilibre sur une main, et un verre d’eau gazeuse dans l’autre, qu’il tend à ma mère.
Je le remercie d’un sourire franc. Ce champagne va peut-être m’aider à me détendre.
Ma mère aperçoit une amie de longue date et nous abandonne, ce qui me laisse un peu de répit. Une fois partie, j’en profite pour siffler mon champagne d’une traite.
— Eh bien, quelle descente ! s’amuse Laurent. Si tu veux te saouler, préviens-moi, que l’un de nous deux soit en état de ramener la voiture…
Déjà, les effets des bulles commencent à se faire ressentir, à mesure qu’elles me chatouillent la gorge.
— Ah mais vous conduisez, monsieur Charmand. Je n’aime pas les routes de campagne… Sans parler de conduire ta Jaguar. Je ne suis à l’aise qu’en ville, bien calée derrière le volant de ma petite citadine.
Pour toute réponse, il rit et secoue la tête.
— Allons chercher Jean-Louis qu’on puisse filer d’ici rapidement… Le grand air me fatigue… dis-je en partant en éclaireuse, accrochée au bras de Laurent.
Nous trouvons mon parrain en grande discussion avec un homme en queue de pie. Sans doute le majordome embauché pour l’occasion. Ce dernier acquiesce d’un signe de tête avant de s’éloigner discrètement. Jean-Louis nous aperçoit et s’avance d’un pas enthousiaste vers nous :
— Ah ma filleule adorée, viens par ici que j’admire la beauté que tu es devenue !
Je rougis et lui rends son sourire.
Jean-Louis a toujours eu le chic pour me remonter le moral. Il a été ma figure paternelle de substitution après le décès de mon père. Avec son travail et ma vie personnelle, nous ne nous voyons pas aussi souvent qu’avant, mais nous parvenons malgré tout à organiser un déjeuner en tête-à-tête tous les deux mois.
— Bon anniversaire, Parrain. Tu es resplendissant.
Il me serre dans ses bras après m’avoir complimenté sur ma robe – offerte par Laurent pour l’occasion, ainsi que deux autres puisque je n’arrivais pas à décider laquelle je préférais – et tend une main à Laurent.
— Bonjour Laurent, ravi de vous compter parmi nous.
— Tout le plaisir est pour moi, monsieur, répond Laurent. C’est un grand jour.
En plus de l’anniversaire de mon parrain, nos familles sont réunies pour officialiser la future passation de Jean-Louis à Laurent. De loin, je repère les parents de Laurent. Si j’ai toujours trouvé ma mère un peu rigide en termes de conventions sociales, je lui ai trouvé son maître. Ou plutôt sa maîtresse. Hortense Charmand porte mal son nom. Elle est un parfait mélange entre la marâtre de Blanche-Neige et la Baronne de Rothschild. Laurent a pris le caractère de son père. Accro au travail, businessman dans l’âme, prêt à tout pour arriver à ses fins.
Après avoir échangé les politesses d’usage et pris des nouvelles de chacun, Jean-Louis nous annonce que les discours vont pouvoir commencer.
Enfin, le supplice touche à sa fin. Je commence à sentir mes jambes flageoler à force de rester en équilibre sur l’avant des pieds pour ne pas planter mes talons dans le sol. J’ai l’impression qu’elles peuvent me lâcher à tout moment… Je voudrais bien retrouver la terre ferme du macadam citadin.
Je commence à trouver le temps long et regarde ma montre toutes les deux minutes. Laurent aussi semble pressé de partir et n’arrête pas de tapoter la poche de son pantalon en signe d’impatience.
Quand est-ce que ce gâteau va arriver ? Si la température est loin d’être caniculaire, les rayons du soleil tapent dur. À moins que ce ne soit un effet secondaire des quatre coupes de soupe de champagne que j’ai avalées, à défaut de les déguster. Heureusement que ma mère est hors de portée, sinon j’aurais droit à un remontage de bretelles quant à l’attitude à adopter dans de telles circonstances.
Jean-Louis lance un appel à la cantonade pour se rapprocher du buffet où deux serveurs sont en train d’installer le gâteau. Mon parrain n’a pas fait les choses à moitié, encore une fois. De là où je suis, je m’extasie sur la beauté de la pièce montée qu’il a commandée à la pâtisserie où travaille ma meilleure amie. Trois étages d’un blanc immaculé, ornés çà et là de roses rouges, sans doute en pâte d’amande, le tout agrémenté de ce qui ressemble à des plumes. Je l’immortalise pour la publier tout à l’heure sur Instagram, cela fera toujours un peu de publicité à Camille.
Tous les invités se sont regroupés autour de mon parrain qui nous remercie d’être venus fêter avec lui ce moment si important.
— Je sais que vous attendez avec impatience de goûter à ce merveilleux gâteau que vous dévorez des yeux. Si, si, ne mentez pas, je vous observe ! Mais aujourd’hui, je ne vous ai pas réunis que pour fêter mon soixantième anniversaire. À la rentrée prochaine, Laurent, qui me seconde depuis presque deux ans maintenant, prendra la direction du Château de Monloup à ma place. C’est un honneur pour moi car ce jeune homme représente un peu, si tu me le permets Henri, le fils que je n’ai jamais eu la chance d’avoir. Et souvent, il me rappelle mon ami, Charles, le père de Lucy, avec qui cette histoire a commencé il y a trente ans cette année.
Les gens applaudissent avec discrétion et un silence ému accueille la déclaration de Jean-Louis.
— J’espère d’ailleurs vous voir nombreux lors de cet anniversaire dans quelques semaines. Et comme une bonne nouvelle ne vient jamais seule, il y a ici une personne qui a une autre annonce à faire aujourd’hui…
Je regarde autour de moi, cherchant des yeux de qui il s’agit, mais personne ne bouge. Quand je porte à nouveau mon regard sur Jean-Louis, Laurent se tient à ses côtés. Une petite boîte en velours dans la main.
Oh. My. God.
Ce n’est pas possible, je dois être en train de rêver. Je me pince discrètement.
Tchac. Aïe.
C’est confirmé, je ne rêve pas.
Laurent se tient stoïque, le menton légèrement relevé, comme quand il sait qu’il a une main gagnante au poker. Il tient fermement l’écrin de velours bleu foncé entre ses mains.
Les miennes sont en train de réduire en lambeaux la serviette en papier que je gardais de côté.
Laurent me scrute, me sourit et prend la parole :
— Lucy, je sais que tu n’as qu’une hâte, c’est de retourner aussi vite que possible au plus près de la civilisation. Mais si tu m’accordes encore cinq petites minutes, je t’offrirai une vie entière au milieu des voitures, des immeubles et des magasins. Si c’est ce dont tu rêves, ajoute-t-il en riant.
Je me force à répondre à son rire mais une sorte d’étranglement prend possession de ma gorge. J’ai du mal à déglutir. J’aimerais bien boire un verre d’eau, mais je ne suis pas sûre que ce soit le moment de l’interrompre.
— Il y a un an, cinq mois et vingt-six jours, quand je t’ai rencontrée, j’aurais pu mourir dans tes bras. Au moment où tes yeux se sont posés sur les miens, j’ai su que j’avais trouvé la partenaire idéale. Celle qui saurait être là pour moi, dans les bons et les mauvais moments. Celle auprès de qui je voudrais rentrer tous les soirs. Celle qui m’accepterait tel que je suis, même quand je serai vieux, et peut-être même un peu con.
De petits rires discrets se font entendre.
Après ma gorge, voilà que c’est mon cœur qui s’emballe. Il tambourine si fort dans ma poitrine que j’en ai presque la nausée. Est-ce cela qu’on appelle avoir un coup de cœur
pour quelqu’un ? Je sais que quand on est amoureux, on dit qu’on a des papillons dans le ventre, mais là, j’ai plus l’impression qu’un alien s’est logé dans mon estomac et qu’il est sur le point de tenter une sortie à l’air libre. Je maintiens, tant bien que mal, un sourire sur mon visage pour n’alerter personne sur le marasme intérieur que je subis.
Cette chaleur est insoutenable… Je tente de m’éventer discrètement mais cela n’a guère d’effet.
Laurent met un genou à terre, sous le regard attendri de Jean-Louis. Il prend appui sur son genou gauche et ouvre le petit écrin de velours.
Je suis trop loin pour distinguer la bague.
— Lucy, veux-tu bien m’épouser et devenir madame Charmand ?
Il affiche un regard vif et un sourire Colgate. Le prototype parfait du fiancé idéal : charmeur et sûr de lui. Celui à qui personne ne résiste. À qui personne ne dit non. Celui à qui n’importe quelle fille rêverait d’unir sa vie.
Je sens les poids des regards posés sur moi. Je n’ai pas repéré où est ma mère à ce moment-là, mais je suppose qu’elle jubile. Avec une telle déclaration en public, toute la jet-set lyonnaise en parlera la semaine prochaine.
La gravité faisant son job, après la gorge, la poitrine et le ventre, c’est au tour de mes genoux de se transformer en marshmallows. Mais qu’est-ce qui m’arrive ? J’ai été bête, je n’aurais jamais dû boire autant. J’ai le cœur au bord des lèvres et un léger vertige fait danser mes yeux dans leurs orbites.
Devant mon silence (je n’ai toujours pas prononcé un mot, ni même versé une larme, depuis que Laurent a posé sa grande question), Laurent se racle la gorge :
— Lucy… Est-ce que tu m’as entendu ?
Parler me semble au-dessus de mes forces. J’opte pour un hochement de tête. Une fois en avant, une fois en arrière. Une fois en avant… et tout le contenu de mon estomac se trouve propulsé hors de mon corps. J’ai le réflexe inespéré de me pencher pour vomir, évitant ainsi une catastrophe vestimentaire en plus de la honte sociale que je viens de nous infliger, avant de sombrer sur le côté.
Une chose est sûre : toute la jet-set lyonnaise en parlera la semaine prochaine !
La Twingo de Cendrillon
dimanche 3 juin 2018
Quand je rouvre les yeux, je ne comprends pas pourquoi je suis allongée, habillée, sur un lit qui n’est pas le mien. Je reconnais la chambre où je dormais, enfant, lors de mes weekends chez Jean-Louis.
Jean-Louis. L’anniversaire. L’annonce. La pièce montée.
Des images me reviennent alors, de Laurent, agenouillé par terre. Avait-il perdu quelque chose ?
Un coup sourd résonne contre mes tempes, comme si mon sang tapait fort à cet endroit-là. Machinalement, je porte ma main gauche à mon front et soudain, je la vois.
Mon cœur s’accélère et une vague de chaleur me submerge. Pas une douce chaleur, plutôt un feu me consumant de l’intérieur. Comment une si petite chose peut provoquer un tel effet ? C’est pire que l’effet du battement d’ailes d’un papillon...
Elle est là. À mon annulaire gauche. La bague vintage. Surmontée d’un énorme diamant, lui-même entouré de rubis et d’autres diamants plus petits.
Dans mes rêves les plus fous, jamais je n’aurais osé imaginer une chose pareille.
Cette bague est tout bonnement affreuse.
Elle est lourde, vieillotte. Le truc qu’on imaginerait aux doigts de son arrière-grand-tante. Comment diable Laurent a-t-il pu penser que cette horreur me plairait ? J’espère qu’il ne s’agit pas d’un bijou de famille, sinon je ne pourrais jamais l’échanger !
Avec le souvenir de la demande en mariage revient aussi celui, moins heureux, de mon coup d’éclat… Comment ai-je pu me mettre dans un tel état ? Quelle image ai-je donnée de moi, devant tous ces gens que je côtoie sans cesse ? Pour autant, si je me souviens de sa demande, je ne me rappelle pas avoir répondu oui
avant de tomber dans les pommes.
Je trouve ça un peu curieux, pour ne pas dire envahissant, de m’avoir passé la bague au doigt avant d’avoir formulé ma réponse. Non pas que j’aurais envisagé de lui dire non
.
Non n’est pas un mot qui fait partie de mon vocabulaire de toute façon.
Mais cela ne fait qu’un an et demi et même si je suis sûre qu’il est mon prince charmant, c’est un engagement pour la vie. Surtout qu’il est très mal venu, dans ma famille, de divorcer. Comme ma mère m’a toujours dit : "Il n’y a pas de problème qu’une pierre précieuse ne puisse résoudre. J’ai toujours imaginé que, le jour où je me marierais, ce serait pour de bon. Pour le bon. Les mots de Laurent me reviennent en mémoire. Je suis
la bonne" pour lui. Et je pense qu’il est le bon pour moi aussi. Sinon, pourquoi est-ce que je m’amusais à regarder les magazines de robes de mariée lors de mes soirées fille avec Camille ?
Camille !
J’ai rendez-vous avec elle en début de soirée. Quelle heure est-il ?
Comme d’habitude, je ne porte pas de montre. Je n’ai jamais pu en garder une sans la dérégler. Cela a toujours amusé Camille : "Tu changes tellement d’avis que même aux aiguilles tu donnes le tournis !" me serine-t-elle.
Je cherche ma pochette qui devrait renfermer mon téléphone portable avant de les trouver tous deux sur la table de nuit. L’écran indique 18h30. Je me souviens avoir regardé l’heure juste avant la pièce montée. Cela fait donc plus d’une heure que je dors dans cette chambre ! Le choc a dû être violent. À moins que je n’aie trop forcé sur le champagne…
Mon téléphone a enregistré cinq appels en absence de Camille. Nous devions nous retrouver il y a trente minutes, elle doit commencer à s’inquiéter. Je devrais la rappeler pour la rassurer, mais en même temps, je serais bien incapable de lui dire quand je pourrai la rejoindre. Au vu de l’heure, la réception est peut-être terminée et nous pourrons nous éclipser discrètement.
Je m’approche de la fenêtre pour jeter un œil dans le jardin. Les gens sont toujours en train de siroter leur champagne, bavardent, rigolent. C’est raté pour la sortie en toute discrétion. Ma mère est en grande conversation avec Jean-Louis sur la terrasse juste au-dessous de ma chambre. Ils ne semblent pas le moins du monde inquiets que je sois toujours en train de dormir. De là où je suis, j’analyse, à son attitude corporelle, que ma mère est agacée. Bras croisés devant la poitrine, doigts serrés sur sa pochette, menton légèrement en avant. Je l’ai observée si souvent dans cette posture, quand je ne répondais pas à ses exigences ou que je sortais du cadre fixé, que je pourrais dessiner son portrait. Si tant est que je sois capable de manipuler un crayon correctement…
Je sais pertinemment que ce n’est pas poli d’écouter aux portes, mais là, si j’aérais la chambre, ce serait tout à fait différent. N’est-ce pas ?
Les voix me parviennent, à peine étouffées par la distance.
— Jean-Louis, je pense qu’il est temps d’aller la chercher. Cela fait plus d’une heure qu’elle est là-haut… gronde ma mère. Les invités aimeraient présenter leurs félicitations avant de partir… Ce n’est pas poli de les retenir ainsi.
— Écoute, les gens sont venus pour mon anniversaire et là, ils profitent du gâteau et du champagne. Lucy et Laurent auront tout le temps d’organiser des fiançailles en bonne et due forme s’ils le souhaitent.
La voix de ma mère monte de quelques décibels :
— Évidemment ! Pourquoi en serait-il autrement ?
— Tu as vu la réaction de ta fille tout à l’heure ? Elle a peut-être besoin d’y réfléchir.
— Elle a abusé de ta soupe de champagne, voilà tout ! Il ne s’agit même pas de choisir. Ce mariage, c’est une aubaine pour Lucy. Elle n’aura pas à se soucier de son avenir.
Comme ma mère commence à s’agiter, je recule un peu dans la chambre pour rester cachée.
— Regarde où ça t’a menée, de ne pas choisir !
— Jean-Louis, je ne te permets pas de…
Je n’entends pas la fin de sa phrase. Des bruits de pas résonnent dans le couloir. Mince. Je referme le plus silencieusement possible la fenêtre et retourne m’allonger sur la pointe des pieds.
Zut. J’ai laissé mon téléphone et ma pochette près de la fenêtre.
Je ferme les yeux et tente de calmer ma respiration pour simuler mon endormissement.
La porte s’ouvre doucement. Je n’ai pas besoin de vérifier. Je reconnaîtrais le parfum de Laurent à vingt mètres. Le mâle
de Jean-Paul Gaultier. Il s’agit peut-être, avec les chaussettes South Park, de son seul fashion faux-pas. J’ai toujours trouvé les notes de lavande trop entêtantes et je déteste la bergamote. Et puis, ce nom. Comme s’il fallait un parfum pour affirmer sa masculinité…
Je l’entends s’approcher de moi. Une main se pose sur mon épaule :
— Lucy ? m’appelle-t-il tout bas.
Je suis stoïque. Immobile. Je pourrais doubler un cadavre dans NCIS[1] tellement je retiens chaque mouvement de mon corps qui voudrait fuir loin d’ici.
Je n’ai vraiment pas envie de parader devant tous ces gens qui viennent de me voir vomir. Ma mère doit être mortifiée. J’imagine déjà d’ici les potins qui doivent commencer à circuler par échanges de SMS ! Tout ce que je veux, c’est rejoindre Camille et parler de toute cette histoire avec ma meilleure amie. C’est toujours vers elle que je me tourne depuis que nous nous connaissons.
Nous nous sommes rencontrées au début du cours préparatoire. Mais pas à l’école. Dans un cours de danse. Au grand désespoir de ma mère qui ne comprend pas pourquoi je la fréquente car Camille n’a pas grandi dans le même monde que moi. Elle est restée le minimum syndical à l’école avant de s’adonner à sa seule et unique passion, la pâtisserie. Elle a enchaîné CAP, bac pro et a fait ses armes dans toutes sortes de pâtisseries où elle a développé son art. Elle n’avait pas d’autre choix que d’occuper ses mains à pétrir de la pâte ou à glacer des gâteaux. Cela lui était vital, comme l’air qu’elle respire. Avec les années, Camille est devenue ma respiration à moi. Quand je suis perdue, elle sait toujours comment m’aider à trouver le chemin.
J’ai donc impérativement besoin d’elle maintenant pour comprendre pourquoi, au lieu d’être surexcitée et extatique par ces fiançailles dont je rêvais depuis ma rencontre avec Laurent, mon corps a décidé de passer en mode panique extrême !
— Chérie, tu m’entends ? me demande Laurent.
Je suis touchée qu’il ne tente pas de me secouer comme un prunier. Mais pas assez pour oser affronter son regard et les questions à propos de ma réaction très théâtrale. Un concours de circonstance malheureux entre l’alcool et le stress de rester debout dans ce satané jardin.
C’est la seule explication possible…
Il dépose un léger baiser sur mon épaule et quitte la chambre sans un bruit. J’attends néanmoins plusieurs minutes après avoir entendu le clac de la porte avant d’oser ouvrir un œil.
Je suis seule.
Et maintenant ? Que faire ?
Il est absolument hors de question que je redescende au milieu des convives ou que j’affronte ma mère. Il faut que je parte d’ici, que je m’isole pour réfléchir à tout ça.
Oui, mais comment ?
Laurent nous a conduits jusqu’ici. Je ne peux pas lui subtiliser discrètement les clés et, de toute manière, je ne suis pas en état de conduire. Émotivité + alcool + routes de campagne = accident assuré. Je ne peux pas me risquer à errer entre les invités pour demander à quelqu’un de me ramener, ce serait très malvenu !
Une seule option. Camille.
Je rattrape mon téléphone portable et appuie sur la fonction rappeler
.
Elle doit être aux abois car elle décroche au milieu de la première sonnerie :
— Lucy, bon dieu, qu’est-ce que tu fous ? crie Camille.
— Cam’, excuse-moi, je n’ai pas pu te prévenir, mais j’ai été un peu prise de court par les événements…
Un blanc.
— Quels événements ?
Je déglutis avec difficulté. Je ne peux pas lui dire au téléphone. Elle risque, petit 1, de faire une crise cardiaque, petit 2, de me crever les tympans.
— Je te raconterai. En revanche, je suis coincée chez Jean-Louis, ne me demande pas pourquoi. Tu peux passer me récupérer s’il te plait ?
— Oui, bien sûr. Mais j’ai pas trop envie de croiser tous vos amis ou ta mère… concède Camille.
— T’inquiète, je me tiendrai au portail et tu m’attrapes au vol, d’accord ?
Je raccroche après avoir convenu de nous retrouver d’ici quinze minutes.
Maintenant, il me reste une épreuve, et pas des moindres.
Sortir de cette chambre et quitter la propriété sans me faire repérer.
***
J’ai convenu avec Camille de quitter la chambre au dernier moment pour éviter de croiser quelqu’un. Il est temps d’y aller.
L’avantage d’avoir passé mon enfance à courir au milieu des couloirs de la maison de Jean-Louis, c’est que j’en connais les moindres recoins. Je suis l’une des mieux placées pour tenter une escapade à l’anglaise...
Pas la peine d’espérer passer par l’escalier principal. Il est situé face à la porte fenêtre qui donne sur la réception, impossible de sortir incognito par là. Il me faut donc trouver une autre solution. Bien qu’il s’agisse d’un petit manoir, il n’y a pas d’escalier dérobé, comme celui pour les domestiques dans les séries télé anglaises. Mais la demeure dispose néanmoins d’un avantage. Dans le salon de lecture situé à l’autre bout du manoir, la terrasse permet d’accéder au parc par un escalier. C’est la partie la plus éloignée de la propriété, mais c’est ma seule option viable.
J’ouvre avec précaution la porte de ma chambre et risque un œil dans le couloir. Ce n’est pas le moment de me faire surprendre par un invité qui chercherait les lieux d’aisance… Personne à droite, personne à gauche. Je rassemble mon courage, prends une grande inspiration et me glisse dans la peau d’une super espionne qui devrait échapper au KGB.
Je quitte mes Louboutin pour gagner en discrétion et en rapidité. Je sais que dans les films d’espionnage, elles les gardent, mais soyons clairs : personne ne croit une seule seconde à une course poursuite en talons de douze centimètres. J’ai toujours trouvé que les moquettes intérieures, surtout sur les zones de passage, étaient une entorse à l’hygiène, mais je dois remercier Jean-Louis d’avoir songé à les poser. Je me déplace sans bruit et arrive à ma première vraie difficulté. Traverser le palier principal sans me faire repérer par les baies vitrées du rez-de-chaussée. Je me plaque du mieux que je peux contre le mur opposé à la rambarde et me laisse glisser en retenant ma respiration.
Alors que je ne suis qu’à la moitié du palier, totalement à découvert, une sonnerie résonne dans le hall de l’entrée, situé en contrebas de là où je me tiens. Je bloque ma respiration, il s’agit de l’air de La Traviata que ma mère m’a demandé de lui installer sur son téléphone.
Elle ne décroche pas.
Le claquement de ses chaussures semble confirmer qu’elle s’est remise à marcher. À n’en pas douter, elle est en route pour venir me voir. Je n’ai pas de temps à perdre, je dois filer à toute vitesse. Oubliant toutes mes précautions de ninja, je cours le plus discrètement possible jusqu’au bout du couloir pour rejoindre ma sortie de secours. Déjà, j’entends le bruit de ses pas résonner sur le bois de l’escalier. Je ne suis plus qu’à cinq mètres du salon.
Je pénètre sur la pointe des pieds dans l’immense pièce avant de repousser lentement la porte derrière moi. J’attends quelques secondes pour vérifier que ma mère ne m’a pas aperçue et n’a pas décidé de me courir après.
Il ne lui faudra pas longtemps pour se rendre dans ma chambre et constater qu’elle est vide. Je n’ai pas plus de trois minutes pour quitter la maison et atteindre le portail si je veux filer en catimini.
J’ouvre la double porte-fenêtre qui illumine la pièce et m’avance sur la terrasse qui donne sur l’arrière du manoir. Je rechausse mes escarpins, il est hors de question que je marche pieds nus dans l’herbe.
Je descends les marches en pierre aussi vite que me le permettent mes talons aiguilles quand j’entends une porte s’ouvrir et se refermer. Faites qu’il ne s’agisse pas de ma mère ! J’accélère le rythme, mais mon pied dérape, m’arrachant une grimace de douleur. Je perds ma chaussure droite et manque de justesse de dégringoler les dernières marches sur les genoux.
Une fois que j’ai retrouvé mon équilibre, je jette un coup d’œil en arrière.
Personne. Pour l’instant.
Mon escarpin me nargue à quelques marches de là. Tant pis, je ne peux pas prendre le risque de rebrousser chemin. Je n’ai pas de temps à perdre. Je quitte mon autre chaussure et la garde à la main pour finir ma descente.
Un SMS de Camille m’informe qu’elle m’attend au point d’exfiltration.
Mes pieds se fraient un chemin au milieu de la végétation. J’avance et grimace en sentant l’herbe fraîche sous mes pieds. Ne pas penser aux milliers d’insectes qui doivent être en train de courir sous ma peau. Entre mes orteils. Ni aux animaux qui ont pu venir uriner par terre.
Je serre les dents pendant les premiers mètres, secoue la tête pour me remettre les idées en place et souffle un grand coup. Pour ne pas y penser, le mieux, c’est de courir. Une dernière épreuve. Le sprint final. Je serai tirée d’affaire et pourrai prendre le recul nécessaire pour analyser tranquillement la situation avec ma meilleure amie.
Il doit y avoir environ cent, deux cents mètres, de là où je suis jusqu’au portail. Je n’ai jamais été très forte en athlétisme, mais c’étaient principalement des épreuves d’endurance. Le prof s’obstinait à nous faire courir vingt minutes. Je n’ai jamais compris l’intérêt de cet exercice. Dans la vie courante, on peut tous avoir besoin de courir très vite à un moment donné. Pour rattraper le bus qui nous passe sous le nez ou pour échapper à une attaque imminente. Bien qu’aucune de ces situations ne me soit arrivée récemment. Voire jamais. Même le premier jour des soldes au Printemps, je ne cours pas. Trop dangereux quand on est perchée à dix centimètres du sol.
C’est l’instant de vérité. Je plante mes pointes de pieds dans l’herbe, prête à détrôner Usain Bolt[2].
— Hep, Cendrillon !
Et mince ! Si près du but…
Je me retourne.
Jean-Louis se tient au milieu de l’escalier, une coupe dans la main gauche, mon escarpin dans la droite. Il me décoche un sourire discret et lance la chaussure dans ma direction.
Elle atterrit pile devant moi. Je l’attrape et remercie d’un pouce levé mon parrain qui tend alors son verre, faisant mine de trinquer avec moi, avant de m’intimer d’un geste du menton de déguerpir.
Je chuchote un merci
et détale comme un lapin en direction du portail de la propriété, juste à temps pour entendre mon parrain clamer que je suis introuvable.
Trente-sept secondes plus tard et un poumon en moins, je m’affale sur le siège passager de la vieille Twingo de Camille. Usain Bolt peut dormir serein, ce n’est pas demain la veille que je lui ferai de l’ombre…
Friends forever
dimanche 3 juin 2018
Camille me jette un regard incompréhensif quand je la supplie de filer à toute vitesse, mais tourne néanmoins la clé dans le démarreur. Le vrombissement du moteur et le bruit des pneus sur le gravier suffisent à calmer ma respiration. Note pour plus tard : il serait sans doute profitable que je reprenne le sport. Ou plutôt que je prenne le sport.
— Tu nous as fait une Rachel ? m’interroge Camille, rieuse, faisant référence à notre série culte, Friends[3], que nous avons regardée 47 fois (oui, on a compté) sur nos canapés respectifs.
— Pas tout à fait, mais presque. Rachel est partie par la salle de bains le jour de son mariage, je me suis tirée par la bibliothèque le jour de mes fiançailles.
J’aurais peut-être dû mieux choisir mon moment, car Camille freine brusquement alors que nous n’avons roulé que quelques kilomètres. Laurent pourrait nous rattraper assez facilement, même si je sais que je peux compter sur Jean-Louis pour me couvrir.
— Tes quoi ? s’égosille Camille en me dévisageant.
— Roule, dis-je avec un signe de tête en direction de la route.
Camille reprend son chemin et m’écoute narrer le récit des dernières heures, tandis que nous nous rendons dans notre QG dominical. Elle fait un créneau magistral pour rentrer sa Twingo dans un espace aussi grand qu’une boîte à chaussures. Une fois garée, elle coupe le moteur et me regarde droit dans les yeux.
— Et depuis ?
— Depuis, je n’ai pas reparlé à Laurent…
— Comment ça, tu n’as pas reparlé à Laurent ? s’étonne-t-elle. Tu portes la bague, Lucy !
— Je sais, elle était à mon doigt quand je me suis réveillée chez Jean-Louis. Quand Laurent est venu me voir dans la chambre, j’ai fait semblant de dormir. Je ne voulais pas avoir à lui faire face… Il me demande en mariage et moi je ne trouve rien de mieux que de vomir mes tripes et de tomber dans les pommes !
— Si tu lui avais expliqué ce que tu m’as dit, le champagne, la nature, il aurait compris que tu te sentes mal… D’ailleurs, s’il te connaissait aussi bien qu’il le devrait, il n’aurait pas fait ça comme ça ! râle Camille.
Nous marchons côte à côte sur le trottoir en direction du bar. Je reste silencieuse. Camille le remarque :
— Tu ne dis plus rien… Tu es sûre qu’il n’y a que ça ? m’interroge-t-elle. Tu veux épouser Laurent ?
— Oui… Et puis, c’est dans la lignée des choses, je suppose.
— C’est une bien mauvaise réponse à ma question ! constate Camille.
— C’est la vérité… Après le nombre de tocards dont j’ai hérité, tu es bien placée pour savoir que j’ai tiré le gros lot !
Camille se plante, raide comme un piquet en face de moi alors que nous allons rentrer dans le bar.
— Lucy. Je vais te le redire encore une fois, avant qu’il ne soit trop tard.
Elle place ses mains sur mes épaules :
— Tu n’es pas obligée de faire ce que te dicte ta mère, martèle-t-elle en appuyant chaque syllabe. Tu es majeure et libre de faire tes propres choix !
J’entre dans le bar et lui tiens la porte ouverte :
— Tu dramatises toujours tout !
Après nous être attablées avec notre traditionnel pichet de mojito, je m’isole pour appeler Laurent et lui expliquer ma fuite honteuse.
Je joue l’honnêteté à fond : je le rassure sur mes sentiments, mais je lui avoue aussi qu’un tel engagement me fait un peu peur alors que nous n’avons jamais vécu sous le même toit. Que nous pourrions peut-être commencer par prendre un appartement ensemble et préparer tranquillement le mariage pour l’année prochaine. Ou même la suivante. Il sait que je n’ai jamais vécu avec personne d’autre que ma mère, c’est une sacrée étape pour moi !
Parce qu’aimer passer du temps ensemble, c’est facile. C’est agréable. Mais aimer vivre ensemble, c’est une autre affaire. Et si nous nous rendons compte au bout de quelques semaines que nos petites habitudes nous tapent sur les nerfs ? Que je ne supporte pas qu’il laisse du dentifrice partout dans l’évier ? Ou qu’il n’aime pas ma manie de trier ma penderie par couleur ? Je veille à ne pas trop lui montrer mes défauts, mais un jour ou l’autre, je finirai bien par faire tomber le masque… Et s’il n’aimait pas ce qu’il voyait en dessous ?
— Lucy, chérie, ne créons pas de problèmes où il n’y en a pas. S’ils viennent, nous trouverons des solutions, argumente-t-il, terre-à-terre.
— Donc tu ne m’en veux pas d’être partie ?
J’entends son rire dans l’écouteur du téléphone :
— Mais non, voyons. C’est vrai que je m’y suis mal pris, j’aurais pu me douter que le cadre n’était pas le plus adapté.
— J’ai tellement honte d’avoir vomi devant tout le monde, si tu savais…
— Je m’en doute ! Mais c’est déjà oublié.
— Pas pour tout le monde, si tu veux mon avis !
— Si les gens n’ont pas mieux à faire que d’en parler, c’est que leur vie est triste à mourir, tu ne crois pas ?
Je ne réponds rien, car je sais qu’il a raison.
— Donc, si je résume, tu gardes la bague ? C’est bon ?
Aïe ! C’est le moment ou jamais de lui parler de cette erreur monumentale de choix de bague.
J’ai presque l’impression de l’entendre cesser de respirer à l’autre bout du combiné. Je prends mon courage à deux mains. Je lui dois la vérité, après l’outrage public que je lui ai fait subir :
— C’est… à cause de la bague…
— Elle ne te plaît pas.
Ce n’est même pas une question. C’est une affirmation pure et simple. Comme s’il s’en doutait.
— Pour être honnête, ce n’est pas qu’elle ne me plaît pas… C’est juste que…
— Elle n’est pas pour toi.
— Exactement ! dis-je, rassurée qu’il me comprenne. Mais, attends une minute, tu n’as pas l’air surpris…
— Et bien, disons que ce n’était pas vraiment mon choix, si je dois être honnête avec toi, moi aussi.
Je n’y comprends plus rien.
— Que veux-tu dire ?
— Quand j’ai préparé ma demande, j’en ai parlé à Jean-Louis, bien sûr, pour le mettre dans la confidence, et à mes parents. Ma mère a tenu à ce que je t’offre la bague de fiançailles qu’elle tient de sa mère et qui est dans ma famille depuis plusieurs générations.
J’aurais dû me douter que Hortense trouverait un moyen de mettre son grain de sel, même dans ma demande en mariage ! Elle n’a qu’à la porter, elle, sa précieuse bague, si elle l’aime tant !
— Mais elle ne collait pas. Elle est trop… trop…
— Moche ?
Laurent rit franchement.
— Oui, c’est ça. Il n’y a pas d’autres
