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Verbalisons: Metoo n'a pas mis un pied dans l'éducation nationale
Verbalisons: Metoo n'a pas mis un pied dans l'éducation nationale
Verbalisons: Metoo n'a pas mis un pied dans l'éducation nationale
Livre électronique133 pages2 heures

Verbalisons: Metoo n'a pas mis un pied dans l'éducation nationale

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À propos de ce livre électronique

C’est le récit d’un voyage effrayant dans l’univers absurde de l’Éducation nationale. Un monde à part, aux antipodes des valeurs que l’institution prétend défendre et où la hiérarchie est largement incompétente, mais toute-puissante. Prof lambda depuis cinq ans, la narratrice vit soudain une descente aux enfers après sa rencontre avec un inspecteur aux gestes déplacés qui, dans un second temps, détruira efficacement sa carrière. Lorsqu’elle prend l’initiative d’en informer l’administration, elle se retrouve face à une machine implacable qui est là pour soutenir à tout prix la hiérarchie et qui prend même le relais pour assurer un acharnement sans fin. Elle découvrira également que les syndicats sont totalement impuissants, voire se rangent du côté de l’administration. À la fin, ce sera une lutte pour réussir à en sortir vivante…


LangueFrançais
ÉditeurPublishroom
Date de sortie13 juin 2024
ISBN9782386251122
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    Aperçu du livre

    Verbalisons - Alva Eriksdotter

    PROLOGUE

    Le mot « verbaliser », utilisé de façon transitive, signifie selon le dictionnaire Larousse « formuler de vive voix ce qui était intériorisé ». J’ai compris l’importance vitale de la verbalisation à la suite du cauchemar invraisemblable que j’ai vécu dans l’Éducation nationale pendant cinq années, dans un univers où l’omerta règne en maître absolu derrière le vernis fragile de la bienveillance dont l’institution aime à se revêtir.

    C’est donc dans ces pages que je vais mettre des mots sur ce que ma hiérarchie m’a infligé : un acharnement interminable qui m’a valu des problèmes de santé permanents et qui a fini par m’obliger à quitter un travail que j’aimais pour me retrouver sans emploi à un moment où j’avais trois enfants à charge, dont deux étudiants.

    Avant que tout ceci n’arrive, j’étais une professeure lambda. Après dix années passées au sein d’un établissement bancaire, lasse de mon travail et animée par le désir de faire un métier plus chargé de sens, j’avais décidé de passer le concours de professeur d’anglais. Une fois le Capes obtenu, j’étais contente de mon changement de cap professionnel : être prof me convenait bien. Les débuts, pourtant, n’avaient rien d’idéal. C’était l’année où, sous la présidence de Nicolas Sarkozy, on avait décidé que les stagiaires qui débutaient dans le métier commenceraient directement avec dix-huit heures de cours, c’est-à-dire un plein-temps, avec quelques journées de formation seulement avant la rentrée − appelées à juste titre « kit de survie » par les formateurs − qui consistaient en quelques conseils sommaires en matière de pédagogie et de tenue de classe. Je n’étais pas avantagée par rapport aux autres stagiaires qui avaient pour la plupart fait une préparation à l’IUFM, l’Institut universitaire de formation des maîtres. Largement imparfaite, certes, cette première année de formation avait quand même permis aux autres stagiaires d’avoir quelques notions de pratique professionnelle, ce qui n’était pas mon cas : une fois le concours passé, hop, dans le grand bain sans formation aucune.

    Par chance, j’eus une très bonne tutrice, intelligente et bienveillante, et ma validation à la suite de l’année de stage se passa sans encombre. Comme beaucoup de profs débutants, je dus passer quelques années dans un établissement assez loin de mon domicile avant de pouvoir m’en rapprocher. Au bout de quatre ans, je décidai de m’attaquer au concours costaud du niveau au-dessus : l’agrégation. Via le concours externe, car je n’étais pas éligible aux épreuves internes avec leur programme allégé.

    Grâce à ma formation pluridisciplinaire et des séjours dans des pays anglo-saxons, je disposais d’une culture générale solide et d’un très bon niveau en anglais. Les écrits se passèrent bien et je redoublai d’efforts en vue de l’oral. C’était un véritable marathon qui m’attendait : trois journées blindées d’oraux en tous genres. Une épreuve quasiment physique, en tout cas psychologique. Je rentrai complètement éreintée.

    Le dernier jour de l’année scolaire, j’étais en réunion dans mon établissement quand mon mari m’appela pour me dire que les résultats venaient de tomber : j’avais été reçue à l’agrégation ! Du premier coup. Et avec un placement correct. J’étais aux anges et peinais à y croire. L’année se terminait décidément bien. Pas grave si j’étais crevée après une année exténuante à mener à bien mon travail à temps plein, l’agrégation et à côté de cela gérer la famille. Les vacances étaient au pas de la porte avec la légitime fierté d’avoir réussi un concours sélectif qui allait m’offrir de nouvelles perspectives de carrière : possibilité de postuler dans le supérieur ou sur des postes spécifiques tels que les classes prépa et un salaire plus élevé. Je me vois encore partir en vacances cet été-là : tout était soulagement, joie et promesses d’avenir.

    Ce furent les derniers bons moments qui allaient m’être accordés pendant bien des années. Si j’avais eu une idée de ce qui m’attendait, j’aurais renoncé. Mais il n’y a pas de retour en arrière et faute de mieux, on peut toujours se dire qu’on a appris des choses. Ce qui est certainement vrai et pas négligeable, humainement parlant. Ce qui ne vous tue pas vous rend plus fort. Encore faut-il survivre et c’est de cela qu’il s’agira ici.

    L’INSPECTEUR

    ou

    Une hiérarchie indigne

    À la rentrée, n’ayant pas de nouvelles, je fais un mail à l’inspecteur d’anglais pour savoir comment se déroulerait mon année de stage. Car je savais que je n’y échapperais pas : même si j’étais professeure certifiée depuis cinq ans, le passage d’un autre concours rend obligatoires un stage, des formations et une procédure de validation à la fin de l’année. Qui dit stage dit aussi un tuteur ou une tutrice. L’inspecteur me répond que j’aurai une formation interdisciplinaire de quatre jours, deux journées de formation propres à ma discipline et une tutrice pendant six mois, du mois d’octobre jusqu’au mois de mars, et une inspection en vue de la validation en fin d’année. Voilà la sauce à laquelle je devais être mangée. Pas bien méchant de prime abord.

    L’année scolaire débute et le temps passe vite. Juste avant les vacances de la Toussaint, à la mi-octobre, je fais connaissance avec la personne que l’inspecteur m’a désignée comme tutrice. Ariane est très jeune et avoue n’être professeure que depuis six ans, c’est-à-dire un an de plus que moi. À la fois visiblement flattée d’avoir été nommée tutrice, signe de reconnaissance de la part de la hiérarchie, mais aussi mal assurée devant cette tâche, elle ne m’inspire pas confiance. À l’âge qui est le mien, 45 ans, on sait en général que ce mélange de manque d’assurance et d’ego flatté est très dangereux chez une personne à qui on donne des responsabilités. Par trois fois, elle me demande si cela ne me gêne pas d’avoir une tutrice plus jeune que moi ; je la rassure en affirmant que ce n’est pas le cas : ma tutrice quand j’ai passé mon Capes était bien plus jeune que moi et cela n’avait pas posé de problème.

    Pourtant, sa personnalité m’inquiète bel et bien. Son discours et ses gestes sont contradictoires : elle affirme que son rôle est d’être présente afin que nous puissions « échanger autour de nos pratiques », mais en même temps elle cherche clairement à asseoir une autorité sur moi, voire à trouver des failles. Je sors de l’entrevue mal à l’aise.

    Je fais part de mes inquiétudes à mon mari en rentrant : cette tutrice doit rédiger un rapport sur moi à la fin de l’année. Professeur comme moi, Pierre est en plus responsable syndical depuis des années. Une partie de son travail consiste à conseiller et accompagner des professeurs en difficulté, notamment des stagiaires lors de leur titularisation. Je sais, pour l’avoir souvent entendu en parler, que des problèmes avec le tuteur ou la tutrice constituent la cause la plus fréquente de non-validation, plus que de réelles difficultés. Lorsqu’il avait appris le nom de ma tutrice de stage de Capes, qu’il connaissait un peu, il avait tout de suite déclaré que tout se passerait bien et il avait eu raison.

    Toutefois, quand je lui parle de mon appréhension, il secoue les épaules et m’explique que même si je ne passe pas une très bonne année, je n’ai pas trop de soucis à me faire : étant donné qu’on m’a déjà validée une première fois dans le cadre du Capes, il n’est en réalité pas possible de remettre en question une validation déjà faite. Bien. Juste une formalité. Pas de quoi en faire tout un plat. Un peu rassurée, je passe de bonnes vacances d’automne.

    Une semaine après la rentrée, Ariane vient assister à un de mes cours. Elle me donne un conseil ou deux, ensuite nous regardons ensemble les documents que je compte utiliser dans la séquence. Elle me demande de commencer avec un document culturel pour susciter l’intérêt des élèves et choisit un texte qui correspond à cette exigence. Je connais l’astuce et exprime mon accord sur le principe, mais j’ai des réserves sur le document qu’elle a sélectionné que j’estime trop difficile pour un début de séquence avec une classe que je sais très faible et j’ai un doute sur sa capacité à aiguiser la curiosité des élèves. Même si ma tutrice m’a affirmé qu’elle était là pour qu’on puisse échanger, elle ne s’attendait manifestement pas à ce que je formule des objections, même présentées de manière très polie et circonstanciée. Elle se crispe et me dit qu’il faut que je suive ses conseils si je ne veux pas avoir des problèmes avec la validation.

    Des problèmes avec la validation ? Je n’en reviens pas qu’elle se sente autorisée à le suggérer : elle n’a pas beaucoup plus d’expérience que moi de l’enseignement et elle a été parachutée tutrice très jeune après une seule journée de formation. Qu’est-ce qu’elle peut en savoir ?

    Une fois rentrée à la maison, le malaise ne me quitte plus. Une semaine plus tard, je dois aller observer ses cours. Ayant une matinée par semaine dégagée à cet effet, je me rends dans son établissement et j’assiste à trois cours. Il y a une ou deux activités qui me donnent quelques idées, mais je suis un peu époustouflée par son sans-gêne, car elle-même applique très peu ce qu’elle m’a conseillé de faire. D’après elle, il faut faire plus d’oral et notamment en interaction. Or au premier cours, seuls deux ou trois élèves avaient prononcé quelques mots en anglais et dans les autres, il n’y avait pas eu d’interaction. À la fin des trois heures, elle me demande ce que j’en pense. À en juger par son expression, elle s’attend à ce que je sois élogieuse. Je fais l’effort de trouver quelques mots positifs, mais elle est visiblement déçue par mon manque d’enthousiasme. Je prends alors mon courage à deux mains :

    –Il y a quelque chose que je voulais te dire par rapport à la dernière fois. Je ne me sentais pas très bien après notre entretien. Ce serait bien si on pouvait éviter de parler de problèmes de validation dès le début, il me semble. Ce n’est pas…

    –Alors là, je t’interromps tout de suite, lâche-t-elle avec autorité. Quand j’ai rencontré l’inspecteur qui m’a confié la mission d’être ta tutrice, il m’a dit qu’il y avait des choses qui n’allaient pas dans tes cours. Il y a beaucoup de progrès à faire, sinon tu auras des problèmes avec la validation.

    L’inspecteur. J’ai l’impression de sentir le sol se craqueler sous mes pieds. L’inspecteur lui a donc dit cela ? Je ne me souviens plus comment la discussion s’est terminée et comment je suis revenue à mon collège où je devais assurer deux cours l’après-midi. En arrivant, je m’effondre dans la salle des profs. Le chef d’établissement me trouve en train de pleurer et je lui fais donc part de l’échange avec ma tutrice. Il me demande si je veux qu’il appelle l’inspecteur. Après quelques secondes de réflexion, je décline : non, ce n’est pas la peine. Il essaie de me rassurer et met ma classe en permanence pour que j’aie le temps de me calmer. Je discute avec deux professeures de français qui tentent de me remonter le moral. L’une d’elles me demande si les cours de ma tutrice sont parfaits. Je réponds que non, mais que ce n’est pas du tout

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