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Dans les intrigues de Game of Thrones: Le nouveau sacre de la fantasy
Dans les intrigues de Game of Thrones: Le nouveau sacre de la fantasy
Dans les intrigues de Game of Thrones: Le nouveau sacre de la fantasy
Livre électronique425 pages6 heures

Dans les intrigues de Game of Thrones: Le nouveau sacre de la fantasy

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À propos de ce livre électronique

La saga littéraire du Trône de fer, écrite par George R. R. Martin, n’a eu de cesse de conquérir les cœurs depuis sa première parution en 1996. Ce monument de la fantasy moderne a pris une nouvelle dimension avec son adaptation télévisuelle produite par HBO. De 2011 à 2019, Game of Thrones est devenu un succès mondial, marquant sa décennie et devenant une référence incontournable.
Dans cet ouvrage, l’auteur Clément Drapeau revient sur la création de ces deux œuvres indissociables et pourtant différentes, qui ont su toutes les deux marquer leur temps. Il y présente la carrière de G. R. R. Martin ainsi que les coulisses de création des romans et de la série, puis explore en détail les thématiques de l’œuvre, telles que ses rapports au pouvoir, à la guerre, à l’Histoire et à la vérité.
LangueFrançais
Date de sortie28 juin 2024
ISBN9782377844838
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    Aperçu du livre

    Dans les intrigues de Game of Thrones - Clément Drapeau

    Game of Thrones

    PARTIE I

    LE TRÔNE DE FER : L’ENCRE ET LE SANG

    CHAPITRE 1

    LE MESTRE DU CHÂTEAU DES TORTUES

    Alors que les premiers rayons du soleil éclairent les flots huileux du Kill Van Kull longeant la cité industrielle de Bayonne, New Jersey, un indicible forfait vient d’avoir lieu. Ce matin-là, vers la fin des années 1950, le jeune George Raymond Richard Martin découvre le corps inerte de Grand Gars, premier du nom et roi du château des tortues. Quel noir dessein a bien pu conduire à ce trépas inattendu ? Quel vil poison a été versé ? Quels sombres mensonges ont été proférés ? Sûrement une machination des crapauds cornus ou des caméléons des royaumes voisins, pense le jeune George. Le successeur de Grand Gars est bienveillant, mais sera tout aussi malchanceux. Lui aussi passera de vie à trépas. Alors que le royaume semble destiné à sombrer dans les ténèbres de l’histoire, les chevaliers Remuant et Fringant se jurent une amitié éternelle et fondent une table ronde des tortues. Pour présider leur destin, tous choisissent Remuant, qui devient le meilleur souverain jusqu’à ce que l’âge le terrasse. Lui succèdent d’autres rois. Nombreux sont ceux qui trouveront la mort dans le territoire des ombres, situé sous le réfrigérateur de la cuisine.

    Entre l’école, ses lectures de comics et ses rêves d’espace, le jeune mestre Martin narre par bribes, dans de petits cahiers, l’épique et terrible récit de ce royaume chélonien au bord du gouffre. Peut-être peut-on voir, dans cette archéologie littéraire infantile, les prémices de la grande saga littéraire qui, quarante ans plus tard, fera sa renommée mondiale.

    La plupart des lecteurs du Trône de fer ont découvert George R. R. Martin à travers sa saga-fleuve de fantasy. Pourtant, cette œuvre se révélera tardive aussi bien dans sa vie que dans sa carrière. Avant, il y a eu l’enfant de classe ouvrière et fan de comics, l’auteur amateur publiant ses histoires dans des fanzines, l’apprenti journaliste, l’écrivain immergé dans la contre-culture littéraire des seventies, et l’auteur ambitieux avec ses rêves d’Hollywood.

    Super-héros, extraterrestres et Milky Way

    George R. R. Martin naît le 20 septembre 1948 à Bayonne, dans l’État du New Jersey. De milieu ouvrier (son père est docker et sa mère cheffe d’équipe dans une usine locale), il grandit dans une relative solitude jusqu’à la naissance de sa première sœur, Darleen, deux années plus tard, puis de Janet, encore trois ans après. La famille s’agrandissant, le couple emménage dans un grand ensemble fédéral nouvellement créé en 1952. George passera toute sa jeunesse dans ce logement bon marché.

    Il effectue sa scolarité à l’école Mary Jane Donohoe et, dès qu’il apprend à lire, se passionne pour les comics, qu’il appelle tendrement « les illustrés ». Il découvre Archie, Oncle Picsou, puis Cosmo, the Merry Martian, mais les histoires de super-héros, en particulier celles de Batman et Superman, le passionnent davantage. Stimulé par ces bandes dessinées, il s’y essaye lui-même et gratte quelques récits de monstres sur des pages qu’il vend un cent à ses camarades. Il arrête cependant ce marché si lucratif (cinq pages lui permettaient de s’acheter une barre chocolatée¹) lorsque l’un d’entre eux finit par faire des cauchemars et incriminer auprès de sa mère les récits de monstres du jeune George.

    Il délaisse un temps les comics, mais y revient malgré tout un an plus tard, quand sort le premier épisode de La Ligue de justice d’Amérique, regroupant tous les héros de l’écurie DC comics. Il découvre en 1961 Les Quatre Fantastiques, créé par Stan Lee et Jack Kirby, qui l’influence profondément grâce à l’identité très marquée des personnages. Il s’agit pour lui d’une révélation : enfin un récit venant un peu changer les règles du monde des super-héros ! C’est ainsi qu’un autre versant de cet univers s’ouvre à lui, celui des nouvelles publications de Marvel Comics.

    En parallèle, son imaginaire se nourrit aussi de ce qu’il découvre à la télévision. Martin y suit les aventures en noir et blanc de Robin des Bois, d’Ivanhoé et du Chevalier Lancelot, regarde des westerns avec son père, et surtout découvre la science-fiction. Cow-boys et chevaliers font pour lui pâle figure face aux aventuriers de l’espace. Il se passionne pour les histoires de Captain Video et de Flash Gordon, mais sa fascination se porte surtout sur Rocky Jones, Space Ranger, une série narrant les aventures d’un policier spatial chargé de maintenir l’ordre et la paix à travers le système solaire. Le jeune Martin développe aussi un goût très prononcé pour les films de monstres et les récits d’épouvante. Il y est initié par les longs-métrages d’Universal Pictures et de la Hammer passant à la télévision. Son trio de croque-mitaines préférés sont le Loup-Garou, Dracula et Frankenstein. Les séries aussi lui procurent sa dose de frissons avec La Quatrième Dimension, Alfred Hitchcock présente et Thriller, émission animée par Boris Karloff. Au cinéma, il regarde les grands classiques de la science-fiction des années 1950, comme Le Jour où la Terre s’arrêta (1951), La Guerre des mondes (1953) et Planète interdite (1956). Il découvre certains grands classiques, comme les romans d’H. G. Wells, par le biais de versions illustrées.

    Un cadeau offert par une amie d’enfance de sa mère vient cependant tout chambouler. Pour son dixième Noël, elle lui offre Le Vagabond de l’espace de Robert Heinlein, que Martin comparera rétrospectivement à du crack pour l’enfant qu’il était. Réclamant d’autres doses, il lit compulsivement tous les romans de Heinlein qu’il peut trouver (ce qui l’oblige à économiser sur son budget consacré aux comics et aux barres chocolatées). Cet appétit l’amène vers toute une littérature de science-fiction qu’il dévore avec ferveur. Quoi de plus logique ? Après tout, ses « illustrés chéris » flirtaient déjà avec ce genre, entre Superman le Kryptonien, Martian Manhunter, et Green Lantern le héros galactique !

    Le monde amateur des fanzines

    Martin entre à la Marist High School, un établissement privé catholique pour garçons où il passe tout son secondaire. Ses rêves d’étoiles font rire ses camarades lorsqu’on lui demande ce qu’il voudrait faire plus tard. Atterré, il décide de faire preuve de plus de réalisme et se renseigne sur le métier d’auteur, mais le rapport travail/salaire le fait très vite déchanter. Pourtant, écrivain professionnel, voilà une perspective qui lui plaît. S’il ne peut pas réellement voyager dans l’espace, il partira grâce à sa plume. Ce revirement, il le doit à un coup du hasard. Il reçoit en 1963 une lettre-chaîne lui promettant de gagner 64 dollars s’il envoie 25 cents au premier nom de la liste fournie. Le jeune George ne gagne rien, mais il reçoit un fanzine² amateur. Il est possible que la personne à qui il avait envoyé sa lettre l’ait prise pour une commande. Fasciné par ce travail amateur, plein de textes et de dessins aux qualités approximatives, d’articles et de héros inconnus, il en commande d’autres, se plongeant totalement dans le fandom³ de comics des années 1960. Il produit lui-même trois histoires mettant en scène Garizan, le Guerrier de métal, un cerveau en bocal usant d’un corps robotique pour combattre le crime, qu’il envoie à un fanzine peu réputé. Son éditeur accepte avec joie, mais celui-ci disparaît dans la nature avec les aventures de Garizan, dont Martin n’avait conservé aucune copie.

    Le garçon ne se décourage pas et écrit les aventures de Ray Manta, un super-héros nocturne, ersatz de Batman qui combat les malfaiteurs avec son fouet. Il envoie sa première histoire au fanzine Ymir, qui commence à peine sa publication. Le rédacteur fait un très bon accueil à cette nouvelle, où Ray Manta affronte le Bourreau, un terrible criminel dont le pistolet tire des lames de guillotines. En 1965 paraît ainsi, dans le numéro 2 d’Ymir, la première nouvelle écrite par George R. R. Martin, inaugurant sa carrière d’écrivain en herbe. Il donne une suite aux aventures de Ray Manta et écrit une histoire plus longue que la première. On décide d’en faire une série, mais malheureusement, Ymir cesse sa publication avec le numéro 5. Martin n’ayant toujours pas effectué de copie, Ray Manta rejoint Garizan dans les limbes de l’oubli.

    Néanmoins, il ne se décourage pas et participe tout au long de sa scolarité au monde bouillonnant des comics amateurs. Il crée une histoire pour le moins originale, celle d’un super-héros à skis combattant des communistes – c’était dans l’air du temps –, et doté de bâtons équipés de mitraillettes et de lance-flammes. Il l’intitule The Strange Saga of White Raider et y dévoile déjà un goût prononcé pour les personnages aux destins tragiques. Il le propose à Star-Studded-Comics (SSC), l’un des fleurons des magazines de bande dessinée amateurs. Son texte est refusé, ne correspondant pas à la ligne éditoriale de la revue, qui préfère tirer profit de ses personnages existants. Toutefois, l’un des éditeurs le remarque et lui propose de l’insérer dans son fanzine personnel, ce que Martin accepte. Parmi les histoires qu’il y écrit, celles mettant en scène le docteur Weird, dont Y a que les gosses qui ont peur du noir⁴, se démarquent. Pour elle, il reçoit un Silver Alley, un prix réservé aux meilleures publications amateurs. Si les Alley Awards n’ont rien d’officiel, et disparaissent peu de temps après, le jeune écrivain tire tout de même une grande satisfaction de la reconnaissance de ses pairs.

    Explorer un nouveau continent

    1963 représente, a posteriori, une année charnière dans la vie de George R. R. Martin. En plus d’entrer dans l’univers des fanzines, ce qui le pousse à écrire, il se plonge dans un genre de la littérature qu’il a encore peu exploré. En décembre est publiée une anthologie de fantasy⁵ nommée Sword and Sorcery. Tel un navigateur mettant pour la première fois pied sur des rivages inconnus, il découvre alors un nouveau continent de l’imaginaire. Il tombe sur les noms de Clark Ashton Smith, Lord Dunsany, Howard P. Lovecraft, Fritz Leiber, et surtout rencontre Conan le Cimmérien, ce héros aussi sombre et violent que mélancolique, « qui foule de ses sandales les trônes constellés de joyaux de la Terre⁶ ». Bien que ce dernier lui procure un frisson semblable aux voyages galactiques de Heinlein, les univers de Robert E. Howard et d’autres auteurs dont il estime tout autant le travail ne créent pas chez lui la même effervescence que la science-fiction. L’explication est très simple : si la fantasy est pour lui une révélation, son exploration est loin d’être aisée.

    En effet, dans les années 1960, la science-fiction règne au sein de la production littéraire liée à l’imaginaire. Les magazines publiant de la SF dominent le marché, le plus célèbre étant Astounding Science Fiction, qui existe depuis les années 1930 (et qui paraît encore aujourd’hui sous le nom d’Analog Science Fiction and Fact). Il en est de même du côté des romans. Certains auteurs s’essayent à la fantasy, mais comme le dit si bien Martin, ils « s’adonnaient à la fantasy à petite dose : ils voulaient payer leur loyer et manger ». Il faut bien comprendre que nous nous trouvons alors en pleine guerre froide et que les États-Unis et l’U.R.S.S. s’affrontent notamment à travers la conquête spatiale. Youri Gagarine vient juste de devenir le premier homme envoyé dans l’espace et le rêve de marcher sur la Lune devient de plus en plus concret. L’humanité a les yeux tournés vers les étoiles, et on rêve d’un futur peuplé d’explorations spatiales et de technologies encore inconnues. Cette même décennie, en 1966, est diffusée la première saison de la série de SF culte, Star Trek. Cette fiction du futur, avec ses voyages intergalactiques, ses mondes exotiques, ses robots de chrome et ses peuples étranges fascine un public toujours plus nombreux. Ainsi, les revues privilégient avant tout les récits de science-fiction, qui restent un terreau extrêmement fertile pour l’imaginaire du jeune Martin. La fantasy ne fait alors que surnager, et c’est avec parcimonie que les auteurs s’y engouffrent. Les magazines de fantasy, dans cette logique, trouvent souvent un destin tragique et prématuré, à moins de proposer de la science-fiction en parallèle.

    Notre écrivain en herbe se voit alors contraint de se tourner vers les récits d’amateurs. Si les fanzines publient généralement des histoires de super-héros ou de SF, l’un d’eux, du nom de Cortana, propose enfin à ses lecteurs une dose de fantasy. Contrairement aux autres revues, qui font la part belle à la bande dessinée, celle-ci met l’accent sur les productions littéraires, accompagnées d’illustrations ou d’articles sur les grandes figures du genre, Conan en tête. En parallèle de ses productions pour SSC, Martin, toujours au lycée, y soumet son premier récit de fantasy depuis ceux qu’il avait imaginés durant l’enfance sur le château des tortues. Il s’agit de Dark Gods of Kor-Yuban, sa plus longue histoire à ce jour. Dans cette aventure, le prince exilé R’hllor de Raugg et son compagnon de voyage Argilac l’Arrogant partent à l’assaut de sombres divinités. Malheureusement, une fois n’est pas coutume, Cortana cesse ses activités avant la publication de la nouvelle et Martin n’en avait fait aucune copie. Il tentera plus tard, à la fac, de donner une suite aux aventures de R’hllor de Raugg, qui cette fois-ci visitera l’empire de Dothrak et se joindra à Baron la Lame Sanglante pour venger son grand-père, Barristan le Hardi. Il abandonnera son texte au bout de vingt-trois pages, mais le lecteur attentif peut remarquer que R’hllor, Argilac⁷, Dothrak et Barristan le Hardi ne sont pas tombés dans l’oubli. Dans ces textes séminaux, on trouve des noms qui peupleront plus tard l’univers de Westeros.

    Dans un numéro de Cortana, Martin lit un article intitulé « Don’t Make a Hobbit of it⁸ », où il découvre l’œuvre d’un estimable professeur anglais d’Oxford du nom de J. R. R. Tolkien. Si la fantasy reste un genre particulièrement confidentiel, tout change avec l’arrivée rocambolesque sur le territoire américain d’une bande de semi-hommes aux pieds poilus devant détruire un anneau pour contrecarrer un seigneur des ténèbres. La publication « pirate » du Seigneur des Anneaux en 1965 par Ace Book, profitant d’une faille juridique concernant les droits d’auteur en format de poche bon marché, fait l’effet d’un séisme aux États-Unis. Martin découvre la trilogie à travers cette édition, qui le subjugue en même temps qu’elle l’impressionne. L’œuvre de Tolkien constitue au milieu de cette décennie une véritable révolution ouvrant enfin les vannes de la fantasy. Lancer Books, inspiré par le succès retentissant du Seigneur des Anneaux, réimprime alors la saga Conan de Howard en l’accompagnant des iconiques couvertures dessinées par Frank Frazetta. En 1969, l’éditeur Ballantine Books lance quant à lui sa collection Ballantine Adult Fantasy, qui vient remettre en avant de très nombreux classiques du genre. La fantasy a enfin trouvé une place d’honneur dans la littérature imaginaire américaine.

    Les années fac

    La carrière à succès d’écrivain de Martin reste encore à venir. Il finit ses études au lycée et entre en 1966 à la très prestigieuse Medill School of Journalism, à l’université de Northwestern, réputée pour être une des meilleures écoles de journalisme du pays. L’enfant de Bayonne, toujours resté dans son New Jersey natal, déménage alors dans l’Illinois et commence une nouvelle vie. Il prend comme option l’histoire et, en deuxième année, s’inscrit à un cours sur la littérature scandinave, qu’il découvre avec enthousiasme. Il écrit La Forteresse, une nouvelle inspirée du poème Sveaborg de Runeberg, et la propose à son professeur en lieu et place d’une dissertation sur le sujet (comme ils en avaient convenu). Très impressionné, ce dernier propose le texte à l’American-Scandinavian Review, qui le refuse car jugé trop long. Cependant, son rédacteur en chef prend le temps d’accompagner ce refus d’une lettre vantant la qualité de la nouvelle. Il s’agit là de l’une des rares productions de Martin à cette époque, son activité littéraire au sein de la création amateur diminuant en raison du temps qu’il consacre à ses études.

    En parallèle de ses cours, il entre dans l’atelier d’écriture de son école, mais la tendance moderniste de ses condisciples et leur prétention intellectuelle l’ennuient très vite. Si eux rêvent de publier dans de prestigieuses revues littéraires, lui caresse l’espoir de paraître dans des périodiques de science-fiction comme Astounding Science Fiction ou Playboy⁹. Malheureusement, ce rêve semble bien loin. Les quelques nouvelles qu’il écrit et souhaite faire publier reçoivent pour la plupart des refus de la part de ces magazines. La tradition veut alors que l’on tente d’abord d’envoyer ses productions aux revues les plus prestigieuses, et qu’au fil des refus, on s’oriente petit à petit vers des publications de moindre qualité. L’une de ces nouvelles, The Added Safety Factor, subit pas moins de trente-sept refus. Une autre, Le Héros¹⁰, est rejetée par Playboy et Analog, et n’apporte aucun retour de chez Galaxy… pour le moment, du moins.

    À la période estivale, Martin rentre dans sa Bayonne natale pour son job d’été. Il loge chez ses parents, d’où il officie comme journaliste sportif et chargé des relations publiques dans le service de la jeunesse et des sports. Au mois d’août 1970, avec son bachelor en poche, il décide, entre deux articles sur les équipes de baseball locales (dont il ne voyait aucun match), de s’enquérir auprès de Galaxy du destin de la nouvelle qu’il avait envoyée voilà maintenant un an. Il découvre avec stupeur que son récit a bien été acheté, mais que le contrat et le manuscrit semblent avoir été égarés derrière un classeur. Après ce rebondissement inespéré, on lui annonce que sa nouvelle sera bien publiée. Une véritable aubaine qui lui rapporte un chèque de 94 dollars et qui, surtout, apparaît pour lui comme une consécration en tant qu’écrivain professionnel. « Dans un univers parallèle quelconque, nul n’a jamais jeté un coup d’œil derrière ce classeur, et je suis journaliste¹¹. »

    À la fin de sa cinquième année de cursus, il part à Washington faire son stage de journalisme au Congrès. Il y arpente les allées du pouvoir, découvre le fonctionnement de son métier, assiste aux conférences dans l’espace presse, et rédige de nombreux articles sur des personnalités politiques. Nous sommes au printemps 1971 et l’ambiance à la capitale fédérale se révèle agitée. L’administration Nixon est enlisée au Vietnam et secouée par des scandales successifs, dont le plus important est alors la publication des Pentagon Papers par le New York Times et le Washington Post. Il s’agit d’un rapport accablant de plusieurs milliers de pages, condensant la totalité des actions et stratégies américaines au Vietnam, dont les très nombreux mensonges des différentes administrations. L’Amérique connaît alors une crise de foi dans ses dirigeants sans précédent. Si Martin prend à bras le corps son stage, il en profite néanmoins pour participer à sa première convention de science-fiction au Sheraton Park Hotel. Il y fait la connaissance de Gardner Dozois, auteur comme lui, avec qui il entretiendra une longue amitié jusqu’à sa mort en 2018.

    Le tournant de l’été 1971

    Concluant sa scolarité à Northwestern et diplômé de l’une des plus grandes écoles de journalisme du pays, le jeune George R. R. Martin pense se trouver au seuil d’un avenir radieux. Hélas, il ne trouve aucun travail malgré la multiplication des entretiens et des envois de CV. Caressant toujours l’idée de raconter des histoires de super-héros, il en transmet même une à Marvel Comics, mais ne reçoit aucune réponse. Contraint de retourner chez ses parents durant l’été 1971, il connaît une période de chômage ; le journal local accepte bien de l’engager, mais propose une rémunération si dérisoire qu’il refuse. Il se retrouve finalement, comme les étés précédents, à commenter la saison de baseball. Pire encore, le spectre de la guerre du Vietnam le rattrape et son numéro est tiré. Bientôt, il devra prendre les armes et rejoindre le front, comme des milliers de jeunes Américains avant lui. Opposé à cette guerre injuste¹², il demande une objection de conscience au conseil de révision local et accompagne sa lettre de sa nouvelle Le Héros. Attendant avec angoisse la réponse, il est pris d’une frénésie créative, comme pour mettre une distance entre lui et le réel. Il écrit cet été-là sept nouvelles, dont Il y a solitude et solitude et Au matin tombe la brume. Ces dernières lui apparaissent comme très différentes des précédentes. La première lui paraît plus aboutie, délaissant l’action pour mettre l’accent sur l’atmosphère. Selon lui, la seconde se démarque particulièrement, lui apparaît même comme un tournant dans sa production. Elle se montre plus viscérale, plus forte, et finalement plus personnelle : « Mes nouvelles antérieures venait du cerveau. Celle-ci, du cœur et des couilles¹³. »

    Sa demande d’objection de conscience, à sa grande surprise, aboutit. Il ne partira finalement pas au Vietnam et se contentera de deux ans de service civil pour la VISTA¹⁴ à Chicago. Il racontera, bien des années plus tard dans une interview, qu’il avait appris que le conservatisme de son bureau de recrutement était tel qu’on jugeait son statut d’objecteur de conscience comme un déshonneur et une punition à même de ruiner la vie de ces traîtres de pacifistes en jetant sur eux une honte indélébile. Martin, lui, s’en remet assez facilement. Il envoie ses productions estivales à différents magazines et finit par toutes les faire publier. Il décroche toutefois le Saint Graal avec ses deux meilleurs travaux de l’été 1971. Ayant confiance dans ces deux textes, il les transmet à Analog, qui vient alors de changer de direction et de ligne éditoriale. Si le défunt rédacteur en chef, John W. Campbell, figure historique du magazine, défendait une ligne très classique, son remplaçant Ben Bova est bien décidé à apporter un nouveau souffle. Il y a solitude et solitude est publiée en 1972, et Au matin tombe la brume, en mai 1973. Cette dernière est nommée pour les prix Nebula et Hugo, les plus réputés dans ce domaine. Bien que Martin ne gagne pas, cela le conforte dans son choix de carrière. C’est à partir de cet instant qu’il revendique avec fierté le titre d’écrivain.

    George R. R. Martin, écrivain

    Les seventies apparaissent comme la consécration pour Martin en tant qu’auteur. Alors qu’il achève son service civique, il devient un régulier d’Analog durant la période Ben Bova, avec qui il entretient de très bons rapports. S’il peut, depuis Au matin tombe la brume, prétendre faire partie du club des perdants du prix Hugo, il perd sa place lors de la Convention mondiale de 1975 à Melbourne. Sa première novella¹⁵ publiée chez Analog, Une chanson pour Lya, remporte le prix¹⁶, le faisant entrer dans la cour des grands. Il publie durant cette décennie de très nombreuses nouvelles et novellas, dont beaucoup éditées par Analog. Il vend ses écrits à d’autres magazines et participe à plusieurs anthologies. Après son service civique, il donne des cours d’échecs le week-end pour compléter ses revenus, mais son mariage en 1975 avec Gale Burnick le pousse à changer de vie. Aidant à financer les études de sa femme, il prend un poste de professeur en journalisme au Clark College, à Dubuque dans l’Iowa. Il y restera quatre années, jusqu’à son divorce en 1979.

    Durant cette période, il publie plus d’une vingtaine de récits, dont plusieurs seront nommés aux prix Hugo et Nebula. On y retrouve les appétences qui ont forgé son imaginaire durant sa jeunesse. S’il écrit essentiellement de la science-fiction, il produit aussi de la fantasy et de l’horreur, quand il ne s’essaye pas à mélanger le tout. En effet, Martin est un auteur qui n’a cure du genre qu’il investit. Science-fiction, horreur, fantasy, tout cela ne représente pour lui que des étiquettes. Il se sent à l’étroit dans ces catégories. Il en a d’ailleurs beaucoup souffert durant sa carrière. Certains refus qu’il a essuyés se justifiaient en arguant que cela ne correspondait pas à la ligne éditoriale, que ce n’était « pas assez science-fiction », par exemple. Cette hyperspécialisation autour d’une conception rigide des genres, voilà le principal obstacle qu’il a dû surmonter. John W. Campbell, l’ancien chef éditorial d’Analog, faisait partie des gardiens du temple, à la conception étriquée de ce que devait être une bonne science-fiction. La souplesse et la fraîcheur de son successeur, Ben Bova, sont sûrement ce qui a permis à Martin de s’affirmer en tant qu’auteur. Pour lui, peu importe l’étiquette. Après tout, on peut trouver de la fantasy dans la science-fiction, de la science-fiction dans la fantasy, et les deux peuvent très bien se mêler à un récit d’horreur. Il faut, pour Martin, décloisonner les genres pour avant tout tenter de raconter une bonne histoire : « Nous pouvons échafauder toutes les définitions possibles de la SF, du fantastique, de la fantasy ou de l’horreur. Nous pouvons tracer les frontières, apposer des étiquettes, mais en fin de compte, c’est bien toujours la même histoire, celle du cœur humain en conflit avec lui-même. Le reste, mes amis, n’est que du mobilier¹⁷. »

    En 1979, il propose Les Rois des sables, qui gagne successivement les prix Hugo, Nebula et Locus. S’il ne cesse jamais d’écrire des nouvelles pour des magazines ou des anthologies, il s’essaye au roman long et publie successivement L’Agonie de la lumière, Le Volcryn, Riverdream¹⁸ et Armageddon Rag. Le troisième, publié chez Poseidon Press, est un mélange entre roman historique sur des bateaux à vapeur du Mississipi post-guerre de Sécession et récit d’horreur avec des vampires. Il remporte un très vif succès auprès du public. Ce n’est malheureusement pas le cas du quatrième, Armageddon Rag, qui, s’il reçoit un accueil plutôt élogieux de la critique et gagne même quelques nominations, est clairement boudé par le public. Ce roman, entre polar et fantastique dans le milieu du rock underground, se montre cette fois-ci peut-être trop hybride. Les ventes sont si catastrophiques que son agent de l’époque, Kirby McCauley, n’arrive pas à vendre son cinquième roman en préparation.

    En 1979, après son divorce avec Gale Burnick, Martin emménage à Santa Fe pour se consacrer à l’écriture. Il n’y connaît personne, excepté l’écrivain Roger Zelazny, de onze ans son aîné, et encore : que de vue et de réputation. Il est comme lui un enfant de cette culture des fanzines et un écrivain reconnu lauréat de plusieurs prix Hugo, Nebula et Locus (il arriva ex aequo en 1966 avec le Dune de Frank Herbert pour Toi, l’immortel). Zelazny prend son cadet sous son aile et l’emmène à Albuquerque tous les premiers vendredis du mois pour déjeuner avec d’autres collègues écrivains avec qui il se lie d’amitié. Martin commence aussi à fréquenter le club de science-fiction d’Albuquerque, où il rencontre d’autres auteurs et écrivains amateurs. Sous l’impulsion de sa nouvelle compagne, Parris McBride, il participe même à des sessions de jeu de rôle, quelque chose de nouveau pour lui. Il découvre avec ravissement Donjons et Dragons et surtout L’Appel de Cthulhu par Chaosium¹⁹, adapté des nouvelles horrifiques de H. P. Lovecraft. Rien d’étonnant dans ce tournant rôliste tardif : quand on reprend son parcours, Martin est le modèle même du « geek » de sa génération. En 1983, un ami lui offre SuperWorld, un jeu basé sur un univers de super-héros, ce qui réveille en lui l’enfant fan des comics Marvel et DC qui collectionnait les « illustrés ». SuperWorld devient alors l’occupation principale de son groupe de jeu de rôle. Au fil des parties lui vient une idée : proposer une anthologie basée sur les personnages créés lors de leurs périples, en construisant un univers partagé où plusieurs auteurs pourraient ajouter leur pierre à l’édifice. En plus de ces joueurs, il convie d’autres écrivains à la fête, dont Zelazny. Jouant les chefs d’orchestre pour plus d’une quinzaine d’auteurs, Martin chapeaute un projet littéraire aussi jouissif qu’ambitieux et fait publier en 1987 trois anthologies d’une série baptisée Wild Cards. Cette aventure s’étendra sur plusieurs décennies, malgré quelques hiatus. Encore aujourd’hui, il continue d’éditer la série, même s’il n’y contribue plus, occupé qu’il est par d’autres projets. Elle compte maintenant trente-deux tomes et réunit les contributions de pas moins de cinquante-trois auteurs.

    Le pays de l’ombre et de la substance

    Revenons deux années en arrière. Nous sommes en 1985 et le projet Wild Cards n’en est qu’à ses balbutiements. Martin termine d’écrire des nouvelles pour une anthologie de science-fiction centrée sur Haviland Tuf, ingénieur écologue excentrique voyageant à travers la galaxie en buvant du vin de champignon et accompagné de son chat télépathe, dont les aventures ont commencé en 1976 dans Une bête pour Norne. Il publie cette année-là un premier recueil chez Baen Books sous le titre Le Voyage de Haviland Tuf, qui remporte encore une fois un vif succès, mais la plupart de ces nouvelles remontent déjà à plusieurs années, et personne ne veut entendre parler de son cinquième roman. Le désamour du lectorat pour Armageddon Rag semble avoir mis sa carrière au point mort à 37 ans, malgré une base de fans fidèles qui ont adoré le livre. C’est grâce à l’un d’eux que vient le rebond.

    Philip DeGuere est alors créateur d’une série policière à succès, Simon et Simon, pour la chaîne CBS, et partage avec Martin le même agent. Lorsqu’on lui présente Armageddon Rag, il le lit et en tombe aussitôt amoureux, fan inconditionnel de rock qu’il est. Dès la lecture terminée, il contacte l’auteur et le fait venir à Los Angeles pour discuter d’une possible adaptation cinématographique. DeGuere voit grand, voulant lui-même scénariser et réaliser le film en y incluant des séquences de vrais concerts de Grateful Dead, l’un de ses groupes préférés. Aucune de ses versions n’obtient toutefois la faveur des studios. À défaut d’une adaptation en film, Martin gagne un chèque, et surtout une relation de travail particulièrement fructueuse. Les deux hommes s’apprécient et se respectent, au point que DeGuere l’appelle pour venir travailler sur son nouveau projet, une relance de la série d’anthologie fantastique La Quatrième Dimension (4D2). Connaissant la réputation du monde hollywoodien, l’auteur hésite, mais DeGuere finit par le convaincre en offrant à sa compagne et lui un accès illimité aux coulisses des concerts de Grateful Dead. Lui, l’enfant de la télé des années 1950, va désormais travailler à la résurrection de l’un de ses programmes le plus emblématiques.

    DeGuere lui propose de puiser dans certains de ses écrits pour en faire des épisodes et lui confie plusieurs scripts, dont beaucoup adaptés de nouvelles d’autres auteurs. Martin travaille alors de concert avec Harlan Ellison, un écrivain de dix ans son aîné, mais à la carrière similaire. Ce dernier quitte rapidement le projet, après que l’un de ses scénarios s’est vu plusieurs fois retoqué par les censeurs trop frileux de CBS. Après son départ, DeGuere demande à Martin, qui vit toujours à Santa Fe, de le rejoindre pour combler le trou laissé par Ellison. L’auteur intègre officiellement l’équipe à la fin de la première saison en qualité de staff writer. Il travaille sur plusieurs scénarios adaptés de nouvelles, dont Le Dernier Chevalier, tiré d’un récit de son ami Roger Zelazny, qu’il consulte régulièrement à propos des modifications. Si retravailler ses scripts ne le dérange pas, Martin se sent pourtant à l’étroit avec les limitations qu’impose une production télévisuelle. Par exemple, quand il imagine une grande bataille entre deux armées à Stonehenge, on lui demande de choisir : « Tu peux avoir les chevaux ou tu peux avoir Stonehenge. Tu ne peux pas avoir les chevaux et Stonehenge. »

    Le Dernier Chevalier vient conclure la saison 1 de 4D2. Pour la seconde, Martin est promu chef scénariste et partage sa vie entre Santa Fe et Los Angeles. Il écrit plusieurs scripts, mais les épisodes sont trop longs pour la chaîne CBS, qui demande de revenir à l’ancien format de la série. Plusieurs segments se retrouvent tronqués pour être réunis en un épisode. J’étais au Canada, réalisé par Wes Craven, jugé très prometteur par tous ceux qui avaient travaillé dessus, se retrouve profondément mutilé dans son montage final. Les audiences ne décollent pas, et finalement CBS met fin à 4D2 à la fin de sa seconde saison.

    Alors que Martin pense son éphémère carrière à Hollywood terminée, on le contacte pour participer à d’autres séries. Son travail sur 4D2 attire notamment l’attention de Ron Koslow, créateur d’un nouveau programme fantastique intitulé Beauty and the Beast, qui déplace l’intrigue du célèbre conte dans le New York des années 1980. Nous sommes alors en 1987. Enthousiasmé par la cassette que lui envoie Koslow, Martin rejoint l’équipe créative et reste sur la série durant ses trois années de diffusion, enchaînant différents postes, de scénariste à producteur. Cette œuvre remporte à l’époque un vif succès critique et reçoit deux fois une nomination pour la meilleure série dramatique aux Emmy Awards. Si Beauty and the Beast s’achève prématurément avec sa saison 3, Martin dispose à présent d’une solide réputation dans le milieu. Assez, pense-t-il, pour proposer sa propre création. Il écrit plusieurs projets, mais aucun n’aboutit. Seule Doorways, une série sur des voyageurs à travers les mondes parallèles, atteint le stade de pilote chez ABC. Malgré les concessions de Martin, son script initial est jugé trop coûteux et trop lugubre, avec son monde post-apocalyptique hivernal. Le projet est stoppé net après un changement de direction au sein de la chaîne. À la suite de cet échec, l’auteur quitte (définitivement, croit-il) Hollywood en 1994 pour se consacrer à d’autres projets. Il souhaite finir un roman de fantasy dont il a déjà écrit une centaine de pages en 1991, lors d’une pause, avant de le remiser dans un tiroir. Une histoire bercée par des neiges d’été.

    Thrones

    1. MARTIN G. R. R., R.R.Étrospective, Pygmalion, DL 2017. Vous trouverez dans ce très épais volume un recueil sans précédent des nouvelles publiées par Martin au long de sa carrière, dont beaucoup sont citées ici. Cette anecdote, comme beaucoup d’autres dans ce chapitre, est racontée par l’auteur lui-même.

    2. Ce terme est une contraction de fanatic magazine. Il s’agit d’une publication amateur très souvent autoéditée et distribuée en dehors des circuits classiques.

    3. Le terme fandom, contraction de fanatic domain, désigne un domaine précis autour duquel les gens se regroupent. Il permet aussi de désigner une communauté qui se rassemble autour d’une œuvre précise.

    4. Disponible dans R.R.Étrospective.

    5. Le terme fantasy se comprend ici dans une acceptation très large, regroupant différents genres que nous avons l’habitude de distinguer entre eux. Nous reviendrons dans un prochain chapitre sur ces problèmes de définitions.

    6. HOWARD Robert E., « Chimère de fer dans la clarté lunaire », traduit par François

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