À propos de ce livre électronique
Elle a mis un point d'honneur à réussir seule. Il pourrait bien bouleverser ses projets et ses certitudes.
Après l'été qui a bouleversé tous ses repères, Lucy décide de tourner le dos à sa vie lyonnaise. Elle retourne vivre en Corrèze pour lancer ses propres projets, toute seule comme une grande. À commencer par son salon de thé. Mais les choses ne suivent pas véritablement le cours qu'elle imaginait et Lucy a peur d'avoir fait fausse route.
Un bâtiment abandonné au bord du lac lui redonne espoir et devient son obsession. C'est ici, et pas ailleurs, qu'elle doit s'installer. Seule ombre au tableau : le propriétaire n'est pas des plus commodes et ne semble pas prêt à lui ouvrir ses portes. Heureusement, Lucy pourra compter sur le (trop) charmant Sébastien, au grand désespoir de James qui ne voit pas ce soutien d'un très bon œil.
Lucy parviendra-t-elle à déployer ses ailes et à se construire le nid dont elle a rêvé?
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Ce roman est la suite de "Laisser l'oiseau s'envoler"
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Aperçu du livre
La ritournelle de l'hirondelle - Sam DeLuca
LA RITOURNELLE DE L’HIRONDELLE
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Laisser l’oiseau s’envoler – Tome 1 de la saga Lucy Loiseau
(contemporain, comédie romantique – 2020)
Apolline et les trois fées
(roman jeunesse – 2021)
Plus de mensonges entre nous
(romance de Noël, cosy mystery – 2021)
plus d’informations sur
www.sam-deluca.com
Sam DeLuca
La ritournelle
de l’hirondelle
ROMAN
Les personnes et les événements dans ce roman sont fictionnels. Toute ressemblance avec des personnes ou des événements réels ne saurait être que fortuite.
Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction, intégrale ou partielle réservés pour tous pays. L’auteur ou l’éditeur est seul propriétaire des droits et responsable du contenu de ce livre.
Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayant droit ou ayant cause, est illicite et constitue une contrefaçon, aux termes des articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Design couverture : Sam DeLuca
Crédits photos : Sam DeLuca et Bastien Prévost
Photo de l’auteur : Clément Berthet
ISBN : 9782958054922
Dépôt légal : octobre 2022
À mes Trois Grâces,
Albane, Delphine et Marie-Julie.
Note de l’autrice
La ritournelle de l’hirondelle est la suite de Laisser l’oiseau s’envoler paru en septembre 2020.
L’intrigue de ce roman commence quelques semaines après la fin du premier tome.
Si vous ne l’avez pas encore lu, faites une pause, car toutes les intrigues du premier tome sont dévoilées dans le premier chapitre de celui-ci.
Pour ce roman, et contrairement à mon habitude, je ne dévoile pas de playlist particulière. Hormis mes traditionnelles pistes de piano qui me guident pendant l’écriture, certaines chansons sont irrémédiablement associées à des scènes spécifiques. Mais j’ai fait le choix de ne pas les révéler ici, pour ne pas influencer votre lecture.
La seule que je peux partager, et qui, selon moi, porte en elle toute l’âme de cette histoire, c’est Welcome Home, Son de Radical Face.
Si vous êtes curieux de découvrir les autres à la fin de votre lecture, envoyez-moi un petit message.
Un nouveau départ
Vendredi 19 octobre 2018
Je sais que je vais devoir marcher sur des œufs avec ce que j’ai à leur dire, je le sais.
Mais c’est pour la bonne cause.
Du moins, je l’espère.
Et puis, ce n’est pas comme si je leur faisais mes adieux, ce n’est qu’un au revoir.
Car, oui, je pars. Demain, je quitte Lyon. Cette ville qui m’a vue grandir et que, jusque très récemment, je n’avais jamais quittée. Où je suis revenue pour me marier il y a maintenant quatre semaines. Ou du moins, c’est ce qui était prévu, car mes deux mois d’été passés en Corrèze ont eu un tas de conséquences imprévues.
Tout a commencé quand mon ex-petit ami Laurent – voilà pourquoi je ne porte pas de bague à mon annulaire gauche – m’a demandée en mariage. Au lieu de répondre, j’ai vomi et suis tombée dans les pommes. Pas littéralement, je me suis affalée dans le jardin de mon parrain, Jean-Louis. Un notaire m’a appris que j’avais un oncle qui vivait en Corrèze et qui voulait m’offrir sa maison d’hôtes en cadeau de fiançailles. Quand j’ai cru qu’il allait mourir – l’oncle, pas le notaire – en emportant des secrets de famille dans sa tombe, j’ai pris mon courage à deux mains et l’ai rejoint. En Corrèze, pas dans la tombe !
J’ai passé l’été chez lui, à jouer la garde-malade, même si, en fin de compte, il n’était pas du tout malade et que j’avais bien d’autres occupations que lui. À savoir gérer ses chambres d’hôtes et flirter avec un homme que j’avais pris pour un bûcheron rustre et moqueur. Mais qui s’est révélé être un apiculteur diablement sexy, merveilleusement gentil et légalement marié à une femme enceinte.
De retour à Lyon, le jour de mon mariage, j’ai découvert :
– que mon oncle – Philippe – était en réalité mon père biologique, mais qu’il l’ignorait,
– que mon père à l’état civil – Charles – qui était donc mon oncle avait eu une fille – Esther – avec une autre femme – Isabelle – avant de rencontrer ma mère – Caroline – qui, elle, est bien ma mère, jusqu’à preuve du contraire,
– que mon futur ex-fiancé était plus intéressé par ma position sociale que par moi et qu’il me trompait avec une pétasse blonde à longues jambes (N. B. soit dit en passant, je n’ai rien contre les blondes ou les filles de grande taille. Juste contre elle. Mais c’est parce qu’elle l’avait bien cherché),
– que l’apiculteur – James – était en instance de divorce de la femme – Teresa – qu’il n’avait pas mise enceinte et qu’il était aussi fou de moi que je l’étais de lui.
Beaucoup d’informations à digérer en l’espace d’à peine trois mois !
Au-delà de tous ces bouleversements, cet été m’a aussi permis de me rendre compte que je pouvais choisir ma propre voie, que je n’étais pas obligée de faire ce que ma famille attendait de moi. À savoir : prendre la présidence du Château de Monloup, le groupe hôtelier fondé par Charles, Philippe et Jean-Louis dans les années 80. Alors que je me découvrais une passion pour la relation clientèle avec les vacanciers des chambres d’hôtes, ma meilleure amie m’a initiée aux joies de la pâtisserie et j’ai décidé de mêler ces deux aspects en ouvrant un salon de thé. Bon, il n’est pas encore ouvert, car je dois finaliser tous les détails, mais c’est mon projet. Et comme j’ai décidé de prouver à mon entourage que je suis capable de le réaliser, je me suis fixé comme objectif de l’ouvrir, en Corrèze, avant mes trente ans.
Ce qui me laissera donc 310 jours pour réaliser ce projet tout en reprenant l’activité des chambres d’hôtes créées par Philippe. Mais pour l’heure, je dois charger ma voiture pour le grand départ de demain avant de me rendre à mon dernier rendez-vous lyonnais.
Je commence à descendre mes valises, les unes après les autres, pour les entasser dans le coffre de ma petite citadine quand Philippe vient me prêter main-forte. Il s’est installé il y a peu dans l’hôtel particulier familial, opérant un déménagement dans le sens contraire au mien. À la différence de moi, son chargement tenait en deux valises et un sac à dos quand le mien remplit le coffre, la banquette arrière et le siège passager.
Philippe claque le hayon.
— Tu sais, Lucy, je suis ravi que tu partes vivre là-bas, vraiment. Mais rappelle-toi que tu n’es pas obligée de maintenir les chambres. Ce projet, c’était le mien. Une tentative pour combler la solitude dans laquelle je m’étais enfermé. Une solitude que tu ne connaîtras pas, j’en suis sûr. Ce n’est pas dans ton tempérament de t’isoler en cas de problème. C’est quelque chose que j’admire chez toi, tu peux reculer un temps devant une décision, mais quand tu es décidée, tu ne fais pas demi-tour.
— Je ne suis pas sûre que Laurent ait le même point de vue que toi sur la question !
— Tu n’as pas fait demi-tour, tu as pris un autre chemin. Ce que je veux dire, c’est que si tu te rends compte que cela ne t’intéresse plus, que c’est trop à gérer avec ton propre projet, je ne veux pas que tu t’enfermes là-dedans. Fais ce qui te convient à toi, c’est tout, d’accord ?
Je souris et le prends dans mes bras.
— Promis, ne t’en fais pas.
Il me rend mon étreinte et fouille dans la poche intérieure de sa veste.
— J’ai quelque chose pour toi, avant que tu ne partes, souffle-t-il en me tendant une enveloppe kraft.
— Je croyais qu’on en avait fini avec les révélations !
— Plus de révélations, c’est promis. Ouvre ! m’intime-t-il.
Je décachette l’enveloppe, jette un coup d’œil à l’intérieur et interroge Philippe du regard.
— C’est de la part de ta mère. Elle n’a pas osé te le donner en mains propres tout à l’heure au déjeuner. C’est juste au cas où…
Je secoue la tête et lui fourre l’enveloppe dans la main.
— C’est hors de question, je lui ai dit que je voulais m’en sortir toute seule, c’est exactement ce que j’ai l’intention de faire. Je ne veux pas de son argent !
— Tu sais pertinemment que si je le lui rends, elle va me lyncher de ne pas avoir insisté ! s’écrie Philippe.
Je hausse les épaules :
— Tu n’as qu’à lui dire que tu l’as glissé dans ma voiture, sans me le dire, et ça te fera une petite caisse noire.
Philippe fronce les sourcils :
— Je n’ai pas l’intention de commencer notre relation par des mensonges, si petits soient-ils ! Laisse-moi au moins continuer de payer les factures jusqu’à ce que tu prennes tes marques et que…
— Non, je l’interromps en levant la main. Je paierai les charges et j’achèterai de quoi me nourrir. Et si les revenus des chambres ne suffisent pas hors saison, je ferai comme tout le monde. Je trouverai un job !
— Un job ? répète Philippe, incrédule.
— Exactement ! Un job. Je sais que mon CV est aussi court qu’un haïku, mais je ne suis pas plus bête qu’une autre, je finirai bien par trouver quelque chose…
Philippe attrape son téléphone portable et commence à taper un message.
— N’essaie même pas de mettre James dans la combine, je l’ai déjà briefé à ce sujet. Je ne veux rien devoir à personne, ni à vous, ni à lui. C’est important pour moi.
Philippe range son téléphone et soupire.
— J’ai l’impression d’entendre ta mère parfois…
— Je prends ça comme un compliment, je réponds avec un sourire.
— Alors ça y est ? Tu as dit au revoir à tout le monde ? me demande Philippe, curieux.
J’acquiesce, tout sourire, sachant pertinemment ce qui se trame dans mon dos.
Après être passée voir Camille à la boutique hier pour l’inviter à une dernière soirée entre filles la veille de mon départ, elle a prétexté être déjà prise, tout en refusant de m’en dire plus. Je l’ai trouvée étrangement distante, mais je ne m’en suis pas formalisée. Son nouveau job l’accapare énormément et elle a eu peu de temps libre ces dernières semaines.
Ce matin, j’ai reçu un SMS cryptique de mon parrain Jean-Louis :
RDV 18H CHÂTEAU ANCIENNE GRANGE.
CE CA SERA EXTRAORDINAIRE. PAS DE RETARD.
Je me doute qu’à 60 ans, ce n’est plus si facile de taper sur les touches d’un téléphone. Mais je vais quand même lui préciser que les majuscules servent à crier et qu’il peut utiliser la dictée vocale pour former des phrases cohérentes sans répétition. Sur le moment, je me suis demandé ce qu’il pouvait bien me vouloir qui nécessitait de me faire venir au Château. Mais les pièces du puzzle se sont assemblées quand, après notre déjeuner mère-fille, l’Impératrice m’a prévenue qu’elle ne serait pas à la maison ce soir. Étrange, alors qu’elle a passé ses dernières semaines avec Philippe en tête-à-tête à l’appartement.
C’est là que j’ai compris ce qui se tramait dans mon dos. Ils sont en train de me concocter une fête surprise pour mon départ ! Et j’espère bien que, comme le dit Jean-Louis dans son message, ce sera extraordinaire !
Rendez-vous mystère
Vendredi 19 octobre 2018
Plus j’approche du point de rendez-vous, plus je me dis que le choix du lieu était audacieux de leur part. Une des salles du Château m’aurait tout de suite mis la puce à l’oreille. Mais l’ancienne grange restaurée en salle de conférences est bien plus passe-partout. De plus, elle a été totalement insonorisée pour préserver la confidentialité des échanges qui pourraient s’y dérouler. C’est bien simple, je ne suis qu’à quelques mètres de l’entrée et aucun son ne me parvient. Seule une petite lueur visible à travers le dépoli de la porte permet de deviner que des gens sont à l’intérieur.
Je prends une grande inspiration et retiens mes zygomatiques qui veulent prendre de l’avance pour afficher un sourire béat sur mes lèvres. Je dois prendre un air détaché et naturel pour réellement feindre l’étonnement. Il n’y a rien de pire que quelqu’un qui débarque à sa fête surprise et qui ne sursaute pas. C’est aussi pour cette raison que j’ai enfilé une robe bleu nuit cintrée avec des escarpins roses poudrés. Plus discret qu’une tenue de soirée à paillettes, mais suffisamment classe pour l’événement.
Je jette un œil à mon téléphone qui affiche 18 h 15. Je sais que Jean-Louis avait stipulé pas de retard
, mais il faut bien se faire désirer un peu, non ?
Je pose la main sur la poignée et entre en lançant un sonore bonsoir
.
Mais à la place du surprise
tonitruant auquel je m’attendais, quelques personnes attablées me scrutent, passablement agacées par mon interruption en fanfare. D’un scan de la pièce, je réalise que la salle n’est pas ornée de cotillons, de ballons ou de banderoles. Pas de Camille, pas de musique, pas de buffet, pas de cadeaux, pas de fête surprise… Une simple réunion à laquelle assistent ma mère, Jean-Louis et quelques visages que je reconnais comme ceux des trois actionnaires minoritaires qui composent le conseil d’administration du groupe. Maître Vignal, le notaire de la famille, est également présent, flanqué d’un autre homme, tout aussi rigide et sérieux que lui, mais dont la tête ne me rappelle rien.
— Lucy, tu te joins à nous ? m’interpelle Jean-Louis. On a dû commencer sans toi, désolé, mais on avait le quorum et comme l’ordre du jour du CA est plutôt dense…
L’ordre du jour du CA ? Mais de quoi parle-t-il ?
Je regarde à nouveau mon téléphone et ouvre le SMS de Jean-Louis. Il n’avait donc pas commis de faute de frappe. CA pour conseil d’administration
. Je leur ai dit un milliard de fois que je ne voulais plus entendre parler du Château. Et pourtant, je me retrouve ici. Ne vont-ils jamais me laisser en paix, loin de toute cette affaire qui ne me concerne en rien ? J’hésite même à revendre mes actions pour faire un apport financier pour mon propre projet. Mais en discutant de cette question avec Philippe, il m’a fait remarquer que ces mêmes actions pourraient aussi m’assurer un revenu passif appréciable le temps que mon affaire décolle… Statu quo donc, pour l’instant.
Je n’avais pas vraiment envisagé de passer ma dernière soirée lyonnaise en réunion, mais je ne peux néanmoins pas faire demi-tour maintenant. Ma mère ne le supporterait pas. Elle a beau avoir lâché du lest depuis que Philippe et elle se sont installés ensemble, elle reste toujours plus proche de Super Nanny que d’une Nounou d’enfer.
Je prends sur moi et m’installe sur une chaise libre tandis que tout le monde recentre son attention sur mon parrain.
— Comme je vous l’expliquais donc, reprend-il d’une voix posée, j’ai convié Étienne Langeac, notre expert-comptable, pour qu’il nous expose les différentes options qui se présentent à nous. Étienne, si vous voulez bien prendre la suite ?
L’homme assis à côté du notaire se lève, referme le bouton de sa veste d’une main et saisit une liasse de feuillets de l’autre qu’il fait circuler de part et d’autre de la table.
— Merci, monsieur le président-directeur général, commence-t-il. Comme vous le verrez sur les graphiques en pages 3 et 4, les résultats sont toujours satisfaisants, mais si vous analysez les données de la page 8…
J’envoie un discret SMS à ma meilleure amie pour lui demander ce qu’elle fait pour la soirée et attends sa réponse. Mais le téléphone m’indique que le message n’a pas encore été lu. Je tourne les pages sans réellement regarder ce qui est écrit et n’écoute plus l’expert.
En prévision de la soirée, je n’ai rien mangé de la journée, ou presque, et la vue des camemberts me donne faim. Ils me font penser à des pains surprises, tandis que les graphiques en barres ressemblent aux dents d’une fourchette. Ou à des sticks de fromage. La salive emplit ma bouche et m’oblige à déglutir le plus discrètement possible. Un coup d’œil vers l’assemblée m’indique que j’ai réussi mon coup. Ils sont tous obnubilés par les chiffres énoncés doctement par le comptable.
— Que suggérez-vous ? demande ma mère, les doigts crispés autour de son stylo Mont-Blanc.
— Tout dépend de la stratégie que vous souhaitez adopter.
Jean-Louis prend la suite :
— Grosso modo, deux choix s’offrent à nous. Continuer à dérouler le plan tel qu’il était prévu ou changer de cavalier.
— Mais votre passation devait se faire dans moins de deux semaines, s’étonne un des actionnaires. N’est-ce pas un peu… précipité ?
Le terme de passation
me ramène immédiatement à la discussion.
Jean-Louis devait passer la main de la direction générale à Laurent fin octobre pour ne garder que la présidence. C’était la suite logique. L’aboutissement de deux années de formation à la relève depuis que Laurent avait intégré l’équipe du Château comme directeur adjoint et qu’il était entré dans nos vies.
— C’est un gros pari, oui, concède Jean-Louis. Mais j’avoue que les récents événements m’inquiètent un peu quant à la sincérité et à la…
Jean-Louis laisse planer un temps de silence. Son regard est fixé sur moi, comme tous les autres de l’assemblée.
— Fidélité, reprend-il, que Laurent pourrait témoigner à notre groupe. Je ne voudrais pas qu’une éventuelle rancœur mette à mal tous nos efforts.
Voilà la raison pour laquelle Laurent n’est pas présent ce soir alors que, traditionnellement, il assiste à toutes les réunions.
— Tu envisages sérieusement de le remercier ? s’étonne ma mère, toujours prompte à employer un vocabulaire politiquement correct pour nommer les choses.
Jean-Louis acquiesce, silencieux.
— Il s’est montré plutôt… aigri, ces dernières semaines.
Ma mère étouffe un rire :
— On peut aisément imaginer pourquoi et qui sommes-nous pour le blâmer ?
Je dois être en train de faire un vilain cauchemar. Ma mère ne peut pas décemment soutenir Laurent alors que j’ai découvert son adultère quelques heures avant notre mariage, et par un pur concours de circonstances ! Si Léopoldine n’avait pas eu la culotte en feu à ce moment-là, je serais sûrement mariée avec ce tocard, sans me douter une seule seconde de son double jeu.
— Maman, dis-je à voix basse, ma pochette à la main. Je peux te parler en privé, s’il te plaît ?
Elle me regarde comme si je venais de lui proposer d’aller se faire teindre les cheveux en rose fuchsia, mais, ne voulant pas m’opposer un refus public, elle se lève et prend congé de l’assemblée.
Je fais signe à Jean-Louis de nous suivre. Il demande une suspension du conseil pour quelques minutes et nous nous dirigeons tous trois vers la sortie, dans la cour du Château.
Le soleil couchant fait rougeoyer le ciel parsemé de quelques nuages qui s’étirent comme des barbes à papa, me rappelant encore une fois la faim qui me vrille le ventre. Un gargouillis résonne tandis que je serre mes bras autour de ma taille pour en atténuer le bruit.
— Tu as froid, Lucy ? m’interroge mon parrain, toujours prévenant.
Je secoue la tête, mais n’ai pas le temps de répondre, interrompue par ma mère :
— À quoi rime cette interruption, Lucy ?
— Je vous avoue que je suis un peu prise au dépourvu. Je ne m’attendais pas à débarquer en plein CA du groupe…
Ma mère arque un sourcil, circonspecte :
— Jean-Louis t’a pourtant adressé un SMS en ce sens ce matin pour te prévenir au vu du contexte un peu inhabituel…
Jean-Louis confirme d’un mouvement de tête.
— Disons que… je commence, gênée par ma méprise. Je pensais que vous m’aviez concocté une fête de départ surprise et que c’était le prétexte pour me faire venir.
Ma mère souffle par le nez :
— Je comprends mieux le choix de ta tenue… Je suis désolée, mais on a passé l’âge de se faire des surprises ! Et la situation du Château semble suffisamment préoccupante pour s’occuper de vrais sujets.
Elle jette un coup d’œil à mon parrain pour l’enjoindre à poursuivre.
— Oui, je suis désolé Lucy de t’avoir donné de faux espoirs. Mais je pensais avoir été clair. Et pour revenir à Laurent, je ne suis pas sûr d’avoir suffisamment confiance en lui pour lui transmettre les rênes de l’entreprise. Pas après son comportement.
— Avec moi ? je demande, intriguée.
Jean-Louis retire les lunettes qu’il porte tout le temps et se frotte les ailes du nez.
J’ai toujours trouvé un charme un peu british à mon parrain et, malgré ses soixante ans, il reste très bel homme, comme le prouvent les nombreuses conquêtes féminines qui ne font que passer dans sa vie. Il garde la ligne et le visage fin. Ses joues sont recouvertes d’une courte barbe blanchie s’accordant merveilleusement bien avec ses yeux d’un vert gris délavé. S’il arbore un front large du fait d’une implantation capillaire reculée, il n’a rien perdu de sa chevelure poivre et sel. Le tout lui donne l’air d’un intellectuel, surtout lorsqu’il porte ses petites lunettes à monture écailles – exactement les mêmes que Philippe.
— Pas uniquement, soupire Jean-Louis. Tu sais bien que je ne mélange pas le personnel et le professionnel. Mais avec votre histoire, j’y ai été contraint malgré moi. Maintenant, j’ai vraiment des doutes sur la suite.
Il fait une pause et ma mère rebondit :
— Et puis, tu t’imagines vraiment siéger en face de Laurent, à chaque conseil d’administration ?
Ma première réaction est de penser que je préférerais me faire une épilation du maillot. Intégrale. À la pince à épiler. Tout plutôt que de revoir sa face de rat. Mais la bienséance – et l’éducation de l’Impératrice – reprend le dessus.
— Non, dis-je en soupirant. Mais qu’est-ce qui te fait dire qu’il ne tiendra pas la route ?
— Je ne saurais pas te l’expliquer, c’est plus un feeling qu’autre chose. Mais une récente étude d’image semble aller dans mon sens. Nous n’avons plus la cote, notre attractivité est en perte de vitesse et c’est sûrement, pour partie, le résultat des choix opérés par Laurent ces derniers mois. Cela peut paraître idiot, ou enfantin, je sais, mais je n’arrive plus à lui faire confiance. Et cela me paraît délicat de confier les rênes du groupe à quelqu’un dont j’aurais toujours peur qu’il me fasse un petit dans le dos.
Je m’étouffe malgré moi, repensant au test de grossesse que j’ai fait le jour du mariage et qui m’a permis d’ouvrir les yeux.
— Désolé, c’était façon de parler ! s’excuse mon parrain. Vous voyez ce que je veux dire ?
Ma mère et moi nous regardons et acquiesçons. Après tout, problèmes relationnels mis à part, la pérennité de l’entreprise – et donc du train de vie de nos familles, ne nous le cachons pas – repose sur la capacité du directeur, actuel ou futur, à prendre les bonnes décisions et à faire fructifier les affaires.
— Quel est ton plan ? s’enquiert l’Impératrice.
Jean-Louis hausse les épaules :
— Je suppose que je pourrais refaire un tuilage si nous trouvions le bon candidat. Ce ne serait que l’affaire de quelques mois…
— Et pour Laurent ? continue-t-elle.
— Son mandat arrive à terme à la fin du mois. Le renouvellement n’est pas automatique et nous n’avons pas l’obligation de nous justifier. Des indemnités de dommages et intérêts lui seront versées afin qu’il ait le temps de se retourner. Néanmoins, je pense plus correct de le prévenir dès à présent… En revanche, il nous faut la majorité lors du vote au conseil d’administration.
— Si tu leur fais part de tes craintes, les autres actionnaires entérineront ton choix sans aucun doute. Malgré cette règle ridicule que tu as voulu mettre en place ! soupire ma mère.
Au fur et à mesure que Jean-Louis avait accepté que d’autres personnes, triées sur le volet, intègrent le capital de l’entreprise, les règles du jeu avaient changé. Quand certaines entreprises donnent un poids prépondérant aux actionnaires détenant le plus de parts, mon parrain avait tenu à ce que chacun ait voix au chapitre. Il avait fait modifier les statuts afin que chaque actionnaire ait une voix et une seule lors des décisions à prendre. Seul le poste de président disposait d’une voix prépondérante, mais, du plus loin que je m’en souvienne, Jean-Louis ne s’en était jamais servi. Il avait toujours suivi les orientations du conseil et des administrateurs, principe incontournable, selon lui, pour garantir une décision collégiale.
— Quoi qu’il en soit, ils sont trois à convaincre, c’est pour cela que nous avions besoin que tu sois présente, Lucy. La dernière voix revenant à ta cousine Esther qui n’a jamais participé, je ne pouvais compter que sur toi, m’explique Jean-Louis.
Esther. Il va vraiment falloir que je me décide à la contacter, je ne peux pas rester sans la connaître…
— Et pour la présidence ? je murmure.
— Je vais devoir gérer ça encore quelque temps. À moins que tu n’aies changé d’avis ? interroge Jean-Louis.
— Pas le moins du monde.
— Pourtant… rebondit ma mère en laissant sa voix en suspens.
Je tente de retenir l’agacement qui me tiraille. Il n’y a nul besoin de faire un scandale dans la cour du Château, mais je compte bien recadrer les choses. Une énième fois.
— Tu vas encore me seriner que ma place est ici ? Tu sais bien que je n’en veux pas. Ce n’est pas parce que vous m’avez obligée à faire une année de management de l’hôtellerie de luxe que j’ai une quelconque légitimité à prendre la suite ! D’autant que j’imagine aisément, au vu de mes résultats, que mon admission et mon diplôme ont été négociés en off. Je ne suis pas la fille de Charles, l’histoire s’arrête là.
— Un héritage va au-delà de la question du sang, Lucy. Tu peux être l’enfant de quelqu’un et ne pas te reconnaître dans ce qu’il veut te transmettre. Tout comme tu peux n’avoir aucun lien avec une personne et te sentir dépositaire de quelque chose, vouloir lui rendre hommage en quelque sorte.
— Je sais tout ça, Parrain, c’est pour cela que j’avais envie de reprendre les chambres d’hôtes de Philippe avant même de savoir qu’il était mon père biologique. C’est ça, mon projet, maintenant. M’installer en Corrèze, gérer les chambres, ouvrir mon salon de thé. Ma vie est là-bas…
— Mais tu pourrais faire tellement plus ici, m’interrompt ma mère.
— Tu n’as pas toujours dit ça, je te le rappelle, Maman, je réplique un peu sèchement. Il y a peu, le seul avenir que tu envisageais pour moi, c’était de me marier, de procréer et de boire le thé avec mes amies.
Ma mère croise ses bras sur sa poitrine et fait la moue :
— Et il n’y avait rien de mal à cela. Tu as envie de tracer ton propre chemin, je l’entends. Je ne le comprends pas, mais je l’accepte. Mais avoue quand même que Laurent t’a rendu service, en fin de compte.
Est-il réellement possible d’avoir des hallucinations auditives ou cette histoire avec Jeanne d’Arc n’était qu’une entourloupe ?
— Pardon ?
— S’il ne t’avait pas trompée, ou du moins si tu ne l’avais pas découvert avant de lui dire oui
, nous n’aurions pas cette conversation. Tu sais pourquoi ? Parce que tu ne te poserais pas toutes ces questions. Tu l’aurais épousé, tu aurais pris la présidence pour lui faire plaisir et tu irais boire le thé avec tes amies !
Je secoue la tête, dépitée de voir que ma mère ne parviendra jamais à adopter mon point de vue. Je ne suis même pas sûre de lui en vouloir, mais cela m’affecte plus que je ne le voudrais.
— Pour résumer, si le vote coince, utilise ton joker de président. De toute façon, je suis d’accord à deux mille pour cent pour virer Laurent et je ne vous serai d’aucune utilité pour lui trouver un remplaçant.
Je jette un rapide coup d’œil à mon téléphone. Toujours pas d’accusé de lecture du message envoyé à Camille. C’est sûrement le signe que ma vie lyonnaise est bel et bien révolue.
— Et personne ne semble avoir de temps à m’accorder pour ma dernière soirée. Je vous laisse donc.
Je fouille dans ma pochette pour en ressortir ma carte bleue et un trousseau que je tends à ma mère.
— Maman, je te rends ma carte et les clés de chez toi, je n’en aurai plus besoin.
Ma mère lève les bras au ciel :
— Enfin, Lucy, cesse de faire l’enfant ! Tu pars, de ton plein gré, à seulement trois cents kilomètres, vivre la vie que tu t’es choisie… Il n’y a aucune raison de dramatiser et encore moins de théâtraliser la chose ! s’agace-t-elle. La vie n’est pas une de ces comédies romantiques ridicules que tu affectionnes tant…
J’accuse le coup et serre les dents.
— Bonne soirée, je chuchote en faisant demi-tour en direction de la sortie du parc.
Devant les hautes grilles en fer forgé qui donnent sur la rue, des bruits de pas sur le gravier résonnent derrière moi. Vu l’allure rapide, je doute qu’il s’agisse de l’Impératrice. Elle risquerait de se fouler une cheville ou pire, d’érafler ses Louboutin. Mais même s’il s’agit de Jean-Louis, je ne lui ferai pas le plaisir de m’arrêter.
Une main m’attrape le poignet.
— Lucy, attends… chuchote une voix que je ne reconnais que trop bien.
Décidément, il ne manque pas de culot. Laurent tire sur mon bras et me force à faire volte-face.
— Lâche-moi. La dernière fois que tu m’as empoignée de cette façon, ça s’est très mal terminé pour toi. Tu ne voudrais pas un scandale devant les actionnaires, j’imagine.
Laurent relâche son étreinte et soupire. Pas d’agacement. Plus comme s’il était très fatigué.
— Écoute, tu as toutes les raisons du monde de m’en vouloir. Je me suis comporté comme un con, je le reconnais. Mais j’avais espéré que tu arriverais à mettre tout cela de côté. Pour l’avenir du groupe. Tu sais à quel point tout ceci compte pour moi !
Un rire moqueur m’échappe.
— Pour sûr, je le sais. Tu étais prêt à épouser quelqu’un que tu n’aimais pas pour t’assurer de manipuler la présidente. Cela démontre une abnégation totale…
Laurent baisse le son de sa voix et poursuit :
— Tu ne me croiras peut-être pas, Lucy, mais je t’aimais. Sûrement pas de la bonne manière, je m’en rends compte maintenant. Mais tu comptais pour moi. J’ai compris certaines choses bien trop tard et je m’en excuse.
Je croise les bras, bien décidée à ne pas me laisser attendrir par son petit numéro.
— Et que me vaut cette soudaine expiation ? je persifle.
— J’avais comme l’impression que mes jours ici étaient comptés… commence-t-il. Votre présence ici, à Caroline et toi, n’a fait que confirmer mes doutes ce soir.
J’étouffe un cri de surprise :
— Tu continues ton petit jeu d’espionnage et tu veux vraiment me faire croire que tu as compris certaines choses
? dis-je en accentuant les derniers mots. Alors, si tu veux tout savoir, oui, ça sent le roussi pour toi. Mais tu ne récolteras que ce que tu as semé. Maintenant, si tu veux bien me laisser partir, j’ai mieux à faire et surtout, très loin d’ici.
— Tu repars là-bas ? m’interroge Laurent qui a gardé une aversion particulière pour la Corrèze où il pense m’avoir perdue.
— Oui, dis-je en souriant. Là-bas, rien ne me rappelle la vie dans laquelle vous avez tous tenté de m’enfermer. Je ne suis plus le pauvre oisillon fragile qui a besoin d’assistance, Laurent. Je quitte le nid, dans tous les sens du terme ! Et je vais vous prouver que je peux très bien y arriver toute seule…
Je tourne les talons et, avant de quitter l’enceinte du parc, je lève une dernière fois les yeux vers la façade de l’hôtel, d’un blanc réchauffé par le soleil couchant. J’adresse un petit signe de tête à la Raiponce imaginaire que j’avais imaginée vivre en haut de la tour principale. Quand je passe les grilles du portail, je lui fais la promesse de ne plus jamais revenir en arrière.
Un cadeau en cache un autre
Samedi 20 octobre 2018
— Tu avais vraiment besoin d’acheter tout ça ? s’étonne James en découvrant le cadeau que je lui ai apporté de Lyon.
— Bien évidemment, je m’insurge. Je voulais que tout soit parfait pour qu’elle se sente bien.
Je ne suis arrivée que depuis dix minutes à la Rose du Bois et mes valises et cartons sont encore dans le coffre de ma voiture. Impossible de transvaser le chargement maintenant, il pleut. Comme depuis que je suis partie de Lyon en début d’après-midi. J’ai roulé sous une pluie battante et ininterrompue.
James me lance un petit sourire en coin :
— C’est un chien, Lucy. Tout ce qu’elle veut, c’est un endroit pour dormir, des croquettes, de l’eau et qu’on l’emmène se balader.
— Oui, et bien là elle aura tout ce qu’il faut.
— Et même trop ! réplique-t-il en riant.
C’est vrai que je me suis peut-être un peu emballée à l’animalerie. J’étais partie pour lui acheter une panière afin qu’elle ait de quoi se coucher quand James viendra, mais je suis tombée en admiration devant la créativité du marketing canin.
J’ai craqué pour une gamelle signée Karl Lagerfeld, toutes sortes de friandises en forme de cupcakes et macarons, un jouet d’activité où l’animal doit replacer les plots en bois sur le socle, genre Montessori pour chien et une peluche Bambi en clin d’œil au surnom que James me donne encore parfois…
— Et comment as-tu payé tout ceci, toi la femme libre et indépendante, mais sans emploi ?
Je fais la moue.
— Il se peut que tous ces cadeaux aient été achetés aux frais de l’Impératrice.
— Lucy…
— Pour tout te dire, dis-je en l’interrompant, et bien que cela ne te regarde pas, c’était la dernière fois ! Je lui ai rendu la carte bleue en même temps que les clés lors de nos adieux hier.
— Et comment vas-tu faire maintenant ? Est-ce que les chambres suffiront pour le moment ? grimace-t-il. Tu sais que je peux…
— James ! Arrête de t’inquiéter pour moi. Je vais me débrouiller. Et il reste un cadeau pour Lady…
James continue à fouiller le sac en papier et en sort un morceau de tissu rose.
— Et ça, c’est quoi exactement ? Une serviette pour lui essuyer les pattes quand on rentre de la promenade ?
Je souffle, agacée par son manque de discernement, et lui montre de quoi il s’agit :
— C’est une combinaison antipoils. Tu la mets à Lady et comme ça, plus besoin de passer l’aspirateur derrière elle. Ingénieux, non ?
— Je peux te filmer quand tu essaieras d’enfiler ça à ma chienne s’il te plaît ? se moque-t-il gentiment. Je suis sûr que ça fera un tabac à Vidéo Gag cette histoire…
Je lui arrache la combinaison des mains et remets tous les accessoires dans le sac.
— Pour ta gouverne, Vidéo Gag n’existe plus depuis dix ans.
James rit, me prend dans ses bras et dépose un baiser sur mon front.
Je profite de cette étreinte maintenant que nous sommes officiellement ensemble et surtout, au même endroit.
Depuis mon mariage avorté le mois dernier, James a été accaparé par l’entreprise de son grand-père et a dû se rendre plusieurs fois à Bordeaux pour superviser la période des vendanges qui battaient leur plein. Il ne veut pas en parler, mais je le sens déchiré entre son devoir envers cet homme qui l’a élevé à la mort de sa mère et son envie d’indépendance. J’ai cru comprendre que ses grands-parents n’acceptaient pas son changement de vie depuis le départ de son ex-femme Teresa. Ils voudraient le voir installé à Bordeaux, travaillant auprès d’eux, et pas comme un paysan
, selon les mots qu’il m’a rapportés.
— Serre-moi plus fort contre toi, il fait un froid de canard ici ! dis-je en grelottant.
— Je sais, je voulais venir plus tôt pour allumer le feu, mais Philippe n’avait pas laissé de trousseau de secours en partant, m’explique-t-il en me frottant le dos. Je sais que tu voulais passer cette première soirée chez toi, mais on pourrait revenir demain pour vider ta voiture et remettre la maison en route. Qu’est-ce que tu en dis ?
Entendre James parler de la Rose du Bois comme étant chez moi
me touche.
— Et il se pourrait que j’aie un cadeau pour toi au manoir… chuchote James au creux de mon cou.
Le contact de ses lèvres chaudes sur ma peau glacée me réchauffe instantanément. Néanmoins pas assez pour faire cesser mes frissons.
Je lève le visage vers lui et plonge mon regard dans ses prunelles grises. Je m’étais vite rendu compte, lors de mon premier séjour corrézien, que la couleur des yeux de James indiquait son humeur. Comme ces bagues que je portais, adolescente, et qui étaient censées indiquer si l’on se sent nerveux, coléreux ou amoureux.
Ce soir, l’éclat que j’y décèle fait clairement pencher la balance du côté licencieux
.
— Alors que fait-on encore ici ? je susurre en frottant l’arête de mon nez contre sa courte barbe.
Pour toute réponse, James se penche et me bascule par-dessus son épaule comme un vulgaire sac à patates, m’arrachant un cri de surprise.
***
Oh. Mon. Dieu.
Je n’arrive pas à détacher mes yeux de ce que je viens de découvrir. Que fait cette chose dans le placard de James ?
Avant toute interprétation hasardeuse, je ne suis pas en train de fouiller.
Quand nous sommes arrivés au manoir, nous avons parcouru les quelques mètres entre la voiture et la porte d’entrée sous une pluie battante qui nous a trempés jusqu’aux os. Comme ni l’un ni l’autre ne souhaitait risquer une pneumonie, nous nous sommes débarrassés de nos vêtements au plus vite et, une chose en entraînant une autre…
Voilà pourquoi je me retrouve à moitié nue dans la chambre de James pendant qu’il prépare le repas. Ayant laissé mes valises à la Rose du Bois, James m’a invitée à prendre ce que je voulais dans ses affaires pour me rhabiller, le temps que mes vêtements sèchent. Ne trouvant pas grand-chose à ma taille et regrettant presque que son ex-femme ait enfin fini par vider sa penderie, j’ai farfouillé dans le fond du placard et c’est là que je l’ai vue.
Une pochette cadeau aux lacets blancs ornée du nom d’un bijoutier de luxe en lettres dorées. Un mot qui allume des feux d’artifice dans les yeux de bien des femmes. Dont moi.
Que fait cette pochette au fond d’un placard ? Serait-ce le fameux cadeau dont James me parlait tout à l’heure ?
Il faut que je sache ce qu’il y a à l’intérieur !
Mais si je regarde maintenant, je n’arriverai pas à feindre la surprise quand il me l’offrira tout à l’heure. Et je ne supporte pas de gâcher les surprises des autres…
En même temps, si ça se trouve, c’est une vieille pochette vide échouée au fond d’un placard depuis tellement d’années que James ne sait même plus qu’elle est là. Elle ne semble pourtant pas froissée ou abîmée.
Je pourrais peut-être, discrètement, sans la sortir du placard, tâter à travers le papier si je sens quelque chose ?
J’écoute attentivement pour déterminer si James risque de débarquer dans sa chambre, mais la maison est silencieuse. Il m’a dit qu’il préparait une soupe pour nous réchauffer. Cela devrait bien l’occuper encore quelques minutes. Juste le temps de palper…
Une boîte !
J’ai clairement senti une boîte à l’intérieur. Je bascule la pochette et écarte l’ouverture, suffisamment pour apercevoir un boîtier blanc ceint d’un liséré doré. La taille ne m’aide en rien, dans les collections de ce bijoutier, les boîtes sont soit carrées, soit rectangulaires. Mais les carrées peuvent renfermer une montre, un bracelet, un pendentif, ou même…
Non.
Impensable.
Il n’oserait pas. Pas maintenant. Alors que son divorce n’est pas encore prononcé et qu’on se connaît depuis moins de six mois ! Ce serait totalement inconscient !
Des bruits de pas résonnent sur le plancher en bois juste devant la chambre. Quand la porte s’ouvre, je sursaute et repousse délicatement le paquet au fond du placard. J’attrape un sweat et réajuste les piles de vêtements de manière à cacher la pochette. Je referme les portes de l’armoire et me tourne face à James qui s’avance vers moi.
— Le repas est prêt, le feu crépite, dit-il. Il ne manque plus que toi. Tu as trouvé ton bonheur ?
À ces mots, je m’étouffe et acquiesce, désignant le sweat dans mes mains.
James me scrute pendant que je l’enfile par-dessus mes sous-vêtements avant d’entourer ma taille de ses bras, glissant sous le molletonné du pull. Il caresse ma peau nue, électrisant mon corps, et dépose un chaste baiser sur mes lèvres.
— Je suis tellement heureux de t’avoir ici près de moi… J’espère que tu le sais.
Je lui souris et love ma tête au creux de son cou. Je respire cette émanation de fruits acidulés qui le caractérise si bien. Une odeur qui m’a fait chavirer bien des fois. Est-ce qu’on finit par se lasser de cela ? Est-ce qu’avec les années le corps oublie les frissons des premiers temps ? Ou est-ce inscrit à jamais en nous ?
— Tout va bien ? me demande James au bout d’un moment.
— Parfaitement bien… dis-je. Moi aussi je suis heureuse d’être ici. Et je suis affamée !
James rit et m’invite à descendre la première, prétextant avoir besoin de quelque chose dans sa chambre.
Va-t-il réellement me faire sa demande entre la soupe et le fromage ? Je sais bien que je ne devrais pas être aussi portée sur les apparences, mais un peu de romantisme n’a jamais fait de mal à personne. Même s’il est vrai que la demande de Laurent, digne d’une comédie romantique et sucrée, s’était finalement soldée par un échec cuisant…
En arrivant en bas des escaliers du manoir, je jette un coup d’œil à mon allure dans le miroir. Mes cheveux sont en bataille, mon maquillage n’est plus qu’un lointain souvenir et je ne suis vêtue que d’un sweat et de chaussettes douillettes. Une vraie gravure de mode !
À l’étage, la porte de la chambre claque m’incitant à me rendre illico presto dans le salon pour une pose lascive sur le canapé.
Quand James débarque dans la pièce, je retiens mon souffle.
Mais il s’installe, comme si de rien n’était, à côté de moi sur le canapé, les mains vides. Il saisit la bouteille de
